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Date : 20130823

Dossiers : T-1504-12

T-1505-12

T-1506-12

T-1508-12

T-1509-12

T-1510-12

 

Référence : 2013 CF 897

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 23 août 2013

En présence de monsieur le juge Roy

 

T-1504-12

ENTRE :

 

YANEV SUISSA

 

 

demandeur

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

défendeur

 

 

T-1505-12

ENTRE :

 

AVITAL SUISSA

 

 

demanderesse

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

défendeur

 

T-1506-12

ENTRE :

 

JUDITH SUISSA

 

 

demanderesse

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

défendeur

 

T-1508-12

ENTRE :

 

LIOR SUISSA

 

 

demanderesse

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

défendeur

 

T-1509-12

ENTRE :

 

DAVID SUISSA

demandeur

 

 

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

 

T-1510-12

ENTRE :

 

EREZ SUISSA

 

 

demandeur

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les demandeurs font partie de la même famille. Leurs demandes sont identiques et, par ordonnance du protonotaire Morneau, elles ont été entendues au cours de la même audience. Le jugement sera donc identique dans les six dossiers; le dossier T‑1504‑12 est réputé être le dossier principal. Je renverrai tout au long des présents motifs à David Suissa comme étant le demandeur principal. David et Judith Suissa sont les parents des autres demandeurs.

 

[2]               Il s’agit de demandes de contrôle judiciaire, présentées au titre de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7. Les demandes visent à contester la décision prise par l’Agence du revenu du Canada le 10 juillet 2012, par laquelle elle refusait de leur accorder un allègement à l’égard des intérêts et des pénalités qui leur avaient été imposées.

 

[3]               Les demandeurs ne sont pas des résidants du Canada et ils allèguent qu’ils n’ont pas de biens dans le pays.

 

Les faits

[4]               Les faits essentiels de la présente affaire ne sont pas contestés. Quatre immeubles situés sur l’île de Montréal avaient été enregistrés au nom de Yale Towers Inc., une société constituée au Canada. Les demandeurs admettent que David Suissa était chargé, pour le compte de la famille, de s’assurer de la conformité aux exigences fiscales canadiennes.

 

[5]               Trois des quatre immeubles avaient été vendus en 2007, le quatrième immeuble avait été vendu en 2009. Les quatre immeubles avaient été vendus à perte.

 

[6]               L’article 116 de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e suppl.) (la Loi) prévoit que, lorsqu’une personne non résidente dispose de certains biens, celle‑ci peut envoyer au ministre du Revenu national au préalable un avis et qu’elle est tenue d’envoyer un tel avis après la disposition. Les demandeurs ne nient pas qu’ils ont contrevenu à la disposition. Ils s’opposent toutefois aux pénalités qui leur ont été imposées, et ce, dans chacun des dossiers.

 

[7]               Des pénalités ont été imposées aux demandeurs conformément au paragraphe 162(7) de la Loi en raison de leur omission d’aviser le ministre. Chaque demandeur s’était vu imposer trois pénalités de 2 500 $ relativement aux immeubles vendus en 2007 ainsi qu’une pénalité de 2 500 $ relativement à l’immeuble vendu en 2009.

 

[8]               Les demandeurs ont tenté de se réclamer d’un allègement qui était prévu par le paragraphe 220(3.1) de la Loi. Le 7 octobre 2011, leur demande d’allègement a été rejetée. La décision fit l’objet d’un réexamen, lequel se solda par le même verdict le 10 juillet 2012 : il a été décidé qu’il n’était pas justifié de procéder au réexamen. Il s’agit de la décision que les demandeurs souhaitent faire annuler dans le contexte du présent contrôle judiciaire. (Le libellé des dispositions est joint aux présents motifs, à l’annexe l.)

 

La décision visée par la demande de contrôle judiciaire

[9]               La demande formulée le 3 mai 2011 en vue de faire annuler les pénalités et les intérêts avait été rejetée le 7 octobre 2011. Le motif invoqué était que l’objet de la demande ne correspondait pas aux lignes directrices que l’on retrouve dans la circulaire IC07-1, Dispositions d’allègement pour les contribuables, en ce qui a trait à l’annulation des intérêts et des pénalités. André St‑Amand, le directeur adjoint de la division de la vérification de Montréal, a fourni une réponse plus exhaustive le 10 juillet 2012.

 

[10]           La lettre de réponse mentionne que les contribuables peuvent se prévaloir de la disposition d’allègement lorsque ceux‑ci se trouvent dans des circonstances extraordinaires découlant de facteurs indépendants de leur volonté, ou que la pénalité ou l’intérêt sont le résultat d’actions de l’ARC. Cependant, la lettre de réponse mentionne que, dans un régime d’autocotisation comme celui du Canada, le contribuable a la responsabilité de produire des déclarations de revenus qui sont véridiques, exactes et complètes. Il s’ensuit que l’ARC considérait qu’il n’y avait pas de telles circonstances extraordinaires et que l’ARC n’avait commis aucune erreur ou n’était responsable d’aucun retard qui justifierait d’accorder l’allègement sollicité. Pour reprendre les mots de M. St‑Amand [traduction] « (A) le contribuable est considéré être responsable des erreurs commises par des tiers agissant pour leur compte aux fins de l’impôt ».

 

La norme de contrôle applicable

[11]           Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable en l’espèce est celle de la raisonnabilité. Il s’ensuit qu’elles conviennent qu’il incombe aux demandeurs de convaincre la Cour, selon la prépondérance des probabilités, que la décision qui avait été rendue n’appartient pas aux issues possibles et acceptables. Il est à propos de répéter une fois de plus le paragraphe 47 de l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190 :

[47]   La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

Les arguments

[12]           Les demandeurs soulèvent trois questions :

a)            L’ARC a-t-elle commis une erreur en interprétant mal la portée du pouvoir discrétionnaire que lui accorde le paragraphe 220(3.1) de la Loi?

