Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 


Date : 20130925

Dossier : T-724-12

Référence : 2013 CF 985

Toronto (Ontario), le 25 septembre 2013

En présence de monsieur le juge Hughes

 

 

ENTRE :

 

NOVARTIS PHARMACEUTICALS

CANADA INC.

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

COBALT PHARMACEUTICALS COMPANY

et LA MINISTRE DE LA SANTÉ

 

 

 

défenderesses

 

 

et

 

 

 

 

 

NOVARTIS AG et

ROCHE DIAGNOSTICS GmbH

 

 

 

 

 

défenderesses/ titulaires de brevet

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande présentée en vertu des dispositions du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) DORS/93-133 (Règlement AC) par laquelle la demanderesse Novartis tente d’empêcher la ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité à la défenderesse Cobalt à l’égard d’un médicament contenant de l’acide zolédronique administré à raison d’une fois par année pour le traitement de l’ostéoporose chez l’humain jusqu’à l’expiration du brevet canadien numéro 2,410,201, le 18 juin 2021.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, je conclus que la demande est rejetée.

 

[3]               La table des matières qui suit renvoie aux numéros de paragraphe des présents motifs :

 

LES PARTIES

Paragraphes 4 à 8

LE BREVET 201, DANS SES GRANDES LIGNES

 

Paragraphes 9 à 14

LA PREUVE

Paragraphes 15 à 18

LES QUESTIONS EN LITIGE

Paragraphes 19 à 22

LE FARDEAU DE LA PREUVE

Paragraphe 23

OS - BISPHOSPHONATES

Paragraphes 24 à 30

LE BREVET 201, DANS SES DÉTAILS

Paragraphes 31 à 45

LES REVENDICATIONS DU BREVET 201 

Paragraphes 46 à 49

LA PERSONNE VERSÉE DANS L’ART

Paragraphes 50 à 55

L’INTERPRÉTATION DES REVENDICATIONS

 

Paragraphes 56 à 59

LA QUESTION NO 1 : L’ÉVIDENCE

Paragraphes 60 à 69

LA QUESTION NO 2 : LA MÉTHODE DE TRAITEMENT MÉDICAL

 

Paragraphes 70 à 101

LA QUESTION NO 3 : INSCRIPTION SUR UNE LISTE SOUS LE RÉGIME DU RÈGLEMENT AC

 

Paragraphes 102 à 110

CONCLUSIONS ET DÉPENS

Paragraphes 111 et 112

 

LES PARTIES

[4]               La demanderesse, Novartis Pharmaceuticals Canada Inc. (Novartis), correspond à la « première personne » dans le Règlement AC. Elle a été autorisée par la ministre de la Santé, au moyen d’un avis de conformité, à commercialiser au Canada un médicament contenant de l’acide zolédronique (aussi appelé zolédronate) administré une fois par année pour le traitement de l’ostéoporose chez l’humain. Novartis vend ce médicament sous la marque nominative ACLASTA. Elle a inscrit le brevet canadien 2,401,201 sur une liste, pour inscription au registre, conformément aux dispositions du Règlement AC.

 

[5]               La défenderesse Cobalt Pharmaceuticals Company (Cobalt) correspond à la « seconde personne » dans le Règlement AC. Elle tente d’obtenir de la Ministre, au moyen d’un avis de conformité, l’autorisation de commercialiser au Canada une version générique du médicament ACLASTA de Novartis.

 

[6]               La ministre de la Santé (la Ministre), défenderesse, s’est vu remettre les documents pertinents dans la présente instance, mais n’y a joué aucun rôle actif. Selon le Règlement AC, la Ministre doit s’acquitter de diverses tâches, dont la délivrance, ou non, d’un avis de conformité dans les circonstances appropriées.

 

[7]               La défenderesse Novartis AG est inscrite comme titulaire du brevet en litige, mais n’a joué aucun rôle actif dans la présente instance.

 

[8]               La défenderesse Roche Diagnostics GmbH n’a joué aucun rôle actif dans la présente instance.

 

LE BREVET 201, DANS SES GRANDES LIGNES

[9]               Le brevet canadien 2,410,201 (le brevet 201) a été délivré à la défenderesse Novartis AG le 26 octobre 2010. La demande de brevet a été déposée au Bureau canadien des brevets conformément aux dispositions du Traité de coopération en matière de brevets (le PCT) en vigueur le 18 juin 2001. Étant donné que la demande a été déposée après le 1er octobre 1989, les dispositions de la « nouvelle » Loi sur les brevets, LRC 1985, ch. P­4, s’appliquent au brevet.

 

[10]           La demande de brevet portait revendication de priorité sur la base de demandes déposées auprès du United States Patent Office le 20 juin 2000 et le 9 février 2001.

 

[11]           La demande de brevet a été rendue publique (date de publication) le 27 décembre 2001.

 

[12]           Les inventeurs nommés au brevet 201 sont Peter C. Richardson, Zebulun D. Horowitz et Ulrich Trechsel. L’un d’eux, Richardson, a produit un témoignage dans la présente instance.

 

[13]           Le brevet 201, à moins qu’il ne soit déclaré invalide dans une instance autre que celle‑ci, expirera vingt (20) ans après sa date de dépôt au Canada, soit le 18 juin 2021.

 

[14]           Le brevet renferme 41 revendications. Lors de l’audience, l’avocat de Novartis n’a plus invoqué les revendications 37 à 41 (lesdites revendications de « trousse »), et elles ne sont donc plus en litige.

 

LA PREUVE

[15]           Comme c’est généralement le cas dans ce type d’instance, la preuve était constituée d’affidavits et de transcriptions de contre-interrogatoires basés sur ces affidavits, en plus des pièces à conviction identifiées.

 

[16]           La demanderesse a déposé les affidavits des témoins suivants :

 

                              1.      Peter Richardson de Fort Worth, au Texas : Il était un témoin des faits et, en sa qualité d’inventeur nommé du brevet 201, il a fourni un témoignage concernant la recherche et développement ayant mené au brevet et entourant ce dernier. Il a été contre-interrogé.

 

                              2.      Dre Nora Zorich de Cincinnati, en Ohio : Elle a agi à titre de témoin expert, et Cobalt n’a pas contesté son expertise. Elle a travaillé chez Proctor & Gamble de nombreuses années à mettre au point des médicaments à base de bisphosphonate pour le traitement des maladies osseuses. Depuis qu’elle a pris sa retraite, en juin 2012, elle travaille comme consultante indépendante dans le domaine des produits pharmaceutiques, des médicaments en vente libre et des suppléments alimentaires. Elle a traité de la question de l’évidence et de la méthode de traitement médical relativement au brevet 201. Elle a été contre-interrogée.

 

                              3.      Frank H. (Hal) Ebetino de Venice, en Floride : Il a agi à titre de témoin expert, et Cobalt n’a pas contesté son expertise. Il dit posséder une expertise et une vaste expérience dans la découverte et le développement de bisphosphonates. Il a commencé à travailler avec les bisphosphonates chez Proctor & Gamble dans les années 1980. En 2010, il a déménagé en Irlande afin de diriger le service de découverte de médicaments chez Warner-Chilcott. Depuis 2012, il possède son propre cabinet d’experts-conseils dans le domaine pharmaceutique. Il a été contre-interrogé.

 

                              4.      Erin McIntomny d’Ottawa, en Ontario : Elle est adjointe judiciaire et travaille au cabinet d’avocats représentant Novartis dans la présente instance. Son affidavit a servi à faire état de certains éléments de correspondance entre les avocats des parties. Elle n’a pas été contre-interrogée.

 

[17]           La défenderesse Cobalt a produit les affidavits des témoins suivants :

 

                              1.      Dr Terrance L. Baker de Kingsville, au Maryland : Il a agi à titre de témoin expert, et Novartis n’a pas contesté son expertise. Il exerce la médecine et se spécialise dans de nombreux domaines, dont l’ostéoporose, dans lequel il possède une vaste expérience. Il a traité du brevet 201, notamment à savoir si les revendications empiétaient sur sa compétence et son jugement comme médecin. Il a été contre‑interrogé.

 

                              2.      Dr William Singer de Port Credit, en Ontario : Il est médecin consultant honoraire à la Division d’endocrinologie et de médecine du St. Michael’s Hospital et médecin traitant au LMC Endocrinology Centre de Toronto. Il est aussi professeur agrégé de médecine à l’Université de Toronto. Il a agi à titre de témoin expert, et Novartis n’a pas contesté son expertise. Il a donné son opinion au sujet du brevet 201, notamment sur la question de l’évidence. Il a été contre-interrogé.

 

[18]           Il n’y a aucune ordonnance de confidentialité.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[19]           Au début des procédures, trois brevets étaient en litige. Cependant, par suite d’une ordonnance du protonotaire Tabib datée du 30 mai 2012, la présente instance, qui porte uniquement sur le brevet 201, a été entendue séparément des procédures relatives aux deux autres brevets.

 

[20]           Seule la validité du brevet 201 est en litige. La contrefaçon ne l’est pas. En ce qui concerne la validité, il y a deux questions à trancher :

 

                              1.      l’évidence;

 

                              2.      l’objet de l’invention est-il inadmissible à une protection par brevet – s’agit-il d’une méthode de traitement médical?

 

[21]           Une troisième question a surgi au cours des échanges des parties pendant l’exposé des arguments :

 

3.    Le brevet 201 peut-il être inscrit à bon droit sur une liste de brevets sous le régime du Règlement AC?

 

[22]           Novartis allègue qu’il est trop tard pour que Cobalt puisse présenter cet argument.

 

LE FARDEAU DE LA PREUVE

[23]           La question de savoir à qui incombe le fardeau de la preuve lorsque la validité d’un brevet est contestée dans une instance relative à l’AC a été traitée à de nombreuses reprises devant la Cour. En bref, un brevet est présumé valide sauf preuve contraire (Loi sur les brevets, p. 43(2)). La partie qui allègue une invalidité (en l’espèce Cobalt) a le fardeau de produire une preuve étayant ses allégations. Une fois la preuve produite, la question est jugée par la Cour selon le fardeau de la preuve civile, c’est‑à‑dire selon la prépondérance des probabilités. Si la Cour juge qu’il n’y a aucune prépondérance, elle devrait se prononcer en faveur de la personne alléguant l’invalidité car, selon le Règlement AC, paragraphe 6(2), la première personne (ici Novartis) a le fardeau de démontrer que les allégations d’invalidité ne sont pas fondées.

 

OS ‒ BISPHOSPHONATES

[24]           Les os constituent un organe majeur du corps humain. Ils sont formés de collagène, de minéraux et de cellules. Les os se reforment continuellement. Le tissu osseux se dégrade et se résorbe dans le corps sous l’action des ostéoclastes. Puis, la nouvelle matière disponible dans le corps se dépose en couches sur l’os sous l’action des ostéoblastes et devient minéralisée, remplaçant ainsi le tissu osseux perdu. Ce processus porte le nom de remodelage. Le cycle entier de remodelage osseux dure une centaine de jours.

 

[25]           Lorsque le remodelage s’effectue normalement, tout va bien. Cependant, lorsque la quantité de matière osseuse déposée dépasse celle qui est résorbée, une hypertrophie non souhaitable survient; la maladie osseuse de Paget en est une forme extrême. Lorsque la quantité de matière résorbée dépasse celle qui est déposée, des affections telles que l’ostéoporose surviennent. L’hypercalcémie due à certains cancers en est une forme extrême.

 

[26]           On sait depuis longtemps qu’au moins certains membres d’une classe de composés chimiques connus sous le nom de bisphosphonates sont utiles pour réguler le remodelage osseux. Parmi les premiers composés de cette classe figuraient l’étidronate et le clodronate. L’étidronate a fait l’objet il y a un certain temps de litiges liés à un AC devant la Cour, par exemple, Compagnie pharmaceutique Proctor & Gamble Canada Inc c Canada (Ministre de la Santé), 2004 CF 204.

 

[27]           Au fil du temps, d’autres bisphosphonates ont été mis au point. L’un des plus récents est le zolédronate, qui était l’objet de ma récente décision, maintenant en appel, Novartis Pharmaceuticals Canada inc c Teva Canada Limited, 2013 CF 283.

 

[28]           Lors de l’audience, l’avocat de Novartis a admis les affirmations suivantes au paragraphe 70 du mémoire de Cobalt :

 

[traduction]

 

70.       En date du 20 juin 2000, date de la revendication du brevet 201, il était généralement admis que :

 

i.                    Les bisphosphonates tels que l’acide zolédronique, l’étidronate, le clodronate, le pamidronate, l’alendronate, le risédronate et l’ibandronate étaient utiles pour le traitement des maladies osseuses;

 

ii.                  L’acide zolédronique, l’étidronate, l’alendronate et le risédronate étaient utiles pour le traitement de l’ostéoporose;

 

iii.                L’acide zolédronique était l’un des plus puissants inhibiteurs de la résorption parmi les bisphosphonates.

 

[29]           J’admets que la preuve démontre, comme l’affirme Novartis au paragraphe 24 de son mémoire, que, en juin 2000, une poignée de bisphosphonates avaient été homologués par le gouvernement pour le traitement de différentes maladies métaboliques osseuses, dont la maladie de Paget, l’hypercalcémie des cancers et l’ostéoporose. Toutefois, le zolédronate n’avait encore été homologué pour aucune indication. De plus, aucun résultat d’essai clinique du zolédronate pour le traitement de l’ostéoporose n’avait été publié à ce moment.

 

[30]           J’admets aussi que, en juin 2000, la méthode privilégiée de traitement contre l’ostéoporose consistait à administrer une faible dose de bisphosphonate par voie orale, habituellement une dose par jour pendant quelques jours, suivie d’une période de repos; ce traitement était répété au besoin. J’admets également que, en juin 2000, certains bisphosphonates étaient administrés une fois par semaine plutôt qu’une fois par jour. J’admets aussi que les publications scientifiques postulaient qu’une administration moins fréquente pouvait être souhaitable pourvu que le traitement soit efficace.

