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Date : 20130925

Dossier : T‑2344‑93

Référence : 2013 CF 983

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 25 septembre 2013

En présence de monsieur le juge Russell

 

ENTRE :

 

LE CHEF JOHN EAR AGISSANT EN SON NOM PERSONNEL ET AU NOM DE TOUS LES AUTRES MEMBRES DE LA BANDE DES BEARSPAW DE LA TRIBU ET BANDE DES STONEY, AINSI QU’AU NOM DE LA TRIBU DES STONEY ET DE TOUS SES MEMBRES

 

ET

 

LE CHEF KEN SOLDIER AGISSANT EN SON NOM PERSONNEL ET AU NOM DE TOUS LES AUTRES MEMBRES DE LA BANDE DES CHIKINI DE LA BANDE ET TRIBU DES STONEY, AINSI QU’AU NOM DE LA TRIBU DES STONEY ET DE TOUS SES MEMBRES

 

ET

 

LE CHEF ERNEST WESLEY AGISSANT EN SON NOM PERSONNEL ET AU NOM DE TOUS LES AUTRES MEMBRES DE LA BANDE DES WESLEY DE LA TRIBU ET BANDE DES STONEY, AINSI QU’AU NOM DE LA TRIBU DES STONEY ET DE TOUS SES MEMBRES

 

ET

 

LA TRIBU ET BANDE DES STONEY

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, ÉDIFICES DU PARLEMENT,

OTTAWA (ONTARIO)

 

ET

 

L’HONORABLE PAULINE BROWES, MINISTRE DES AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DÉVELOPPEMENT DU NORD,

ÉDIFICES DU PARLEMENT,

OTTAWA (ONTARIO)

 

ET

 

L’HONORABLE GILLES LOISELLE, MINISTRE DES FINANCES,

ÉDIFICES DU PARLEMENT,

OTTAWA (ONTARIO)

 

 

défendeurs

 

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

INTRODUCTION

[1]               Dans sa forme originale, la présente requête visait l’obtention de ce qui suit :

a.       UNE ORDONNANCE autorisant le transfert, de Sa Majesté la Reine du chef du Canada au fiduciaire nommé aux termes de l’acte de fiducie des Wesley, de la part d’argent qui revient actuellement et reviendra à l’avenir aux Wesley.

 

b.      UNE AUTRE ORDONNANCE autorisant, sous réserve de l’approbation des membres des nations respectives, le transfert, du Canada aux fiduciaires respectifs des nations, nommés aux termes de leurs actes de fiducie respectifs, de la part d’argent revenant actuellement et devant revenir à l’avenir aux Chiniki et aux Bearspaw.

 

c.       UNE AUTRE ORDONNANCE, qui sur réception par le ministre des Affaires autochtones et du Développement du Nord, (le ministre) d’une résolution du chef et du conseil de la Première Nation des Wesley, à laquelle seraient joints :

 

                                                              i.      l’acte de fiducie des Wesley;

 

                                                            ii.      l’acte de quittance, ou toute autre forme de quittance dont pourraient convenir le Conseil tribal des Stoney et le Canada, que la Cour peut approuver dans une ordonnance subséquente;

 

                                                          iii.      le règlement référendaire;

 

                                                          iv.      les résultats du référendum;

 

                                                            v.      l’ordonnance de la Cour autorisant le transfert :

 

La Cour autorise le ministre à transférer, et lui ordonne de transférer, au fiduciaire nommé en vertu de l’acte de fiducie des Wesley la part d’argent revenant à la Première Nation des Wesley afin que les sommes en question soient, conformément aux dispositions de l’acte de fiducie des Wesley, détenues à l’usage et au profit de la Première Nation des Wesley.

 

d.      UNE AUTRE ORDONNANCE qui, sur réception par le ministre d’une résolution du chef et du conseil de la Première Nation des Chiniki, à laquelle seraient joints :

 

                                                              i.      l’acte de fiducie des Chiniki;

 

                                                            ii.      l’acte de quittance, ou toute autre forme de quittance dont pourraient convenir le Conseil tribal des Stoney et le Canada, que la Cour peut approuver dans une ordonnance subséquente;

 

                                                          iii.      l’approbation des membres des Chiniki; et

 

                                                          iv.      l’ordonnance de la Cour autorisant ce transfert :

 

La Cour autorise le ministre à transférer, et lui ordonne de transférer, au fiduciaire nommé en vertu de l’acte de fiducie des Chiniki la part d’argent revenant à la Première Nation des Chiniki afin que les sommes en question soient, conformément aux dispositions de l’acte de fiducie des Chiniki, détenues à l’usage et au profit de la Première Nation des Chiniki.

 

e.       UNE AUTRE ORDONNANCE qui, sur réception par le ministre d’une résolution du chef et du conseil de la Première Nation des Bearspaw, à laquelle seraient joints :

 

                                                              i.      l’acte de fiducie des Bearspaw;

 

                                                            ii.      l’acte de quittance, ou toute autre forme de quittance dont pourraient convenir la Couronne et le Conseil tribal des Stoney, que la Cour peut approuver dans une ordonnance subséquente;

 

                                                          iii.      l’approbation des membres des Bearspaw; et

 

                                                          iv.      l’ordonnance de la Cour autorisant ce transfert :

 

La Cour autorise le ministre à transférer, et lui ordonne de transférer, au fiduciaire nommé en vertu de l’acte de fiducie des Bearspaw la part d’argent revenant à la Première Nation des Bearspaw afin que les sommes en question soient, conformément aux dispositions de l’acte de fiducie des Bearspaw, détenues à l’usage et au profit de la Première Nation des Bearspaw.

 

f.       UNE DÉCLARATION portant que le transfert des parts d’argent revenant aux nations des Wesley, des Chiniki et des Bearspaw à leurs fiduciaires respectifs, nommés en vertu des dispositions des actes de fiducie respectifs de ces nations, doit bénéficier aux nations des Stoney Nakoda et aux trois Premières Nations qui la constituent, à savoir les Premières Nations des Wesley, des Chiniki et des Bearspaw, et être dans leur intérêt supérieur, et que le ministre est habilité à autoriser ces transferts aux termes de l’alinéa 64(1)k) de la Loi sur les Indiens, et une autre déclaration selon laquelle il est opportun que le ministre effectue ces transferts, même si cette disposition ou toute autre disposition de la Loi sur les Indiens devait par la suite être déclarée inconstitutionnelle.

 

g.      UNE AUTRE ORDONNANCE portant que les parts d’argent des Wesley, des Chiniki et des Bearspaw doivent être transférées à leurs fiduciaires respectifs conformément aux arrangements respectivement conclus entre les Premières Nations des Wesley, des Chiniki et des Bearspaw et le Canada ou, en l’absence de tels arrangements, aux termes d’une autre ordonnance de la Cour.

 

[2]               Depuis le dépôt de la requête, et par suite des discussions auxquelles les parties continuent de prendre part, les demandeurs ont modifié leur requête et sollicitent de la Cour les mesures suivantes :

1.                  UNE ORDONNANCE autorisant le transfert, du Canada au fiduciaire nommé conformément aux dispositions de l’acte de fiducie des Wesley, de la part d’argent revenant actuellement et devant revenir à l’avenir à cette première nation.

 

2.                  UNE AUTRE ORDONNANCE autorisant, sous réserve de l’approbation des membres respectifs des nations concernées, le transfert du Canada aux fiduciaires respectifs des nations des Chiniki et des Bearspaw, nommés conformément à leurs actes de fiducie respectifs, des sommes d’argent revenant actuellement et devant revenir à l’avenir à ces nations.

 

3.                  UNE AUTRE ORDONNANCE qui, sur réception par le ministre d’une résolution du chef et du conseil de la Première Nation des Wesley, à laquelle seraient joints :

 

a.       l’acte de fiducie des Wesley;

 

b.      l’acte de quittance ou toute autre forme de quittance dont pourraient convenir le Canada et le Conseil tribal des Stoney, que la Cour peut approuver dans une ordonnance subséquente;

 

c.       le règlement référendaire des Wesley;

 

d.      les résultats du référendum; et

 

e.       une autre ordonnance de la Cour autorisant ce transfert :

 

La Cour autorise le ministre à transférer, et lui ordonne de transférer, au plus tard le 31 octobre 2013, à RBC Trust, en tant que gardienne et fiduciaire intérimaire chargée de détenir ces fonds à l’usage et au profit de la Première Nation des Wesley en attendant qu’ils soient remis au fiduciaire nommé conformément aux dispositions de l’acte de fiducie des Wesley.

 

4.                  UNE AUTRE ORDONNANCE qui, sur réception par le ministre d’une résolution du chef et du conseil de la Première Nation des Chiniki, à laquelle seraient joints :

 

a.       l’acte de fiducie des Chiniki;

 

b.      l’acte de quittance ou toute autre forme de quittance dont pourraient convenir le Canada et le Conseil tribal des Stoney, que la Cour peut approuver dans une ordonnance subséquente;

 

c.       l’approbation des membres des Chiniki; et

 

d.      une autre ordonnance de la Cour autorisant ce transfert :

 

La Cour autorise le ministre à transférer, et lui ordonne de transférer, au plus tard le 31 janvier 2014, à RBC Trust, en tant que gardienne et fiduciaire intérimaire chargée de détenir ces fonds à l’usage et au profit de la Première Nation des Chiniki en attendant qu’ils soient remis au fiduciaire nommé conformément aux dispositions à l’acte de fiducie des Chiniki.

 

5.                  UNE AUTRE ORDONNANCE qui, sur réception par le ministre d’une résolution du chef et du conseil de la Première Nation des Bearspaw, à laquelle seraient joints :

 

a.       l’acte de fiducie des Bearspaw;

 

b.      l’acte de quittance ou toute autre forme de quittance dont pourraient convenir le Canada et le Conseil tribal des Stoney, que la Cour peut approuver dans une ordonnance subséquente;

 

c.       le règlement référendaire des Bearspaw; et

 

d.      une autre ordonnance de la Cour autorisant ce transfert :

 

La Cour autorise le ministre à transférer, et lui ordonne de transférer, au plus tard le 31 janvier 2014, à RBC Trust, en tant que gardienne et fiduciaire intérimaire chargée de détenir ces fonds à l’usage et au profit de la Première Nation des Bearspaw en attendant qu’ils soient remis au fiduciaire nommé conformément aux dispositions de l’acte de fiducie des Bearspaw.

 

6.                  UNE DÉCLARATION portant que le transfert des parts d’argent revenant aux nations des Wesley, des Chiniki et des Bearspaw à leurs fiduciaires respectifs, nommés en vertu des actes de fiducie respectifs de ces nations, doit bénéficier aux nations des Stoney Nakoda et aux trois Premières Nations qui la constituent, à savoir les Premières Nations des Wesley, des Chiniki et des Bearspaw, et être dans leur intérêt supérieur, et que le ministre est habilité à autoriser ces transferts aux termes de l’alinéa 64(1)k) de la Loi sur les Indiens, et une autre déclaration selon laquelle il est opportun que le ministre effectue ces transferts, même si cette disposition ou toute autre disposition de la Loi sur les Indiens devait par la suite être déclarée inconstitutionnelle.

 

7.                  UNE AUTRE ORDONNANCE portant que les parts d’argent des Premières Nations des Wesley, des Chiniki et des Bearspaw doivent être transférées à leurs fiduciaires respectifs conformément aux arrangements respectivement conclus entre les Premières Nations des Wesley, des Chiniki et des Bearspaw et le Canada ou, en l’absence de tels arrangements, aux termes d’une autre ordonnance de la Cour.

 

[3]               La requête est née d’un litige complexe qui chemine vers un procès, l’instance étant gérée par la Cour. Dans l’action qui a été engagée, les demandeurs reprochent au Canada des abus de confiance et la violation de diverses obligations lui incombant en sa qualité de fiduciaire. Les violations dont ils lui font grief ont trait à la gestion, par le Canada, des droits sur les minéraux se rattachant aux terres de réserve des demandeurs, et plus particulièrement à la gestion des concessions gazières et pétrolières portant sur ces terres, et des redevances qui en découlent.