 

b)            La décision de l’ARC était-elle raisonnable?

 

c)            L’ARC a-t-elle omis de respecter les règles de justice naturelle en rendant une décision sans donner au demandeur l’occasion de produire des observations en réponse et en ne fournissant pas davantage d’explications quant aux motifs pour lesquels elle refusait leur demande d’allègement à l’égard des pénalités et des intérêts?

 

[13]           Pour résumer, les demandeurs allèguent que le décideur a indûment restreint son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il a appliqué le paragraphe 220(3.1). Ils font observer que la circulaire IC07‑1 permet qu’il soit dérogé aux motifs énoncés par M. St‑Amand. En fait, ils font ressortir que les paragraphes 23, 24 et 25 de la circulaire permettent aux décideurs de faire preuve d’une certaine flexibilité, une chose que le décideur en l’espèce ne semble pas avoir fait à première vue. Les paragraphes 23 à 25 de la circulaire sont libellés ainsi :

IC07-1

Dispositions d’allègement pour les contribuables

 

Situations dans lesquelles un allègement des pénalités et des intérêts peut être justifié

 

 

23. Le ministre peut accorder un allègement de l’application des pénalités et des intérêts lorsque les situations suivantes sont présentes et qu’elles justifient l’incapacité du contribuable à s’acquitter de l’obligation ou de l’exigence fiscale en cause :

a) circonstances exceptionnelles;

b) actions de l’ARC;

c) incapacité de payer ou difficultés financières.

 

24. Le ministre peut également accorder un allègement même si la situation du contribuable ne se trouve pas parmi les situations mentionnées au paragraphe 23.

 

Circonstances exceptionnelles

 

25. Les pénalités et les intérêts peuvent faire l’objet d’une renonciation ou d’une annulation, en tout ou en partie, lorsqu’ils découlent de circonstances indépendantes de la volonté du contribuable. Les circonstances exceptionnelles qui peuvent avoir empêché un contribuable d’effectuer un paiement lorsqu’il était dû, de produire une déclaration à temps ou de s’acquitter de toute autre obligation que lui impose la Loi sont les suivantes, sans être exhaustives :

a) une catastrophe naturelle ou causée par l’homme, telle qu’une inondation ou un incendie;

b) des troubles publics ou l’interruption de services, tels qu’une grève des postes;

c) une maladie grave ou un accident grave;

d) des troubles émotifs sévères ou une souffrance morale grave, telle qu’un décès dans la famille immédiate.

IC07-1

Taxpayer Relief Provisions

 

 

Circumstances Where Relief From Penalty and Interest May Be Warranted

 

23. The Minister may grant relief from the application of penalty and interest where the following types of situations exist and justify a taxpayer’s inability to satisfy a tax obligation or requirement at issue:

(a) extraordinary circumstances

(b) actions of the CRA

(c) inability to pay or financial hardship.

 

 

24. The Minister may also grant relief if a taxpayer’s circumstances do not fall within the situations stated in 23.

 

Extraordinary Circumstances

 

25. Penalties and interest may be waived or cancelled in whole or in part where they result from circumstances beyond a taxpayer’s control. Extraordinary circumstances that may have prevented a taxpayer from making a payment when due, filing a return on time, or otherwise complying in 25 has prevented compliance. However, there may be exceptional situations that may give rise to cancelling penalties, in whole or in part. For example, when a business is experiencing extreme financial difficulty, and enforcement of such penalties would jeopardize the continuity of its operations, the jobs of the employees, and the welfare of the community as a whole, consideration may be given to providing relief of the penalties.

[14]           C’est de là que vient l’affirmation selon laquelle le décideur n’a pas agi de manière raisonnable en refusant, compte tenu des circonstances de l’espèce, de faire droit à la demande d’allègement. Ces circonstances sont résumées ainsi :

[traduction]

a)      les immeubles étaient enregistrés au nom de Yale Towers Inc., une société canadienne;

b)      il y a eu un malentendu ou un problème de communication avec les notaires ayant participé aux transactions et le gestionnaire immobilier local avait omis de s’assurer de la conformité de la transaction;

c)      le demandeur principal n’a pas été informé qu’il devait envoyer un avis au ministre, de sorte que le fait qu’il n’ait pas envoyé d’avis concernant la disposition d’un des immeubles en 2009 aurait pu être évité;

d)     chacune des transactions s’était soldée par des pertes en capital;

e)      Judith Suissa avait le cancer en 2007.

 

[15]           En dernier lieu, les demandeurs prétendent qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale, en ce sens qu’on ne leur a pas accordé l’occasion de produire des observations supplémentaires avant que la décision ne soit rendue. Le mémoire des faits et du droit des demandeurs ne contenait pas beaucoup de passages au sujet de cet argument, et ils l’ont encore moins mis de l’avant au cours de l’audience. Il suffit de dire que les demandeurs avaient raison de ne pas insister sur cet argument.

 

[16]           Le défendeur rétorque que la question du cancer dont souffrait la demanderesse Judith Suissa ne peut être invoquée après le fait. Le contrôle judiciaire est circonscrit au dossier dont était saisi le décideur au moment où il a rendu sa décision. La question ne fut jamais soulevée devant lui.

 

[17]           En ce qui concerne les autres motifs qui avaient été invoqués par les demandeurs, le défendeur affirme qu’ils ne font que mentionner que le demandeur principal s’en était remis à des tiers, que ce soit aux quatre différents notaires ou à un gestionnaire immobilier, et il n’est pas possible pour un contribuable d’invoquer les gestes posés par des tiers pour se soustraire à sa responsabilité. Leur argument selon lequel les dispositions d’immeubles s’étaient soldées par des pertes en capital dans les quatre cas n’a pas beaucoup de poids.