 

LE BREVET 201, DANS SES DÉTAILS

[31]           Dans les litiges relatifs à un brevet, il est tentant pour la Cour de s’éloigner de ce que dit le brevet en se laissant distraire par la preuve produite par les experts et autres, tout comme par les arguments de l’avocat. Il faut se rappeler que la présente instance concerne le brevet, document qui doit, conformément à l’alinéa 27(3)a) de la Loi sur les brevets, décrire d’une façon exacte et complète l’invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues son inventeur, et, conformément au paragraphe 27(a) de la Loi, se terminer par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention. Le brevet est rédigé par des personnes qui tentent d’obtenir un monopole sur l’invention. Si elles écrivent quelque chose dans le brevet, elles doivent donc accepter que ce qui est écrit représente leur position à ce sujet, peu importe ce que les experts ou autres peuvent plus tard affirmer. J’ai traité de cette question en partie dans l’arrêt Merck & Co Inc c Pharmascience Inc, 2010 CF 510, au paragraphe 8 :

 

8     Il faut lire le brevet 457 du point de vue de la personne versée dans le domaine auquel il appartient, à la date de publication du 20 avril 1995. On se rappellera que le titulaire du brevet est lié par ses déclarations, par exemple sur ce qui forme l’état de la technique (Eli Lilly Canada Inc. c. Novopharm Limited, 2007 CF 596, 58 C.P.R. (4th) 214, au paragraphe 142 (CF); Whirlpool Corp. c. Camco Inc. (1997), 76 C.P.R. (3d) 150, à la page 186 (C.F. 1re inst.), conf. par [2000] 2 R.C.S. 1067; Shire Biochem Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2008 CF 538, 67 C.P.R. (4th) 94, au paragraphe 24; Pfizer Canada Inc. c. Novopharm Limited, 2005 CF 1299, 42 C.P.R. (4th) 502, au paragraphe 78).

 

[32]           En l’espèce, Cobalt ne conteste pas la validité du brevet 201 aux motifs d’insuffisance ou de manque d’utilité. Les seules questions liées à la validité sont l’évidence et la méthode de traitement médical. Par conséquent, la Cour doit présumer que la description fournie dans le brevet est suffisante pour que la personne versée dans l’art puisse mettre en pratique l’invention, et que l’invention est utile.

 

[33]           Au début du brevet 201, à la page 1, les inventeurs indiquent que l’invention concerne l’utilisation pharmaceutique de bisphosphonates pour le traitement d’affections telles que l’ostéoporose. Ils reconnaissent que les bisphosphonates sont déjà très utilisés et proposés pour le traitement de l’ostéoporose. Ils y mentionnent notamment ce qui suit :

 

[traduction] L’invention vise des bisphosphonates, en particulier l’utilisation pharmaceutique de bisphosphonates pour le traitement d’affections dans lesquelles le renouvellement de la masse osseuse est anormalement augmenté, comme l’ostéoporose.

 

Les bisphosphonates sont souvent utilisés pour inhiber l’activité des ostéoclastes dans diverses affections bénignes ou malignes caractérisées par une résorption osseuse accrue.

 

. . .

 

De plus, l’utilisation de bisphosphonates est proposée pour le traitement de l’ostéoporose. Donc, par exemple …

 

. . .

 

 

[34]           Au bas de la page 2, aux pages 2a, 2b et 2c et dans la première partie de la page 3, le brevet décrit l’invention. La description prend plusieurs formes, par exemple [traduction] « l’utilisation de l’acide zolédronique », « l’utilisation de l’acide zolédronique…pour la fabrication d’un médicament », « l’acide zolédronique…pour le traitement d’une affection » ou « une composition pharmaceutique renfermant…de l’acide zolédronique ». Ce sont là différentes façons de décrire l’invention qui reflètent les pratiques, en particulier en Europe, où, pendant longtemps, les revendications portant sur un médicament ou l’utilisation d’un médicament étaient interdites ou restreintes. Des moyens étaient employés pour contourner de telles restrictions, dont ladite « recommandation de type suisse », c’est‑à‑dire « l’utilisation de A pour la fabrication d’un médicament servant à traiter l’affection B », dont j’ai parlé abondamment dans mon arrêt Merck & Co Inc c Pharmascience Inc, 2010 CF 510, précité. Je ne répéterai qu’une partie de ce qui est écrit à la page 2 et aux pages suivantes du brevet 201 :

 

[traduction] Étonnamment, nous avons maintenant découvert que les bisphosphonates, en particulier les bisphosphonates les plus puissants contenant de l’azote, peuvent être utilisés pour inhiber de façon prolongée la résorption osseuse dans les affections où il y a augmentation anormale du renouvellement de la masse osseuse lorsqu’ils sont administrés par intermittence, les périodes entre les administrations étant plus longues que celles qui étaient auparavant jugées appropriées pour que le traitement soit satisfaisant. Particulièrement, et contre toute attente, nous avons découvert que des résultats thérapeutiques satisfaisants pouvaient être obtenus même lorsque les intervalles posologiques dépassaient de beaucoup le cycle naturel de remodelage osseux.

 

Par conséquent, la présente invention offre une méthode de traitement des affections dans lesquelles le renouvellement de la masse osseuse est anormalement augmenté chez les patients qui ont besoin d’un tel traitement, qui consiste en l’administration par intermittence d’une quantité efficace de bisphosphonate et dans lequel la période entre les administrations est d’au moins six mois, environ.

 

            La première utilité de la présente invention est qu’elle introduit l’utilisation de l’acide zolédronique, d’un sel pharmaceutiquement acceptable dudit acide ou d’un hydrate dudit acide pour le traitement d’une affection dans laquelle le renouvellement de la masse osseuse est anormalement augmenté, traitement dans lequel l’acide zolédronique, son sel ou son hydrate est administré par intermittence, la période entre la première administration et chaque administration subséquente étant d’au moins un an, environ, et la première administration et chaque administration subséquente se faisant par voie parentérale.

 

La deuxième utilité de l’invention est qu’elle introduit l’utilisation de l’acide zolédronique, d’un sel pharmaceutiquement acceptable dudit acide ou d’un hydrate dudit acide pour la fabrication d’un médicament destiné au traitement d’une affection dans laquelle le renouvellement de la masse osseuse est anormalement augmenté, traitement dans lequel l’acide zolédronique, son sel ou son hydrate est administré par intermittence, la période entre la première administration et chaque administration subséquente étant d’au moins un an, environ, et la première administration et chaque administration subséquente se faisant par voie parentérale.

 

[35]           Il faut noter que la description ci-dessus ne concerne qu’un seul bisphosphonate : le zolédronate. Cependant, à partir du bas de la page 3, le brevet décrit un traitement à intervalles de six mois ou de un an, à intervalles se situant entre les deux, ou à intervalles de plus de un an, par un large éventail de bisphosphonates, dont ceux déjà connus comme le clodronate, le pamidronate, l’alendronate, le risédronate et d’autres, de même que le zolédronate. Il est écrit aux pages 3 à 5 :

 

[traduction] Conformément à la présente invention, le bisphosphonate est administré à intervalles d’au moins six mois, environ, c’est‑à‑dire tous les 180 jours, ou moins fréquemment, de façon commode une fois par année, ou à tout intervalle entre les deux, p. ex. tous les 7, 8, 9, 10 ou 11 mois. Des intervalles plus longs qu’une fois par année peuvent être choisis, p. ex. tous les 18 mois, environ, ou tous les deux ans, environ, ou même moins fréquemment, p. ex. une fois tous les trois ans, environ, ou encore moins souvent.

 

            Les bisphosphonates utilisés dans la présente invention sont habituellement ceux qui inhibent la résorption osseuse. De tels composés renferment de façon caractéristique deux groupements phosphonate fixés à un seul atome de carbone, formant une structure « P‑C‑P », p. ex. dans un composé de formule I

X représente un hydrogène, un hydroxyle, un amino, un alkanoyle ou un groupement amino mono- ou disubstitué par un alkyle C1-C4

R représente un hydrogène ou un alkyle C1-C4

Rx est un groupement hydrocarbyle facultativement substitué

et les sels pharmaceutiquement acceptables dudit composé ou tout hydrate dudit composé.

           

Ainsi, par exemple, les bisphosphonates utilisables dans l’invention pourraient comprendre les composés suivants, un sel pharmaceutiquement acceptable desdits composés, ou un hydrate desdits composés : acide 3-amino-1-hydroxypropane-1,1-diphosphonique (acide pamidronique), p. ex. le pamidronate (APD); acide 3-(N,N-diméthyl-amino)-1-hydroxypropane-1,1-diphosphonique, p. ex. le diméthyl-APD; acide 4-amino-1-hydroxybutane-1,1-diphosphonique (acide alendronique), p. ex. l’alendronate; acide 1‑hydroxy-éthidène-bisphosphonique, p. ex. l’étidronate; acide 1-hydroxy-3-(méthylpentylamino)-propylidène-bisphosphonique, (acide ibandronique), p. ex. l’ibandronate; acide 6-amino-1-hydroxyhexane-1,1-diphosphonique, p. ex. l’amino‑hexyl-BP; acide 3-(N-méthyl-N-n-pentylamino)-1-hydroxypropane-1,1-diphosphonique, p. ex. le méthyl-pentyl-APD (= BM 21.0955); acide 1-hydroxy-2-(imidazol-1-yl)éthane-1,1-diphosphonique, p. ex. l’acide zolédronique; acide 1-hydroxy-2-(3--pyridyl)éthane-1,1-diphosphonique (acide risédronique), p. ex. le risédronate, y compris ses sels N-méthyle pyridinium, p. ex. les iodures de N-méthyle pyridinium tels que le NE‑10244 ou le NE-10446; acide 1-(4-chlorophénylthio)méthane-1,1-diphosphonique (acide tiludronique), p. ex. le tiludronate; acide 3-[N-(2-phénylthioéthyl)-N-méthylamino]-1-hydroxypropane-1,1-diphosphonique; acide 1-hydroxy-3-(pyrrolidin-1-yl)propane-1,1-diphosphonique, p. ex. l’EB 1053 (Leo); acide 1-(N-phénylaminothiocarbonyl)méthane--1,1-diphosphonique, p. ex. le FR 78844 (Fujisawa); ester tétraéthyle de l’acide 5-benzoyl-3,4-dihydro-2H-pyrazole-3,3-diphosphonique, p. ex. le U-81581 (Upjohn); acide 1-hydroxy-2-(imidazo[1,2-a]pyridin-3-yl)éthane-1,1-diphosphonique, p. ex. l’YM 529; et acide 1,1-dichlorométhane-1,1-diphosphonique (acide clodronique), p. ex. le clodronate; YM175.

 

[36]           À partir du tiers de la page 5 et à la page 6 du brevet 201, un certain nombre de bisphosphonates préférés sont identifiés : le pamidronate, l’alendronate, l’ibandronate, le risédronate, le zolédronate et d’autres. Autrement dit, plusieurs bisphosphonates déjà connus, ainsi que le zolédronate, sont dits être préférés pour l’administration tous les six mois ou une fois par année.

 

[37]           À la page 9, il est indiqué que l’acide zolédronique est le préféré parmi tous les bisphosphonates :

 

[traduction] Le N-bisphosphonate préféré parmi tous pour l’utilisation dans l’invention est l’acide 2-(imidazol-1yl)-1-hydroxyéthane-1,1-diphosphonique ou un sel pharmacologiquement acceptable dudit acide.

 

[38]           Le brevet indique ensuite, aux pages 9 à 11, qu’un certain nombre de différents sels peuvent être utilisés, que les isomères des bisphosphonates peuvent être utilisés, que la matière peut être formulée en des compositions pharmaceutiques, et qu’un certain nombre de modes d’administration différents – oral, rectal, intraveineux et ainsi de suite – peuvent être employés. La voie intraveineuse est la voie privilégiée.

 

[39]           À la page 11, les inventeurs indiquent que la dose [traduction] « dépend de divers facteurs ». La dose préférée est une dose unique variant de 0,005 à 20 mg/kg; en particulier de 0,01 à 10 mg/kg. Cette dose est administrée par intermittence tous les six mois, une fois par année ou à plus longs intervalles. Une dose donnée dépend de facteurs tels que l’âge, le poids, le mode de vie et ainsi de suite.

 

[Traduction] Le mode particulier d’administration et la posologie peuvent être choisis par le médecin traitant, qui tiendra compte comme il se doit des caractéristiques du patient, particulièrement l’âge, le poids, le mode de vie, le degré d’activité, le statut hormonal (p. ex. ménopause) et la densité minérale osseuse.

 

La posologie des agents de l’invention peut dépendre de divers facteurs, tels que l’efficacité et la durée d’action du principe actif, par exemple la puissance relative du bisphosphonate employé, le mode d’administration, l’espèce à sang chaud ou le sexe, l’âge, le poids et l’état de l’animal à sang chaud.

 

Normalement, la posologie est telle qu’une dose unique du principe actif, le bisphosphonate, variant de 0,005 à 20 mg/kg, plus particulièrement de 0,01 à 10 mg/kg, est administrée à un animal à sang chaud pesant environ 75 kg.

« mg/kg » signifie mg de médicament par kg de poids corporel du mammifère, y compris l’homme, à traiter.

 

La dose susmentionnée est habituellement administrée par intermittence à intervalles d’au moins 6 mois. La période entre les administrations peut être plus longue, par exemple, de façon commode, une fois par année, une fois tous les 18 mois ou une fois tous les deux ans, ou même encore plus longue; il peut aussi s’agir de tout intervalle intermédiaire.

 

[40]           À la page 12, le brevet informe le lecteur que la dose unitaire à utiliser dépendra de la puissance du bisphosphonate, de l’intervalle posologique et du mode d’administration. L’acide zolédronique est décrit comme un bisphosphonate plus puissant.

