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Date : 20131002

Dossier : IMM-10846-12

 

Référence : 2013 CF 1008

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 2 octobre 2013

En présence de monsieur le juge Phelan

 

ENTRE :

BRAULIA GUADALUPE RANGEL GOMEZ

OMAR ROBERTO QUEVEDO CRUZ

LORENA GEORGETTE CARDENAS RANGEL

KARLA YORDANA CARDENAS RANGEL

 

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT JUDGMENT

I.          INTRODUCTION

[1]               Le présent contrôle judiciaire vise le refus d’un agent d’application de la loi à l’intérieur du pays [l’agent] de reporter l’exécution d’une mesure de renvoi.

 

II.        CONTEXTE

[2]               Les demandeurs sont tous citoyens du Mexique. Ils ont un lien de parenté avec Brenda Quevedo Cruz, une citoyenne mexicaine qui attend de subir son procès au Mexique pour l’enlèvement et le meurtre d’un certain Hugo de Wallace. Omar Quevedo Cruz, le demandeur, est le frère cadet de Brenda Quevedo Cruz. La demanderesse adulte, Braulia Guadalupe Rangel Gomez, est la tante maternelle de Brenda, et Lorena Rangel et Karla Rangel sont les filles de Braulia et les cousines d’Omar.

 

[3]               En 2008, Omar ainsi que Braulia et ses deux filles se sont enfuis au Canada craignant d’être persécutés par la mère d’Hugo de Wallace. Brenda conteste les accusations d’enlèvement et de meurtre d’Hugo de Wallace. Tous les co‑accusés de Brenda ont reconnu leur culpabilité. Elle soutient qu’elle-même et ceux qui l’appuient ont fait l’objet de menaces et de harcèlement.

 

[4]               La Cour a rejeté la demande de contrôle judiciaire de la décision que l’agent a prise à la suite de l’ERAR et qui a donné lieu à la mesure de renvoi (Gomez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 786).

 

[5]               Il s’agit ici de la seconde tentative du défendeur de renvoyer ces demandeurs d’asile. Les demandeurs ont demandé un sursis, mais le juge Boivin a rejeté cette demande le 9 octobre 2012. La mesure de renvoi devait être exécutée le 10 octobre 2012, date à laquelle les demandeurs ont demandé un report en se fondant sur une lettre de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) datée du 24 septembre 2012 [la première lettre]. Une copie de cette lettre était jointe à la demande de report datée du 10 octobre.

 

[6]               Cette première lettre s’adressait aux membres de la famille Cruz et leur demandait de fournir des renseignements à l’appui de leur demande de mesures conservatoires à l’égard d’Omar Cruz au Mexique. La lettre envoyée à l’agent est de toute évidence une traduction informelle et de médiocre qualité.

 

[7]               L’agent a traité la demande de report immédiatement, le 10 octobre. Environ à la même époque où la décision défavorable [la décision relative au report] était communiquée aux demandeurs, l’avocat des demandeurs a transmis à l’agent d’autres observations à l’appui de la demande de report. Ces observations consistaient en une seconde lettre de la CIDH datée du 10 octobre 2010 [la seconde lettre].

 

[8]               Cette seconde lettre s’adressait aussi à la famille Cruz et signale que la CIDH avait écrit au gouvernement du Canada le jour même pour demander de l’information sur les raisons de l’expulsion et sur le risque de torture et de menaces de mort qui pèserait sur l’intéressé s’il retournait au Mexique, ainsi que les copies des décisions connexes.

 

[9]               Dans sa décision relative au report, l’agent a noté que la demande de report à laquelle était jointe la première lettre était manifestement mal à propos. L’agent a soulevé quatre points à cet égard :

                     la lettre ne renfermait aucune information sur « l’atteinte anticipée des droits fondamentaux » d’Omar;

                     la lettre faisait suite au témoignage d’une tierce partie, un parent pour qui l’issue de l’affaire avait un intérêt;

                     la preuve ne permettait pas d’affirmer que la CIDH exhorterait le Canada de ne pas expulser Omar;

                     même en supposant que la CIDH allait faire cette demande, la preuve ne permettait pas d’affirmer que la demande aurait pour effet de surseoir à la mesure de renvoi en vertu de la législation canadienne sur l’immigration (art. 50 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR]).

 

[10]           L’agent a tenu compte de l’intérêt supérieur des enfants, mais a conclu que tous les risques avaient été pris en considération. L’agent a mentionné un article du Toronto Star qui faisait état des risques déjà constatés par la Section de la protection des réfugiés (SPR) et dans l’ERAR. L’agent a écrit ceci : [traduction] «Je remarque que l’article du Toronto Star mentionne Karla et Lorena (sans les nommer vraiment). »

 

[11]           La décision relative au report renferme plusieurs remarques concernant les limites du pouvoir discrétionnaire de l’agent relativement au report, l’accès des demandeurs à toutes les voies de recours possibles ainsi que l’intérêt supérieur des enfants.

 

 

III.       ANALYSE

[12]           La norme de contrôle d’une décision relative au report est celle du caractère raisonnable (Baron c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81, [2010] 2 RCF 311 [Baron]). Toutefois, les demandeurs ont également fait valoir que l’agent n’avait pas appliqué ou correctement interprété l’alinéa 3(3)c) de la LIPR – une importante question de droit à laquelle s’applique la norme de contrôle de la décision correcte.