 

[18]           Dans les circonstances, le défendeur conclut que la décision datée du 12 juillet 2012 est raisonnable.

 

Analyse

[19]           Il est possible de trancher rapidement le motif se rapportant à l’équité procédurale. Les demandeurs avaient présenté des observations en mai 2011 et en février 2012; leur représentant avait effectivement parlé avec un agent de l’ARC qui avait une bonne connaissance du dossier.

 

[20]           La question n’est pas de savoir si l’ARC avait une obligation d’équité procédurale à l’égard des demandeurs. Il ne fait aucun doute que l’ARC avait une telle obligation. Mais il a été dit au sujet de cette obligation que « [s]on but premier est d’accorder une possibilité réelle à ceux qui le souhaitent de présenter au décideur des éléments de preuve et des arguments pertinents pour la décision à rendre, et, corrélativement, d’assurer que le décideur les examine de façon équitable et impartiale » (D.J.M. Brown et J.M. Evans, Judicial Review of Administrative Action in Canada, feuille mobile mise à jour, juillet 2008 (Toronto : Canvasback, 1998) ch 7:3110). Les demandeurs avaient présenté leurs observations; l’obligation ne comprend pas le droit d’avoir un dialogue continu.

 

[21]           Je crois qu’il est aussi possible de trancher rapidement la question se rapportant à la maladie de Judith Suissa. Celle‑ci n’avait pas été soulevée en temps opportun et il est certainement difficile de prétendre avec quelque succès que ce soit qu’une question dont le décideur n’était pas saisi puisse faire en sorte que sa décision était déraisonnable :

[31]   Lorsqu’une question n’a pas été présentée de manière précise au décideur, comme c’est le cas en l’espèce, il est difficile de démontrer, pour les besoins d’une demande de contrôle judiciaire, que l’omission de traiter de la question dans les motifs de la décision a pour résultat de priver le processus décisionnel « de justification, de transparence et d’intelligibilité » et que cela a entraîné une décision déraisonnable.

 

(Telfer c Canada (Agence du revenu), 2009CAF 23, [2009] ACF no 71 (QL))

(Voir aussi 334156 Alberta Ltd c Canada (Ministre du Revenu national) 2006 CF 1133, [2006] ACF no 1430 (QL))

 

[22]           Mais ce n’est pas tout. Les demandeurs prétendent s’en être remis à des tiers en ce qui concerne la conformité. La malheureuse maladie dont souffre l’une des leurs est non seulement présentée à la Cour comme s’il s’agissait d’une considération secondaire, et bien après que la décision contestée eut été rendue, mais il semble y avoir une certaine incompatibilité entre les deux éléments. Soit le demandeur principal s’en remettait à des tiers parce que, comme il avait été plaidé, il était un simple contribuable sans connaissances particulières, et surtout au vu du fait qu’il était un non‑résident, soit il était distrait au cours de cette période. Le demandeur principal n’a jamais changé d’avis quant au fait que les problèmes fiscaux qu’il a vécus au Canada sont attribuables à des tiers. À mon avis, il comptait clairement sur les experts dont il avait retenu les services et c’était cela qui constitue le cœur de sa prétention selon laquelle on aurait dû lui accorder un allègement. Il ne fait aucun doute que la maladie de son épouse fut une épreuve difficile, mais il ne peut pas prétendre qu’il s’agissait de la raison pour laquelle l’avis n’avait pas été envoyé, et en même temps alléguer qu’il s’en remettait aux experts dont il avait retenu les services.

 

[23]           Parmi les documents produits par les demandeurs, on retrouve une lettre envoyée le 1er avril 2011 par leur avocat à l’attention du bureau des services fiscaux internationaux de l’ARC en vue d’obtenir, au titre du paragraphe 216(4) de la Loi, une prorogation du délai de production d’une déclaration de revenus. L’un des motifs invoqués pour demander la prorogation était que Judith Suissa était atteinte d’un cancer. Les demandeurs n’avaient pas soulevé cette question lorsqu’ils ont tenté d’obtenir un allègement à l’égard des pénalités qui leur avaient été imposées, et ce, en dépit du fait que le même avocat avait mentionné à deux reprises à l’Agence du revenu du Canada que l’allègement était demandé pour les motifs décrits dans ces lettres.

 

[24]           Je suis d’avis que la question la plus ardue reste celle de savoir si la décision de refuser d’accorder un allègement était raisonnable. Il ne fait aucun doute que les demandeurs ont raison lorsqu’ils affirment que la circulaire IC07‑1 ne doit pas entraver le pouvoir discrétionnaire du décideur (voir Nixon c Canada (Ministre du Revenu national), 2008 CF 917, [2008] ACF no1146 (QL)). Effectivement, la circulaire est abondamment claire à cet égard (voir paragraphe 24 de la circulaire).

 

[25]           La véritable question n’est pas celle de savoir si le décideur a restreint ou non l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, mais plutôt celle de savoir qu’est-ce qui aurait rendu raisonnable l’exercice du pouvoir discrétionnaire et, dans ce contexte, quel emploi peut-on faire de la circulaire?.