 

[Traduction]…Il faut savoir que la dose unitaire dépendra notamment de la puissance du bisphosphonate, de l’intervalle posologique et de la voie d’administration. Ainsi, la dose unitaire est généralement plus faible dans le cas d’un bisphosphonate plus puissant, et l’intervalle posologique est quant à lui plus long. Par exemple, avec les N‑bisphosphonates les plus puissants, tel l’acide zolédronique, une dose unitaire d’environ 1 mg à environ 10 mg peut être administrée par voie parentérale, p. ex. intraveineuse. De même, également dans le cas des N‑bisphosphonates les plus puissants, une dose unitaire d’environ 1 mg à environ 5 mg peut être administrée par voie parentérale une fois tous les six mois; alors qu’une dose d’environ 2 mg à environ 10 mg peut être administrée par voie parentérale une fois par année.

 

[41]           Le brevet décrit ensuite la forme que peuvent prendre les doses et d’autres éléments.

 

[42]           Des exemples, numérotés de un à cinq, sont fournis. Ils sont précédés d’une affirmation, à la page 14, selon laquelle tout bisphosphonate déjà mentionné pourrait être le principe actif dans les exemples.

 

[Traduction] Dans les exemples suivants, le terme « principe actif » désigne tout dérivé de l’acide bisphosphonique déjà mentionné comme étant utile selon la présente invention.

 

[43]           L’exemple 5, qui débute à la page 18 du brevet, concerne expressément le zolédronate. Il décrit un essai mené auprès de trois cent cinquante et une patientes souffrant d’ostéoporose liée à la ménopause. Les patientes ont été divisées au hasard en six groupes (groupes de traitement) : un groupe a reçu un placebo et les autres groupes ont reçu différentes doses d’acide zolédronique à différents intervalles. Les résultats sont présentés au tableau de la page 19 :

[traduction]

Résumé des comparaisons multiples par étapes, selon les doses actives de zolédronate vs un placebo, de la différence de pourcentage par rapport aux valeurs de base de la densité minérale osseuse de la colonne lombaire

antéro-postérieure (L1‑L4) à 12 mois

Analyse de confirmation

Population en intention de traiter

 

 

No d’étape

Contraste le plus significatif

Différence

Erreur type de la différence

Limite de confiance à 97,5 % la plus faible

Valeur p

 

 

 

 

 

 

1

Zolédronate 4 x 0,25 mg - placebo

5,1

0,55

3,7

< 0,001

2

Zolédronate 4 x 0,5 mg - placebo

4,9

0,56

3,5

< 0,001

3

Zolédronate 1 x 4,0 mg - placebo

4,6

0,53

3,3

< 0,001

4

Zolédronate 4 x 1,0 mg - placebo

4,5

0,55

3,2

< 0,001

5

Zolédronate 2 x 2,0 mg - placebo

4,2

0,57

3,1

< 0,001

 

 

 

 

 

 

 

[44]           La conclusion énoncée à la page 20 est que l’administration de zolédronate à un intervalle aussi long que de 6 à 12 mois est sans danger et peut augmenter significativement la masse osseuse et réduire le risque de fracture liée à l’ostéoporose :

 

[traduction] Les données sur la densité de la masse osseuse (DMO) montrent que l’administration d’une dose d’acide zolédronique à une fréquence aussi faible que tous les 6 à 12 mois est sans danger et peut augmenter de façon statistiquement significative et médicalement pertinente la masse osseuse. Nous croyons que ces données indiquent aussi que la préservation continue du nouveau tissu osseux au‑delà de un an, sans administration d’une nouvelle dose, est probable et qu’une augmentation encore supérieure de la masse osseuse est possible. Nous croyons aussi qu’un retraitement tous les 6 mois, 12 mois ou plus entraînera une hausse encore supérieure de la DMO. Une réduction du risque de fracture due à l’ostéoporose devrait accompagner l’augmentation de la masse osseuse.

 

[45]           Les revendications suivent.

 

LES REVENDICATIONS DU BREVET 201

[46]           Les revendications en litige – les revendications 1 à 36 – peuvent être considérées comme appartenant à différents groupes, chacun comportant une revendication générale suivie de revendications plus spécifiques. Les revendications spécifiques de chaque groupe sont essentiellement les mêmes. La seule différence entre les revendications générales est la manière dont elles sont exprimées. J’admets le résumé de ces groupes de revendications que fait l’avocat de Novartis au paragraphe 61 du mémoire de Novartis, où il note que la revendication 37 et les revendications suivantes ne sont plus en litige et que l’acronyme ZA désigne le zolédronate, ou acide zolédronique :

 

[traduction]

61.       Le brevet comporte cinq types de revendications :

 

a.      Les revendications 1 à 9 sont des revendications de type suisse, car elles concernent l’utilisation du ZA dans la fabrication d’un médicament;

 

b.      Les revendications 10 à 18 sont des revendications d’utilisation, car elles concernent l’utilisation du ZA;

 

c.       Les revendications 19 à 27 sont des revendications de composé (le ZA);

 

d.      Les revendications 28 à 36 sont des revendications d’une composition pharmaceutique contenant du ZA;

 

e.       Les revendications 37 à 39 sont des revendications d’une trousse contenant du ZA.

 

[47]           Voici le texte complet des revendications 10 à 18 :

 

[traduction]

10.       L’utilisation de l’acide zolédronique, d’un sel pharmaceutiquement acceptable dudit acide, ou d’un hydrate dudit acide, pour le traitement d’une affection dans laquelle le renouvellement de la masse osseuse est anormalement augmenté, traitement dans lequel l’acide zolédronique, son sel ou son hydrate est administré par intermittence, la période entre la première administration et chaque administration subséquente étant d’au moins un an, environ, et la première administration et chaque administration subséquente se faisant par voie parentérale.

11.       L’utilisation conformément à la revendication 10, où la période entre la première administration et chaque administration subséquente est d’environ un an.

12.       L’utilisation conformément à la revendication 10 ou 11, où la première administration et chaque administration subséquente se font par voie intraveineuse.

13.       L’utilisation conformément à l’une ou l’autre des revendications 10 à 12, où l’acide zolédronique, son sel ou son hydrate est dans une forme pharmaceutique renfermant environ 2 mg à environ 10 mg d’acide zolédronique, de son sel ou de son hydrate.

14.       L’utilisation conformément à la revendication 13, où la forme unitaire renferme environ 5 mg d’acide zolédronique, de son sel ou de son hydrate.

15.       L’utilisation conformément à l’une ou l’autre des revendications 10 à 14, où l’affection dans laquelle le renouvellement de la masse osseuse est anormalement augmenté est l’ostéoporose.

16.       L’utilisation conformément à l’une ou l’autre des revendications 10 à 14, où l’affection dans laquelle le renouvellement de la masse osseuse est anormalement augmenté est l’ostéoporose liée à la ménopause.

17.       L’utilisation conformément à l’une ou l’autre des revendications 10 à 14, où l’affection dans laquelle le renouvellement de la masse osseuse est anormalement augmenté est l’ostéoporose masculine.

18.       L’utilisation de l’acide zolédronique, d’un sel pharmaceutiquement acceptable dudit acide ou d’un hydrate dudit acide pour le traitement ou la prévention de l’ostéoporose induite par les corticostéroïdes, où l’acide zolédronique, son sel ou son hydrate est administré par intermittence, la période entre la première administration et chaque administration subséquente étant d’au moins un an, environ, et la première administration et chaque administration subséquente se faisant par voie parentérale.

 

[48]           La revendication 16 est représentative des revendications sur lesquelles les arguments sont le plus axés. Elle est rédigée sous forme de dépendance à l’égard de l’une ou l’autre des revendications 10 à 14. Si l’on intègre les limites que comportent ces revendications précédentes, on peut réécrire la revendication 16 comme suit :

 

« L’utilisation de l’acide zolédronique, d’un sel pharmaceutiquement acceptable dudit acide ou d’un hydrate dudit acide pour le traitement de l’ostéoporose liée à la ménopause, traitement dans lequel l’acide zolédronique, son sel ou son hydrate est présent à raison d’environ 5 mg dans une forme pharmaceutique unitaire administrée par intermittence, la période entre la première administration et chaque administration subséquente étant d’environ un an et chaque administration se faisant par voie intraveineuse. »

 

[49]           Cette définition coïncide avec celle du produit commercial de Novartis, qui est vendu en flacons renfermant 5 mg de zolédronate destiné à être administré par voie intraveineuse une fois par année.

 

LA PERSONNE VERSÉE DANS L’ART

[50]           Novartis et Cobalt ne s’entendent pas sur la définition de la « personne versée dans l’art » fictive à qui s’adresse le brevet et à travers les yeux de laquelle le brevet doit être lu.

 

[51]           Novartis prétend qu’il s’agit d’une personne [traduction] « qui possède de bonnes connaissances au sujet du traitement de l’ostéoporose liée à la ménopause par les bisphosphonates, notamment les personnes possédant une expérience dans les domaines de la chimie, des sciences biopharmaceutiques, de la conception d’essais de composés chimiques et de l’interprétation des résultats de tels essais ». Les témoins experts de Novartis correspondent à ce profil.

 

[52]           Cobalt soutient qu’il s’agit d’un [traduction] « médecin qui possède une expérience dans le traitement des patients présentant une anomalie du mécanisme de renouvellement osseux ou atteints d’une maladie osseuse telle que l’ostéoporose ou la maladie de Paget. Un tel médecin serait spécialisé en endocrinologie, gériatrie, rhumatologie ou oncologie ». Les témoins experts de Cobalt correspondent à ce profil.

 

[53]           La lecture du brevet 201 m’incite à pencher en faveur de la définition de Cobalt. Au début du brevet, à la page 1, on peut lire ce qui suit :

 

L’invention vise des bisphosphonates, en particulier l’utilisation pharmaceutique de bisphosphonates pour le traitement d’affections dans lesquelles le renouvellement de la masse osseuse est anormalement augmenté, comme l’ostéoporose.

[Non souligné dans l’original.]

 

[54]           À la page 2a du brevet, on peut lire ceci :

 

Par conséquent, la présente invention offre une méthode de traitement des affections […] chez les patients […], qui consiste en l’administration par intermittence d’une quantité efficace de bisphosphonate …

[Non souligné dans l’original.]

 

[55]           Heureusement, lors de l’audience, les avocats des parties s’entendaient pour dire que la définition acceptée par la Cour importait peu; les deux définitions devraient pouvoir également s’appliquer.

 

L’INTERPRÉTATION DES REVENDICATIONS

[56]           Chacune des parties a mis l’accent dans son mémoire sur l’interprétation de la revendication 7, qui, au bout du compte, dépend de la revendication 1, une revendication de type « suisse ». J’ai plutôt fondé mon interprétation sur la revendication 16, qui évite la forme suisse et est rédigée directement comme une revendication d’utilisation. Quoi qu’il en soit, l’interprétation que fait chaque partie de la revendication 7 dans son mémoire est remarquablement similaire.

 

[57]           Aux paragraphes 64 à 67 de son mémoire, Novartis interprète la revendication 7 et les autres revendications comme suit :

[traduction]

64.       Revendication 7-5-4-3-2-1 : À la lecture de la revendication 7, qui est dépendante des revendications 5, 4, 3, 2 et 1, la personne versée dans l’art comprendrait que cette revendication vise l’utilisation du ZA dans la fabrication d’un médicament :

 

                     pour le traitement de l’ostéoporose liée à la ménopause;

 

                     où le ZA (ou son sel ou son hydrate) sera administré par intermittence;

 

                     où la période entre la première administration et chaque administration subséquente est d’environ un an;

 

                     et où le flacon renferme environ 5 mg d’acide zolédronique, du sel ou de l’hydrate.

 

65.       Revendication 7-3-2-1 : Cette revendication serait comprise de la même façon, sauf qu’elle ne précise pas la quantité de ZA dans le flacon.

 

66.       Le tableau qui suit résume l’interprétation des autres revendications sur lesquelles s’appuie Novartis en l’espèce :

 

 

La revendication 16‑14‑13‑12‑11-10 vise l’utilisation du ZA :

La revendication 25‑23‑22‑21‑20-19 vise le composé ZA :

La revendication 34‑32‑31‑30‑29‑28

vise une composition pharmaceutique contenant du ZA :

                     pour le traitement de l’ostéoporose liée à la ménopause;

 

                    où le ZA (ou son sel ou son hydrate) sera administré par intermittence;

 

                    où la période entre la première administration et chaque administration subséquente est de un an +/- un mois;

 

                    et où le flacon renferme environ 5 mg de ZA, du sel ou de l’hydrate.

 

 

67.       Tout comme la revendication 7‑3‑2‑1, les revendications 16‑12‑11‑10, 25‑21‑20‑19 et 34‑30‑29‑28 seraient comprises de la même façon, sauf qu’elles ne précisent pas la quantité de ZA dans le flacon.

 

[58]           Au paragraphe 50 de son mémoire, Cobalt affirme ce qui suit :

 

[traduction] Cobalt soutient qu’une interprétation téléologique, et non pas littérale, s’impose. Ainsi, la revendication 7 revendique :

 

  l’utilisation de l’acide zolédronique

 

  pour le traitement de l’ostéoporose liée à la ménopause

 

  par l’acide zolédronique administré par intermittence à intervalles d’au moins un an, environ,

 

  par voie intraveineuse,

 

  la quantité d’acide zolédronique n’étant pas précisée (revendication 7, dépendante des revendications 3, 2 et 1) ou étant de 5 mg (revendication 7, dépendante des revendications 5, 4, 3, 2 et 1).

 

[59]           J’admets ces deux interprétations, car elles sont essentiellement identiques.