 

[4]               Dans le cadre de la gestion de l’instance, les parties tentent actuellement de circonscrire les questions à soumettre à la Cour lors du procès, de régler certaines d’entre elles, et, s’il y a lieu, de demander à la Cour de se prononcer sur certains points précis. En l’espèce, les demandeurs demandent le transfert de sommes actuelles ou à venir correspondant aux redevances provenant des concessions gazières et pétrolières sur les terres de réserve des demandeurs ainsi que les intérêts sur les redevances en question, l’argent étant actuellement détenu en fiducie par le Canada pour le compte ou au profit de la Première Nation des Stoney (ci‑après appelée les Stoney ou la bande). Les défendeurs affirment n’avoir, en principe, aucune objection à un tel transfert, mais ils font valoir qu’il faut que soient respectées certaines conditions préalables avant que le ministre puisse autoriser le transfert conformément à l’alinéa 64(1)k) de la Loi sur les Indiens, LRC 1985, c I‑5 (la Loi). Les parties ne s’accordent par ailleurs pas sur la question de savoir si le transfert doit porter sur l’ensemble des fonds détenus pour le compte de la Première Nation des Stoney, ou si, comme le font valoir les demandeurs, ses sous‑groupes Bearspaw, Chiniki et Wesley (qui, selon la loi, ne sont pas reconnus comme des bandes distinctes), sont en droit, comme ils affirment l’être, d’exiger le transfert de leur part per capita des fonds en question.

 

CONTEXTE DE L’AFFAIRE

[5]               Les Stoney sont une bande indienne au sens de la Loi, et sont, à ce titre, bénéficiaires du Traité no 7, signé en 1877. La Bande comprend trois groupes distincts, les Wesley, les Chiniki et les Bearspaw, qui se partagent l’usage et l’avantage des réserves indiennes des Stoney. Les Wesley, les Chiniki et les Bearspaw élisent chacun leur chef et leur conseil, mais ne sont néanmoins pas reconnus en tant que bandes distinctes aux termes de la Loi. Les parties conviennent qu’il n’y a, dans la présente demande, rien qui vise à changer cela. Les représentants élus des Wesley, des Chiniki et des Bearspaw forment, collectivement, le Conseil tribal des Stoney, l’instance dirigeante des Stoney, organe qui a le statut de « conseil de la bande » défini dans la Loi.

 

[6]               Les Wesley, les Chiniki et les Bearspaw sollicitent toutes le transfert à une ou plusieurs fiducies indépendantes de leur part per capita des fonds détenus par le Canada pour le compte des Stoney (parts respectivement appelées la part des Wesley, la part des Chiniki et la part des Bearspaw). Les Wesley ont procédé à un référendum afin d’obtenir l’approbation de leurs membres en vue d’un tel transfert. La proposition a obtenu l’appui de 61 p. cent des électeurs inscrits et 69 p. cent des votants. La légitimité de ce référendum est contestée par les défendeurs en raison du recours à une distribution per capita, comme je l’expliquerai ci‑après. Les Chiniki et les Bearspaw n’ont pas encore organisé de référendum, et n’ont pas encore décidé s’ils en tiendront un. Ils estiment que c’est superflu. Les Wesley sont plus avancés que les autres dans la rédaction de l’acte de fiducie qu’il faut pour faciliter le transfert de la part des fonds qui lui revient. Cela étant, les ordonnances demandées visent le transfert immédiat de la part des Wesley, le transfert des parts des Chiniki et des Bearspaw devant intervenir après approbation de leurs membres respectifs, dans les formes devant être décidées par leurs chefs en conseil.

 

[7]               Les fonds dont les demandeurs sollicitent le transfert proviennent des redevances sur les concessions pétrolières et gazières portant sur les terres de réserve des demandeurs. Ces redevances sont recueillies par le Canada et détenues dans des comptes désignés en vertu des dispositions de la Loi et de la Loi sur la gestion des finances publiques, LRC 1985, c F‑11 (LGFP). Ces sommes sont obligatoirement versées au Trésor public, les intérêts s’accumulant selon le taux, modifié de temps à autre, décidé par le gouverneur en conseil.

 

[8]               Le régime législatif opère une distinction entre capital et revenus, les deux étant soumis à des règles différentes. Les redevances provenant du pétrole et du gaz sont considérées comme du capital, étant donné qu’elles proviennent de ressources non renouvelables. L’intérêt sur ces sommes est considéré comme un revenu. Une Première Nation peut demander que soient transférées ou dépensées les sommes détenues en leur nom par le Trésor, qu’il s’agisse de capital ou de revenu, mais les règles applicables aux capitaux sont plus strictes. Aux termes du paragraphe 64(1) de la Loi, le ministre peut, avec le consentement du conseil de la bande en question, « autoriser et prescrire la dépense de sommes d’argent au compte en capital de la bande » pour un des objets énumérés ou, comme le prévoit l’alinéa k), « pour toute autre fin qui, d’après le ministre, est à l’avantage de la bande ». C’est autour de cette disposition que tourne l’actuel litige.

 

[9]               Afin de conserver, dans l’intérêt des générations à venir une partie de l’argent des revenus pétroliers et gaziers, les Stoney et le Canada ont, en octobre 1996, conclu un accord de principe portant sur la création d’un fonds du patrimoine de la tribu des Stoney (le Fonds du patrimoine). Depuis, une partie des redevances pétrolières et gazières des Stoney sert à alimenter le Fonds du patrimoine. Sous réserve de nouvelles négociations, les Stoney s’étaient engagés à ne pas dépenser cet argent, et avaient demandé au Canada de le déposer auprès du Trésor et de leur verser les intérêts décrits plus haut en attendant soit que a) les Stoney fassent valoir, pour ce qui est de cet argent, leurs droits à l’autonomie gouvernementale, soit b) que la Loi sur les Indiens soit modifiée afin de permettre que les sommes en cause soient investies sous le contrôle des Stoney. Le Fonds du patrimoine comprenait à la fois un compte en capital et un compte de revenu, le capital s’accroissant par l’ajout de nouvelles redevances, et le compte de revenus augmentant grâce aux intérêts versés par le Canada.

 

[10]           En 2010, en réponse aux difficultés financières dues à une baisse importante des redevances pétrolières et gazières, les Stoney ont adopté un plan de viabilité financière selon lequel les revenus du Fonds du patrimoine seraient, sur trois ans, transférés afin de contribuer aux budgets de fonctionnement des Stoney, les apports en capital au Fonds du patrimoine étant par ailleurs suspendus. Le Canada a acquiescé à ces demandes.

 

[11]           En février 2012, le chef et le conseil des Wesley ont adopté une résolution faisant valoir, à l’égard de la part des Wesley, leur droit à l’autonomie gouvernementale, et enjoignant au gouvernement du Canada de transférer la part d’argent revenant aux Wesley et une part proportionnelle de toutes les redevances à venir, à une fiducie sûre que devaient créer les Wesley. Cette mesure devait être soumise à la ratification des membres des Wesley dans le cadre d’un référendum. En mai 2012, le conseil tribal des Stoney a adopté une résolution avalisant la demande présentée par les Wesley en vue du transfert de leur part.

 

[12]           Devant ces résolutions, le Canada a fait savoir qu’il était disposé à examiner, en application de l’alinéa 64(1)k) de la Loi, la demande visant l’obtention du transfert des capitaux appartenant aux Stoney, mais qu’il restait à décider s’il était possible de répondre au souhait exprimé par les Wesley indépendamment des souhaits de l’ensemble des Stoney. Le Canada a également fait savoir qu’il ne pouvait pas reconnaître les résultats du référendum organisé uniquement pour les membres des Wesley, étant donné que, selon la Loi, les Wesley ne constituaient pas une bande distincte. Il était demandé aux Wesley de reporter le référendum prévu.

 

[13]           En juillet 2012, les Wesley ont tenu leur référendum. En septembre 2012, le Conseil tribal des Stoney a adopté une autre résolution demandant au Canada le transfert non seulement de la part des Wesley, mais également des parts des Chiniki et des Bearspaw à une ou plusieurs fiducies sûres qui devaient être créées, précisant que jusqu’à 45 millions de dollars devaient être transférés directement aux Stoney en attendant l’approbation du budget révisé de l’exercice 2012‑2013. Cette résolution prévoyait en outre le dépôt de la présente requête.

 

[14]           En octobre 2012, le Canada a informé le chef et le conseil des Stoney qu’il ne pouvait pas reconnaître les résultats du référendum des Wesley, qu’il ne pouvait prendre en compte que les demandes visant le transfert intégral de l’ensemble des capitaux détenus en fiducie par le Trésor public, qu’il éprouvait encore des réserves quant au projet d’acte de fiducie des Wesley, que la demande de transfert d’une somme de 45 millions de dollars ne contenait aucune explication concernant l’objet de la dépense envisagée, ni ne précisait le ou les comptes sur lesquels serait prélevé l’argent. Sous toutes réserves, des discussions ont eu lieu au sujet des modalités des transferts envisagés et des procédures d’approbation prévues, ce qui a permis de répondre à certaines des préoccupations dont avait fait part le Canada, mais pas à toutes.

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[15]           Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent à la présente instance :

64. (1) Avec le consentement du conseil d’une bande, le ministre peut autoriser et prescrire la dépense de sommes d’argent au compte en capital de la bande :

 

 

k) pour toute autre fin qui, d’après le ministre, est à l’avantage de la bande.

 

64. (1) With the consent of the council of a band, the Minister may authorize and direct the expenditure of capital moneys of the band

 

 

 

(k) for any other purpose that in the opinion of the Minister is for the benefit of the band.

 

LES ARGUMENTS DES PARTIES

Les demandeurs

[16]           Les demandeurs font valoir que les trois transferts demandés sont justifiés, car ils correspondent : a) à l’intérêt supérieur des membres de chacune des Premières Nations des Stoney et de l’ensemble de ces Premières Nations, ce qui satisfait à la condition prévue à l’alinéa 64(1)k) de la Loi; et b) à l’exercice des droits inhérents à l’autonomie gouvernementale de chacune des Premières Nations constituantes, parfaitement capables de gérer leurs avoirs financiers et qui, par ailleurs, ont décidé que les mécanismes de création de fiducie sûres qu’elles envisagent sont le meilleur moyen d’assurer la gestion à long terme de ces fonds.

 

[17]           Aux termes de l’accord de principe instituant le Fonds du patrimoine, les Stoney n’auraient pas accès aux fonds en question [traduction] « avant que la bande des Stoney invoque [à l’égard de ces fonds] leurs droits inhérents à l’autonomie gouvernementale ». Or, la résolution adoptée par le Conseil tribal des Stoney le 24 septembre 2012 faisait valoir leurs droits inhérents à l’autonomie gouvernementale. La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (la Déclaration des Nations Unies), à laquelle le Canada a adhéré en novembre 2010, affirme, en les assortissant de certaines limites, les droits des demandeurs à l’autodétermination (article 3), le droit de participer à la prise de décisions sur des questions qui peuvent concerner leurs droits (article 18) et le droit de disposer en toute sécurité de leurs propres moyens de subsistance et de développement et de se livrer librement à toutes leurs activités économiques, traditionnelles et autres (paragraphe 20(1)) : Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, GA/Res. 61/295, UN GAOR, 61e session, supp. no 49, vol. III, UN Doc A/61/49 (2007) [Déclaration des Nations Unies]. La Déclaration des Nations Unies reflète les nouvelles normes internationales et « normes minimales » quant au comportement des États en ce qui a trait aux droits des peuples autochtones (article 43).