 

[26]           Une décision de la Cour peut servir de guide pour examiner le rôle que peut jouer la circulaire. Dans la décision Spence c Canada (Agence du revenu), 2010 CF 52, [2010] ACF no 51 (QL), mon collègue le juge O’Keefe a décrit ainsi la circulaire IC07-1 :

[24]   En général, les lignes directrices comme les dispositions d’allégement pour les contribuables ne constituent pas des règles de droit, mais peuvent être très utiles tant pour les décideurs que pour les membres du public, parce qu’elles permettent de formuler des analyses et motifs plus structurés et d’assurer une conduite plus uniforme et plus responsable envers le public : voir D.J.M. Brown et J.M. Evans, « Judicial Review of Administrative Action in Canada », Toronto : Canvasback, 1998 (édition en feuilles mobiles mise à jour en juillet 2008), à la page 12 : 44. Certaines lois accordent effectivement le pouvoir de formuler des règles ou lignes directrices légalement exécutoires. Lorsque tel n’est pas le cas, les lignes directrices peuvent encore être prises en compte au cours du processus décisionnel et peuvent même être déterminantes, pourvu que le décideur mette l’accent sur les circonstances particulières de l’affaire et ne tienne pas les lignes directrices pour obligatoires (voir Maple Lodge Farms Ltd. c. Canada, [1982] 2 R.C.S. 2).

 

[25]   En réalité, bon nombre de décideurs investis d’un pouvoir discrétionnaire sont des employés de l’État qui peuvent être tenus par leur employeur d’appliquer des règles ou lignes directrices n’ayant pas force de loi. Cependant, même lorsque l’employé fait face à des contraintes de cette nature, la loi ne permet pas au décideur de tenir les lignes directrices pour obligatoires à l’endroit de la personne concernée qui sollicite un allégement, en l’occurrence, le demandeur. La plupart des lignes directrices proposent une solution à cette impasse et éliminent la possibilité que le décideur ait à choisir entre le fait de désobéir à son employeur et celui de commettre une erreur de droit. Ainsi, l’introduction des dispositions d’allégement pour les contribuables renferme l’énoncé suivant dans l’introduction :

 

6. Il ne s’agit que de lignes directrices. Celles-ci n’ont pas pour objet d’être exhaustives ni de restreindre l’esprit ou l’intention de la législation.

[non souligné dans l’original]

 

[26]   Ce paragraphe assure au lecteur que les lignes directrices n’ont pas force de loi. Comme nous le verrons, les lignes directrices renferment d’autres dispositions qui permettent une certaine marge de manoeuvre. Même si elles étaient considérées comme des règles de droit contraignantes, les lignes directrices permettraient d’accorder un allégement dans le cas du contribuable.

 

                                                                                    [Souligné dans l’original]

 

[27]           Encore plus récemment, la Cour suprême du Canada a donné des directives supplémentaires en ce qui concerne la manière dont les décideurs peuvent employer des outils qui ne sont pas contraignants d’un point de vue juridique dans le contexte de décisions en matière de droit administratif.

 

[28]           Dans l’arrêt Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] ACS no 36, la question portait sur l’interprétation des mots « intérêt national » que l’on retrouve au paragraphe 34(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27. On a refusé d’accorder une dispense à l’égard d’une conclusion d’interdiction de territoire prononcée au titre du paragraphe 34(2) visant M. Agraira, parce qu’il avait été jugé qu’il n’était pas dans l’intérêt national de se faire.

 

[29]           Le guide opérationnel de traitement des demandes au Canada : « Refus des cas de sécurité nationale / Traitement des demandes en vertu de l’intérêt national » (le guide opérationnel) de Citoyenneté et Immigration Canada avait été invoqué pour aider à établir qu’est‑ce qui serait pertinent et raisonnable pour parvenir à une décision quant à savoir dans quel cas une dispense ministérielle serait appropriée. Voici comment la Cour suprême a décrit l’usage que l’on peut faire de ces guides opérationnels :

[60]   Le guide opérationnel ne constituait pas un code définitif et rigide. Il contenait plutôt un ensemble de facteurs, apparemment pertinents et raisonnables, relatifs à l’examen des demandes de dispense ministérielle. Le ministre n’était pas tenu de l’appliquer d’une manière rigide, mais il guidait l’exercice de son pouvoir discrétionnaire et l’aidait à élaborer un processus administratif juste applicable aux demandes de dispense. Ainsi, le guide opérationnel peut aider la Cour à bien saisir la façon dont le ministre a implicitement interprété l’« intérêt national ».

 

[30]           Comme l’a mentionné la Cour suprême du Canada, le guide opérationnel guide l’exercice du pouvoir discrétionnaire, mais ne peut être appliqué de manière rigide. Cependant, le guide opérationnel ne semble pas avoir pour effet d’écarter les autres considérations :

[62]   Compte tenu de tout ce qui précède, si le ministre avait défini expressément l’expression « intérêt national » à l’appui de sa décision sur le fond, sa définition aurait porté principalement sur la sécurité nationale et la sécurité publique, sans écarter les autres considérations importantes énoncées dans le guide opérationnel ou toutes autres considérations analogues. (Voir l’annexe 1 (les passages pertinents du guide opérationnel)).

 

[31]           La circulaire IC07‑1 semble offrir le même type d’orientation. Il communique aux contribuables les facteurs importants qui seront pris en considération lors de l’exercice du pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 220(3.1) de la Loi. Il peut y avoir d’autres facteurs, mais il convient de faire preuve de déférence à l’égard du décideur quant à la question de savoir à quel moment son pouvoir discrétionnaire doit être exercé.

 

[32]           La cour siégeant en révision, lorsqu’elle se penche sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire, tiendra compte du dossier dans son ensemble. Le passage suivant est tiré de l’arrêt Construction Labour Relations c Driver Iron Inc, 2012 CSC 65, [2012] 3 RCS 405 :

[3] […] un tribunal administratif n’a pas l’obligation d’examiner et de commenter dans ses motifs chaque argument soulevé par les parties. La question que doit trancher le tribunal judiciaire siégeant en révision demeure celle de savoir si la décision attaquée, considérée dans son ensemble, à la lumière du dossier, est raisonnable (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre‑Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 R.C.S. 708).