 

LA QUESTION NO 1 :         L’ÉVIDENCE

[60]           L’une des questions les plus difficiles sur laquelle doit statuer la Cour dans une instance relative à un brevet est celle de l’évidence. La Cour doit examiner la prétendue invention à travers les yeux de la personne versée dans l’art et se demander si elle mérite une protection par brevet; c’est‑à‑dire si elle originale ou évidente.

 

[61]           Le professeur Carl Moy, du William Mitchell College of Law, auteur de Moy’s Walker on Patents, Thomson/West, a bien exposé le raisonnement à suivre devant des étudiants à la maîtrise de l’Osgood Hall Law School. Il disait qu’un brevet est un marché passé entre le public et le breveté qui accorde un monopole à une personne (le breveté) à l’égard d’un certain objet scientifique, dans la mesure où il est acheté par le public parce qu’il divulgue une idée nouvelle, utile et originale. Si l’idée n’est pas nouvelle, le monopole a été acheté pour rien et ne peut pas être valide. S’il s’agit d’un objet que le public obtiendrait de toute façon de la personne versée dans l’art dans l’exercice de ses fonctions, rien n’a été payé pour le monopole et ce dernier ne peut pas être valide.

 

[62]           Les concepts de l’inventivité et de l’évidence étant difficiles à saisir, des Cours ont tenté d’établir des critères sur lesquels s’appuyer pour examiner et évaluer la preuve. Les critères actuellement employés au Canada ont été établis par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Apotex Inc c Sanofi-Synthelabo Canada Inc, 2008 CSC 61, [2008] 3 RCS 265 (« Plavix »), sous la plume du juge Rothstein, pour la Cour, aux paragraphes 67, 69 et 70 :

 

67     Lors de l’examen relatif à l’évidence, il y a lieu de suivre la démarche à quatre volets d’abord énoncée par le lord juge Oliver dans l’arrêt Windsurfing International Inc. c. Tabur Marine (Great Britain) Ltd., [1985] R.P.C. 59 (C.A.). La démarche devrait assurer davantage de rationalité, d’objectivité et de clarté. Le lord juge Jacob l’a récemment reformulée dans l’arrêt Pozzoli SPA c. BDMO SA, [2007] F.S.R. 37 (p. 872), [2007] EWCA Civ 588, par. 23 :

 

Par conséquent, je reformulerais comme suit la démarche préconisée dans l’arrêt Windsurfing :

 

(1) (a) Identifier la « personne versée dans l’art ».

 

(b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne;

 

(2) Définir l’idée originale de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

 

(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et l’idée originale qui sous-tend la revendication ou son interprétation;

 

(4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles quelque inventivité? [Je souligne.]

 

La question de l’« essai allant de soi » se pose à la quatrième étape de la démarche établie dans les arrêts Windsurfing et Pozzoli pour statuer sur l’évidence.

 

. . .

 

69     Lorsque l’application du critère de l’« essai allant de soi » est justifiée, les éléments énumérés ci‑après doivent être pris en compte à la quatrième étape de l’examen de l’évidence. Tout comme ceux pertinents pour l’antériorité, ils ne sont pas exhaustifs et s’appliquent selon la preuve offerte dans le cas considéré.

 

(1) Est-il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux? Existe-t-il un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l’art?

 

(2) Quels efforts leur nature et leur ampleur sont requis pour réaliser l’invention? Les essais sont-ils courants ou l’expérimentation est-elle longue et ardue de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants?

 

(3) L’art antérieur fournit-[il] un motif de rechercher la solution au problème qui sous-tend le brevet?

 

70     Les mesures concrètes ayant mené à l’invention peuvent constituer un autre facteur important. Il est vrai que l’évidence tient en grande partie à la manière dont l’homme du métier aurait agi à la lumière de l’art antérieur. Mais on ne saurait pour autant écarter l’historique de l’invention, spécialement lorsque les connaissances des personnes qui sont à l’origine de la découverte sont au moins égales à celles de la personne versée dans l’art.

 

 

[63]           La Cour d’appel fédérale a ultérieurement abordé ces critères et, en particulier, la question de la motivation dans Apotex Inc c Pfizer Canada Inc (2009), 72 CPR (4th) 141, 2009 CAF 8. La Cour a fait la distinction entre « l’essai allant de soi » et « aller plus ou moins de soi ». Elle a rejeté le critère de l’ « essai allant de soi » s’il repose sur la « possibilité » qu’une chose fonctionne et a accepté le critère de l’« allant plus ou moins de soi ». Le juge Noël a écrit aux paragraphes 43 à 45 :

 

43      Selon le raisonnement avancé par le juge Laddie et approuvé par la Cour d’appel d’Angleterre, lorsque la motivation d’obtenir un résultat est très forte, le degré de succès attendu devient peu important. Dans ces conditions, la personne versée dans l’art peut se sentir poussée à poursuivre l’expérimentation même si les chances de succès ne sont pas particulièrement grandes.

 

44     C’est incontestablement le cas en l’espèce. Cependant, le degré de motivation ne peut convertir une solution possible en solution évidente. La motivation est pertinente pour décider si la personne versée dans l’art est justifiée de rechercher des solutions [TRADUCTION] « prévisibles » ou des solutions qui comportent [TRADUCTION] « des chances raisonnables de succès » (voir respectivement les extraits des arrêts KSR International Co. v. Teleflex Inc., 127 S. Ct. 1727 (2007), à la page 1742 et Angiotech Pharmaceuticals Inc. v. Conor Medsystems Inc., [2008] UKHL 49, [2008] R.P.C. 28, au paragraphe 42, cités avec approbation dans l’arrêt Sanofi-Synthelabo, aux paragraphes 58 et 59).

 

45     Au contraire, le critère qu’applique le juge Laddie apparaît rempli si l’état de la technique indique que quelque chose peut fonctionner et s’il existe une motivation telle qu’elle puisse faire que cette voie [TRADUCTION] « valait la peine » d’être explorée (décision Pfizer Ltd., au paragraphe 107, citée au paragraphe 42 ci‑dessus). À cet égard, on peut dire d’une solution qu’elle [TRADUCTION] « valait la peine » d’être explorée même si elle n’est pas un « essai allant de soi » ou, pour reprendre les mots du juge Rothstein, même si elle n’« allait [pas] plus ou moins de soi » (Sanofi-Synthelabo, au paragraphe 66). À mon avis, cette approche fondée sur la chance que quelque chose puisse fonctionner a été expressément rejetée par la Cour suprême dans l’arrêt Sanofi‑Synthelabo, au paragraphe 66.

 

 

[64]           La Cour d’appel fédérale a récemment appliqué ces principes dans l’arrêt Sanofi-Aventis c Apotex Inc, 2013 CAF 186, dans lequel elle conclut que le juge de première instance a erré en concluant que, si les techniques nécessaires pour en arriver à la prétendue invention existaient, l’invention elle-même était évidente. Le juge Pelletier (avec qui le juge Noël était d’accord) a écrit aux paragraphes 73 et 74 :

 

73     La Cour suprême a expliqué, en tenant compte de ces faits, en quoi la séparation du racémate ne constituait pas un essai allant de soi. Estimant que le fait que les méthodes de séparation soient connues ne signifiait pas nécessairement qu’une personne versée dans l’art les appliquerait, la Cour suprême a donné les explications suivantes :

 

Il est vrai que, selon la preuve, à l’époque considérée, une personne versée dans l’art aurait su que les avantages d’un racémate pouvaient différer de ceux de ses isomères. Toutefois, la possibilité de découvrir l’invention ne suffit pas. Pour satisfaire au critère de l’« essai allant de soi », l’invention doit être évidente au regard de l’antériorité et des connaissances générales courantes, ce que la preuve n’établit pas en l’espèce.

 

Plavix, précité, au paragraphe 85

 

[Le brevet antérieur] n’établissait cependant pas de distinction entre les composés quant à leur efficacité et à leur toxicité, ce qui donne à penser que ce qu’il y avait lieu de retenir ou d’omettre n’était alors pas évident pour la personne versée dans l’art.

 

Plavix, précité, au paragraphe 90

 

74     Il appert de cet examen de l’arrêt Plavix, précité, de la Cour suprême que l’élément essentiel de l’analyse relative à l’« essai allant de soi » est l’ignorance des propriétés associées aux énantiomères des composés du brevet 875, y compris le racémate dont le clopidogrel est issu. À défaut de les connaître, il n’allait pas de soi de tenter de résoudre le racémate, ou tout autre composé, afin d’obtenir l’énantiomère possédant ces attributs avantageux.

 

et au paragraphe 81 :

 

 

81     Comme le juge de première instance a adopté le critère de l’évidence énoncé dans Plavix, et qu’il l’a appliqué aux mêmes faits importants présentés devant la Cour suprême, il aurait dû parvenir à la même conclusion. Son erreur vient de ce qu’il n’a pas reconnu que les propriétés inconnues des énantiomères du PCR 4099, ou des autres composés du brevet 875, faisaient échouer l’analyse de l’« essai allant de soi ». En d’autres termes, l’écart entre les connaissances générales courantes et l’idée originale du brevet 777 ne pouvait être comblé par des expériences de routine puisque les résultats à venir étaient incertains. Le fait que les inventeurs, dont les connaissances étaient supérieures à celles de la personne moyennement versée dans l’art, aient tenté de résoudre un certain nombre d’autres composés avant de s’attaquer au PCR 4099, le confirme d’ailleurs: voir les motifs, aux paragraphes 752 à 759.

 

 

[65]           La juge Gauthier a rédigé des motifs concourants. Elle écrit au paragraphe 137 :

 

137     Le juge de première instance a estimé que la preuve dont il disposait au sujet de la séparation des énantiomères était très différente de celle qui avait été présentée à la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Plavix, car : (i) d’après lui, une limite avait été tracée au moment du dépôt de la demande, et les commanditaires de médicaments racémiques auraient été motivés, dans le cadre du processus de mise au point, à séparer les énantiomères pour en tirer des données et déjouer de nouvelles exigences réglementaires (voir les motifs, aux paragraphes 748 et 749); (ii) à son avis, la séparation en elle-même ne soulevait pas de difficultés importantes et relevait de la routine. Cependant, le juge Rothstein a bien indiqué dans l’arrêt Plavix que la question de savoir si la séparation ou la résolution des énantiomères était un exercice de routine ou un travail difficile n’aurait que peu de poids en l’occurrence si l’on considère tout l’arrière-plan de la décision de séparer ces énantiomères (voir l’arrêt Plavix, au par. 89).

 

[66]           J’examinerai maintenant les divers critères servant à évaluer l’évidence établis par la Cour suprême dans l’arrêt Sanofi, précité, et précisés plus avant par la Cour d’appel fédérale dans Apotex et Sanofi Aventis, précités.

 

                     La personne versée dans l’art

Cette question a déjà été abordée dans les présents motifs.

 

                     Les connaissances générales courantes pertinentes

J’ai abordé en partie cette question sous la rubrique OS – BISPHOSPHONATES. En ce qui concerne les connaissances générales courantes au milieu des années 2000, je m’appuie plus fortement sur la preuve d’expert de la Dre Zorich et de M. Ebetino. Ils travaillaient dans le domaine à cette période et ont fourni une preuve claire et convaincante à ce sujet. J’accorde moins de valeur à la preuve fournie par le Dr Singer. Il semble connaître le domaine, mais y était nettement moins engagé que ne l’étaient la Dre Zorich et M. Ebetino au moment pertinent. De plus, la preuve du Dr Singer comporte des lacunes, car il n’a pas effectué la recherche documentaire visant à recenser les antériorités sur lesquelles il s’appuie. L’avocat de Cobalt lui a remis une série d’antériorités. Et l’on ignore comment et où elles ont été trouvées.

 

Lorsqu’elle se penche sur la question des connaissances générales courantes, la Cour doit considérer les connaissances qu’une personne versée dans l’art à la date pertinente aurait possédées ou aurait obtenues grâce à une recherche raisonnablement soignée menée avec les moyens disponibles à l’époque. Une recherche ultérieure menée avec l’avantage du recul n’est pas le meilleur moyen de placer la Cour dans une position lui permettant d’évaluer les connaissances générales courantes à l’époque.

 

Je suis toutefois sceptique relativement à la preuve de la Dre Zorich et de M. Ebetino voulant que chaque bisphosphonate doive être considéré indépendamment et que l’expérience avec un bisphosphonate ne peut pas se traduire par une expérience avec un autre bisphosphonate. En bref, ils affirment qu’il s’agit d’une considération empirique. Je ne suis pas sceptique aux motifs qu’une telle preuve s’est révélée fausse. Elle ne l’est pas. Je suis plutôt sceptique parce que la description du brevet 201 met tous les bisphosphonates dans le même sac : le zolédronate ainsi que les bisphosphonates plus anciens tels que l’élindronate et l’alendronate. Le brevet laisse croire qu’ils pourraient tous être avantageusement administrés de façon cyclique à des mois d’intervalle. Ce n’est peut‑être pas vrai, mais le brevet 201 n’a jamais été contesté sur ce point. La question est que ni la Dre Zorich ni M. Ebetino n’ont choisi d’expliquer pourquoi leur preuve devrait être privilégiée par rapport à ce que semble enseigner le brevet 201.

 

M. Ebetino, en particulier, explique dans sa preuve le mécanisme par lequel les bisphosphonates interviendraient dans le remodelage osseux. Le brevet 201 est muet au sujet du mécanisme et ne tente pas non plus d’établir un lien entre un quelconque mécanisme et la dose ou l’intervalle entre les traitements, si ce n’est à la page 12, lignes 2 et 3, où l’on peut lire que la dose dépend de la puissance des bisphosphonates.

 

M. Ebetino admet franchement au paragraphe 86 de son affidavit que c’est bien après juin 2000 que les travailleurs du domaine se sont rendu compte de l’inexactitude de leur supposition que tous les bisphosphonates possédant le même groupement R1 avaient une affinité de liaison similaire aux concentrations cliniquement pertinentes et que les différences pouvaient être importantes sur le plan chimique.

