Date : 20130905
Dossier : IMM-10821-12
Référence : 2013 CF 847
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 5 septembre 2013
En présence de monsieur le juge O’Reilly
Entre :
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CARLOS ARMANDO MELGAR REYES MIRIAN ISABLE MELGAR ESPINOZA
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ET DE L’IMMIGRATION
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MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
I. Aperçu
[1] M. Carlos Armando Melgar Reyes et Mme Mirian Isable Melgar Espinoza, citoyens d’El Salvador, ont présenté une demande de résidence permanente au Canada pour des motifs d’ordre humanitaire (demande CH). Un agent d’immigration a rejeté leur demande, concluant qu’ils ne seraient pas exposés à des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives s’ils retournaient en El Salvador.
[2] Les demandeurs soutiennent que la décision de l’agent était déraisonnable parce qu’elle ne tenait pas compte correctement de leurs évaluations psychologiques. L’agent a accordé peu de poids à l’évaluation de Mme Espinoza et il n’a pas du tout mentionné celle de M. Reyes. Ils me demandent d’annuler la décision et d’ordonner à un autre agent de procéder à un nouvel examen de leurs demandes.
[3] Je conviens que l’agent a omis d’examiner correctement la preuve psychologique présentée par les demandeurs et, par conséquent, qu’il a rendu une décision déraisonnable. En conséquence, je dois accueillir la présente demande de contrôle judiciaire.
[4] Bien que les demandeurs aient présenté d’autres questions en litige, je n’ai à examiner que la question de savoir si la décision de l’agent était déraisonnable compte tenu de son défaut de mentionner la preuve psychologique.
II. Le contexte factuel
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Les
demandeurs ont soutenu qu’ils craignaient des criminels en El Salvador qui les
avaient menacés et qui avaient tué le cousin de M. Reyes. En 2004, leur demande
d’asile a été rejetée en raison d’un manque de preuve crédible et parce qu’ils
pouvaient se prévaloir de la protection de l’État en El Salvador.
[6] En 2005, les demandeurs ont présenté leur demande CH et ont précisé les traumatismes passés qu’ils avaient subis en El Salvador ainsi que les difficultés psychologiques auxquelles ils seraient exposés s’ils y retournaient. Ils ont tous les deux fourni à l’agent une évaluation d’un psychologue. Le psychologue avait établi pour les deux demandeurs un diagnostic de trouble de stress post-traumatique (TSPT) fondé sur leurs expériences passées et sur leurs craintes de retourner en El Salvador. Le psychologue a aussi recommandé qu’ils suivent une psychothérapie et a expliqué qu’il serait bénéfique pour Mme Espinoza d’avoir de la certitude au sujet de sa sécurité à venir.
III. La décision de la Commission
[7] L’agent a examiné le niveau d’établissement des demandeurs au Canada et l’intérêt supérieur de leurs deux enfants – un en El Salvador et l’autre au Canada. L’agent a aussi tenu compte du rapport psychologique montrant que Mme Espinoza souffrait de TSPT en raison de son expérience passée de la guerre en El Salvador et de sa crainte d’être tuée à son retour. Cependant, l’agent a accordé peu de poids au rapport, parce qu’il était fondé sur le témoignage sans serment et sans contre-interrogatoire de Mme Espinoza au sujet de ses expériences en El Salvador. En d’autres mots, il s’agissait de ouï-dire. De plus, l’agent a noté le manque de preuve au sujet du fait que Mme Espinoza ne pourrait pas se faire traiter pour ses problèmes psychologiques en El Salvador.
IV. La décision de l’agent était-elle déraisonnable?
[8] Les demandeurs soutiennent que la décision de l’agent était déraisonnable parce que l’agent n’avait aucun motif pour écarter l’importance du rapport psychologique de Mme Espinoza. De plus, il semble que l’agent n’ait pas du tout examiné le rapport psychologique de M. Reyes.
[9] Je suis d’accord.
[10] Les rapports du psychologue ne constituaient une preuve par ouï-dire qu’en ce qui a trait à la source précise de la crainte des demandeurs. En particulier, les rapports ne pouvaient pas être utilisés pour établir que les demandeurs avaient réellement été menacés.
[11] Cependant, les rapports ne constituaient pas une preuve par ouï-dire en ce qui a trait à l’opinion d’expert du psychologue au sujet de l’état de santé mentale des demandeurs. Les rapports fournissaient l’opinion experte du psychologue au sujet de la santé mentale des demandeurs, un élément essentiel de leur demande CH. À ce sujet, les rapports ne constituaient pas une preuve par ouï-dire. Par conséquent, le raisonnement de l’agent pour écarter les rapports à titre de preuve n’était pas fondé (Lainez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 914).
[12] De plus, comme l’agent a accordé peu ou pas de poids à la preuve psychologique, concluant que rien ne montrait que Mme Espinoza ne pouvait pas être traitée en El Salvador, l’agent n’a pas examiné la nature ou le niveau des difficultés psychologiques auxquelles Mme Espinoza ou son mari seraient exposés s’ils étaient renvoyés du Canada. Comme leurs allégations de préjudice psychologique constituaient l’élément essentiel de leur demande, le défaut de l’agent d’examiner correctement la preuve a entraîné une décision déraisonnable.
V. Conclusion et décision
[13] L’agent a incorrectement écarté la preuve psychologique présentée par Mme Espinoza et n’a pas tenu compte de la preuve au sujet de M. Reyes. Par conséquent, la conclusion de l’agent ne constituait pas une issue acceptable pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Je dois accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner qu’un autre agent réexamine les demandes CH des demandeurs. Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale à certifier et aucune n’est certifiée.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que :
1. la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen;
2. aucune question de portée générale n’est certifiée.
Traduction certifiée conforme
Evelyne Swenne, traductrice-conseil
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-10821-12
INTITULÉ : CARLOS ARMANDO MELGAR REYES, ET AL
c MCI
LIEU DE L’AUDIENCE : Calgary (Alberta)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 15 juillet 2013
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : LE JUGE O’REILLY
DATE DES MOTIFS : Le 5 septembre 2013
COMPARUTIONS :
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POUR LES DEMANDEURS
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Anna Kuranicheva |
POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Avocats
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POUR LES DEMANDEURS |
William F. Pentney Sous-procureur général du Canada Edmonton (Alberta) |
POUR LE DÉFENDEUR
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