 

[33]           En l’espèce, le dossier démontre que l’affaire avait fait l’objet d’un examen minutieux avant que la décision ne soit rendue le 10 juillet 2012. La pièce G qui est jointe à l’affidavit du décideur constitue l’analyse effectuée à l’appui de la décision. Les arguments soulevés par les demandeurs y sont énumérés et examinés. Le décideur y a conclu que les demandeurs avaient fait preuve de négligence ou de manque d’attention dans un régime d’autocotisation et que [traduction] « le contribuable est considéré être responsable des erreurs commises par des tiers agissant pour leur compte aux fins de l’impôt ». Je me trouve dans l’impossibilité de conclure, si l’on tient compte de la déférence dont je dois faire preuve à l’égard du décideur, que la décision n’est pas raisonnable parce qu’elle n’appartient pas aux issues possibles et acceptables. La circulaire est certes un facteur important dans la décision. Mais compte tenu du dossier, qui démontre que le décideur a tenu compte de tous les éléments dont il disposait, je ne peux pas voir en quoi la décision ne satisfait pas à la norme de la raisonnabilité.

 

[34]           Les demandeurs se fondent sur la décision Société Angelo Colatosti Inc c Canada (Procureur général), 2012 CF 124, [2012] ACF no 140 (QL), et en particulier sur le paragraphe 30, qui est ainsi formulé :

[30]   Le paragraphe 220 (3.1) de la LIR accorde au ministre un pouvoir discrétionnaire. Bien que le délégué du ministre puisse se baser sur les principes énoncés dans une circulaire d’information ou dans des lignes directrices, de tels énoncés de principes ne peuvent et ne doivent pas limiter le pouvoir discrétionnaire dévolu au ministre. En l’espèce, la décision du directeur adjoint ne mentionne aucunement le paragraphe 220(3.1) de la LIR et se limite à énoncer les trois circonstances qui sont prévues dans la circulaire d’information. Il semble donc avoir limité son examen aux circonstances prévues à la circulaire d’information. Toutefois, même l’article 35 de la circulaire d’information mentionne le pouvoir discrétionnaire résiduel du ministre d’accorder un allègement lorsque la demande est fondée sur l’erreur d’un tiers dans des « circonstances exceptionnelles ». En l’espèce, la demanderesse ne s’est pas limitée à invoquer l’erreur d’un tiers; elle a invoqué un ensemble de circonstances qui expliquaient et justifiaient sa demande d’allègement et le directeur n’a jamais traité de ces circonstances dans sa décision. Il n’y a donc, dans la décision, aucune indication qui permet de savoir si le directeur adjoint a examiné les circonstances invoquées par la demanderesse au soutien de sa demande. Si par ailleurs cette analyse a été faite, je considère que la décision du directeur adjoint n’est pas suffisamment motivée pour en comprendre le fondement; nous ne savons absolument pas pourquoi il a jugé que les circonstances invoquées n’étaient pas des circonstances exceptionnelles.

 

La différence entre la situation exposée au paragraphe 30 et l’affaire dont je suis saisi est évidemment que tous les arguments mis de l’avant par les demandeurs dans la présente affaire ont été examinés.

 

[35]           Je ne peux déceler d’éléments de preuve démontrant que le décideur a restreint l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Les arguments mis de l’avant pour le compte des demandeurs avaient été examinés et je ne peux voir en quoi on peut affirmer qu’il y a eu entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire dans un cas où les arguments ont été examinés. Il est impossible que le refus d’exercer un pouvoir discrétionnaire dans n’importe quel cas puisse confirmer que l’exercice du pouvoir discrétionnaire fut entravé. On pourrait considérer qu’un décideur restreint l’exercice de son pouvoir discrétionnaire dans un cas où il refuse de tenir compte des arguments parce que ceux‑ci ne cadrent pas parfaitement avec la circulaire. Je n’ai pas été capable de trouver d’éléments de preuve démontrant qu’une telle approche avait été employée en l’espèce.

 

[36]           Il incombe aux demandeurs de convaincre la Cour que l’imposition des pénalités n’était pas raisonnable dans les circonstances. Compte tenu de la déférence dont je dois faire preuve envers le décideur, les demandeurs ne s’étaient pas acquittés de ce fardeau.

 

[37]           Une fois qu’il est établi que le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 220(3.1) de la Loi n’a pas été exercé de manière inappropriée, les pénalités sont imposées par application de la loi. La pénalité est prévue au paragraphe 162(7) : il s’ensuit qu’une pénalité de 2 500 $ par immeuble visé à l’article 116 de la Loi est imposée, ce qui donne un total de 10 000 $ par demandeur.

 

[38]           La Cour est saisie de six demandes distinctes de contrôle judiciaire visant six décisions; dans chacun des cas, le demandeur demande un allègement en se fondant sur un ensemble de facteurs qui, selon ce qu’ils allèguent, équivalent à une décision déraisonnable. Comme j’ai tenté de le démontrer, aucun des demandeurs n’a eu gain de cause, car il n’a pas été démontré, et ce, dans tous les cas, que la décision ne satisfait pas aux critères établis dans l’arrêt Dunsmuir.

 

[39]           Je ne suis pas insensible aux difficultés de la famille Suissa en l’espèce. Parce que chacun des membres de la famille avait un intérêt dans les immeubles vendus, chacun d’entre eux se voit imposer une pénalité de 10 000 $ (en plus des intérêts), plutôt que le total de 10 000 $ s’il n’y avait eu qu’un seul propriétaire. Comme je l’ai mentionné précédemment, cela découle de l’application du paragraphe 162(7) de la Loi, qui prévoit la pénalité devant être imposée et laquelle s’élève à 2 500 $ au titre de cette disposition. Le rapport de la décision relativement à la demande d’allègement du contribuable à l’appui de la décision datée du 10 juillet 2012, donne clairement à penser que la famille Suissa jugeait que la pénalité totale qui lui était imposée était excessive.