 

Aux paragraphes 39 et 40 de son affidavit, M. Ebetino admet sans détour que, même aujourd’hui, on ignore pourquoi le zolédronate a une si longue durée d’action.

 

            J’admets la preuve de la Dre Zorich aux paragraphes 146 à 148 de son affidavit, où elle dit que, au milieu des années 2000, il n’aurait pas été évident pour la personne versée dans l’art qu’une dose de zolédronate administrée une fois par année aurait été statistiquement supérieure à un placebo. J’accepte son témoignage lorsqu’elle affirme que, même s’il est possible que certaines entreprises pharmaceutiques aient mené à l’époque des recherches privées sur des doses moins fréquentes, l’opinion prédominante était qu’une administration quotidienne ou hebdomadaire était requise, et qu’un intervalle supérieur à trois mois aurait été inconcevable. J’admets sa conclusion, au paragraphe 165, que la personne versée dans l’art ne se serait pas attendue à ce que l’intervalle entre les administrations puisse être prolongé jusqu’à un an sans perte d’efficacité du bisphosphonate.

 

                     L’idée originale

Au paragraphe 103 de ses observations écrites, Novartis allègue que l’idée originale des revendications est que le zolédronate est efficace contre l’ostéoporose liée à la ménopause parce qu’il inhibe de façon continue la résorption osseuse lorsqu’il est administré une seule fois par année. Je ne suis pas d’accord pour dire que l’idée originale comporte la notion que le mécanisme est une « inhibition de façon continue de la résorption osseuse ». Aucun mécanisme n’est avancé dans le brevet 201.

 

Cobalt soutient au paragraphe 98 de son mémoire que l’idée originale de la revendication 7 est le schéma posologique, soit l’administration par intermittence, environ une fois par année, de zolédronate pour traiter l’ostéoporose liée à la ménopause. Cette définition, que j’accepte, est très proche de ce que Richardson, l’un des inventeurs nommés du brevet 201, a répondu à la question 36 de son contre‑interrogatoire :

 

[traduction]

36        Q.        Et je suppose que ce n’était pas une surprise de découvrir que l’acide zolédronique pouvait permettre de traiter l’ostéoporose liée à la ménopause. Le schéma posologique, la fréquence et la voie d’administration restaient à déterminer, mais le fait que l’acide zolédronique pouvait permettre de traiter l’ostéoporose liée à la ménopause n’était pas inattendu.

 

R.         C’est exact. Ce n’était pas une surprise qu’il pouvait être utilisé pour le traitement de l’ostéoporose liée à la ménopause. Les bisphosphonates avaient été utilisés. La vraie surprise, c’est que la fréquence pouvait être si faible et que les données que nous avions obtenues grâce à cette étude étaient si convaincantes.

 

                     Recenser les différences entre l’« état de la technique » et l’idée originale

 

 

La différence, comme l’a affirmé Richardson, est que le zolédronate pouvait être administré si peu fréquemment, une fois par année par exemple, et tout de même permettre de traiter l’ostéoporose liée à la ménopause.

 

[67]           À ce stade, Sanofi indique à la Cour d’envisager le recours, s’il y a lieu, au critère de « l’essai allant de soi » à l’aide des facteurs suivants :

 

                     Est-il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux?

 

Je conclus, m’appuyant sur la preuve de la Dre Zorich, qu’un schéma posologique prévoyant une administration moins fréquente qu’aux trois mois était inconcevable (paragraphes 146 et 147 de son affidavit). En contre‑interrogatoire (questions 265 et 479), le Dr Singer a convenu que des personnes participant à une étude à plus long terme n’auraient eu aucune idée du résultat.

 

                     Quels efforts leur nature et leur ampleur sont requis?

 

Dans son affidavit, plus précisément au paragraphe 28, le Dr Singer décrit le dossier comme [traduction] « une simple tentative d’optimiser le schéma posologique ». Au paragraphe 49, il modifie son affirmation en disant qu’il ne laissait pas entendre que les essais cliniques étaient simples ou rapides à réaliser, simplement qu’ils étaient courants.

 

Aux paragraphes 146 à 148 de son affidavit, la Dre Zorich affirme qu’il eut été difficile d’aller à l’encontre de l’idée admise et de croire qu’une administration à intervalle de plus de trois mois serait efficace.

 

En contre‑interrogatoire, Richardson, l’un des inventeurs nommés du brevet 201, a dit que la plupart de gens pensaient qu’il était un peu fou de mettre à l’essai une seule dose administrée (dans un groupe d’essai) pour un an :

[traduction]

64        Q.        -- que – est-il exact qu’aucune dose de 5 milligrammes n’a été évaluée dans le – je vais l’appeler l’essai de phase II – l’essai de phase II dont il est question à l’exemple 5?

            R.         C’est exact.

            65        Q.        C’est exact. Une dose de 4 milligrammes a été administrée une fois.

                        R.         C’est exact.

            66        Q.        C’est‑à-dire que l’un des – l’un des – l’un des groupes d’essai n’a reçu qu’une seule dose.

                        R.         Potentiellement le groupe le plus intéressant.

            67        Q.        Et c’est quelque chose que vous saviez d’avance, que ce serait le groupe le plus intéressant – potentiellement le plus intéressant?

                        R.         Personnellement?

            68        Q.        Oui.

                        R.         Ce groupe m’intéressait beaucoup. De nombreuses personnes croyaient que j’étais un peu fou d’inclure ce groupe parce que ça nous coûterait plus cher et que c’était plutôt controversé, la plupart disant que c’était inutile. Nous utiliserons une fréquence de trois fois par mois et cette dose. Cependant, j’avais la chance de travailler pour une entreprise qui prenait au sérieux certaines des idées folles que je pouvais avoir à l’époque.

 

Je suis convaincu que des essais de la nature décrite à l’exemple 5 du brevet 201 ont été menés par les chercheurs et que les procédures, bien que coûteuses et ardues, étaient connues. Je suis toutefois aussi convaincu qu’aucun autre chercheur n’avait poussé ces essais dans le territoire inconnu de l’administration à intervalle de plus de six mois, et rien ne laissait présager des résultats. Comme l’a récemment dit la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Sanofi-Aventis, précité, ce n’est pas parce que les moyens étaient disponibles que leur utilisation était évidente.

 

                     L’art antérieur fournit-il un motif de rechercher la solution au problème qui sous-tend le brevet?

 

Cobalt renvoie à une conclusion rédigée par le Dr Fleisch, expert bien connu du domaine en 1995, dans son manuel traitant du sujet. À la section 3.10, il avance ce qui suit :

            [traduction]

3.10.        PERSPECTIVES D’AVENIR

La mise au point des bisphosphonates présente un grand intérêt dans le domaine du traitement des maladies osseuses, et nous n’en sommes probablement qu’au début d’un nouveau champ thérapeutique.

 

De nombreuses questions demeurent encore sans réponses. Par exemple, nous ne savons pas si nous avons trouvé le schéma optimal pour les composés existants. C’est particulièrement vrai dans le cas du traitement de l’ostéoporose. Y a‑t‑il un avantage à recourir à un traitement intermittent, comme il est proposé pour l’étidronate? Si oui, quel serait le schéma optimal? Pourrait-on envisager un intervalle thérapeutique plus long, peut-être de un an?

           

            Bien entendu, ce n’est pas parce qu’on avance un résultat souhaitable qu’on peut parvenir à un tel résultat. Cette affirmation démontre une possible motivation à atteindre ce résultat, mais n’empêche pas les personnes qui réussissent à l’atteindre de revendiquer la paternité de l’invention.

 

            Selon la preuve déposée en l’espèce, seul le zolédronate s’est avéré un traitement efficace, administré une fois par année, contre l’ostéoporose liée à la ménopause. Rien dans la preuve ne montre que d’autres bisphosphonates mis au point permettent d’obtenir des résultats similaires.

 

[68]           M. Richardson, l’un des inventeurs nommés, a expliqué la voie suivie pour obtenir un bisphosphonate administré une fois par année. Je suis convaincu qu’il a osé aller au‑delà de ce qu’une personne ordinaire versée dans l’art aurait fait à l’époque. Contre toute attente, il a obtenu un bon résultat.

 

[69]           Je conclus donc que, d’après la preuve dont je dispose, l’invention revendiquée aux revendications 7, 16, 25 et 34 du brevet 201 n’était pas évidente.

 

LA QUESTION NO 2 :         LA MÉTHODE DE TRAITEMENT MÉDICAL

[70]           Un certain nombre de revendications du brevet 201 ont déjà été abordées dans les présents motifs, en particulier les revendications 10 à 18, auxquelles s’ajoute la revendication 16 reformulée. L’interprétation de ces revendications et des autres revendications en litige a été faite. Pour l’examen de la question de la méthode de traitement médical, les éléments suivants des revendications représentatives 10 à 16 peuvent être évalués :

 

Revendication 10 :     - l’utilisation de l’acide zolédronique

           - pour traiter des anomalies du renouvellement de la masse osseuse

           - l’administration par intermittence au moins une fois par année, environ

 

Revendication 11 :  - l’administration pendant environ un an

Revendication 12 :  - l’administration par voie intraveineuse

Revendication 13 :  - une dose d’environ 2 mg à environ 10 mg

Revendication 14 :  - une dose d’environ 5 mg

Revendication 15 :  - l’affection est l’ostéoporose

Revendication 16 :  - l’administration une fois par année, par voie intraveineuse, d’une dose de 5 mg contre l’ostéoporose

 

[71]           En bref, les revendications 10 et 11 ne visent aucune plage de doses, mais visent l’administration à intervalles d’environ un an. La revendication 13 vise une plage de doses allant d’environ 2 mg à environ 10 mg. Les revendications 14, 15 et 16 visent une dose précise d’environ 5 mg.

 

[72]           Les écrits à savoir si les « méthodes de traitement médical » répondent à la définition d’« invention » de l’article 2 de la Loi sur les brevets sont nombreux :

 

“invention” means any new and useful art, process, machine, manufacture or composition of matter, or any new and useful improvement in any art, process, machine, manufacture or composition of matter;

 

« invention » Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

 

 

[73]           La jurisprudence débute par la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Tennessee Eastman Company c Commissaire des Brevets, [1974] RCS 111, dont les effets ont été brièvement énoncés par le juge Heald, au nom de la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Imperial Chemical Industries Ltd. c Commissaire des Brevets (1986), 9 CPR (3d) 289 (CAF), à la page 296 :

 

Venons-en maintenant à l’arrêt de la Cour suprême du Canada; c’est le juge Pigeon qui a rendu cette décision au nom de la Cour. Il commence ses motifs en énonçant l’exposé conjoint des faits et des questions. À la page 204 du C.P.R., il reproduit, en l’approuvant, la partie des motifs du juge Kerr citée plus haut. Il est vrai qu’il parle de l’incidence de l’article 41, probablement parce que cette affaire était fondée sur le paragraphe 41(1). Toutefois, après avoir traité de ce sujet, il dit à la page 207 du C.P.R. :

 

 

Étant arrivé à la conclusion que les méthodes de traitement médical ne sont pas visées comme « procédés » par la définition d’« invention », le même raisonnement doit, pour les mêmes motifs, s’appliquer aux méthodes de traitement chirurgical.

 

À mon sens, il s’agit d’une affirmation claire et sans équivoque selon laquelle « les méthodes de traitement médical ne sont pas visées comme "procédés" par la définition d’"invention" ». C’était là la seule question soumise à la Cour, et il y est répondu de façon claire et sans équivoque. En conséquence, j’estime que la portée de cette affirmation ne peut se limiter uniquement aux situations de fait visées par le paragraphe 41(1) de la Loi. Il s’ensuit donc que le commissaire n’a pas commis d’erreur en se considérant lié par le principe énoncé dans l’arrêt Tennessee Eastman.

 

 

[74]           L’avocat de Novartis s’appuie fortement sur la décision de la Cour suprême du Canada dans Shell Oil Company c Commissaire des brevets, [1982] 2 RCS 536; cependant, selon moi, cette décision appuie la thèse selon laquelle un brevet peut être obtenu pour un nouvel usage d’une substance connue, dans la mesure où il est original. Aucune proposition générale concernant les méthodes de traitement médical ne peut être formulée. Je répète ici ce que la juge Wilson a écrit, au nom de la Cour, aux pages 551 et 552 :

 

A mon avis, c’est le point capital du pourvoi de l’appelant en cette Cour. Elle affirme : [TRADUCTION] «J’admets que ces composés sont déjà connus; j’admets qu’il n’y a aucun esprit inventif à les mélanger à ces adjuvants une fois leur propriété de régulateurs de croissance végétale connue; mais j’ai découvert ces propriétés particulières de ces composés déjà connus et je demande un brevet à l’égard de la réalisation pratique de mon invention». Je crois qu’il y a droit.

 

 

[75]            La juge Wilson a formulé des commentaires sur l’affaire Tennessee Eastman à la page 554 de ses motifs, affirmant qu’un procédé de traitement chirurgical ou médical n’est pas brevetable parce qu’il est essentiellement de nature non économique et non relié au commerce ou à l’industrie :

 

Dans l’arrêt Tennessee Eastman Co. c. Commissaire des brevets (1970), 62 C.P.R. 117 (C. de l’É.), confirmé par [1974] R.C.S. 111, la requérante demandait un brevet à l’égard d’une méthode de suture après une intervention chirurgicale qui consiste à utiliser une substance adhésive à laquelle on avait découvert la propriété d’adhérer fermement au tissu vivant. Le commissaire a refusé le brevet parce qu’il ne s’agissait pas de la sorte de découverte (l’adhésif lui-même n’étant pas nouveau) qui répond à la définition d’« invention » au sens de la Loi. Il a conclu notamment qu’il ne s’agissait pas d’une « réalisation » parce qu’elle ne servait qu’à l’occasion de traitements médicaux ou chirurgicaux et qu’elle n’avait pas d’incidence sur le commerce ou l’industrie. La requérante a interjeté appel à la Cour de l’Échiquier où la seule question à déterminer était celle de savoir si cette utilisation de l’adhésif était visée par l’expression « réalisation ou procédé présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité » au sens de la Loi sur les brevetsOn a conclu qu’elle ne l’était pas pour les motifs donnés par le commissaire. En effet la substance n’était pas brevetable parce qu’elle était essentiellement de nature non économique et non reliée au commerce ou à l’industrie. Elle appartenait plutôt au domaine de la compétence professionnelle. La Cour a cependant affirmé que « réalisation » est un mot très général et qu’il ne faut pas le restreindre aux nouveaux procédés, produits ou techniques de fabrication mais qu’il faut l’appliquer aussi aux méthodes nouvelles et innovatrices qui servent à appliquer des connaissances ou des compétences pourvu qu’elles produisent des effets ou des résultats utiles pour le public de façon commerciale.