 

[18]           Selon les demandeurs, le rendement que les mécanismes de fiducie envisagés devraient permettre sera supérieur au taux d’intérêt légal actuellement versé sur les sommes en question, ce qui, à lui seul, justifie les transferts. La gestion imprudente de ces fonds par le Canada constitue une autre raison de voir la présente requête accueillie par la Cour. Tous les bénéficiaires d’une fiducie ont, en cas de violation grave des obligations du fiduciaire, le droit de demander à un tribunal de le destituer : Donovan W.M. Waters, c.r., Mark R. Gillen & Lionel D. Smit, dir., Waters’ law of Trusts in Canada, 3e éd., Toronto, Carswell, 2005, à la page 843 [Waters]; Letterstedt c Broers, (1883‑1884) LR 9 App Cas 371 à la page 387 (CP); Conroy c Stokes, [1952] 4 DLR 124, 1952 Carswell BC 51 (CA C‑B) au paragraphe 7. Il y a lieu de destituer un fiduciaire lorsque celui‑ci omet d’exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré pour prendre en compte des facteurs pertinents quant aux décisions qu’il doit prendre, comme les souhaits et l’intérêt supérieur des bénéficiaires ou d’une catégorie de bénéficiaires : arrêt Smith, [1971] 2 OR 541, 1971 CarswellOnt 629 (CA Ont).

 

[19]           Le Canada s’est approprié l’argent des Premières Nations des Stoney et l’a employé à ses propres fins. Il continue à emprunter de l’argent à son bénéficiaire, se refusant à l’emprunter plutôt à des tiers. La Cour suprême du Canada a, certes, statué que de tels emprunts sont autorisés aux termes de la LGFP, et qu’ils sont par conséquent licites, mais cela ne change rien au fait que le Canada, en tant que fiduciaire, emprunte l’argent du bénéficiaire sans le consentement de celui‑ci, et cela, en vertu de dispositions législatives adoptées par le Canada sans le consentement du bénéficiaire : Bande et nation indiennes d’Ermineskin c Canada, 2009 CSC 9 [Ermineskin]. Les Stoney (le bénéficiaire) sont donc en droit de demander qu’il soit mis fin à la relation fiduciaire. Malgré les objections formulées par les Premières Nations des Stoney, le Canada a par ailleurs, sans y être autorisé par la Loi, transféré de l’argent hors de la fiducie, lorsqu’il a remboursé à des entreprises du secteur énergétique les soi‑disant paiements de redevances pétrolières et gazières versés en trop.

 

[20]           Le Canada a aussi refusé de fournir aux Stoney les données comptables de base qui leur auraient permis d’effectuer une vérification indépendante des sommes créditées et débitées de leur compte, comme un fiduciaire est normalement tenu de le faire. Les redevances en question sont versées au Receveur général et les demandeurs n’ont aucun moyen de vérifier si ces versements ont été effectués correctement dans leurs comptes auprès du Trésor public. Les mécanismes comptables n’ont pas été mis en place en vertu des dispositions de la LGFP, et ne sont ni vérifiables ni vraiment transparente.

 

[21]           Le Canada se trouve par ailleurs en conflit d’intérêts, et un fiduciaire peut être destitué pour cela sans qu’il soit nécessaire de prouver qu’il a effectivement agi au détriment du bénéficiaire : ouvrage de Waters, précité, aux pages 846 et 847. Le Canada tire avantage du fait qu’il peut, à ses propres fins, emprunter l’argent des Stoney, ce qui lui évite d’avoir à s’adresser au marché ou d’avoir à verser des intérêts aux taux en vigueur : voir Gladstone c Canada (Attorney General) (2003), 233 DLR (4th) 629 (CA C‑B). En raison de l’impossibilité de contrôler cet argent qui lui appartient, la Première Nation des Stoney a subi un appauvrissement : Bande indienne de Semiahmoo c Canada, [1998] 1 CF 3 (CA). Le Canada a, pour sa part, bénéficié d’un enrichissement sans cause. De plus, les efforts du Canada en vue d’ordonner la structuration des fiducies sûres envisagées pourraient avoir un lien avec le futur assujettissement à l’impôt des revenus qui sont versés dans ces fiducies, ou qui en sont tirés. L’incompatibilité entre les rôles du ministère des Affaires autochtones quant à la mise en œuvre de programmes et quant à la gestion de fonds fiduciaires a été relevée dans le rapport Penner sur l’autonomie gouvernementale des Indiens : Chambre des communes, Comité spécial de la Chambre des communes sur l’autonomie gouvernementale, L’autonomie politique des Indiens au Canada : rapport du Comité spécial (le Rapport Penner), 1983, à la page 128.

 

[22]           Il existe de nombreux précédents pour ce qui est des ordonnances demandées dans le cadre de la présente requête. Notons en particulier que, dans le contexte d’un litige similaire (dossier T‑2022‑89, affaire Samson) opposant le Canada et la Nation crie de Samson, la Cour a rendu une série d’ordonnances prévoyant un transfert très similaire à celui qui est sollicité en l’espèce. Le juge Teitelbaum a déclaré qu’un tel transfert était dans l’intérêt supérieur de la nation de Samson, et était, par conséquent, autorisé par l’alinéa 64(1)k) de la Loi, à condition que la nation de Samson respecte certaines conditions énoncées dans l’ordonnance. Le juge Teitelbaum a, dans des ordonnances subséquentes, approuvé les mesures prises en vue de la mise en œuvre de son ordonnance initiale, et a fini par rendre une ordonnance approuvant le transfert. Par la suite, dans une action similaire intentée contre le Canada (dossier T‑1254‑92, l’affaire Ermineskin), le protonotaire Lafrenière a rendu une série d’ordonnances prévoyant un transfert similaire à la Nation crie d’Ermineskin (Ermineskin), assorti de conditions similaires. Par les ordonnances qu’elle a ainsi rendues, la Cour a convenu, expressément ou implicitement, que ces transferts étaient dans l’intérêt supérieur des Premières Nations concernées. La Cour suprême du Canada a jugé que, dans la mesure où ces transferts étaient dans l’intérêt supérieur de la Première Nation, ils répondaient aux obligations fiduciaires de la Couronne et respectaient l’alinéa 64(1)k) de la Loi : arrêt Ermineskin, précité, aux paragraphes 150 à 152.

 

[23]           Les faits qui ont été présentés à la Cour dans le cadre de la présente requête correspondent parfaitement à ceux des affaires Samson et Ermineskin. Plus précisément, les fonds avaient pour origine les revenus pétroliers et gaziers recueillis par le Canada; les nations de Samson et d’Ermineskin avaient engagé contre le Canada des actions similaires en vue d’obtenir des transferts similaires de leurs fonds à une ou plusieurs fiducies sûres; et, dans chacune de ces affaires, les demandeurs voulaient que l’argent des redevances fasse l’objet d’une distribution per capita et avaient convenu de faire au préalable approuver ces transferts par leurs membres. Les demandeurs en l’espèce se trouvent dans la même situation que les nations de Samson et d’Ermineskin, et ils sont en droit d’obtenir un même résultat.

 

[24]           En ce qui concerne la distribution per capita des fonds en cause dans la présente requête, les demandeurs font valoir qu’il s’agit d’une opération tout aussi valable que ne le serait un transfert unique, et que cela correspond par ailleurs davantage aux souhaits des Stoney. Il n’y a aucune différence entre la situation actuelle et le résultat obtenu à l’égard de la réserve indienne de Pigeon Lake que se partagent quatre bandes indiennes différentes. Les ordonnances rendues dans le cadre des affaires Samson et Ermineskin ont donné lieu à une distribution per capita des fonds en cause a été et continue d’être effectuée au profit des nations cries de Samson et d’Ermineskin, afin d’être versés à des fiducies sûres et indépendantes, administrées dans l’intérêt des bandes, alors que les parts per capita des bandes Louis Bull et Montana continuent à être versées au Trésor, et créditées respectivement au compte de ces bandes.

 

[25]           La Cour a autorisé la distribution per capita même dans les cas où les sous‑groupes concernés ne sont pas reconnus aux termes de la Loi comme des bandes indiennes. C’est ainsi que la Cour a autorisé, en octobre 2012, un paiement à un sous‑groupe de la bande indienne de Saddle Lake.

 

[26]           D’ailleurs, le Canada reconnaît déjà, pour l’établissement du budget annuel et à d’autres fins administratives, le caractère distinct des trois nations Nakoda des Stoney. Conformément aux modalités du Fonds du patrimoine, le Canada a convenu que les fonds détenus dans le Trésor public devant être versés seraient répartis entre les trois nations Nakoda des Stoney, et que les retards intervenant au niveau d’une d’entre elles n’affecteraient pas le versement effectué aux autres. Tant les budgets annuels présentés au ministre que les sorties de fonds du Trésor public approuvées par le ministre au titre de l’article 64 de la Loi sont explicitement basés sur la distribution de l’argent entre les trois nations Nakoda des Stoney concernées en l’espèce. La seule différence est qu’en l’occurrence les fonds seront placés à long terme dans une fiducie au lieu d’être dépensés dans l’année conformément au budget annuel approuvé.

 

[27]           L’organisation d’un référendum unique pour l’ensemble des membres de la tribu des Stoney n’est pas le meilleur moyen d’obtenir l’aval des membres, si tant est qu’il soit effectivement nécessaire d’obtenir leur autorisation. Ce n’est, au contraire, que par l’organisation de trois référendums séparés que le Canada pourra savoir précisément comment les membres de chacune des trois nations en cause souhaitent voir traité et protégé l’argent des redevances. Conformément à leur pratique habituelle, les trois nations sont gouvernées et administrées par des représentants qui agissent conjointement, mais sont élus séparément. Leurs chefs et leurs conseils sont, en effet, élus séparément, les élections ayant lieu dans des années différentes, les mandats des élus étant, respectivement, de deux, trois ou quatre ans, ce qui fait que l’on ne saurait envisager un référendum unique.

 

[28]           Les conditions fixées par le Canada pour autoriser des référendums manquent de cohérence. Dans le cadre d’une instance judiciaire dans laquelle on contestait un référendum portant sur la désignation des terres, au motif qu’un référendum distinct n’avait pas été organisé pour chacune des trois nations Nakoda des Stoney, le gouvernement a refusé de reconnaître la validité d’un référendum unique, reconnaissant implicitement que trois référendums distincts auraient dû être organisés : Mini Thni Land Management Ltd and Poul Mark, as agents for the Stoney Nakoda First Nations (also know as the Stoney Indian Band) c Eliza Holloway, Winnie Francis, Alice Twoyoungman, Jane Doe, John Doe and Unnamed Persons, Cour du banc de la Reine de l’Alberta no 0501‑12034.

 

[29]           La tenue d’un référendum n’est pas une condition préalable à l’obtention de l’autorisation ministérielle prévue à l’article 64 de la Loi. Le Canada a par ailleurs déjà effectué des transferts de capitaux détenus pour le compte des Stoney sans que soit tenu de référendum. Il l’a fait en 2010 conformément au plan de viabilité financière des Stoney et également par la suite. Il l’a fait à nouveau lorsqu’il s’est agi de retirer des fonds du compte en capital pour rembourser à une entreprise du secteur énergétique un soi‑disant paiement de redevances « en trop », sans avoir pour cela obtenu une résolution du Conseil de bande des Stoney autorisant l’opération, et passant outre aux objections formulées par le Conseil.

 

[30]           Dans le contexte actuel, les référendums visent à aider et protéger le ministre. Ainsi, le Canada a versé aux nations de Samson et d’Ermineskin, et à d’autres Premières Nations, des centaines de milliers de dollars pour financer l’organisation de référendums et la rédaction d’actes de fiducie. Or, il a, de manière arbitraire et abusive, refusé d’accorder un tel financement aux Stoney ou aux trois Premières Nations constituantes agissant dans le cadre de la présente requête. Dans l’hypothèse où la Cour serait d’accord avec l’organisation d’autres référendums ou en ordonnerait la tenue, les demandeurs se réservent le droit de demander à la Cour une réparation accessoire, soit une indemnité pour le coût des référendums.