 

[40]           J’estime moi aussi que la pénalité est très sévère dans les circonstances. Le manque de diligence dont a fait preuve le demandeur principal se traduit en des pénalités pour des cinq autres membres de la famille. S’il y avait eu davantage de membres de la famille ayant un petit intérêt dans l’immeuble, il semblerait qu’ils se seraient tous vu imposer la même pénalité. Il ne semble pas y avoir une certaine forme de proportionnalité dans l’imposition des pénalités.

 

[41]           Cependant, la Cour est limitée en raison du fait qu’elle n’est pas saisie de la question de l’effet cumulatif d’un point de vue juridique. Chaque demandeur a prétendu que la pénalité était trop sévère, en raison des circonstances qu’ils avaient fait valoir à l’époque. Effectivement, chaque demande d’allègement était examinée en fonction de ces circonstances. Dans chacun des six cas dont la Cour est saisie, le pouvoir discrétionnaire a été exercé de manière raisonnable. Le décideur était d’avis, et cela était raisonnable, que les circonstances invoquées par le demandeur dans chaque dossier étaient suffisantes en ce qui a trait au manque de diligence. Le fardeau repose sur les épaules d’un contribuable : ce fardeau ne peut être déplacé sur celles de tiers, sinon, la LIR ne pourrait être appliquée. Le défendeur prétend que l’arrêt Stemijon Investments Ltd et al c Canada (Procureur général), 2011 CAF 299, 2011 DTC 5169, dicte la réponse à la question. Le paragraphe 51 était invoqué :

[51]   Les appelantes ont également soutenu qu’il était injuste que le ministre impose six pénalités distinctes importantes aux six appelantes alors qu’en réalité une seule erreur avait été commise par un représentant commun. Les appelantes ont fait valoir que les pénalités devraient pour cette raison être réduites substantiellement. Cet argument, qui s’apparente à un plaidoyer en faveur d’une [traduction] « escompte de volume », est sans fondement. Chaque appelante est une entité juridique distincte et une contribuable distincte, potentiellement assujettie à des pénalités et à des intérêts pour son propre manquement. Chacune est apte à prendre ses propres décisions concernant les formulaires qui doivent être déposés. Chacune a plutôt accepté le risque que présentait le fait de confier cette tâche à un représentant. Ce risque s’est concrétisé : leur représentant a délibérément pris la décision de ne pas déposer les formulaires, une décision prise sans excuse ni justification raisonnables, comme cela a été expliqué cidessus. Accorder un allègement en vertu du paragraphe 220(3.1) en s’appuyant sur l’argument susmentionné constituerait un exercice déraisonnable du pouvoir discrétionnaire.

 

La différence entre les faits de l’arrêt Stemijon et la présente affaire est que les cinq autres contribuables n’étaient pas tous aptes à prendre leurs propres décisions et qu’ils n’avaient pas individuellement accepté le risque. Je ne qualifierais pas la tentative de la famille Suissa d’un plaidoyer en vue d’obtenir « un escompte de volume », en raison des différences dans les deux ensembles de circonstances.

 

[42]           Comme j’ai tenté de l’expliquer dans les présents motifs, le décideur a rendu six décisions distinctes qui, au vu de l’ensemble du dossier dont dispose la Cour, lequel servait de fondement aux décisions (il ne s’agissait pas d’un dossier constitué après le fait), les décisions étaient raisonnables dans chacun des cas et celles‑ci tenaient compte de toutes les circonstances, y compris évidemment de s’assurer que la loi était appliquée; le décideur n’a donc pas restreint l’exercice du pouvoir discrétionnaire que la loi lui conférait. En d’autres mots, je suis convaincu que, d’un point de vue juridique, le décideur a examiné l’affaire sans restreindre l’exercice de son pouvoir discrétionnaire à l’égard chacun des dossiers dont il était saisi et que, dans chaque cas, la décision était raisonnable. Le problème ne porte pas tant sur les cas individuels plutôt que sur l’effet cumulatif des six décisions sur une famille.

 

[43]           La Cour est saisie de six décisions; chacune d’entre elles est raisonnable lorsqu’examinée individuellement. Les pénalités imposées dans chacune des décisions sont établies par la loi : aucun allègement n’est accordé. La Cour n’est pas saisie de la question de l’accumulation des pénalités à l’égard d’une seule famille. Elle est plutôt saisie de chacune des six décisions.

 

[44]           Je suis généralement d’accord avec la teneur des commentaires faits par le juge Jorré de la Cour canadienne de l’impôt aux paragraphes 35 à 42 de la décision in Lipson c Canada, 2012 CCI 20, [2012] ACI no 13. Bien que ces paragraphes consistent en des observations, le juge y soulève que « [d]e telles pénalités semblent déraisonnablement élevées compte tenu des circonstances de l’affaire dont j’ai connaissance, et il est difficile de concevoir comment des pénalités aussi élevées renforcent le respect de la Loi ».