 

[76]           Ultérieurement, dans une affaire désormais connue sous le nom d’affaire AZT (Apotex Inc c Wellcome Foundation Limited, [2004] 4 RCS 153), la Cour suprême du Canada formulait un commentaire sur les arrêts Shell Oil et Tennessee Eastman. Afin de comprendre ce commentaire, il faut se reporter à la décision de la Cour fédérale dans 79 CPR (3d) 193, particulièrement aux paragraphes 72 et 73, et à la décision de la Cour d’appel fédérale dans [2001] 1 CF 495, particulièrement aux pages 527 à 531, afin de déterminer quelles étaient les revendications qu’examinait la Cour suprême du Canada. Le tribunal de première instance a jugé brevetables les revendications visant la substance AZT elle­‑même, et ce, même si l’AZT était un composé connu. Ce tribunal a aussi jugé brevetables les revendications visant la prophylaxie, c’est‑à‑dire l’utilisation de l’AZT pour le traitement des infections à VIH. La Cour d’appel a jugé que seules les revendications relatives à la prophylaxie étaient brevetables.

 

[77]           Aussi la Cour suprême ne devait-elle statuer que sur les revendications relatives à la prophylaxie lorsque le juge Binnie, pour la Cour, a écrit au paragraphe 177 :

 

1.         L’objet brevetable

 

La brevetabilité de l’objet de l’invention n’est pas sérieusement contestée en l’espèce. « [D]es propriétés jusqu’alors inconnues » peuvent constituer une nouvelle utilisation brevetable d’une substance déjà connue : Shell Oil, précité, p. 549, le juge Wilson. Dans cette affaire, le brevet comportait la divulgation d’une utilisation auparavant inconnue de composés déjà connus comme étant des régulateurs de croissance végétale.

 

En l’espèce, les appelantes ont fait valoir, au cours du procès, que le brevet était invalide parce qu’il visait à monopoliser une méthode de traitement médical, ce qui allait à l’encontre de l’arrêt Tennessee Eastman, précité, mais cet argument a été rejeté à bon droit. L’arrêt Tennessee Eastman portait sur la brevetabilité d’une méthode chirurgicale de conglutination d’incisions ou de blessures au moyen de certains composés. Cet arrêt était fondé sur l’ancien art. 41 de la Loi sur les brevets, maintenant abrogé. La Cour a conclu que la méthode (considérée séparément des composés) n’était pas brevetable. Selon la politique générale expliquée par le juge Wilson dans l’arrêt Shell Oil, précité, p. 554, la revendication non brevetable était essentiellement de nature non économique et non reliée au commerce ou à l’industrie. Elle appartenait plutôt au domaine de la compétence professionnelle.

 

Le brevet pour l’AZT ne cherche pas à « circonscrire » un secteur de traitement médical. Il vise à obtenir le droit exclusif de commercialiser l’AZT. La question de savoir comment et quand, s’il y a lieu, employer l’AZT est laissée à la compétence et au jugement des membres de la profession médicale.

 

[78]           La Cour suprême nous a donc enseigné ce qui suit en ce qui concerne la méthode de traitement médical :

 

                     Une invention ne peut pas jouir d’une protection par brevet si elle empiète sur la compétence d’un professionnel, par exemple dans le cas d’une intervention chirurgicale.

 

                     Une protection par brevet peut être conférée aux produits commercialisables employés pour un traitement médical, par exemple une nouvelle substance servant au traitement d’une maladie, ou une substance déjà connue dont on a découvert qu’elle permettait, sans qu’on s’y attende, de traiter une autre maladie.

 

[79]           En l’espèce, il faut prendre en considération les brevets visant des schémas posologiques de substances employées pour un traitement médical.

 

[80]           Dans l’arrêt Merck & Co Inc c Apotex Inc (2005), 1 CPR (4th) 35, 2005 CF 755, le juge Mosley de la présente cour a traité d’un certain nombre de revendications qui sont énumérées au paragraphe 28 de ces motifs, soit les revendications 35, 89 et 139, qui sont très similaires à la revendication 16 du brevet 201, qui est en litige en l’espèce. Voici la revendication 35 telle qu’il la décrit :

 

Revendication 35

 

Emploi d’alendronate monosodique trihydraté dans la fabrication d’un médicament pour le traitement de l’ostéoporose humaine, ledit médicament ayant été adapté pour administration orale sous une forme posologique unitaire d’environ 70 mg sur une base active d’acide alendronique conformément à un schéma posologique continu prévoyant la prise d’un comprimé une fois par semaine.

 

[81]           Le juge Mosley s’est longuement attardé sur la question de savoir si une telle revendication visait une méthode de traitement médical et a conclu qu’il n’en était rien. Il a plutôt conclu qu’elle visait un produit vendable ayant une véritable valeur économique. Il a écrit aux paragraphes 135 à 138 :

 

135     Apotex soutient que les revendications contestées du brevet 595 sont essentiellement des méthodes de traitements médicaux en ce qu’elles ne font que donner des instructions au médecin pour modifier le régime posologique, comme l’ont conclu le tribunal australien et la Cour d’appel du Royaume-Uni : Arrow Pharmaceuticals Ltd. c. Merck &Co. Inc., précitée, au paragraphe 89; Instituto Gentili SpA c. Teva Pharmaceutical Industries Ltd., précitée, au paragraphe 69.

 

136     Merck affirme que lorsque les revendications d’un brevet portent sur un produit qui peut être vendu ou qui possède une valeur économique dans le commerce et l’industrie et qui se distingue du travail d’un médecin, ce qui requiert l’exercice d’une spécialité, le brevet n’est plus visé par l’arrêt Tennessee Eastman. Le mode et la fréquence de l’administration ne font pas partie du brevet. Les inventeurs offrent un nouveau produit que les médecins peuvent choisir d’utiliser dans le traitement des patients, selon leur spécialité et en se fiant à leur jugement : Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., [2001] 1 C.F. 495 (C.A.); Merck & Co. c. Apotex Inc., (1994), 59 C.P.R. (3d) 133, à la p. 176 (1re inst.); Apotex c. Wellcome Foundation Ltd., [2002] 4 R.C.S. 153.

 

137     Je conclus que le brevet porte sur un produit vendable ayant une véritable valeur économique, comme en témoigne son succès immédiat sur le marché, et, par conséquent, il ne peut porter sur une méthode de traitement non brevetable. Je note, toutefois, que cela est contraire à la conclusion tirée par les tribunaux du Royaume-Uni. N’eût été la décision de la Cour d’appel dans Bristol-Myers Squibb c. Baker Norton [2001] R.P.C. 1, le juge Jacob aurait statué qu’il ne s’agissait pas d’un brevet portant sur une méthode de traitement. Les propos du juge Holman (au paragraphe 111) dans Bristol-Myers ont été adaptés par l’avocat de la demanderesse dans cette cause en substituant l’alendronate au taxol, la drogue dont il s’agissait dans cette cause, de la manière suivante.

            [TRADUCTION]

 

Dans la présente affaire toutefois, l’alendronate est exactement le même; le mode d’administration, oral, est exactement le même; et l’application thérapeutique ou l’objet, nommément la tentative de traiter l’ostéoporose, est exactement le même. La seule différence est la découverte que si le médicament est administré sous forme de dose unitaire hebdomadaire de 70 mg au lieu de 10 mg quotidiennement, un effet secondaire indésirable – les effets GI indésirables – s’en trouve ainsi diminué, tandis que les propriétés thérapeutiques demeurent. Aucune propriété avantageuse du composé chimique qui ne fut déjà connue n’a été découverte […]... Tout ce qui a été découvert […] est que si le composé est administré une fois par semaine plutôt que quotidiennement, l’un de ses effets secondaires indésirables s’en trouvera atténué par rapport à ce qui existait auparavant.

 

138     Par conséquent, le juge Jacob a conclu que la revendication était en substance une méthode de traitement du corps humain par une thérapie, laquelle conclusion a été maintenue en appel : [2003] All E.R. (D) 62.

 

[82]           Dans Axcan Pharma Inc c Pharmascience Inc (2006), 50 CPR (4th) 321, 2006 CF 527, le juge Harrington de la présente Cour a examiné un brevet qui revendiquait une substance à administrer à l’intérieur d’une gamme posologique pour le traitement d’une maladie. Voici la traduction en anglais figurant au paragraphe 3 de ses motifs :

 

3     Pharmascience en a proposé la traduction anglaise suivante, qu’ont utilisée les témoins experts médicaux des deux parties :

 

« Pharmaceutical composition for the treatment of primary biliary cirrhosis, characterized in that it includes ursodeoxyscholic acid as well as a vehicle and if necessary pharmaceutical excipients, the said composition being processed in a form allowing for the said treatment of primary biliary cirrhosis based on a dose of 13 to 15 mg/kg/day. »

 

[83]           Après un examen du droit canadien applicable concernant les méthodes de traitement médical, le juge Harrington conclut au paragraphe 51 qu’un brevet qui revendique une gamme posologique à l’intérieur de laquelle le médecin doit exercer sa compétence et son jugement n’est pas un produit vendable et que, par conséquent, ce produit n’est pas brevetable. Il a écrit ce qui suit :

 

51     Il y a une distinction à faire entre la dose contenue dans une capsule et une gamme posologique fondée sur le poids du patient. Selon mon interprétation de la revendication ici en cause, l’accent y est mis sur la gamme posologique, et une gamme posologique n’est pas un produit vendable.

 

 

[84]           La Commission d’appel des brevets s’est penchée sur cette question dans sa décision concernant la demande de brevet d’Allergan Inc. Numéro 2,300,723 (2009), 79 CPR (4th) 161. La demande renfermait des revendications visant un intervalle posologique d’une substance servant à traiter une maladie. La Commission décrit comme suit les revendications au paragraphe 7 de sa décision :

7     En réponse à la décision finale, la demanderesse a décidé d’axer ses revendications sur un intervalle posologique précis de toxine botulinique qui était utile dans le traitement de la douleur associée à une affection musculaire, où l’affection musculaire est une affection spastique consécutive à un AVC ou à un événement vasculaire cérébral. Avant la décision finale, les revendications indépendantes n’étaient pas limitées à une quantité ou à un intervalle précis et comportaient des revendications visant le traitement de la douleur et des revendications distinctes visant le traitement de la spasticité avec, pour la plus grande part, un accent sur des sérotypes en particulier. Sept revendications ont été substituées à celles du dossier, et la demanderesse, dans son argumentation, a souligné que les revendications visaient le traitement de la « douleur » et non pas d’un muscle spastique.

 

[85]           La Commission a ensuite examiné la jurisprudence, soit les décisions du juge Mosley dans Merck, précité, et du juge Harrington dans Axcan, précité. Au paragraphe 93 de ses motifs, la Commission conclut que, si une posologie est revendiquée comme partie intégrante du monopole afférant au brevet, elle ne doit pas prendre la forme d’un intervalle :

 

93     L’examen de cette jurisprudence limitée peut nous permettre de conclure que si une dose est revendiquée comme partie intégrante du monopole afférent au brevet, elle ne doit pas prendre la forme d’un intervalle. S’il est nécessaire de connaître des renseignements sur le patient pour déterminer la dose indiquée pour celui-ci et qu’un jugement doit être exercé à la lumière de ces renseignements, il s’agit de questions qui relèvent de la compétence d’un médecin et qui ne sont par conséquent pas brevetables. Comme le dit le juge Harrington, la dose doit prendre la forme d’un « produit vendable » plutôt que celle de lignes directrices à l’intention du médecin. Une telle affirmation semble compatible avec l’affirmation précitée du juge Binnie dans l’arrêt Apotex. S’il n’est plus possible de considérer que l’on peut « commercialiser » l’objet de la revendication, cet objet peut tomber sous le coup de l’exclusion. Il va sans dire qu’il n’est pas nécessaire que l’objet de la revendication soit un « produit vendable » ou qu’il soit possible de le « commercialiser » pour que la revendication soit brevetable. La portée des explications qui précèdent se limite aux cas où on retrouve un intervalle posologique dans une revendication.

 

[86]           J’ai considéré cette question dans Merck & Co Inc c Pharmascience Inc (2010), 85 CPR (4th) 179, 2010 CF 510. La forme de la revendication en litige est décrite au paragraphe 5 de mes motifs :

5     Après l’intégration de toutes les références aux revendications antérieures dans la revendication 5, celle-ci serait libellée comme suit :

 

     5. L’utilisation de la 17[bêta]-(N-tert-butylcarbamoyl)-4-aza-5[alpha]-androst-1-ène-3-one pour la préparation d’un médicament adapté à l’administration orale, utile pour traiter la calvitie chez l’homme et pour laquelle la dose est d’environ 1,0 mg.