 

[31]           Les préoccupations dont font état les défendeurs au sujet d’une distribution per capita dont les Wesley décideraient par référendum sont dénuées de fondement. De tels versements ont uniquement pour but d’assurer une participation maximale des électeurs inscrits. De telles distributions per capita ont déjà été faites dans le cadre d’un référendum avalisant le règlement de revendications formulées à l’encontre du Canada, sans que celui‑ci ne s’y oppose. Dans un autre scrutin portant sur l’un de ces règlements, il avait été dit aux membres de la bande que l’on procéderait à une autre distribution per capita si le transfert de fonds à une nouvelle fiducie était approuvé, mais la proposition a été rejetée. Cela montre bien que les membres des Stoney sont parfaitement capables de prendre des décisions éclairées, qu’on leur ait promis ou non des paiements, cela étant particulièrement vrai lorsque de tels paiements proviennent d’argent dont ils sont les véritables propriétaires. Le règlement référendaire a été approuvé par le chef et le conseil des Wesley lors d’une réunion dûment convoquée, et le référendum s’est déroulé conformément à ce règlement. On peut par conséquent dire que les membres des Wesley ont approuvé le transfert proposé.

 

Les défendeurs

[32]           Les défendeurs soulèvent pour leur part, à l’encontre des ordonnances sollicitées, des objections tant de fond que de nature procédurale. Ils affirment en même temps que le Canada n’a en principe aucune objection au transfert des fonds en question vers une fiducie indépendante sûre et qu’il souhaiterait en fait parvenir à un arrangement similaire à celui qui a été conclu avec les nations de Samson et d’Ermineskin. Les défendeurs font valoir que les objections procédurales qu’ils soulèvent doivent entraîner le rejet de la requête, mais ils souhaitent néanmoins que la Cour donne des instructions sur les questions de fond, notamment sur les mesures qu’il conviendrait de prendre pour effectuer le transfert.

 

[33]           Selon les défendeurs, la requête est entachée sur le plan de la procédure puisqu’elle vise essentiellement l’obtention d’une ordonnance de mandamus enjoignant au ministre d’exercer dans un sens précis le pouvoir discrétionnaire qui lui a été conféré, à savoir approuver le transfert d’une part du capital des Stoney vers une fiducie créée dans l’intérêt d’une partie seulement des Stoney. Une telle demande pose deux problèmes : premièrement, une ordonnance de mandamus ne peut être rendue que dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7 (LCF), ainsi que le précise le paragraphe 18(3) de cette loi, alors que ce n’est pas sous cette forme‑là que les demandeurs ont présenté leur requête; deuxièmement, même s’il s’agissait en l’espèce d’une demande de contrôle judiciaire, une ordonnance de mandamus ne peut pas exiger d’un représentant de la Couronne qu’il exerce dans un sens particulier le pouvoir discrétionnaire que lui reconnaît la Loi : Apotex Inc. c Canada (Procureur général), [1994] 1 CF 742, au paragraphe 55, conf. par [1994] 3 RCS 1100 [Apotex]. Les deux parties souhaitent obtenir l’aval de la Cour pour des transferts effectués en vertu de l’alinéa 64(1)k), mais la Loi oblige le ministre, et non la Cour, mais le ministre à dire si les arrangements en question sont effectivement dans l’intérêt de la bande. Il s’agit d’une décision discrétionnaire qui exige que l’on soupèse un grand nombre de facteurs, notamment les objectifs financiers, le degré de risque et autres aspects de la fiducie envisagée, la situation financière et les antécédents de la bande en ce domaine, la question de savoir si les arrangements envisagés traduisent effectivement les souhaits exprimés en toute connaissance de cause par les membres de la bande ainsi que tout problème que cela pourrait poser au niveau de la gouvernance. Dans la mesure où le ministre fait un exercice raisonnable de son pouvoir discrétionnaire, son refus d’autoriser, en application de l’article 64 de la Loi, la remise de sommes d’argent du compte en capital ne peut pas faire l’objet d’une ordonnance de mandamus : Bande et nation indiennes d’Ermineskin c Canada, 2008 CF 1065, au paragraphe 37.

 

[34]           Les défendeurs font valoir essentiellement que la thèse des demandeurs n’est pas fondée. Les conditions que le Canada a fixées pour tout transfert effectué en faveur d’une fiducie privée sont raisonnables et les Stoney sont invités à les respecter. Les propositions des demandeurs sont défectueuses, et les demandeurs n’ont pas établi qu’ils ont l’appui des membres de la bande, et ne se sont même pas engagés à obtenir ce soutien. Ainsi, ni le ministre, ni la Cour ne sont convaincus que les arrangements envisagés sont dans l’intérêt supérieur de la bande. Le ministre n’est pas disposé à effectuer les transferts en question tant que ces difficultés ne seront pas réglées.

 

[35]           Ainsi qu’en a décidé la Cour suprême du Canada dans Ermineskin, le Canada ne peut pas simplement transférer les fonds. Aux termes de l’alinéa 64(1)k) de la Loi, et conformément à ses obligations fiduciales, le Canada doit être convaincu que les transferts éventuels correspondent à l’intérêt supérieur de la bande. Selon la Cour suprême du Canada, le Canada aurait été imprudent s’il avait acquiescé à des transferts avant que le juge Teitelbaum rende son ordonnance en 2005, car les circonstances faisaient que le Canada ne pouvait pas s’assurer que le transfert des fonds serait dans l’intérêt supérieur de la bande : arrêt Ermineskin, précité, aux paragraphes 152, 169 et 170.

 

[36]           Ajoutons que dans l’affaire Samson, la Cour n’a pas enjoint au ministre d’effectuer le transfert. Elle n’a fait que fixer un certain nombre de conditions auxquelles la nation de Samson aurait à satisfaire avant que le transfert puisse avoir lieu, et a noté que l’avocat de la Couronne avait confirmé que le ministre autoriserait le transfert dès que seraient remplies les conditions en question. La Cour a approuvé les mesures prises ensuite pour satisfaire aux conditions ainsi prévues, le Canada n’ayant alors soulevé aucune objection. Une procédure similaire a été suivie dans l’affaire Ermineskin.

 

[37]           Contrairement à ce qu’affirment les demandeurs, les circonstances n’ont en l’espèce rien de commun avec les affaires Samson et Ermineskin. Dans ces deux affaires, le compte en capital de la bande avait été intégralement transféré d’un seul coup à une fiducie au profit de la bande tout entière. D’importants détails ont fait l’objet de négociations entre le Canada et Samson et Ermineskin, détails touchant, par exemple, l’acte de fiducie et la politique d’investissement, l’identité des fiduciaires, l’exonération de la Couronne de toute responsabilité, les procédures référendaires et la trousse de renseignements sur le référendum, le tout étant soumis à l’approbation de la Cour. Tout cela a eu lieu avant la tenue du référendum, et le ministre a pu confirmer à la Cour que, dès la tenue du référendum attestant l’approbation des membres de la bande, il exercerait son pouvoir discrétionnaire pour approuver les transferts en question.

 

[38]           En l’espèce, par contre, les demandeurs ont commencé par demander le transfert d’une part des fonds en question à une partie seulement des Stoney. Ce n’est que récemment qu’ils ont sollicité l’avis du Canada au sujet des actes de fiducie, et un certain nombre de préoccupations importantes subsistent. Ajoutons que le ministre n’a aucun moyen de savoir si les trois propositions ont, dans l’ensemble, l’appui des membres de la bande, étant donné que les Wesley refusent d’organiser un référendum en bonne et due forme, et que les Chiniki et les Bearspaw n’ont pas encore décidé s’ils entendent procéder à un référendum. Le référendum des Wesley a eu lieu sans la prise de mesures acceptables aux yeux du ministre, bien que le Canada les ait invités à en reporter la tenue. Le référendum était, par ailleurs, vicié par le fait qu’on avait promis aux membres de la bande que, dans l’hypothèse d’un vote favorable, ils bénéficieraient d’une distribution per capita. La pratique qui consiste à lier une telle distribution aux résultats du référendum fait qu’on ne peut guère se fier aux résultats du scrutin : ni le ministre ni la Cour ne peuvent être convaincus que la promesse d’une distribution per capita supplémentaire n’a pas indûment influencé l’issue du scrutin.

 

[39]           Le Canada reconnaît que l’alinéa 64(1)k) n’exige pas la tenue d’un référendum, mais il est, de la part du ministre, raisonnable de vouloir s’assurer, avant de conclure que le transfert « est à l’avantage de la bande », qu’une telle mesure a l’appui des membres de la bande. De telles considérations l’emportent sur la soi‑disant impraticabilité d’organiser pour l’ensemble de la bande un seul référendum, difficulté qui n’est, en l’occurrence, pas insurmontable.

 

[40]           En réponse aux préoccupations dont la Couronne avait fait part, des changements ont été apportés à l’acte de fiducie des Wesley, mais un certain nombre de difficultés subsistent, dont l’absence d’une politique d’investissement définitive, le fait que cette politique puisse être modifiée par la suite sans obtenir l’approbation des membres de la bande ou de la Cour et des questions quant au caractère adéquat des dispositions touchant la conservation du capital. Ajoutons que l’acte de fiducie des Wesley n’est, dans son état actuel, pas celui qui avait été communiqué aux membres de la bande avant la tenue du référendum.

 

[41]           Les défendeurs rejettent l’argument voulant que, animé par des arrière‑pensées, le Canada crée des obstacles déraisonnables. Selon eux, cet argument est insultant et injustifié. Les préoccupations exprimées par le Canada à l’égard des transferts de fonds à des sous‑groupes des Stoney sont fondées; il ne s’agit pas de simples « obstacles gratuits ». Ces préoccupations sont de nature à la fois juridique et pratique. Au plan juridique, l’objection provient du fait que, selon l’alinéa 64(1)k) de la Loi, le transfert doit, d’après le ministre, être « à l’avantage de la bande ». Il est légitime de se demander si on peut satisfaire à ce critère par un transfert portant sur une partie seulement du capital des Stoney qui irait à une fiducie dont ne serait bénéficiaire qu’une partie de la bande. La préoccupation d’ordre pratique a trait à la fluidité des affiliations aux trois nations, les membres pouvant, en effet, passer périodiquement d’un groupe à l’autre. De tels mouvements ne soulèvent aucune difficulté si les sommes en cause sont transférées à une fiducie unique dont serait bénéficiaire la bande tout entière, mais les intérêts de certains membres pourraient être lésés si les sommes d’argent au compte en capital des Stoney font l’objet d’une distribution per capita définitive entre trois fiducies distinctes. Il est pour cela important de s’assurer à tout le moins que la bande tout entière comprend les arrangements envisagés, et y souscrit. Le refus d’organiser en bonne et due forme un référendum auquel participerait la bande tout entière empêche cela. On pourrait d’ailleurs, en réponse au désir de répartition, envisager des distributions distinctes au sein d’une fiducie unique.

 

[42]           Aucune des circonstances qui établissent, selon les demandeurs, un précédent en matière de distribution per capita de l’argent d’une bande ne correspond à la situation actuelle. Les dispositions de l’accord de principe sur le Fonds du patrimoine invoqué par les demandeurs sont en l’occurrence dénuées de pertinence, car elles concernent la distribution ponctuelle de petites sommes prélevées sur le compte des revenus et non la distribution définitive de l’argent du compte de capital. Il en va de même des budgets annuels des Stoney, qui n’entraînent aucune distribution définitive de la totalité du capital accumulé de la bande, les sommes en cause ne correspondant qu’à une petite fraction des presque 200 millions de dollars en cause en l’espèce. Ce sont quatre bandes distinctes qui se partagent la réserve de Pigeon Lake, et non pas des sous‑groupes d’une seule bande. Les transferts effectués au profit des nations de Samson et d’Ermineskin portaient sur la totalité des comptes de capital de chaque bande et faisaient chaque fois suite à un référendum dans le cadre duquel la bande tout entière avait pu se prononcer. En ce qui concerne l’affaire de Saddle Lake, l’argent qui a été distribué n’était pas de l’argent des Indiens que le Canada détenait en fiducie, mais des sommes versées par le Canada à titre d’indemnité en règlement de réclamations formulées à son encontre. Cet argent ne relevait par conséquent pas de l’article 64 de la Loi ni d’aucune autre disposition relative au pouvoir discrétionnaire du ministre.