3. (3) L’interprétation et la mise en œuvre de la présente loi doivent avoir pour effet :

 

 

c) de faciliter la coopération entre le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux, les États étrangers, les organisations internationales et les organismes non gouvernementaux;

3. (3) This Act is to be construed and applied in a manner that

 

 

(c) facilitates cooperation between the Government of Canada, provincial governments, foreign states, international organizations and non-governmental organizations;

[13]           Les questions du renvoi et du report du renvoi restent toutefois en litige. La Cour a appris que l’un des demandeurs demeure sous garde faute de s’être présenté pour la procédure de renvoi tandis que les autres se sont « terrés ». Il est probable que les autorités fassent une autre tentative de renvoi. Ainsi, conformément à l’arrêt Baron, la question du report du renvoi n’est pas devenue théorique du seul fait que la date prévue pour le renvoi des appelants est passée.

 

[14]           Les demandeurs soutiennent que l’agent n’a pas tenu compte de la seconde lettre car elle n’est pas mentionnée dans la décision relative au report. La vérification de la date inscrite sur les documents qui ont été envoyés par télécopieur ce jour-là révèle que la lettre de la CIDH a été envoyée environ 15 minutes après la décision relative au renvoi. Les demandeurs n’ont pas prouvé que l’agent avait reçu cette lettre de la CIDH avant de prendre sa décision. Comme la décision fait deux pages, il est probable que les deux documents se soient croisés.

 

[15]           Aucune raison n’a été donnée, outre le fait que les documents n’ont pas été reçus en temps opportun, pour expliquer le défaut de mentionner la seconde lettre dans la décision relative au renvoi. Comme la lettre n’ajoute rien et ne fait que répéter la demande d’information contenue dans la première lettre, rien ne permet de penser que la seconde lettre a été délibérément écartée. Rien ne permet de supposer que l’agent n’a pas pris en considération des faits pertinents.

 

[16]           Par ailleurs, la seconde lettre n’est pas particulièrement pertinente et ne devrait pas servir de fondement au report. Ladite lettre vise à obtenir de l’information sur la décision de la SPR et celle de l’agent d’ERAR. Elle ne porte pas à croire que la CIDH se préparait à demander au Canada de reporter le renvoi. Une année a passé et les demandeurs n’ont toujours pas déposé la preuve que la CIDH entendait le faire.

 

[17]           En ce qui concerne la question de droit de l’alinéa 3(3)c), l’agent a effectivement pris en considération la nécessité de promouvoir la coopération entre le Canada et la CIDH sans évoquer cet alinéa en particulier. L’agent a tenu compte de l’incidence que la première lettre aurait au Canada ainsi que de la possibilité de recours que les demandeurs auraient une fois au Mexique. L’agent est même allé jusqu’à s’interroger sur l’incidence qu’aurait une demande de la CIDH de ne pas expulser les demandeurs. Il est inexact de prétendre que l’agent n’a pas tenu compte du rôle de l’alinéa 3(3)c) dans ce processus ou qu’il s’est limité dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Par conséquent, aucune erreur de droit n’a été commise à l’égard de l’alinéa 3(3)c).

 

[18]           Les demandeurs soutiennent que l’agent a mal compris l’article du Toronto Star. Bien que les noms de Karla et de Lorena n’y figurent pas précisément, l’article contenait une photographie où elles étaient clairement identifiées. À cet égard, les observations de l’agent étaient erronées.

 

[19]           Ce qu’il faut surtout retenir de cet article de journal c’est qu’il n’a pas soulevé de nouveaux éléments ou mis au jour de nouveaux renseignements; tous les risques allégués avaient été pris en compte dans la décision de la SPR et dans celle de l’agent d’ERAR, et les détails figurent dans les dossiers de la cour et d’autres documents publics.

 

[20]           Par conséquent, l’erreur était inconséquente et l’article ne pouvait servir de fondement à une demande sur place étant donné qu’il n’ajoutait rien de nouveau aux faits de l’espèce.

 

[21]           Enfin, l’agent a pris en considération l’intérêt supérieur des enfants en tenant compte du pouvoir discrétionnaire limité dont il dispose.

 

IV.       CONCLUSION

[22]           Je conclus donc que rien ne justifie de modifier les conclusions de l’agent. La demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

[23]           Ayant examiné les questions que les demandeurs ont proposées aux fins de certification, je considère que ces questions sont dépourvues de tout fondement factuel. Je conclus qu’il n’y aucune question à certifier.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Marie-Michèle Chidiac, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


 

DOSSIER :

IMM-10846-12

 

INTITULÉ :

BRAULIA GUADALUPE RANGEL GOMEZ, OMAR ROBERTO QUEVEDO CRUZ, LORENA GEORGETTE CARDENAS RANGEL, KARLA YORDANA CARDENAS RANGEL c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                                                    LE 18 SEPTEMBRE 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE PHELAN                                                 

DATE :

                                                                        LE 2 OCTOBRE 2013

COMPARUTIONS :

Jeremiah Eastman

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Nadine Silverman

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Eastman Law Office

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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