 

 

[87]           Après un examen de la jurisprudence, soit Merck, précité, Axcan, précité, et Allergan, précité, j’ai conclu, au paragraphe 114 de mes motifs, qu’une revendication relative à un comprimé contenant une seule dose précise visait un produit vendable, et non pas une méthode de traitement médical, et que ce produit était donc brevetable. Voici ce que j’ai écrit :

 

114     Je note, comme il est expliqué au paragraphe 50 de la décision Axcan, précitée, que le juge Heald de la présente Cour a conclu que l’arrêt Tennessee Eastman de la Cour suprême du Canada, texte dont le raisonnement fait autorité sur la question des méthodes de traitement médical, ne doit pas être distingué au motif que les interdictions législatives expresses en vigueur à l’époque ont depuis été abrogées. Toutefois, il faut distinguer des revendications fondées sur les compétences et le jugement d’un praticien de la médecine et celles qui visent un produit vendable, qu’il s’agisse d’un scalpel, d’un appareil de radiologie ou d’un comprimé de 1 mg, qui sera utilisé ou prescrit par ce praticien. En l’espèce, nous avons un comprimé pris en dose de 1,0 mg par jour. La compétence ou le jugement ne jouent pas. Il s’agit d’un produit vendable, et non d’une méthode de traitement médical.

 

[88]           La décision la plus récente dans laquelle la question de la posologie a été examinée est celle du juge Barnes, de la présente Cour, dans Janssen Inc c Mylan Pharmaceuticals ULC, 2010 CF 1123. Les revendications qu’a examinées le juge Barnes sont énumérées au paragraphe 5 de ses motifs :

 

5.     En l’espèce, les seules revendications en litige sont les revendications 3, 5, 6, 7 et 8 (les revendications pertinentes) :

                                    [TRADUCTION]

3. L’utilisation de galantamine à une première dose d’environ 8 mg/jour jusqu’à une dose finale d’environ 16 mg/jour à 24 mg/jour pour le traitement de la maladie d’Alzheimer, la première dose étant administrée pendant environ deux semaines à environ dix semaines, et l’utilisation de cette première dose pendant environ deux semaines à dix semaines se traduisant par une dose finale plus faible.

 

5. L’utilisation de l’une ou l’autre des revendications 1 à 4 dans lesquelles la galantamine est utilisée à une première dose d’environ 8 mg/jour, à une deuxième dose d’environ 16 mg/jour et à une dose finale d’environ 24 mg/jour, la première dose étant administrée pendant environ deux semaines à environ quatre semaines, la deuxième dose étant administrée pendant environ deux semaines à environ quatre semaines et la dose finale étant administrée par la suite.

 

6. L’utilisation de la revendication 5 dans laquelle la première dose est administrée pendant environ quatre semaines et la deuxième dose est administrée pendant environ quatre semaines.

 

7. L’utilisation de l’une ou l’autre des revendications 1 à 4 dans lesquelles la galantamine est utilisée à une première dose d’environ 8 mg/jour et à une dose finale d’environ 16 mg/jour, la première dose étant administrée pendant environ deux semaines à environ quatre semaines et la dose finale étant administrée par la suite.

 

8. L’utilisation de la revendication 7 dans laquelle la première dose est administrée pendant environ quatre semaines.

 

La revendication 3 renferme les éléments suivants :

 

1. l’utilisation de la galantamine pour traiter la maladie d’Alzheimer;

 

2. à une première dose d’environ 8 mg par jour pendant environ 2 à 10 semaines;

 

3. suivie d’une dose finale d’environ 16 à 24 mg par jour par la suite;

 

4. l’utilisation de ce schéma posologique de progression lente se traduisant par une dose finale plus faible.

 

Les revendications 5 et 6 dépendent de la revendication 3. Les deux décrivent un schéma posologique débutant par une dose de galantamine de 8 mg par jour, augmentant jusqu’à 16 mg par jour et atteignant finalement 24 mg par jour. Le schéma posologique proposé dans ces revendications varie quelque peu, la durée de l’administration de galantamine à chacune des étapes initiales étant de deux à quatre semaines. Les revendications 7 et 8 dépendent également de la revendication 3 et ne sont différentes que dans la mesure où la dose finale de 16 mg par jour est administrée après la fin de la première phase d’ajustement de la posologie d’une durée de deux à quatre semaines.

 

[89]           Il a examiné la jurisprudence et a conclu, au paragraphe 26 de ses motifs, que les revendications d’un brevet qui concernent un domaine dans lequel on s’attend à ce que le médecin fasse appel à sa compétence et à son jugement n’est pas brevetable. Il a écrit ce qui suit :

 

26     Je retiens de la jurisprudence précitée qu’une revendication de brevet visant une méthode de traitement médical qui, de par sa nature, appartient à un domaine pour lequel on peut penser que la compétence ou le jugement du médecin est nécessaire n’est pas brevetable au Canada. Cela comprend l’administration d’un médicament lorsque le médecin, bien qu’il se fie à la recommandation de dosage du breveté, doit tout de même prêter attention au profil du patient et à la réaction de ce dernier au composé.

 

[90]           Après un examen de la preuve, qu’il résume au paragraphe 50 de ses motifs, il conclut au paragraphe 52 que les revendications concernent une méthode de traitement médical :

 

50     Les témoignages montrent clairement que les médecins prudents, comme le Dr Sadavoy, qui tentent de gérer l’administration de médicaments entraînant des effets secondaires lorsqu’ils traitent des patients âgés le font en tenant compte d’un certain nombre de facteurs individualisés. Contrairement aux témoignages par affidavit présentés par les témoins de Janssen, cela ne se limite pas aux conseils du fabricant en matière de posologie. Dans ce contexte, l’ajustement posologique revendiqué par Janssen ne peut être considéré que comme une recommandation destinée aux médecins. Une prise en charge efficace des patients peut exiger une surveillance individualisée continue et des ajustements de la posologie en parallèle.

 

. . .

 

52     En conclusion, je suis totalement convaincu que les revendications pertinentes du brevet 950 visent une méthode de traitement médical. En cherchant à obtenir un monopole pour l’ajustement posologique efficace de la galantamine, le brevet 950 fait obstacle à la capacité des médecins d’exercer leur jugement pour l’administration des versions génériques du médicament. En effet, sans licence accordée par Janssen, le médecin qui voudrait administrer une version générique de la galantamine pour le traitement de la maladie d’Alzheimer suivant la méthode revendiquée dans le brevet 950 contreferait le brevet. De fait, en théorie, le médecin qui prescrirait le Reminyl à un patient sans la permission de Janssen de la manière revendiquée par le brevet 950 contreferait également le brevet.

 

[91]           Ce que la jurisprudence établit, c’est qu’une revendication relative à un produit vendable, y compris une substance destinée au traitement d’une maladie, peut être un bon objet de revendication d’un brevet. Par conséquent, les revendications telles que les suivantes sont de bons objets :

 

                     la substance X pour le traitement de Y;

 

                     la substance X sous forme de comprimé de 5 mg pour le traitement de Y.

 

[92]           Un objet inapproprié est une revendication qui englobe la compétence d’un professionnel de la santé, par exemple :

 

                     la fermeture d’une incision chirurgicale grâce à l’utilisation de l’adhésif X;

 

                     l’utilisation de la substance X dans un intervalle posologique allant de A à B pour le traitement de X.

 

[93]           Si l’on passe maintenant aux revendications en litige du brevet 201, chacune d’elles indique que la substance (acide zolédronique, aussi appelé zolédronate) sera utilisée pour traiter une maladie osseuse. Certaines revendications ne précisent pas de dose, d’autres précisent un intervalle posologique, et d’autres indiquent une dose précise (5 mg). Chaque revendication comporte toutefois les éléments suivants :

 

                     la substance sera administrée par intermittence;

 

                     la période entre la première administration et l’administration subséquente est d’environ un an.

 

[94]           Le brevet 201 indique expressément que le mode d’administration et la posologie « peuvent être choisis par le médecin traitant, qui tiendra compte comme il se doit des caractéristiques du patient, particulièrement l’âge, le poids, le mode de vie, le degré d’activité, le statut hormonal (p. ex. ménopause) et la densité minérale osseuse ». (Page 11, non souligné dans l’original.)

 

[95]           Plus loin à la page 11 du brevet 201, on peut lire que la « dose susmentionnée est habituellement administrée par intermittence à intervalles d’au moins 6 mois. La période entre les administrations de bisphosphonate peut être plus longue, par exemple, de façon commode, une fois par année, une fois tous les 18 mois ou une fois tous les deux ans, ou même encore plus longue; il peut aussi s’agir de tout intervalle intermédiaire. » [Non souligné dans l’original.]

 

[96]           La page 12 du brevet 201 décrit les doses qui dépendent de la puissance des bisphosphonates et précise que les doses peuvent être administrées de façon fractionnée, par exemple 4 mg une journée suivis de 1 mg quelques jours plus tard.

 

[97]           Le seul témoin expert à avoir abordé la question de la méthode de traitement médical était le Dr Baker, qui représentait Cobalt. Aux paragraphes 18, 19, 30 et 31 de son affidavit, il résume comme suit les énoncés de certaines parties descriptives du brevet 201 :

 

[traduction]

18.       À partir du milieu de la page 10, le brevet indique que les agents de l’invention, c’est‑à‑dire les bisphosphonates, peuvent être administrés seuls ou en association avec d’autres médicaments actifs agissant sur les os. Il décrit ensuite diverses voies d’administration et les formulations correspondantes. À la page 11, les inventeurs précisent que :

 

            Le mode d’administration et la posologie peuvent être choisis par le médecin traitant, qui tiendra compte comme il se doit des caractéristiques du patient, particulièrement l’âge, le poids, le mode de vie, le degré d’activité, le statut hormonal (p. ex. ménopause) et la densité minérale osseuse.

 

La posologie des agents de l’invention peut dépendre de divers facteurs, tels que l’efficacité et la durée d’action du principe actif, par exemple la puissance relative du bisphosphonate employé, le mode d’administration, l’espèce à sang chaud ou le sexe, l’âge, le poids et l’état de l’animal à sang chaud

 

19.       Le mode d’administration et la posologie constituent des aspects du schéma posologique à utiliser chez le patient. Les inventeurs stipulent que, au bout du compte, ces éléments seront laissés au bon jugement du médecin traitant du patient. Le mode d’administration et la posologie varient d’un patient à l’autre, et le médecin doit déterminer, d’après sa compétence et son jugement professionnel, le schéma posologique qui convient à son patient.

 

. . .

 

30.       Aucune des expressions n’est définie dans le brevet 201. Après ma lecture du brevet 201 en entier, je comprends que « environ un an », désigne des intervalles posologiques allant d’une fois tous les 6 mois à une fois tous les 12 mois.

 

31.       Mon opinion repose sur les nombreuses mentions dans le brevet 201 que l’invention comprend l’administration une fois tous les 6 mois (voir mon analyse antérieure). Rien n’indique dans le brevet 201 que l’intervalle de 6 mois soit moins favorable que l’intervalle de un an. Au contraire, le brevet 201 mentionne à plusieurs reprises l’efficacité de l’administration tous les 6 mois, y compris lorsque les résultats de l’essai clinique de l’exemple 5 sont décrits. Rien dans le brevet 201 ne laisse croire à une différence entre l’intervalle de 6 mois et celui de 12 mois, et aucune raison expliquant pourquoi l’un serait préférable à l’autre n’est fournie.

 

[98]           Dans son argumentation, l’avocat de Novartis affirme que le brevet revendique un produit vendable, soit une bouteille contenant 5 mg d’acide zolédronique, l’utilisation du contenu de la bouteille étant une injection une fois par année pour traiter l’ostéoporose.

 

[99]           C’est précisément la dernière partie de cette argumentation qui est décisive. Si le brevet ne revendiquait que l’acide zolédronique, ou même 5 mg d’acide zolédronique pour le traitement de l’ostéoporose, l’objet de l’invention serait acceptable selon le droit canadien pourvu que d’autres critères, tels que la nouveauté et la non‑évidence, soient remplis. Toutefois, étant donné que chacune des revendications du brevet 201, directement ou par renvoi, vise également le traitement au moyen d’une administration de doses par intermittence et que certaines revendications précisent un intervalle posologique et d’autres, des doses précises; étant donné que certaines revendications revendiquent des intervalles posologiques plus courts et d’autres, plus longs; et étant donné que les revendications englobent ce qui relève de la compétence du médecin, j’en conclus qu’elles sont invalides.

 

[100]       En Europe, des lois ont été édictées pour régler la question des méthodes de traitement médical. Dans Actavis UK Limited c Merck & Co Inc, [2008] EWCA Civ 444, la Cour d’appel d’Angleterre s’est penchée sur ces lois et sur la question de savoir si le libellé de type « suisse » d’une revendication empêcherait cette dernière d’être une méthode de traitement médical même si elle comprend un intervalle posologique. Après de longues et pénibles délibérations, la Cour a refusé de suivre sa propre décision antérieure dans Bristol Myers Squibb c Baker Norton, [2001] RPC 1 (BMS), et a plutôt suivi la décision ultérieure de la chambre de recours juridique de l’Office européen des brevets dans Genentech/method of administration of IFG-1, [2006] EPOR9. Je reprends une partie des motifs de la Cour d’appel dans Actavis, rédigés par le lord juge Jacob, au nom de la Cour :

 

[traduction]

71. Par conséquent, nous ne sommes pas convaincus que l’affaire BMS formule un principe clair portant que les revendications de type suisse sont dénuées de nouveauté dans le cas où la seule différence qui les distingue de l’art antérieur est un nouveau schéma posologique destiné à une maladie connue.

