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Date : 2013102

Dossier : T‑1056‑11

Référence : 2013 CF 1006

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 2 octobre 2013

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

CORPORATION DE SERVICE MEDOS

MARATHON MEDICAL INC.

ALEXANDER VLASSEROS

 

demandeurs

et

 

RIDOUT AND MAYBEE LLP

 

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               Une marque de commerce peut être radiée du registre si elle n’est pas employée, contrairement aux autres éléments de propriété intellectuelle. L’article 45 de la Loi sur les marques de commerce prévoit que le registraire peut, sur demande de toute personne qui verse les droits prescrits, donner au propriétaire inscrit d’une marque de commerce un avis lui enjoignant de fournir, dans les trois mois, un affidavit ou une déclaration solennelle indiquant, à l’égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l’enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois années précédentes et, dans la négative, la date où elle a été ainsi employée en dernier lieu et la raison de son défaut d’emploi depuis cette date.

 

[2]               Le 23 décembre 2010, le registraire des marques de commerce, à la demande du cabinet d’avocats Ridout & Maybee LLP, a transmis une lettre par courrier exprès à Corporation de Service Medos, le propriétaire de la marque de commerce MEDOS. Comme aucune réponse n’a été reçue, la marque de commerce a été radiée le 26 avril 2011. La société Medos, Alexander Vlasseros, son dirigeant, et une société liée, Marathon Medical Inc., ont interjeté appel de cette décision. Ils attachent beaucoup d’importance au fait que la lettre du registraire n’a pas été réclamée et a été retournée à ce dernier. La lettre avait toutefois été envoyée à la dernière adresse figurant au dossier, une adresse d’ailleurs utilisée par M. Vlasseros dans un affidavit produit ultérieurement.

 

[3]               Il est possible d’interjeter appel des décisions du registraire devant la Cour fédérale. L’article 56 de la Loi sur les marques de commerce porte que dans le cadre d’un tel appel, contrairement aux autres appels et aux contrôles judiciaires, il est permis de produire des éléments de preuve additionnels. Les appelants ont donc produit des éléments de preuve qui établissent selon eux l’emploi de la marque de commerce pendant la période visée de trois ans. Il ne serait donc pas nécessaire d’examiner s’il y avait une raison valable au défaut d’emploi. La marque de commerce avait trait à des services, soit l’« [e]xploitation d’un commerce de gros et de détail spécialisé dans la distribution et la vente de produits et d’équipements médicaux et de soins de santé par l’entremise de centres de distribution multiples ». La défenderesse soutient pour sa part que la preuve ne démontre pas l’emploi de la marque de commerce par quiconque.

 

[4]               La défenderesse soutient de manière subsidiaire que, si la Cour devait conclure que la marque de commerce a été employée, cet emploi était le fait de Marathon Medical Inc. L’emploi par Marathon ne constitue un emploi au sens de l’article 50 de la Loi que si Medos lui a octroyé une licence d’emploi de la marque et a néanmoins conservé le contrôle des caractéristiques ou de la qualité du service en cause. Or, ajoute la défenderesse, aucune preuve en ce sens n’a été présentée.

 

[5]               M. Vlasseros, qui n’est pas avocat, a été autorisé à représenter ses sociétés Medos et Marathon.

 

Justice naturelle

 

[6]               La prétention de M. Vlasseros selon laquelle les principes de justice naturelle n’ont pas été observés n’est pas fondée. Hormis qu’aucune explication n’a été donnée quant au fait que la lettre envoyée en application de l’article 45 n’a pas été réclamée, la loi offrait à M. Vlasseros une voie de recours parfaitement valable, soit un appel, dans le cadre duquel de nouveaux éléments de preuve peuvent être produits. C’est d’ailleurs ce qui s’est produit dans des affaires semblables comme Promotions CD Inc c McBurney, 2008 FC 1071, 71 CPR (4th) 63. Ni l’avocat de la défenderesse ni moi‑même n’avons connaissance d’une affaire de radiation qu’on aurait renvoyée au registraire, en de telles circonstances, pour nouvel examen.

 

preuve

 

[7]               Le fardeau de preuve dont doivent s’acquitter les appelants pour démontrer l’emploi est peu exigeant. La procédure devant le registraire ne constitue pas un procès civil où chacune des parties présente une preuve et où l’affaire est tranchée selon la prépondérance des probabilités. Le juge Hugessen a formulé à cet égard, dans Meredith & Finlayson c Canada (Registraire des marques de commerce) (1991), 40 CPR (3d) 409, 138 NR 379 (CAF), les commentaires suivants (au paragraphe 4) :

Le paragraphe 45(2) est clair : le registraire peut seulement recevoir une preuve présentée par le propriétaire inscrit ou pour celui‑ci. Cette disposition ne vise manifestement pas la tenue d’une instruction qui porterait sur une question de faits (sic) contestée mais, plus simplement, à donner au propriétaire inscrit l’occasion d’établir, s’il le peut, que sa marque est employée, ou bien d’établir les raisons pour lesquelles elle ne l’est pas, le cas échéant.

 

[8]               Une seule opération commerciale effectuée dans le cours normal des affaires pourra suffire comme preuve de l’emploi (Sols R Isabelle Inc. c Stikeman Elliott LLP, 2011 CF 59, 92 CPR (4th) 83).