 

[43]           Pour ce qui est de l’argument voulant qu’en vertu des principes tant de la common law que de l’equity, il conviendrait de destituer le Canada en tant que fiduciaire, la Cour suprême du Canada a explicitement rejeté l’idée que le Canada serait un fiduciaire de common law : arrêt Ermineskin, précité, au paragraphe 49. Il existe, entre le Canada et la bande, une relation fiduciale, le Canada ayant le pouvoir discrétionnaire d’agir au mieux des intérêts de la bande, mais ses obligations fiduciales et ce pouvoir discrétionnaire sont légitimement limités par les dispositions législatives régissant la manière dont le Canada gère l’argent des Indiens : arrêt Ermineskin, précité, aux paragraphes 74 et 75.

 

[44]           Les allégations d’abus de confiance et de manquement aux obligations fiduciales formulées par les demandeurs ne sont pas fondées, ce qui doit entraîner le rejet de la demande de destitution. Les allégations voulant que le Canada tire profit de l’emploi qu’il fait des fonds des Premières nations déposés auprès du Trésor public, que le Canada a bénéficié d’un enrichissement sans cause ou qu’il se trouve en situation de conflit d’intérêts ont été rejetés de manière décisive par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Ermineskin, précité, aux paragraphes 149, 182 et 184, ainsi que par la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale. L’arrêt Gladstone, cité par les demandeurs, n’est pas applicable en l’espèce : en effet, si, dans cet arrêt, on a jugé que le Canada avait tiré avantage de la situation, c’est uniquement que parce qu’il n’avait pas versé d’intérêts sur des sommes obtenues dans le cadre d’une saisie irrégulière.

 

[45]           Or, il n’y a eu aucun transfert irrégulier des comptes des Stoney. Sur ce point, la preuve produite par les demandeurs démontre simplement que le Canada a, une fois, remboursé à une entreprise du secteur pétrolier et gazier, des redevances versées en trop. Or, les Stoney ne sont pas en droit de conserver des redevances versées en trop. L’allégation voulant que le Canada ait « contrecarré » les efforts déployés par les Stoney afin d’obtenir le versement des redevances n’est, elle non plus, pas crédible et aucune preuve n’a été présentée à l’appui.

 

[46]           Aucune preuve non plus n’a été produite à l’appui de l’argument voulant que le Canada n’a pas fourni les renseignements comptables de base, ou que sa comptabilité manque de transparence ou ne peut pas être vérifiée. Les affidavits des demandeurs ne font état d’aucune inquiétude concernant la comptabilité du Canada ou la possibilité pour eux de savoir où en sont leurs comptes. S’ils avaient fait état de telles préoccupations, ils auraient été contre‑interrogés sur leurs affirmations. Les comptes publics du Canada ainsi que les comptes affectés à une fin particulière ouverts auprès du Trésor public pour les fonds fiduciaires des bandes sont soumis à l’examen du vérificateur général : Loi sur le vérificateur général, LRC 1985, c A‑17, article 5.

 

[47]           Les observations que le Canada a faites au sujet de l’acte de fiducie des Wesley l’ont été à la demande de la bande, et dans son intérêt, et ne visent aucunement à rendre l’argent de la fiducie imposable après son transfert.

 

[48]           La manière dont, de manière générale, le Canada s’occupe de l’argent des Indiens, et plus particulièrement de l’argent des Stoney, ne viole aucunement leurs droits en matière d’autonomie gouvernementale ni de droits de la personne. Conformément à l’arrêt Ermineskin, où la Cour a rejeté l’argument voulant que le Canada ait agi d’une manière discriminatoire contrairement au paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, il serait, de la part du Canada, imprudent de procéder à un transfert sans obtenir les garanties de mise, et sans que soit démontré l’acquiescement des membres de la bande. Cela serait, en outre, incompatible avec les obligations fiduciales du Canada : arrêt Ermineskin, précité, aux paragraphes 195, 196, 200 à 202. Le rapport Penner a été versé au dossier, et il n’y a, dans la Déclaration des Nations Unies, rien qui mette en doute la validité de ce raisonnement.

 

La réponse des demandeurs

[49]           Les demandeurs nient ne demander le transfert que d’une partie du capital des Stoney, et ce, au bénéfice d’une partie seulement de la bande. Ils sollicitent en effet une ordonnance prévoyant le transfert de la totalité des fonds détenus en fiducie par le Canada pour le compte de la bande, même s’ils demandent que ces fonds soient partagés en trois.

 

[50]           Pour ce qui est des objections procédurales soulevées par les défendeurs, les demandeurs font valoir que l’article 44 de la LCF autorise la délivrance d’un mandamus et ne limite pas cette réparation aux demandes de contrôle judiciaire présentées en application de l’article 18. Il en va de même de mesures accordées sous forme de jugement déclaratoire : Canada c Ahenakew (s.n. Federation of Saskatchewan Indian Nation c Canada), 2003 CFPI 306, [2003] ACF no 429, au paragraphe 26 [Ahenakew]. Cela étant, et puisque la réparation sollicitée en l’espèce est englobée dans la déclaration modifiée des demandeurs, le dépôt d’une demande de contrôle judiciaire distincte serait contraire à l’utilisation efficace des ressources de la Cour.

 

[51]           Les demandeurs ne sollicitent d’ailleurs pas en l’espèce une ordonnance de mandamus. Ils demandent simplement à la Cour de rendre les mêmes ordonnances que dans les affaires Samson et Ermineskin, qui prévoient les conditions dans lesquelles il convient de transférer des fonds appartenant à des Indiens afin de constituer une fiducie sûre. Dans la mesure où il est satisfait à ces conditions, le « pouvoir discrétionnaire conféré par la Loi » au ministre prend fin. Dans la mesure où il resterait au ministre un certain pouvoir discrétionnaire, celui‑ci serait encore réduit par la situation de conflit d’intérêts dans laquelle il se trouve, et par l’avantage dont le Canada continuerait de bénéficier si les fonds en question ne sont pas transférés. Le ministre ne peut par conséquent faire autrement qu’autoriser le transfert. L’ordonnance rendue en 2005 par le juge Teitelbaum, subséquemment entérinée par la Cour suprême du Canada, est l’équivalent de la réparation sollicitée en l’espèce. Dans l’affaire Samson, il n’a pas été jugé nécessaire de rendre une ordonnance de mandamus ou de procéder au contrôle judiciaire et cela reste vrai en l’espèce. La Cour ayant déjà, à deux reprises, ordonné le transfert de fonds, les demandeurs, dans le contexte d’une affaire sensiblement semblable, ont le droit d’invoquer à l’appui de leur thèse la manière de procéder antérieurement autorisée par la Cour.

 

[52]           Les distinctions que les défendeurs font entre la présente affaire et les affaires Samson et Ermineskin ne reposent sur rien. En l’espèce, comme dans ces deux autres affaires, il est prévu, dans l’ordonnance sollicitée, de soumettre à la Cour le ou les actes de fiducie, la ou les politiques d’investissement, l’identité des fiduciaires et l’exonération du Canada de toute responsabilité. Il existe, certes, des différences au niveau de l’étape à laquelle l’ordonnance est sollicitée, mais cela était également vrai dans le cas des ordonnances rendues dans les affaires Samson et Ermineskin, différences qui ne prêtent guère à conséquence. La seule différence qui compte en l’espèce est que le Canada s’oppose à la délivrance des ordonnances, alors que dans les affaires antérieures, le Canada n’avait ni consenti ni contesté les avis de requête. Il avait simplement déclaré devant la Cour qu’il n’avait aucune objection à ce que la Cour donne son approbation.

 

[53]           Pour répondre aux défendeurs qui craignent que, dans le référendum des Wesley, les votants aient été indûment influencés par l’idée qu’ils allaient bénéficier d’une distribution per capita, les demandeurs avancent l’argument suivant :

[traduction] En quoi serait‑il déplacé de payer les électeurs avec leur propre argent? Les défendeurs soutiennent‑ils que, lors d’élections au Canada, on ne cherche jamais à influencer les électeurs en leur promettant des avantages? Il est simpliste d’affirmer en l’occurrence que les versements aux électeurs auraient quelque chose d’inconvenant, et c’est en outre s’autoriser à appliquer deux poids deux mesures.

 

[54]           Les défendeurs opposent la [traduction] « sécurité garantie » qu’offre le Trésor, au risque accru que pourrait présenter une fiducie indépendante. Il est, cependant, trompeur de parler de sécurité garantie étant donné que le Canada a prélevé des fonds sur les comptes des bandes pour rembourser des soi‑disant paiements de redevances versés en trop, bien que, selon la jurisprudence, cela n’aurait pas dû être fait : Chevron Canada Resources c Canada (Executive Director of Indian Oil and Gas Canada) (1997), 53 Alta LR (3d) 153, 1997 CarswellAlta 893 [Chevron].

 

[55]           En ce qui concerne, maintenant, les modifications apportées à l’acte de fiducie des Wesley depuis le référendum de juillet 2012, les défendeurs n’ont pu citer de disposition légale, précédent ou autre à l’appui de leur thèse que les membres de la bande des Stoney doivent, avant que le ministre ne puisse autoriser le transfert, approuver par référendum le libellé de l’acte de fiducie. Il peut être bon d’organiser un référendum lorsqu’il s’agit de se prononcer sur des questions de principe, mais ce n’est pas le bon moyen de procéder pour faire approuver les questions de détail telles que les dispositions contractuelles d’un acte de fiducie. Une telle exigence ne repose sur aucun précédent, ni dans le régime parlementaire canadien, ni dans la common law, ni dans la tradition des Stoney.

 

[56]           Les divers actes de fiducie ne soulèvent plus de questions de fond justifiant le refus, par le ministre, d’autoriser les transferts proposés. En effet, en ce qui concerne les fiducies, les constituants sont les demandeurs et non les défendeurs. Le rôle qui revient au ministre pour l’approbation des transferts ne justifie aucunement qu’il dicte les modalités des actes de fiducie, en particulier celles qui pourraient avoir une incidence fiscale.

 

[57]           Les défendeurs décrivent de façon inexacte les conclusions auxquelles la Cour suprême est arrivée dans l’arrêt Ermineskin quant au conflit d’intérêts dans lequel le Canada se trouvait pour ce qui est de la gestion de l’argent des Indiens. S’exprimant au nom de la Cour, le juge Rothstein a conclu que le Canada avait effectivement emprunté de l’argent des Indiens détenu par le Trésor et que cela constituait de façon inévitable et inhérente un conflit d’intérêts. Ce conflit n’avait cependant pas pour effet d’entraîner une violation des obligations fiduciales du Canada, car celles‑ci avaient été valablement modifiées par la Loi : arrêt Ermineskin, précité, aux paragraphes 74, 75, 79, 125 à 131. Dans la mesure où ils observent strictement le régime législatif qui régit ce domaine, les défendeurs ne commettent aucune violation de leurs obligations envers les demandeurs, mais il n’en reste pas moins qu’ils continuent à se trouver dans une situation de conflit d’intérêts et continuent d’emprunter l’argent des demandeurs. Les questions de l’avantage ou de l’enrichissement indu de la Couronne restent en l’espèce à trancher étant donné que, dans l’arrêt Ermineskin, la Cour suprême a très strictement circonscrit la question sur laquelle elle s’est prononcée.

 

[58]           Les défendeurs minimisent en l’espèce l’importance de la Déclaration des Nations Unies. La Déclaration des Nations Unies a élaboré les droits et obligations auxquels le Canada est soumis en vertu du droit international en les situant dans leur contexte. Il s’agit notamment du droit des peuples à l’autodétermination, de l’obligation, au regard du droit international des traités, de n’opérer aucune discrimination fondée sur la race, ainsi que des principes du droit international coutumier tels que pacta sunt servanda (tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi). Ces principes et ces obligations ont un rôle à jouer en matière d’interprétation des lois, car le Parlement est présumé agir conformément à ses obligations internationales : Canada (Commission des droits de la personne) c Canada (Procureur général), 2012 CF 445, aux paragraphes 351 à 353.

