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Date : 20130920

Dossier : T-400-13

Référence : 2013 CF 967

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 20 septembre 2013

En présence de monsieur le juge Manson

 

ENTRE :

 

DEBBIE LYNNE SIMMONDS

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7, qui vise la décision de Peter Bulatovic, directeur, Direction des enquêtes de Passeport Canada (Passeport Canada). L’arbitre a révoqué le passeport de la demanderesse et il a imposé une période de refus de services de passeport à la demanderesse jusqu’au 16 juillet 2017.

 

I.          Le contexte

[2]               Les faits sous‑jacents de cette décision de Passeport Canada ne sont pas contestés. Le 16 juillet 2012, la demanderesse avait soumis une demande de passeport pour son fils Adam. La demanderesse avait répondu « oui » à la question suivante dans la demande de passeport en l’espèce : « Existe-t-il une entente de séparation, une ordonnance d’un tribunal ou des procédures judiciaires concernant la garde, les déplacements ou les droits de visite de l’enfant? » La demanderesse avait déposé deux ordonnances d’un tribunal. L’une d’entre elles était datée du 16 juin 2008, et elle conférait la garde partagée d’Adam à la demanderesse et à l’ancien époux de la demanderesse, M. Ryan Simmonds. L’autre ordonnance était datée du 18 mars 2011, et elle conférait à M. Simmonds des droits de visite à l’égard d’Adam.

 

[3]               Cependant, il ne s’agissait pas là des seules ordonnances d’un tribunal ou procédures judiciaires concernant Adam. Parmi les autres, les plus pertinentes étaient les motifs de jugement prononcés par la juge Brown de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique datés du 5 juillet 2012, par lesquels M. Simmonds obtenait la garde exclusive d’Adam, ainsi que son ordonnance datée du 6 juillet 2012 et inscrite la journée même, laquelle accordait à M. Simmonds le droit d’amener Adam aux États-Unis du 13 août 2012 au 27 août 2012 et celui de présenter une demande de passeport pour Adam sans avoir besoin de la signature de la demanderesse. Ces documents faisaient en sorte que la demanderesse n’était pas admissible à demander un passeport pour Adam, en application de l’alinéa 7(1)b) du Décret sur les passeports canadiens, TR/81-86 (le Décret).

 

[4]               C’est M. Simmonds qui a porté à l’attention de Passeport Canada le fait que ces documents avaient été omis. M. Simmonds avait communiqué pour la première fois avec Passeport Canada le 26 juillet 2012 pour informer l’organisme qu’il n’avait signé aucune demande relativement à un passeport pour Adam. Le 16 juillet 2012, M. Simmonds s’était présenté au bureau de Passeport Canada à Surrey en Colombie‑Britannique pour fournir à l’organisme 14 documents judiciaires se rapportant à une affaire de droit matrimonial entre la demanderesse et lui‑même, documents qui dataient d’entre le 18 avril 2008 et le 6 juillet 2012. Parmi ces documents, on y trouvait notamment l’ordonnance et les motifs de jugement décrits ci‑dessus.

 

[5]               Passeport Canada a écrit à la demanderesse le 22 août 2012 pour l’aviser qu’elle faisait l’objet d’une enquête au motif qu’elle avait présenté une demande de passeport pour Adam qui contenait des renseignements erronés ou trompeurs. Cette lettre comprenait un questionnaire que la demanderesse devait retourner ainsi que l’ordre de remettre son passeport sur-le-champ. Passeport Canada n’a pas reçu de réponse à cette lettre.

 

[6]               Le 13 novembre 2012, Passeport Canada a envoyé une lettre à la demanderesse, dans laquelle l’organisme réitérait les renseignements contenus dans la lettre du 22 août. De plus, la lettre contenait une liste des 14 documents judiciaires déposés par M. Simmonds et elle faisait état du fait qu’un agent de Passeport Canada avait aussi demandé à la demanderesse le 16 juillet 2012 s’il y avait d’autres documents judiciaires relativement à la garde, aux déplacements ou aux droits de visite relatifs à Adam et qu’elle avait répondu à cette question par la négative.

 

[7]               Le 26 novembre 2012, M. Simmonds a écrit une lettre dans laquelle il répondait à plusieurs questions de Passeport Canada, y compris celles de savoir comment la demanderesse avait fait en sorte que M. Simmonds signe le passeport d’Adam, quand il avait communiqué avec la demanderesse pour la dernière fois et comment il avait appris que la demanderesse avait présenté une demande de passeport pour Adam. De plus, M. Simmonds a fourni une chronologie des récents événements relativement à ses rapports avec la demanderesse au sujet du passeport d’Adam.