 

[9]               M. Vlasseros a produit quatre types d’éléments de preuve :

a.                   une série de factures de Rogers adressées à Corporation de Service Medos;

b.                  de la correspondance échangée avec des fournisseurs étrangers;

c.                   des reçus remis à M. Vlasseros, Corporation de Service Medos et Marathon Medical Inc. concernant la location de locaux pour bureaux, d’entrepôts et de locaux utilisés pour fournir des services de réparation;

d.                  des factures de Marathon Medical Inc. adressées à la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) concernant certains patients. Les factures concernent la réparation de lits d’hôpitaux, des tests hydrostatiques de sécurité, des recharges, des masques et des tubes ainsi que des inspections annuelles.

 

[10]           Il ne suffit pas de dire qu’une marque de commerce a été employée. La preuve de l’emploi doit être faite (Curb c Smart & Biggar, 2009 CF 47, 72 CPR (4th) 176, et la jurisprudence qui y est citée).

 

Factures de Rogers

 

[11]           Les factures de Rogers semblent être des factures téléphoniques, rien de plus, rien de moins. Elles ne démontrent pas l’emploi de la marque de commerce. M. Vlasseros a tenté d’expliquer que les factures concernaient de la publicité dans les pages jaunes, mais assurément cela n’y est pas précisé. La défenderesse, qui a relevé de nombreuses irrégularités de procédure sans toutefois les invoquer en défense, a soulevé une objection relativement à ce qu’elle a considéré équivaloir à un témoignage. J’ai retenu l’objection. Une partie qui agit pour son propre compte ne peut pas davantage témoigner dans un appel présenté par voie de demande qu’une partie représentée par un avocat. Voici ce que lord Atkin a dit à ce sujet dans Evans c Bartlam, [1937] AC 473, [1937] 2 All ER 646, à la page 479 :

[traduction] De fait, il n’y a pas et il n’y a jamais eu une présomption que la loi est connue de tous. Il y a bien le principe que l’ignorance de la loi n’est pas une excuse, mais c’est une maxime d’une portée et d’un effet bien différents.

 

Correspondance échangée avec des fournisseurs étrangers

 

[12]           La correspondance échangée avec des fournisseurs étrangers fait voir que M. Vlasseros recherchait des contrats. Nulle mention n’y est faite de la marque de commerce Medos. M. Vlasseros laisse entendre que si les démarches ainsi effectuées avaient porté fruit, il aurait pu apposer la marque Medos sur l’équipement importé au Canada. Non seulement il s’agit d’une pure conjecture, mais cela ne prouve non plus d’aucune manière l’emploi de la marque de commerce Medos.

 

Reçus de location

 

[13]           Les reçus de location ne sont pas davantage utiles. Il n’en résulte aucune preuve de l’emploi du nom Medos, au sens de l’article 4 de la Loi, à des fins de publicité.

 

Factures adressées à la SAAQ

 

[14]           Les factures de Marathon adressées à la SAAQ sont ce qui s’approche le plus d’une éventuelle preuve d’emploi. Il convient toutefois de noter que le mot « Medos » n’y figure à aucun endroit. M. Vlasseros a tenté d’expliquer, malgré une objection, que des autocollants de Medos étaient apposés sur les lits d’hôpitaux et que Marathon, autorisée en cela par Medos, fournissait des services après‑vente. Je doute que l’entretien fasse partie des services visés par la marque de commerce, soit l’« [e]xploitation d’un commerce […] spécialisé dans la distribution et la vente de produits […] médicaux et de soins de santé […] ».

 

[15]           En outre, la marque de commerce a été obtenue en 1990 sur la foi d’une prétention d’emploi de la marque Medos au Canada depuis au moins août 1983. Les factures en cause ne démontrent pas l’emploi parce qu’il ne s’y trouve aucune mention de Medos. Si de l’équipement médical de Medos a été vendu, on a bien pu l’avoir vendu des décennies plus tôt.

 

[16]           En l’absence de toute preuve d’emploi de la marque de commerce Medos pendant les trois années visées, il n’est pas nécessaire d’établir s’il y a eu octroi d’une licence à Marathon ou à M. Vlasseros au sens de l’article 50 de la Loi.

 

[17]           M. Vlasseros a versé au dossier la copie d’une lettre datée du 16 août 2013 par laquelle le registraire radie la marque de commerce. Il doit s’agir d’une erreur, puisque personne ne peut radier ce qui l’a déjà été.

 

DÉPENS

 

[18]           L’avocat de la défenderesse a demandé que les dépens soient adjugés à la défenderesse. La Cour préfère, lorsque cela est possible, ordonner le versement d’un montant forfaitaire. L’avocat de la défenderesse m’a laissé le soin d’établir l’ordonnance, sachant que je serais conservateur. Il a dû se déplacer de Toronto à Montréal pour participer à l’instruction de l’appel. Mis à part l’appel lui‑même, il y a eu quelques requêtes interlocutoires. L’appel n’ayant pas soulevé de grandes difficultés, j’attribue les dépens selon la colonne II du tarif B. J’établis le montant des dépens à 2 500 $, tout compris, conscient du fait que le montant serait plus élevé si l’on procédait à la taxation des dépens.

 


JUGEMENT

 

POUR LES MOTIFS CI‑DESSUS;

LA COUR STATUE comme suit :

1.                  L’appel interjeté à l’encontre de la décision du registraire des marques de commerce est rejeté.

2.                  Le montant des dépens est fixé à 2 500 $, tout compris.

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T‑1056‑11

 

INTITULÉ :                                                  CORPORATION DE SERVICE MEDOS ET AL. c
RIDOUT AND MAYBEE LLP

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 25 septembre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 2 octobre 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Alexander Vlasseros

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Paul D. Tackaberry

 

Pour LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

S.O.

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Ridout & Maybee LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour LA DÉFENDERESSE

 

 

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