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Date : 20130912


Dossier :

IMM-11016-12

 

Référence : 2013 CF 941

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 septembre 2013

En présence de monsieur le juge Shore

 

ENTRE :

VICTOR MANUEL DE MELO SILVA

SANDRA DE JESUS RODRIGUES CABRAL

 

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               Une personne qui arrive au Canada comme touriste, qui affirme ensuite être ici pour y rester, même si elle n’a pas de statut, et qui s’établit, n’obtient pas pour autant un passe‑droit vers la régularisation de son statut. La présente affaire fait ressortir le cas de demandeurs qui demandent, pour des motifs d’ordre humanitaires (motifs CH), une dispense de l’application des critères relatifs aux demandes présentées de l’intérieur du pays, or, ces motifs, dans les circonstances, sont incompatibles avec l’octroi d’une telle dispense.

 

[2]               Les demandeurs ont contourné les lois canadiennes en matière d’immigration. La demanderesse est au Canada depuis 1995; elle n’a eu un statut que pendant un an, soit de mars 2007 jusqu’à mars 2008. Le demandeur est au Canada depuis avril 2002. Lui aussi, sur trois années, n’a eu un statut que pendant une année, soit de mars 2007 à mars 2008.

 

[3]               Les demandeurs ont travaillé au Canada sans statut depuis leur arrivée respective, soit en 1995 et en 2002; leur statut n’a été légalement reconnu que pendant un an. (En tout, le demandeur est au Canada depuis dix ans et la demanderesse au Canada depuis 17 ans; ils ont été tous les deux, à l’exception d’une année, sans statut depuis leur arrivée.)

 

[4]               Les demandeurs ont maintenant deux jeunes enfants nés au Canada qui ont été pleinement exposés à l’anglais et au portugais et qui parlent couramment ces deux langues; la famille tire un soutien moral de son cadre familial et de ses amitiés avec des gens qui appartiennent à la même culture qu’elle. La famille est maintenant propriétaire d’une maison, à laquelle ils ont fait des rénovations importantes, ce qui a pour effet d’ajouter de la valeur à leur propriété. Ils ont fait de nombreux voyages au Portugal pour conserver des liens avec les membres de leur famille qui s’y trouvent.

 

[5]               La famille subvient à ses besoins financiers; les enfants sont bien intégrés, l’un des enfants va à l’école et les deux fréquentent l’église; néanmoins, le fait d’arriver dans un pays (dans ces circonstances, notamment au regard de leur pays d’origine, le Portugal, et du Canada), d’y fonder une famille, d’y élire domicile et d’y trouver un emploi ne peut devenir une solution de rechange à la régularisation de leur statut par le processus prévu par la loi.

 

[6]               La dispense fondée sur des motifs humanitaires constitue une mesure discrétionnaire qui ne convient pas dans un cas où une personne a tout simplement fait fi de la Loi; par conséquent, la présente affaire ne concorde pas avec les exigences prévues dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi). Les précédents invoqués dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Legault, 2002 CAF 125, [2002] 4 CF 358, démontrent que ces principes existaient même sous le régime de l’ancienne loi.

 

[7]               Il ne convient pas d’accorder une dispense à l’application de la loi dans un cas où, dans l’ensemble, compte tenu de ses antécédents, de sa situation d’emploi, de son établissement ou de l’éducation de ses enfants, une famille n’est confrontée à aucune difficulté inhabituelle.

 

[8]               Le nombre d’années passées au Canada ne constitue pas en soi, au regard du droit en matière d’immigration, un motif pour récompenser des demandeurs qui s’y sont établis ici illégalement.

 

[9]               Les demandeurs n’ont pas démontré l’existence de difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives justifiant qu’on leur octroie une dispense (Ahmad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 646, au paragraphe 49).

 

[10]           L’agent était conscient que le fait de vivre au Canada offre certains avantages, mais il n’était pas obligé de rédiger des motifs quant à la question de savoir si l’intérêt supérieur des enfants justifie l’acceptation de la demande, dans un cas où il saute aux yeux que la preuve présentée par les demandeurs est fondée sur les avantages liés à la qualité de vie qui découlent de l’établissement au Canada, plutôt que sur l’existence, appuyée par la preuve, de difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives dans un autre pays; selon le dossier, le renvoi des demandeurs n’occasionnerait aucune difficulté inhabituelle. Les enfants sont citoyens canadiens; il s’ensuit qu’ils ont le droit de vivre au Canada, et ce, pour toujours (Kisana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 189, 2010 1 RCF 360).

 

[11]           L’intégrité du système d’immigration repose sur le respect des lois canadiennes en matière d’immigration et on ne peut pas accepter que celles-ci soient bafouées par des demandeurs qui, par leur présence illégale continue, envoient le message suivant : « Nous sommes venus ici, nous nous sommes établis ici et nous restons ici ». Un tel mépris à l’égard du système d’immigration lui enlèverait toute intégrité; une telle chose serait inacceptable. Par conséquent, les motifs CH invoqués en l’espèce sont tout à fait inappropriés.

 

[12]           La conclusion selon laquelle la décision et le raisonnement de l’agent d’immigration sont raisonnables s’imposent à la lecture même du dossier.

 

[13]           La demande de contrôle judiciaire présentée par les demandeurs est rejetée pour les motifs susmentionnés.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire présentée par les demandeurs soit rejetée et qu’aucune question de portée générale ne soit certifiée.

 

Remarque incidente

            Il semblerait que, compte tenu des antécédents de la famille en cause, l’immigration au Canada constituerait non seulement une avenue viable pour les demandeurs, mais aussi celle qu’ils souhaitent. Ils pourront présenter une demande en ce sens lorsqu’ils seront au Portugal, selon les procédures établies en matière d’immigration, faisant ainsi preuve de respect à l’endroit de l’intégrité du système d’immigration canadien et de son processus décisionnel établi par la loi.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :

IMM-11016-12

 

INTITULÉ :

VICTOR MANUEL DE MELO SILVA et

SANDRA DE JESUS RODRIGUES CABRAL

c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                            Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                            Le 9 septembre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :

                                                            LE JUGE SHORE

DATE DES MOTIFS :

                                                            LE 12 SEPTEMBRE 2013

COMPARUTIONS :

Aadil Mangalji

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Rachel Hepburn Craig

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Long Mangalji LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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