 

[59]           Les demandeurs reconnaissent que des décisions administratives et logistiques vont devoir être prises afin de faciliter les transferts envisagés, mais estiment que ces diverses décisions ne devraient pas être un prétexte pour retarder l’opération. Le système instauré par la Loi en matière de gestion de l’argent des Indiens est à la fois archaïque et injustifié. Le Canada affirme n’avoir aucune objection de principe au transfert de l’argent à une fiducie indépendante et cela peut uniquement vouloir dire que le Canada a déjà décidé qu’en principe un tel transfert serait dans l’intérêt des demandeurs. Les questions qui subsistent ne peuvent être réglées que par la délivrance des ordonnances et autres réparations sollicitées dans le cadre de la présente requête.

 

ANALYSE

Généralités

[60]           Les parties conviennent en principe de transférer l’argent des Stoney du Trésor public à une fiducie indépendante sûre, conformément à l’alinéa 64(1)k) de la Loi. Elles ne s’entendent pas encore sur toutes les conditions de ce transfert ou les approbations à obtenir afin de convaincre le ministre que ce transfert est dans l’intérêt supérieur de la bande. Les demandeurs ont leur propre idée de ce qui peut et devrait être fait pour effectuer ce ou ces transferts, et ils demandent à la Cour d’avaliser leur approche et de rendre une ordonnance enjoignant au ministre de l’accepter et de la respecter. Ils ne demandent donc pas que le ministre exerce le pouvoir discrétionnaire que lui reconnaît l’alinéa 64(1)k) de la Loi, mais qu’il soit enjoint au ministre d’exercer son pouvoir discrétionnaire comme les demandeurs estiment que ce pouvoir devrait être exercé, quelles que soient les inquiétudes ou les réserves que le transfert en question puisse inspirer au ministre, ou que le ministre soit maintenu à l’écart au motif que son pouvoir discrétionnaire n’a pas lieu d’être en l’occurrence et que, dans la mesure ou sont réunies certaines conditions préalables, la Cour autorise et enjoigne au ministre de transférer les fonds à des fiduciaires indépendants.

 

[61]           Bien que les parties s’entendent sur bon nombre de questions, le ministre a décidé de ne pas transférer l’argent du Trésor à une fiducie indépendante sûre selon les modalités actuellement proposées par les demandeurs. Les demandeurs n’ont toutefois pas demandé le contrôle judiciaire de cette décision de refus. Ils tentent de contourner les pouvoirs discrétionnaires conférés au ministre à l’alinéa 64(1)k) de la Loi et demandent à la Cour d’accepter et d’avaliser purement et simplement les modalités du transfert qu’ils souhaitent obtenir, et d’enjoindre au ministre de s’en tenir à ces modalités. J’estime, cependant, qu’ils n’ont ni établi ni expliqué de manière satisfaisante les arguments juridiques qui permettraient à la Cour d’accepter et d’avaliser les modalités du transfert, et d’enjoindre au ministre de les respecter, quels que soient par ailleurs les pouvoirs conférés au ministre – et non à la Cour – par la Loi.

 

Motifs et arguments particuliers

[62]           À l’appui de leur approche ci‑dessus exposée, les demandeurs invoquent divers motifs et avancent divers arguments que j’entends examiner successivement.

 

L’analogie avec les affaires SamsonErmineskin

[63]           Les demandeurs affirment ne pas solliciter une ordonnance de mandamus, mais une série d’ordonnances similaires à celles rendues par la Cour dans les affaires Samson et Ermineskin, faisant valoir que :

[traduction] Les faits essentiels dont la Cour est saisie dans le cadre de la présente demande [sic] correspondent en tous points aux faits essentiels dont la Cour était saisie dans les affaires Samson et Ermineskin, et les défendeurs posent, aux transferts envisagés, des obstacles qui ne se posaient pas dans les affaires Samson ou Ermineskin.

 

[64]           Si le ministre crée des obstacles qu’il n’élevait pas dans les affaires Samson et Ermineskin, cela pourrait justifier une demande de contrôle judiciaire fondée sur le caractère déraisonnable de la décision du ministre de ne pas approuver les transferts selon les modalités actuellement prévues. Toutefois, la Cour n’est pas saisie en l’espèce d’une requête et il n’est pas demandé à la Cour de se prononcer sur la décision du ministre. On me demande de rendre une ordonnance sur le fondement d’allégations voulant, du moins implicitement, que les « obstacles » que le ministre pose aux arrangements prévus, ne reposent sur aucun motif légitime ou raisonnable. Je ne vois toutefois pas sur quel motif de droit je pourrais fonder une telle ordonnance et usurper le pouvoir discrétionnaire du ministre que lui reconnaît l’alinéa 64(1)k) de la Loi, alors que l’exercice de ce pouvoir n’a pas fait l’objet d’un contrôle judiciaire.

 

[65]           Les ordonnances rendues dans les affaires Samson et Ermineskin n’entraînaient pas une telle usurpation du pouvoir discrétionnaire du ministre qu’on demande en l’espèce à la Cour d’effectuer par voie de requête. Dans les affaires Samson et Ermineskin, il était demandé à la Cour d’examiner et d’avaliser, en vue du transfert envisagé, les arrangements dont avaient déjà convenu les demandeurs et le Canada. Or, dans le cadre de la présente requête, il est demandé à la Cour d’avaliser plusieurs transferts de sommes importantes à des conditions qui n’ont pas encore été pleinement arrêtées et d’enjoindre au ministre de respecter ces modalités. J’estime que la Cour ne peut pas acquiescer à une telle demande. Les demandeurs n’ont ni fait valoir ni établi qu’en n’exerçant pas le pouvoir discrétionnaire de transférer les fonds comme l’autorise à le faire l’alinéa 64(1)k) de la Loi, le ministre a commis une erreur susceptible de révision. Ils soutiennent devant la Cour que le ministre dresse sans besoin des « obstacles » au transfert envisagé, agissant en cela de manière détournée et injustifiée. Ils soutiennent, par ailleurs, que le pouvoir discrétionnaire aux termes de la Loi du ministre est en l’occurrence « épuisé ». Le ministre a quant à lui expliqué pourquoi il ne peut pas actuellement exercer son pouvoir discrétionnaire pour approuver les transferts. Je ne vois pas comment on pourrait affirmer qu’en l’occurrence le pouvoir discrétionnaire reconnu au ministre par la Loi est « épuisé » en se fondant pour cela sur le fait que dans les affaires Samson et Ermineskin, la Cour a avalisé les arrangements prévus dans des circonstances propres à ces deux autres affaires. La Cour ne peut pas en l’espèce tout simplement annuler l’exercice, non contesté, que le ministre a fait du pouvoir discrétionnaire que lui accorde la Loi en raison d’une allégation, selon moi erronée, formulée dans le cadre de la présente requête, selon laquelle la présente affaire correspond en tous points à la situation qui a été avalisée dans les affaires Samson et Ermineskin. Voici ce que la Cour suprême du Canada a déclaré dans l’arrêt Ermineskin, au paragraphe 152 :

Toutefois, la Couronne ne peut pas simplement transférer les fonds. Suivant ses obligations fiduciales et l’alinéa 64(1)k) de la Loi sur les Indiens, il lui faut être convaincue que l’opération sert au mieux les intérêts des bandes. […]

 

[66]           Le fait que, dans les affaires Samson et Ermineskin, le Canada était satisfait des conditions proposées, ne veut aucunement dire qu’il soit contraint d’en être satisfait en l’espèce, alors que la Cour n’est saisie d’aucune demande de contrôle judiciaire alléguant le caractère déraisonnable d’une décision, et que les circonstances sont en l’occurrence sensiblement différentes.

 

[67]           Par voie de requête, les demandeurs prient tout simplement la Cour de passer outre au pouvoir discrétionnaire que la Loi reconnaît au ministre, d’exercer elle‑même ce pouvoir et d’ordonner que l’argent des Stoney soit transféré selon les modalités proposées par les demandeurs, modalités auxquelles le ministre n’a pas encore entièrement acquiescé. Les demandeurs prient la Cour de s’aligner sur leurs positions et de déclarer que les transferts qu’ils proposent [traduction] « servent au mieux les intérêts des membres de la nation des Nakoda Stoney ». Ils demandent ainsi à la Cour de passer outre aux pouvoirs que le législateur a accordés au ministre, et de substituer sa propre appréciation de ce qui servirait au mieux les intérêts de la bande. À mon avis, aucun principe ou règle de droit ne justifie une telle substitution.

 

[68]           Ni dans l’affaire Samson ni dans l’affaire Ermineskin, la Cour n’a « enjoint » au ministre d’effectuer le transfert, comme il lui est demandé de le faire dans le cadre de la présente requête. Dans ces autres affaires, la Cour n’a fait que confirmer que, selon elle, les modalités et procédures dont avaient convenu les parties étaient satisfaisantes à ses yeux et conformes à l’intérêt des Premières Nations concernées.

 

[69]           Il me semble évident que, dans l’affaire Samson par exemple, le Canada n’avait soulevé aucune objection à l’acte de fiducie et aux politiques d’investissement qu’il prévoyait. Il n’y avait pas non plus de désaccord concernant l’acquiescement nécessaire des membres de la bande. Or, il existe en l’espèce d’importants points en litige et désaccords. Il ne s’agit pas, selon moi, d’« obstacles » injustifiés dont la Cour pourrait simplement ne tenir aucun compte et à l’égard desquels elle pourrait imposer les modalités et procédures proposées par les demandeurs, modalités et procédures que le ministre n’a pas acceptées à l’issue d’un exercice légitime du pouvoir discrétionnaire que lui confère la Loi, exercice qui n’a par ailleurs pas été contesté dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

 

[70]           Les arguments avancés par les demandeurs selon lesquels le pouvoir discrétionnaire du ministre est « épuisé » ils sont en droit d’invoquer à l’appui de leur thèse l’ensemble des mesures approuvées par la Cour dans les affaires Samson et Ermineskin sont, selon moi, indéfendables pour diverses raisons.

 

[71]           Premièrement, dans les affaires Samson et Ermineskin, les parties avaient convenu de la documentation et des procédures nécessaires, et le ministre estimait que les transferts, effectués dans les conditions dont ils avaient convenu, étaient dans l’intérêt supérieur des bandes. C’est la raison pour laquelle il ne s’est pas opposé pas aux requêtes déposées devant la Cour en vue du transfert des sommes en question. Or, ce n’est pas le cas en l’espèce.

 

[72]           Deuxièmement, dans ses Motifs de l’ordonnance et ordonnance, en date du 27 janvier 2005, le juge Teitelbaum n’affirme nulle part qu’il est enjoint au ministre de faire quoi que ce soit, et ne mentionne aucun fondement juridique sur lequel une telle ordonnance pourrait reposer. Voici en quels termes il s’exprime au paragraphe 9 de sa décision :

[9]        Samson doit ensuite présenter au ministre une résolution du conseil de bande (la RCB) demandant le transfert, à l’exception d’une somme de 3 millions de dollars qui sera retenue afin de résoudre toute question non réglée. La convention de fiducie, l’exonération de responsabilité et les résultats du référendum seront annexés à la RCB. Vu ma conclusion selon laquelle le transfert et les transferts futurs sont au profit de la Nation crie de Samson, le ministre peut alors autoriser le transfert à la fiducie convenue des deniers actuels et futurs de Samson versés aux comptes de capital, conformément à l’alinéa 64(1)k) de la Loi sur les Indiens. Les avocats de la Couronne ont avisé la Cour qu’ils avaient reçu la confirmation que le ministre autorisera effectivement le transfert des deniers actuels versés aux comptes de capital, moyennant le respect des conditions établies aux présentes.