 

[45]           Mais il reste que les pénalités sont imposées à chacun des six membres d’une seule famille, lesquels n’avaient évidemment pas tous leurs mots à dire dans l’affaire. Et cela, en raison du fait qu’ils avaient un intérêt dans les propriétés vendues à perte. Malgré la conclusion juridique que j’ai tirée dans chacune des six demandes de contrôle judiciaire dont j’étais saisi, j’exhorterais le défendeur à envisager d’accorder un certain allègement par voie de remise ou par toute autre manière, étant donné les circonstances particulières de la présente affaire. Il semblerait excessif d’imposer des pénalités, lesquelles, bien que raisonnables d’un point de vue individuel, viennent qu’à pénaliser indûment en fin de compte une famille par effet de la loi, à mon avis. Notre droit prévoit des mécanismes qui permettent une application plus perspicace des pénalités; les circonstances de la présente affaire pourraient bien se prêter à l’emploi de ces mécanismes.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que les six demandes de contrôles judiciaires présentées relativement aux dossiers T‑1504‑12, T‑1505‑12, T‑1506‑12, T‑1508‑12, T‑1509‑12 et T‑1510‑12 sont rejetées. Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

« Yvan Roy »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


Annexe 1

 

 

Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7

 

Demande de contrôle judiciaire

 

18.1 (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l’objet de la demande.

 

Délai de présentation

 

(2) Les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente jours qui suivent la première communication, par l’office fédéral, de sa décision ou de son ordonnance au bureau du sous-procureur général du Canada ou à la partie concernée, ou dans le délai supplémentaire qu’un juge de la Cour fédérale peut, avant ou après l’expiration de ces trente jours, fixer ou accorder.

 

 

[…]

Application for judicial review

 

18.1 (1) An application for judicial review may be made by the Attorney General of Canada or by anyone directly affected by the matter in respect of which relief is sought.

 

Time limitation

 

(2) An application for judicial review in respect of a decision or an order of a federal board, commission or other tribunal shall be made within 30 days after the time the decision or order was first communicated by the federal board, commission or other tribunal to the office of the Deputy Attorney General of Canada or to the party directly affected by it, or within any further time that a judge of the Federal Court may fix or allow before or after the end of those 30 days.

 

 

 

 

Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e Suppl)

 

SECTION D

 

REVENU IMPOSABLE GAGNÉ AU CANADA PAR DES NON-RÉSIDENTS

 

 

Disposition par une personne non-résidente

 

 

116. (1) La personne non-résidente qui se propose de disposer d’un bien canadien imposable, sauf un bien visé au paragraphe (5.2) et un bien exclu, peut envoyer au ministre au préalable un avis contenant les renseignements suivants :

a) les nom et adresse de la personne en faveur de laquelle elle se propose de disposer de ce bien (appelée l’« acheteur éventuel » au présent article);

b) une description du bien permettant de le reconnaître;

c) le montant estimatif du produit de disposition qu’elle recevra pour ce bien;

d) le montant du prix de base rajusté du bien, pour elle, au moment de l’envoi de l’avis au ministre.

 

 

 

Certificat relatif à une disposition éventuelle

 

(2) Lorsqu’une personne non-résidente qui, en vertu du paragraphe (1), a envoyé un avis au ministre concernant la disposition éventuelle d’un bien quelconque, a :

a) soit payé au receveur général, au titre de l’impôt payable par cette personne pour l’année en vertu de la présente partie, 25 % de l’excédent éventuel du montant estimatif mentionné dans l’avis conformément à l’alinéa (1)c) sur le montant mentionné dans l’avis conformément à l’alinéa (1)d);

b) soit fourni au ministre une garantie acceptable par ce dernier concernant la disposition éventuelle du bien,

 

le ministre délivre sans délai à la personne non-résidente ainsi qu’à l’acheteur éventuel un certificat selon le formulaire prescrit, en ce qui concerne la disposition éventuelle, y fixant un montant (appelé la « limite prévue par le certificat » au présent article) égal au montant estimatif mentionné dans l’avis conformément à l’alinéa (1)c).

 

Avis au ministre

 

(3) La personne non-résidente qui dispose de son bien canadien imposable, sauf un bien visé au paragraphe (5.2) et un bien exclu, au cours d’une année d’imposition est tenue d’envoyer au ministre, dans les dix jours suivant la disposition, sous pli recommandé, un avis contenant les renseignements suivants :

a) les nom et adresse de la personne en faveur de qui elle a disposé du bien (appelée l’ « acheteur » au présent article);

b) une description du bien permettant de le reconnaître;

c) un état indiquant le produit de disposition du bien ainsi que le montant du prix de base rajusté du bien, pour elle, immédiatement avant la disposition,

sauf si la personne non-résidente a envoyé au ministre, à un moment donné avant la disposition, et conformément au paragraphe (1), un avis concernant toute disposition éventuelle de ce bien, et si, à la fois :

d) l’acheteur est l’acheteur éventuel mentionné dans cet avis;

e) le montant estimatif mentionné dans cet avis conformément à l’alinéa (1)c) est égal ou supérieur au produit de disposition du bien;

f) le montant mentionné dans cet avis conformément à l’alinéa (1)d) ne dépasse pas le prix de base rajusté du bien, pour la personne non-résidente, immédiatement avant la disposition.

 

[…]

 

SECTION I

 

DÉCLARATIONS, COTISATIONS, PAIEMENT ET APPELS

 

[…]

Pénalités

 

Défaut de déclaration de revenue

 

162. (1) Toute personne qui ne produit pas de déclaration de revenu pour une année d’imposition selon les modalités et dans le délai prévus au paragraphe 150(1) est passible d’une pénalité égale au total des montants suivants :

 

[…]

 

Inobservation d’un règlement

 

(7) Toute personne (sauf un organisme de bienfaisance enregistré) ou société de personnes qui ne remplit pas une déclaration de renseignements selon les modalités et dans le délai prévus par la présente loi ou le Règlement de l’impôt sur le revenu ou qui ne se conforme pas à une obligation imposée par la présente loi ou ce règlement est passible, pour chaque défaut – sauf si une autre disposition de la présente loi (sauf les paragraphes (10) et (10.1) et 163(2.22)) prévoit une pénalité pour le défaut – d’une pénalité égale, sans être inférieure à 100 $, au produit de la multiplication de 25 $ par le nombre de jours, jusqu’à concurrence de 100, où le défaut persiste.