 

72. S’agissant de la méthode de traitement, le lord juge Buxton a fait le même raisonnement que le lord juge Aldous :

 

 

[93] Toutefois, s’agissant du brevet en litige, la préparation revendiquée n’est pas l’utilisation de l’ingrédient actif, le paclitaxel, dans la préparation du toxol, mais le mélange du taxol avec d’autres ingrédients réalisé en pharmacie d’hôpital pour produire une solution à injecter au patient. C’est ce dernier procédé qu’on dit susceptible d’une application industrielle, en vertu du paragraphe 52(1) de la CBE. Je crains fort de trouver que l’affirmation est, au mieux, artificielle, et je crois qu’elle n’aurait pas été faite si ce n’était pour démontrer que l’invention ne constitue pas une méthode de traitement. On nous a dit que le mélange pouvait être réalisé à contrat à l’extérieur de l’hôpital et qu’il l’était dans certains cas, mais cela ne l’empêche pas d’être à des lieues de ce qui serait, en langage normal, considéré comme une application industrielle ou, d’ailleurs, selon les anciennes lois anglaises, comme une « fabrication ». Comme Votre Seigneurie l’a décrit, le mélange de quantités et de types de prémédicaments, et de quantités de taxol, a été déterminé par le médecin en fonction du patient. En réalité, il ne s’agit pas d’une opération autonome, mais subordonnée et accessoire au traitement du patient par le médecin. Il est vrai que, lors du traitement du patient, le médecin administrera les médicaments ou, à tout le moins, pourra le faire, selon les instructions du brevet. Mais cela fait simplement ressortir que le brevet n’enseigne pas la façon de préparer un médicament destiné au traitement du patient, ce qui serait, par la forme du moins, une revendication de type suisse, mais comment traiter le patient, ce qui est l’enseignement que la revendication de type suisse vise précisément à éviter.

 

73. Il y a ici une justification, soit que la revendication visait essentiellement une méthode de traitement médical. C’est aussi la justification du lord juge Aldous. Le juge Holman a souscrit à cette position. Toutefois, il semble clair que l’OEB n’en accepterait pas le bien-fondé. Car il accepte que toute revendication sous la forme suisse, de par sa nature, ne va pas jusqu’à revendiquer une méthode de traitement médical, elle ne monopolise pas le traitement effectif du patient.

 

Les conclusions du juge

 

74. Le juge considérait que la revendication était dénuée de nouveauté et visait une méthode de traitement. Dans les deux cas, il estimait que l’affaire BMS exigeait de lui qu’il le fasse. En ce qui concerne la nouveauté, pour les motifs que nous avons donnés, nous croyons qu’il a erré parce que l’affaire BMS ne formule pas de principe clair sur ce point.

 

75. En ce qui concerne la méthode de traitement, le juge en a traité brièvement. Il a admis la thèse de M. Thorley selon laquelle le choix du schéma posologique incombait au médecin et que, dans la mesure où l’art antérieur est concerné, il n’y aucune différence que le patient reçoive cinq comprimés de 1 mg ou un comprimé de 5 mg par jour. Mais, selon nous, cela ne suffit pas pour dire qu’une revendication vise essentiellement une méthode de traitement. Le rôle joué par le personnel médical est bien moindre qu’il ne l’est dans BMS. Essentiellement, la revendication en l’espèce est l’utilisation de finastéride pour la préparation d’un médicament aux doses définies. Elle ne cible pas le médecin ni ne le touche – elle cible plutôt le fabricant. Autrement dit, même si l’arrêt BMS est correct sur ce point, il ne peut être élargi pour englober chaque cas dans lequel la nouveauté dépend d’un schéma posologique donné. Après tout, tous les médicaments sur ordonnance doivent être prescrits, et ça ne signifie pas que chacun d’eux constitue une méthode de traitement.

 

76. Par conséquent, nous croyons que le juge avait tort sur les deux points. En toute justice, il nous faut cependant préciser qu’il n’a pas bénéficié de l’argumentation soutenue qui nous a été présentée sur ces points.

 

. . .

 

84. Étant donné que nous sommes convaincus que l’affaire BMS ne formule pas de principe clair s’appliquant en l’espèce, nous sommes libres d’affirmer, et nous affirmons, que nous devrions suivre Genentech et, sous réserve du pourvoi incident sur l’évidence, accueillir l’appel.

 

 

[101]       En l’espèce, la présente Cour, contrairement aux cours d’Angleterre, n’est pas liée par une décision d’un tribunal de l’Office européen des brevets (OEB). De plus, dans la présente affaire, tant Novartis que Cobalt ont considéré les revendications du brevet 201, y compris les revendications de type suisse, comme des revendications d’utilisation. Et comme l’ont fait les cours d’Angleterre dans l’affaire BMS, avant la décision de l’OEB, la présente Cour devrait ne pas tenir compte de la nature artificielle d’une revendication de type suisse et se pencher sur l’objet véritable de la revendication. En l’espèce, l’invention est, comme il a déjà été mentionné, la reconnaissance que le zolédronate peut être administré peu fréquemment, par exemple à raison de 5 mg par injection une fois par année, et offrir un traitement efficace contre l’ostéoporose. Il s’agit en réalité, tout ingénieux que puisse être le libellé de la revendication, d’une méthode de traitement médical, donc d’un objet non brevetable conformément au droit canadien.

 

LA QUESTION NO 3 :         INSCRIPTION DU BREVET SUR UNE LISTE SOUS LE RÉGIME DU RÈGLEMENT AC

[102]       Cobalt allègue que le brevet 201 ne répondait pas aux critères d’inscription sur une liste sous le régime du Règlement AC applicable au moment de l’inscription. L’alinéa 4(2)d) du Règlement précise qu’une « première personne » telle que Novartis pouvait inscrire un brevet sur une liste s’il contenait :

 

4(2)d) une revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal, l’utilisation ayant été approuvée par la délivrance d’un avis de conformité à l’égard de la présentation.

 

[103]       Les mots « revendication de l’utilisation d’un ingrédient médicinal » sont définis comme suit à l’article 2 du Règlement AC :

 

« revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal » Revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal aux fins du diagnostic, du traitement, de l’atténuation ou de la prévention d’une maladie, d’un désordre, d’un état physique anormal, ou de leurs symptômes. (claim for the use of the medicinal ingredient) ».

 

[104]       Cobalt prétend que le brevet 201 ne renferme pas de « revendication de l’utilisation d’un ingrédient médicinal » telle qu’elle est définie, que le brevet n’aurait donc jamais dû être inscrit sur la liste et que, par conséquent, la présente procédure concernant le brevet 201 devrait être rejetée.

 

[105]       Novartis allègue que le brevet 201 renferme bien une « revendication d’utilisation d’un ingrédient médicinal » et que, de toute manière, le Règlement AC prévoit un mécanisme précis pour soulever un tel argument, soit une requête avant l’audience, et qu’il était inadéquat de la part de Cobalt de simplement soulever cet argument pour la première fois dans son mémoire du droit déposé quelques semaines avant l’audience.

 

[106]       En ce qui concerne le premier point, à savoir si le brevet 201 renferme une « revendication d’utilisation d’un ingrédient médicinal », il tourne autour de l’interprétation des revendications. L’argument de Cobalt concerne les revendications « de type suisse » 1 à 7. En l’espèce, les revendications d’« utilisation » 10 à 18 correspondent exactement à cette définition. Par conséquent, je ne juge pas utile d’évaluer plus avant si les revendications « de type suisse » y correspondent aussi.

 

[107]       En ce qui a trait au bon mécanisme pour contester l’inscription d’un brevet sur une liste, il est évident qu’une personne ne peut le faire hors du contexte d’une poursuite engagée par la personne qui a inscrit le brevet sous le régime du Règlement AC. Aucun « chevalier blanc » ne viendra « nettoyer » une liste de brevets avant d’être partie d’une procédure engagée au titre du Règlement AC. Je répète ce que j’ai écrit dans la décision Wyeth Canada c Ratiopharm Inc, 2007 CF 340, infirmée pour d’autres motifs (2007 CAF 264) au paragraphe 2 :

 

2     Suivant l’alinéa 6(1)a) du Règlement, tel que modifié le 5 octobre 2006, la seconde personne, en l’occurrence Ratiopharm, peut par requête demander à la Cour de rejeter tout ou partie de la demande pour ce qui est des brevets qui ne sont pas admissibles à l’inscription au registre au titre de certains des avis de conformité délivrés à la première des requérantes Wyeth. Ce n’est pas un motif que peut invoquer la seconde personne dans son avis d’allégation à la première personne avant que ne soit engagée une procédure devant la Cour (comparer avec ce que prévoit l’alinéa 5(1)b) du Règlement). Un fabricant de médicaments génériques susceptible de se trouver un jour dans la situation de deuxième personne n’a pas, si n’est en instance aucune procédure engagée au titre du Règlement, qualité pour contester l’inscription d’un brevet au registre (Apotex c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social), (2003), 3 CPR (4th) 1 (CAF)).

 

[108]       Comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Abbott Laboratories c Canada (Ministre de la Santé), 2007 CAF 187, une contestation de l’inscription d’un brevet à une liste sous le régime du Règlement AC se fait généralement au moyen d’une requête distincte déposée conformément à l’alinéa 6(5)a); cependant, alors que la juge de première instance a tranché l’affaire en s’appuyant sur des observations présentées au cours de l’audience même (2006 CF 1558), rien ne concernait le fait qu’elle a jugé le brevet inadmissible aux fins de son inscription au registre. Dans ses motifs concourants, le juge Noël a écrit, aux paragraphes 44 à 46 :

 

44     Je signale enfin que la juge Heneghan a parfois dit que le brevet ‘361 (ou certaines parties de ce brevet) ne satisfont pas « aux critères d’admissibilité pour inscription sur la liste de brevet » (voir, par exemple, le paragraphe 134 de ses motifs). La question de l’admissibilité d’un brevet aux fins de son inscription au registre est généralement invoquée dans le cadre d’une requête distincte présentée en vertu de l’alinéa 6(5)a) [mod. par DORS/2006-242, art. 3; erratum Gaz. C. 2006 II.1875(A)] du Règlement (voir Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social), [(2000), 3 C.P.R. (4th) 1 (C.A.F.)], tel qu’il a été appliqué dans la décision Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2004 CF 650, aux paragraphes 59 à 64). Une telle requête ne semble cependant pas avoir été présentée dans le cadre de la présente affaire.

 

45     Cela importe peu en l’espèce étant donné que la conclusion à laquelle la juge Heneghan est parvenue sur ce point est correctement exposée au paragraphe 133 de ses motifs, où elle statue que pareille revendication « n’est pas admissible sous le régime du Règlement AC ».

 

46     La juge Heneghan n’ayant commis aucune erreur en tirant cette conclusion, il n’est par conséquent pas nécessaire pour nous d’examiner l’argument subsidiaire avancé par Apotex qui invoque l’invalidité du brevet ‘361 pour cause d’évidence et d’antériorité. S’il avait été nécessaire d’analyser cette question, il aurait fallu poursuivre l’audition du présent appel au‑delà de la journée qui y avait été affectée en urgence. Je souligne à cet égard que l’audience de la Cour fédérale a duré six jours, les débats ayant été pour l’essentiel consacrés à l’examen des antériorités et de la preuve concernant l’évidence et l’état de la technique. N’étant pas en mesure sur ce point de se fonder sur les motifs d’une décision antérieure, la Cour estime que la question de la validité relève d’un jugement de première instance.

 

 

[109]       En l’espèce, Cobalt soutient qu’elle n’aurait pas pu présenter sa requête plus tôt, car elle ignorait quelle interprétation Novartis ferait des revendications et croyait que seules les revendications de type suisse étaient en litige. Je ne vois aucune raison pour laquelle Cobalt aurait dû croire que seules les revendications de type suisse étaient en litige; cependant, si c’était le cas, je consentirais à ce que la question de l’inscription sur la liste soit soulevée au moment de l’audience. Quoi qu’il en soit, les revendications d’« utilisation » 10 à 16 sont en litige et répondent aux critères d’inscription sur la liste.

 

[110]       Je rejette donc les arguments de Cobalt sur cette question.

 

CONCLUSIONS ET DÉPENS

[111]       En conclusion, je considère que l’allégation d’évidence formulée par Cobalt n’est pas justifiée, mais que son allégation selon laquelle les revendications en litige visent une méthode de traitement médical est justifiée. En conclusion, la demande est rejetée.

 

[112]       Cobalt a droit à ses dépens liés à la demande, calculés selon la partie médiane de la colonne IV. Des dépens correspondant à une journée sont adjugés pour un avocat principal et un avocat adjoint durant l’audience. Des honoraires d’experts sont adjugés pour autant qu’ils soient raisonnables et ne dépassent pas les honoraires d’un avocat principal pour la même vacation. Les débours liés aux déplacements requis de un avocat pour conduire le contre-interrogatoire d’un témoin ou opposer une défense durant tel contre-interrogatoire sont adjugés pour autant qu’ils soient raisonnables. Je considère que les déplacements en classe affaires sont raisonnables.


JUGEMENT

 

POUR LES MOTIFS EXPOSÉS,

LA COUR STATUE que :

 

1.      La demande est rejetée;

 

2.      la défenderesse Cobalt a droit à ses dépens suivant les modalités énoncées dans les motifs.

 

« Roger T. Hughes »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Renée Lebeuf, traductrice


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-724-12

 

 

INTITULÉ :                                      NOVARTIS PHARMACEUTICALS CANADA INC. (demanderesse) et COBALT PHARMACEUTICALS COMPANY ET LA MINISTRE DE LA SANTÉ (défenderesses) et NOVARTIS AG et ROCHE DIAGNOSTICS GmbH (titulaires de brevet)

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 10 septembre 2013

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            Juge HUGHES

 

 

DATE DES MOTIFS ET

DU JUGEMENT :                            Le 25 septembre 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Anthony G. Creber

Livia Aumand

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Douglas Deeth

Kavita Ramamoorthy

POUR LA DÉFENDERESSE

COBALT PHARMACEUTICALS COMPANY

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gowling Lafleur Henderson, S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Deeth Williams Wall LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

COBALT PHARMACEUTICALS COMPANY

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

LA MINISTRE DE LA SANTÉ

Gowling Lafleur Henderson, S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDERESSES/TITULAIRES DE BREVET

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.