 

[73]           L’expression « le ministre peut alors autoriser le transfert » n’autorise pas la Cour à lui enjoindre de faire quelque chose. Dans l’affaire Samson, le ministre avait exercé le pouvoir discrétionnaire que lui confère l’alinéa 64(1)k) de la Loi et décidé d’autoriser le transfert dans la mesure où il serait satisfait aux conditions convenues. Le paragraphe 5 de l’ordonnance du juge Teitelbaum dit simplement que si, sur réception d’une résolution du conseil de bande et moyennant le respect des conditions convenues, le ministre autorise le transfert, la Cour déclare que les transferts « sont au profit de la Nation crie de Samson et que le ministre des Affaires autochtones et Développement du Nord possède le pouvoir d’autoriser de tels transferts, conformément à l’alinéa 64(1)k) de la Loi sur les Indiens ».

 

[74]           Il n’y a, selon moi, rien dans l’ordonnance du juge Teitelbaum qui relève le ministre de son obligation de satisfaire aux exigences de l’alinéa 64(1)k) de la Loi et de s’assurer que les transferts sont, d’après lui, à l’avantage de la nation de Samson. Et il n’y a rien ni dans l’ordonnance ni dans les motifs de celle‑ci qui donne à penser que la Cour pouvait autoriser ou aurait effectivement autorisé le transfert des sommes en question à la nation de Samson si le ministre n’avait pas été convaincu que les transferts envisagés étaient à l’avantage de la nation de Samson.

 

[75]           Je pense que, dans le cadre de la présente requête, les demandeurs et les défendeurs conviennent que les procédures et conditions approuvées dans Samson et Ermineskin relativement au transfert des fonds à des fiducies indépendantes sûres peuvent servir de modèle et de précédent quant aux conditions qui seraient nécessaires pour obtenir l’autorisation et la réalisation des transferts. Le désaccord porte sur ce qui a été décidé à cet égard dans les affaires Samson et Ermineskin. Selon moi, ces affaires ne peuvent pas servir de fondement juridique à une requête demandant à la Cour de ne tenir aucun compte de la position du ministre et de décider, malgré le manque d’accord du ministre, de ce qui sert au mieux les intérêts d’une Première Nation, et d’ordonner le transfert des fonds.

 

[76]           J’estime par ailleurs que le pouvoir discrétionnaire du ministre n’est pas « épuisé ». Aux termes de la Loi, le ministre doit exercer son pouvoir discrétionnaire en fonction des faits qui lui sont présentés à l’égard de l’affaire dont il est saisi, et c’est effectivement ce qui s’est produit en l’occurrence. Les demandeurs affirment ne pas solliciter un mandamus, mais simplement une ordonnance ayant pour fondement le fait que les affaires Samson et Ermineskin ont déjà fixé les conditions d’autorisation d’un transfert, le ministre n’ayant plus, dans la mesure où il est satisfait à ces conditions, le pouvoir discrétionnaire de refuser le transfert. Selon moi, il s’agit là d’une ordonnance de mandamus, et une telle ordonnance ne peut être rendue que dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire présentée en application de l’article 18.1 de la LCF. Voir Bande indienne de lac Babine et autres c Williams et autres, 194 NR 44, [1996] ACF no 173 (CAF), au paragraphe 4; Bande de Stoney c Conseil de la bande de Stoney (1996), 118 FTR 258, [1996] ACF no 1113 (CF 1re inst), aux paragraphes 13 à 16; et Meggeson c Canada (Procureur général), 2012 CAF 175, au paragraphe 34 [Meggeson]. Les demandeurs citent des précédents permettant de penser qu’un jugement déclaratoire peut être obtenu dans le cadre d’une action (décision Ahenakew, précitée; voir également Ward c Nation crie de Samson, [1999] ACF no 1403 [Ward]), mais dans ces affaires, la Cour a explicitement fait observer que les jugements déclaratoires portant sur les droits ne visaient pas pour l’essentiel à obtenir l’annulation de la décision d’un office fédéral (voir la décision Ahenakew, précitée, au paragraphe 27; arrêt Ward, précité, au paragraphe 42, le juge en chef Isaac). Or, c’est essentiellement ce que les demandeurs sollicitent en l’espèce (même s’ils demandent également à la Cour d’aller plus loin et de rendre une ordonnance de mandamus), et une telle mesure ne pourrait être obtenue que dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire.

 

[77]           Même si l’on admet que le souci d’économiser les ressources judiciaires milite en faveur de l’inclusion d’un jugement déclaratoire dans la réparation accordée dans le cadre d’une action devant la Cour lorsque celle‑ci estime que c’est indiqué, en considérant en fait la demande de jugement déclaratoire comme une demande de contrôle judiciaire pouvant, conformément au paragraphe 18.4(2) de la LCF, être instruite comme s’il s’agissait d’une action (voir l’arrêt Ward, précité, au paragraphe 49, les juges Décary et Rothstein), cela ne veut pas du tout dire que l’on puisse, dans le cadre d’une requête présentée avant même que l’action soit instruite, obtenir de la Cour qu’elle déclare dans quel sens le pouvoir administratif discrétionnaire doit être exercé et qu’elle prévoie cet exercice par une ordonnance de mandamus. Les demandeurs n’ont cité aucun précédent permettant à la Cour d’accorder une telle mesure. Les ordonnances rendues dans les affaires Samson et Ermineskin, si on les interprète correctement, ne peuvent pas non plus être invoquées à cet égard.

 

[78]           Quoi qu’il en soit, j’estime que les conditions établies par les affaires Samson et Ermineskin ne sont pas réunies en l’espèce.

 

[79]           Ma première conclusion est que les demandeurs sollicitent essentiellement de la Cour une ordonnance enjoignant au ministre de transférer les fonds en question à des fiducies indépendantes. Cette demande d’ordonnance vise en fait la délivrance d’un mandamus que je n’ai aucune compétence d’accorder dans le cadre de la présente requête. J’ajoute que les demandeurs n’ont pas fait valoir qu’ils ont respecté les conditions de délivrance d’un mandamus (voir l’arrêt Apotex, précité) et, selon moi, ils n’ont effectivement pas satisfait à ces conditions. Deuxièmement, même si on admettait que la présente requête a un fondement juridique que la Cour a tiré des affaires Samson et Ermineskin, les demandeurs n’ont pas satisfait aux conditions auxquelles est subordonné un transfert de fonds de fiducie, et d’après les faits du présent dossier, le ministre, me semble‑t‑il, tente de bonne foi d’effectuer un transfert conformément à ce qui était prévu dans les affaires Samson et Ermineskin, avec les changements qu’imposent les problèmes particuliers qui se posent en l’espèce.

 

De simples « obstacles » – Les problèmes qui demeurent

[80]           Les demandeurs invoquent plusieurs motifs afin de convaincre la Cour qu’il serait bon de transférer à des fiducies sûres les fonds actuellement déposés auprès du Trésor public, et qu’elle devrait ordonner dès maintenant le transfert de ces fonds. Je ne pense pas que le Canada soit en désaccord quant au caractère souhaitable de ce transfert. La difficulté se situe au niveau de la manière dont devrait s’effectuer le transfert. Pour les raisons exposées précédemment, je considère qu’il y a lieu pour la Cour de rejeter la présente requête. Cela dit, les parties souhaitent faire avancer le dossier et demandent des instructions à la Cour. Il m’appartient donc de faire quelques observations au sujet des diverses affirmations et accusations des demandeurs afin de trouver la meilleure façon de procéder.

 

[81]           Les demandeurs reprochent au Canada d’avoir, de diverses manières, agi de mauvaise foi, de se trouver dans une situation de conflit d’intérêts, de ne pas avoir fait preuve de la prudence nécessaire et d’avoir agi contrairement à ses obligations fiduciales. Ils allèguent que :

a)         les préoccupations dont le Canada a fait état ne sont pas légitimes et que le Canada ne fait qu’élever des « obstacles » aux transferts, car il souhaite, dans son propre intérêt, conserver les fonds déposés auprès du Trésor public;

b)         le Canada tire avantage des emprunts qu’il effectue sur les fonds de la bande;

c)         le Canada tente actuellement de contrôler la constitution et les modalités des fiducies en question afin de rendre, par force ou par duperie, les demandeurs imposables;

d)         la résistance que le Canada oppose actuellement au transfert des fonds entraîne une violation des droits à l’autonomie gouvernementale des demandeurs et/ou à leurs droits de la personne;

e)         le Canada a irrégulièrement utilisé des sommes d’argent appartenant aux demandeurs;

f)         les méthodes comptables du Canada manquent de transparence et les demandeurs ne peuvent pas effectuer de vérification ou de rapprochement des comptes, ni en obtenir une reddition de compte;

g)         en ce qui concerne les distributions per capita, le Canada manque de cohérence dans son action;

h)         le Canada manque également de cohérence quant à ses exigences en matière de référendum;

(i)         le Canada refuse d’accorder aux demandeurs le financement nécessaire pour organiser un référendum alors qu’il avait accordé un tel financement dans les affaires Samson et Ermineskin;

j)          les inquiétudes exprimées par le Canada quant à la possibilité de voir le scrutin influencé par la perspective d’une distribution per capita sont à la fois infondées et inconséquentes.

 

[82]           Pour la plupart, ces allégations ne reposent pas sur une preuve suffisante. Elles sont parfois en contradiction avec les éléments du dossier, ou simplement peu convaincantes. C’est ainsi que s’il est effectivement démontré que, contrairement aux souhaits des Stoney, le Canada a remboursé la somme de 109 439 $ à une entreprise qui avait versé plus de redevances gazières qu’elle ne devait, aucune raison convaincante n’est donnée pour expliquer que le Canada, agissant conformément à l’obligation qui est la sienne d’administrer convenablement et conformément aux dispositions applicables le versement des redevances, aurait, en remboursant un paiement en trop, agi contrairement à ses obligations fiduciales. Il est purement et simplement demandé à la Cour d’admettre qu’il y a manifestement eu un manquement à une obligation fiduciale qui justifie le transfert immédiat des fonds à une fiducie indépendante. Citant à l’appui de leur argument la décision Chevron, précitée, les demandeurs soutiennent que de tels remboursements étaient peut‑être irréguliers. Dans l’affaire citée, cependant, la Cour n’a fait qu’évoquer la possibilité que le remboursement en question n’était peut‑être pas exigible aux termes des articles 89 et 90 de la Loi dans la mesure où l’argent avait été versé aux Indiens au titre des redevances pétrolières et gazières, et a conclu qu’il n’y avait pas lieu de se prononcer sur la question à cette étape de l’instance. Cette décision ne constitue pas un précédent permettant de conclure que le Canada a erronément remboursé en l’espèce les paiements qui auraient été versés en trop. Les preuves ou arguments avancés ne permettent pas à la Cour de parvenir à une telle conclusion.

 

[83]           Quant à la possibilité de voir le scrutin influencé par la perspective d’une distribution per capita, les demandeurs ont affirmé devant la Cour que de tels scrutins sont autorisés par la Loi, qu’il s’agit d’une pratique bien établie qui vise tout simplement à encourager les électeurs des Wesley à prendre part au référendum, sans pour cela chercher à peser sur le scrutin. Il ressort, cependant, de la Wesley Newsletter de juin 2012 que les électeurs qui prenaient part au scrutin bénéficieraient d’une distribution per capita de 500 $, et d’un autre 500 $ si le vote aboutissait au transfert des fonds en question. Il est donc clair que certains membres seulement des Stoney (les électeurs des Wesley) ont reçu cette distribution per capita de 500 $, et que ces électeurs ont effectivement été incités à se prononcer dans un sens précis. Cela étant, il n’est de la part du Canada ni déraisonnable ni injustifié de s’inquiéter du fait que les électeurs des Wesley aient pu être indûment influencés. Pourtant, les demandeurs nient purement et simplement une telle influence.