 

[…]

 

 

PARTIE XV

 

APPLICATION ET EXÉCUTION

 

APPLICATION

 

 

Fonctions du ministre

 

220. (1) Le ministre assure l’application et l’exécution de la présente loi. Le commissaire du revenu peut exercer les pouvoirs et fonctions conférés au ministre en vertu de la présente loi.

 

[…]

 

Renonciation aux pénalités et aux intérêts

 

(3.1) Le ministre peut, au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de l’année d’imposition d’un contribuable ou de l’exercice d’une société de personnes ou sur demande du contribuable ou de la société de personnes faite au plus tard ce jour-là, renoncer à tout ou partie d’un montant de pénalité ou d’intérêts payable par ailleurs par le contribuable ou la société de personnes en application de la présente loi pour cette année d’imposition ou cet exercice, ou l’annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

 

[…]

 

 

 

DIVISION D

 

TAXABLE INCOME EARNED IN CANADA BY NONRESIDENTS

 

 

Disposition by non-resident person of certain property

 

116. (1) If a non-resident person proposes to dispose of any taxable Canadian property (other than property described in subsection (5.2) and excluded property) the non-resident person may, at any time before the disposition, send to the Minister a notice setting out

(a) the name and address of the person to whom he proposes to dispose of the property (in this section referred to as the “proposed purchaser”);

(b) a description of the property sufficient to identify it;

(c) the estimated amount of the proceeds of disposition to be received by the non-resident person for the property; and

(d) the amount of the adjusted cost base to the non-resident person of the property at the time of the sending of the notice.

 

Certificate in respect of proposed disposition

 

 

(2) Where a non-resident person who has sent to the Minister a notice under subsection 116(1) in respect of a proposed disposition of any property has

(a) paid to the Receiver General, as or on account of tax under this Part payable by the non-resident person for the year, 25% of the amount, if any, by which the estimated amount set out in the notice in accordance with paragraph 116(1)(c) exceeds the amount set out in the notice in accordance with paragraph 116(1)(d), or

(b) furnished the Minister with security acceptable to the Minister in respect of the proposed disposition of the property, the Minister shall forthwith issue to the nonresident person and the proposed purchaser a certificate in prescribed form in respect of the proposed disposition, fixing therein an amount (in this section referred to as the “certificate limit”) equal to the estimated amount set out in the notice in accordance with paragraph 116(1) (c).

 

 

 

Notice to Minister

 

(3) Every non-resident person who in a taxation year disposes of any taxable Canadian property of that person (other than property described in subsection 116(5.2) and excluded property) shall, not later than 10 days after the disposition, send to the Minister, by registered mail, a notice setting out

(a) the name and address of the person to whom the non-resident person disposed of the property (in this section referred to as the “purchaser”),

(b) a description of the property sufficient to identify it, and

(c) a statement of the proceeds of disposition of the property and the amount of its adjusted cost base to the non-resident person immediately before the disposition,

unless the non-resident person has, at any time before the disposition, sent to the Minister a notice under subsection 116(1) in respect of any proposed disposition of that property and

(d) the purchaser was the proposed purchaser referred to in that notice,

(e) the estimated amount set out in that notice in accordance with paragraph 116(1)(c) is equal to or greater than the proceeds of disposition of the property, and

(f) the amount set out in that notice in accordance with paragraph 116(1)(d) does not exceed the adjusted cost base to the non-resident person of the property immediately before the disposition.

 

 

 

DIVISION I

 

RETURNS, ASSESSMENTS, PAYMENT AND APPEALS

 

Penalties

 

Failure to file return of income

 

162. (1) Every person who fails to file a return of income for a taxation year as and when required by subsection 150(1) is liable to a penalty equal to the total of

 

 

 

 

Failure to comply

 

(7) Every person (other than a registered charity) or partnership who fails

(a) to file an information return as and when required by this Act or the regulations, or

(b) to comply with a duty or obligation imposed by this Act or the regulations

 

is liable in respect of each such failure, except where another provision of this Act (other than subsection 162(10) or 162(10.1) or 163(2.22)) sets out a penalty for the failure, to a penalty equal to the greater of $100 and the product obtained when $25 is multiplied by the number of days, not exceeding 100, during which the failure continues.

 

 

 

PART XV

 

ADMINISTRATION AND ENFORCEMENT

 

ADMINISTRATION

 

Minister’s duty

 

220. (1) The Minister shall administer and enforce this Act and the Commissioner of Revenue may exercise all the powers and perform the duties of the Minister under this Act.

 

 

Waiver of penalty or interest

 

(3.1) The Minister may, on or before the day that is ten calendar years after the end of a taxation year of a taxpayer (or in the case of a partnership, a fiscal period of the partnership) or on application by the taxpayer or partnership on or before that day, waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by the taxpayer or partnership in respect of that taxation year or fiscal period, and notwithstanding subsections 152(4) to (5), any assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made that is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest.

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIERS:                                       T-1504-12, T-1505-12, T-1506-12,

                                                            T-1508-12, T-1509-12, T-1510-12

 

 

INTITULÉ :                                      Yanev Suissa c Procureur général du Canada

                                                            Avital Suissa c Procureur général du Canada

                                                            Judith Suissa c Procureur général du Canada

                                                            Lior Suissa c Procureur général du Canada

                                                            David Suissa c Procureur général du Canada

                                                            Erez Suissa c Procureur général du Canada

                                                           

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 11 juin 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :           Le juge Roy.

ET JUGEMENT

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 23 août 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Michael Leibov

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Louis Sébastien

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

BCF s.r.l.

Montréal (Québec)

 

POUR LES DEMANDEURS

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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