 

[84]           Les préoccupations dont fait état le Canada ne peuvent certainement pas être décrites comme de simples « obstacles ». Le Canada a fait part de préoccupations légitimes au sujet de divers aspects de l’acte de fiducie des Wesley. Une réponse satisfaisante a été donnée à certaines de ces préoccupations, mais le Canada s’est également légitimement inquiété du fait que le référendum des Wesley a eu lieu alors que la documentation préliminaire n’indiquait même pas qui serait le fiduciaire et n’exposait aucune politique en matière d’investissement. La bande des Wesley a fait savoir qu’elle n’entendait pas demander à ses membres d’approuver la version définitive de l’acte de fiducie, et il semble également que les bandes des Bearspaw et des Chiniki n’entendent même pas demander à leurs membres de se prononcer dans le cadre d’un référendum. Ajoutons qu’il n’est pas prévu de permettre aux membres de l’ensemble des Stoney de se prononcer sur le plan global avant que n’ait lieu le transfert. J’estime que ces préoccupations ne sont pas de simples obstacles élevés par le Canada.

 

[85]           Les demandeurs affirment avoir agi conformément aux mesures approuvées par la Cour dans les affaires Samson et Ermineskin. Or, dans l’affaire Samson, par exemple, la Cour avait clairement précisé que le transfert pur et simple d’une somme d’argent importante serait inapproprié s’il n’était pas accompagné de conditions. La Cour a alors fixé les conditions auxquelles je me suis référé.

 

[86]           Dans le cadre de la présente requête, les parties sont toutes pour le transfert des fonds, convenant toutes qu’il y a lieu de s’en tenir aux modèles appliqués dans les affaires Samson et Ermineskin. Dans le cadre de la présente requête, le Canada a fait valoir devant la Cour que [traduction] « les précédents que constituent les affaires Samson et Ermineskin font état de ce qui est nécessaire, et [que] la Couronne a très clairement expliqué ce qui, dans son état actuel, manque à la proposition faite par les Wesley ».

 

[87]           Les demandeurs conviennent qu’il y a lieu de s’en tenir à ce qui s’est fait dans les affaires Samson et Ermineskin, mais soutiennent qu’ils ont déjà satisfait aux conditions fixées dans le cadre de ces deux précédents, et qu’il y a donc lieu d’ordonner les transferts de fonds qu’ils sollicitent. Mais, même les membres de la bande des Wesley n’ont pas encore eu la possibilité de se prononcer sur un texte définitif, contrairement à ce qui est prévu au paragraphe 8 des motifs exposés par le juge Teiteilbaum dans la décision Samson.

 

[88]           Outre les précédents que constituent les affaires Samson et Ermineskin, il convient de rappeler que le juge Teitelbaum avait obtenu du ministre l’engagement d’effectuer le transfert en question moyennant le respect des conditions fixées par la Cour. Il ne s’est pas immiscé dans le pouvoir discrétionnaire qu’a le ministre de décider s’il y a lieu ou non de procéder à un transfert en application de l’alinéa 64(1)k) de la Loi. Le ministre s’est dit disposé à effectuer le transfert de fonds moyennant le respect des conditions établies, sa volonté de procéder ainsi étant, cependant, « sous réserve que la Cour énonce certaines conditions et qu’elle déclare que le ministre des Affaires autochtones et Développement du Nord dispose de l’assise juridique pour effectuer un tel transfert ». La Cour était donc tenue de conclure qu’un tel transfert pouvait être effectué en application de l’alinéa 64(1)k) (la question ne se posant pas en l’espèce) et que « le transfert, et les transferts de deniers futurs versés aux comptes de capital, sont au profit de la Nation crie de Samson » (et c’est effectivement la question en l’espèce). Même si la Cour pouvait s’approprier les pouvoirs du ministre et effectuer elle‑même le transfert des fonds, elle ne pourrait pas, au vu du dossier dont elle est saisie, dire que la question de l’avantage tiré a été réglée, et cela pour les raisons mêmes données par le Canada pour expliquer les préoccupations qu’il continue d’avoir.

 

[89]           Cela ne veut pas dire qu’en ce qui concerne la fixation définitive des modalités de transfert, les demandeurs soient à la merci du Canada. Les décisions que le ministre peut prendre à cet égard peuvent en effet faire l’objet d’un contrôle et être assujetties à des instructions de la Cour. Il ressort de la présente requête que les demandeurs souhaitent que la Cour écarte le ministre et ordonne les mesures qu’ils estiment nécessaires, sous réserve des instructions ou de la supervision de la Cour. Pour les raisons données, cela ne me semble pas possible et je ne pense pas par ailleurs que cela serait conforme aux précédents que constituent les affaires Samson et Ermineskin, sur lesquels il y a lieu de s’aligner, comme toutes les parties en conviennent.

 

La destitution du Canada en tant que fiduciaire

[90]           J’estime que les demandeurs ne sont pas parvenus à démontrer pourquoi il y aurait lieu de destituer le Canada en tant que fiduciaire. Comme la Cour suprême du Canada l’avait clairement précisé au paragraphe 49 de l’arrêt Ermineskin, la Couronne ne peut pas être considérée comme un fiduciaire de common law. La Couronne entretient avec la bande une relation fiduciale et doit, à ce titre, agir au mieux des intérêts de la bande, mais la Loi lui impose en outre certaines limites en ce qui concerne la gestion de l’argent des Indiens. Compte tenu de la preuve produite dans le cadre de la présente requête, je ne suis pas convaincu que le Canada ait agi d’une manière qui justifie sa destitution immédiate en tant que fiduciaire, particulièrement dans une affaire où le ministre est tenu d’exercer son pouvoir discrétionnaire en conformité avec l’alinéa 64(1)k) de la Loi et où il n’a pas été démontré qu’il n’a pas en cela agi de manière raisonnable, pas plus qu’il n’a été démontré qu’il y a eu en l’espèce violation d’une obligation fiduciale.

 

[91]           On voit également mal comment le ministre pourrait être destitué, ne serait‑ce qu’en ce qui concerne la détention et le contrôle de l’argent de la bande déposé au Trésor public sans proposition satisfaisante pour le remplacer d’un fiduciaire à qui cet argent pourrait être transféré d’une manière qui soit à l’avantage des bénéficiaires, et sans les garanties énoncées dans les affaires Samson et Ermineskin.

 

La voie à suivre

[92]           Rien de tout cela ne doit être interprété comme voulant dire que les demandeurs n’ont pas un intérêt pressant et légitime à voir transférer aussi rapidement que possible leur argent du Trésor public à une ou plusieurs fiducies indépendantes sûres. D’importantes questions économiques sont en jeu, ainsi que des questions relatives à l’autonomie gouvernementale.

 

[93]           J’ai dit que les accusations de mauvaise foi imputant une simple volonté de « bloquer » ne m’ont pas convaincu, mais je comprends parfaitement les sentiments de frustration qui sont à la base de ces accusations ainsi que le besoin de procéder aussi rapidement que possible au transfert. J’estime cependant qu’il ressort du dossier que ces sentiments de frustration et les lenteurs de la procédure sont dus aux facteurs suivants :

a)         la complexité des assises sociales et juridiques de la Première Nation des Stoney, et les difficultés que soulève naturellement la coordination des groupes relativement autonomes de Premières Nations qui en forment l’ossature;

b)         les difficultés qu’il y a à s’en tenir aux précédents que constituent les affaires Samson et Ermineskin, que toutes les parties invoquent à l’appui de leur thèse, compte tenu de la complexité de la structure de gouvernance de la Première Nation des Stoney, alors que ce problème ne se posait pas dans les affaires Samson et Ermineskin;

c)         Compte tenu de la complexité de la situation, les difficultés de faire en sorte que les obligations fiduciales du Canada soient honorées. Les demandeurs invoquent ces obligations fiduciales, obligations qu’on ne peut pas écarter simplement parce qu’elles deviennent gênantes lorsque le Canada est tenu d’obtenir des assurances sur certains points (la question notamment de ce qui est à l’avantage des parties concernées) dans un contexte qu’il ne contrôle pas, étant donné que les Stoney, les Wesley, les Chiniki et les Bearspaw gouvernent leurs terres de manière autonome.

 

[94]           En raison de ces divers facteurs, il est difficile de se conformer à l’esprit et aux fins des précédents Samson et Ermineskin, puisque dans ces deux affaires, le capital de la bande a été en une seule fois intégralement transféré à une fiducie à l’avantage de la bande tout entière. L’acte de fiducie et la politique d’investissement, l’identité des fiduciaires, l’exonération, les procédures référendaires et la trousse de renseignements sur le référendum avaient toutes fait l’objet de négociations entre le Canada et les bandes avant même d’être soumis à l’approbation de la Cour, et ce n’est qu’après cela que les référendums ont eu lieu.

 

[95]           Comme les parties ont convenu qu’il y a lieu de suivre les précédents Samson et Ermineskin, j’estime que ce qui est exigé en l’espèce, ce sont :

a)                  une décision quant à savoir s’il est possible de n’effectuer qu’un seul transfert, ou s’il est possible de donner suite aux souhaits des Stoney qui voudraient que l’on procède à trois transferts distincts ayant lieu à des moments différents;

b)                  une décision quant à savoir si tous les arrangements doivent être finalisés et approuvés par l’ensemble des membres des Stoney avant que puisse avoir lieu un éventuel transfert (qu’il y en ait un ou plusieurs);

c)                  un accord entre la bande et le Canada en ce qui concerne l’acte de fiducie et les questions énumérées au paragraphe 6 de l’ordonnance rendue par le juge Teitelbaum dans l’affaire Samson;

d)                 un accord sur la formule d’exonération;

e)                  un accord quant à la nécessité de procéder à un ou à plusieurs référendums, et quant à la forme et procédure à suivre;

f)                   un avis par lequel le ministre ferait savoir à la Cour qu’il est prêt et disposé à effectuer le transfert;

g)                  une ordonnance de la Cour semblable à celle qui a été rendue dans l’affaire Samson, assortie des confirmations, déclarations et réserves nécessaires.

 

[96]           Selon les avocats, la formule d’exonération ne devrait soulever aucun problème, et les questions qui persistent concernant le ou les actes de fiducie et les politiques d’investissement devraient pouvoir être réglées rapidement. Les principaux obstacles semblent être les modalités du transfert ou des transferts ainsi que les exigences concernant la tenue de référendums.

 

[97]           Les parties travaillent depuis un certain temps déjà sur ces questions, et je suis certain qu’elles comprennent pleinement les points qui les séparent. Je n’ai pas été tenu au courant de ces discussions dans le cadre de la présente requête et, sur les points qui restent à régler, les parties n’ont pas pleinement développé leurs arguments devant moi. Je ne suis donc pas en mesure de régler toutes ces questions dans le cadre de la présente requête. Tant que la Cour ne sera pas mise pleinement au courant des questions qui restent à résoudre, il n’est pas possible de proposer le rôle que pourrait jouer la Cour dans le règlement des questions qui demeurent en suspens.

 

[98]           La Cour devra obtenir une énumération complète et précise des points qui restent à régler, les arguments avancés à l’appui des thèses respectives des parties et les observations expliquant comment présenter et régler le plus rapidement possible les questions en suspens qui exigent l’intervention de la Cour. Sans doute les parties ont‑elles déjà une bonne idée de ce qu’il faudra faire à cet égard. J’estime par conséquent que l’affaire devrait être renvoyée à la Cour pour gestion de l’instance afin de cerner les questions qui restent à résoudre et décider de la procédure qui permettra d’aboutir le plus rapidement possible à un règlement.


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la requête soit rejetée avec dépens en faveur des défendeurs.

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T‑2344‑93

 

INTITULÉ :                                                  LE CHEF JOHN EAR ET AUTRES c
SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA ET AUTRES

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 4 septembre 2013

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                  LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 25 septembre 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Douglas Rae

Julia Gaunce

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Clarke Hunter, c.r.

James Brazant

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Rae and Company

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Norton Rose Fulbright Canada S.E.N.C.R.L., s.r.l.

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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