 

[8]               Le 29 novembre 2012, la demanderesse a écrit à Passeport Canada pour lui mentionner qu’elle avait répondu à la lettre du 22 août et que sa réponse n’avait pas dû être reçue. Elle a envoyé le questionnaire et elle a inclus un renvoi aux décisions judiciaires rédigées par la juge Brown en juillet. Elle a aussi abordé la question des documents de la cour qu’elle avait fournis dans sa demande (en partie), et ce, de la manière suivante :

 

[traduction]

J’admets bel et bien que, lorsque j’ai présenté une demande en personne à la mi‑juillet pour ce passeport, j’ai effectivement fourni l’ordonnance relative à la garde délivrée par la juge Stromberg‑Stein. Ces ordonnances faisaient état d’une garde partagée entre les parties. J’ai eu connaissance, par courriel, des nouvelles ordonnances en matière de garde le 5 juillet 2012. Cependant, ces nouvelles ordonnances n’étaient signées par ni l’une ni l’autre des parties et elles n’avaient pas été déposées au palais de justice au moment où j’avais présenté une demande en personne au bureau des passeports. Parce que j’avais signé une demande de passeport et que le temps commençait à manquer avant qu’Adam parte en vacances avec son père, soit le 13 août 2012, j’ai déposé les ordonnances de garde délivrées par la juge Stromberg‑Stein. Je ne voulais pas retarder les vacances d’Adam avec son père et je croyais que c’est ce qui se serait produit si j’avais déposé des ordonnances non signées et non remplies.

 

[9]               Le 10 janvier 2013, la demanderesse a parlé au téléphone avec un enquêteur de Passeport Canada et elle a par la suite fourni une lettre dans laquelle elle faisait part de ses préoccupations quant au fait que M. Simmonds et son avocat avaient communiqué avec Passeport Canada ainsi qu’à l’égard de la transmission de ses renseignements personnels à des tierces parties.

 

[10]           Le 18 janvier 2013, Passeport Canada a écrit à la demanderesse pour lui dire que l’organisme ne communique pas de renseignements concernant des tierces parties et qu’elle ne lui avait pas fourni de nouveaux renseignements qui nécessiteraient une enquête supplémentaire.

[10]

[11]           Le 5 février 2013, Passeport Canada a écrit à la demanderesse pour l’informer que les services de passeport lui seraient refusés jusqu’au 16 juillet 2017. Cette décision était fondée sur le fait que la demanderesse lui avait fourni des renseignements erronés ou trompeurs à l’appui de la demande présentée pour le compte de son fils en vue qu’il obtienne un passeport canadien.

 

II.        La question en litige

[12]           La question soulevée dans la présente demande est la suivante :

A.    L’enquête effectuée par Passeport Canada en lien avec la demande de passeport déposée par la demanderesse contrevenait‑elle aux principes d’équité procédurale?

 

III.       La norme de contrôle applicable

[13]           Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable est la décision correcte (Kamel c Canada (Procureur général), 2008 CF 338 (Kamel) et Dunsmuir c Canada, 2008 CSC 9).

 

IV.       Analyse

[14]           La demanderesse prétend que Passeport Canada a contrevenu à son obligation d’agir équitablement lorsqu’elle a omis de lui divulguer convenablement les communications que l’organisme avait eues avec M. Simmonds et son avocat (en invoquant Kamel, précitée, et Abdi c Canada, 2012 CF 642). La demanderesse prétend qu’elle avait subi un préjudice indu, en ce sens qu’elle n’a pas pu répondre aux allégations formulées par son ex‑époux.

 

[15]           Je dois exprimer mon désaccord avec la demanderesse. Il n’y a aucune violation aux exigences relatives à la communication de renseignements dans un cas où des faits non pertinents ou non importants ne sont pas communiqués au demandeur, ou que Passeport Canada ne se fonde pas sur ces faits lorsque l’organisme rend la décision visée (Slaemen c Canada, 2012 CF 641, au paragraphe 37). Le défendeur s’appuie notamment sur les faits suivants :

         La demanderesse a déposé une demande de passeport pour Adam et elle avait fourni seulement deux documents judiciaires se rapportant à la garde ou aux droits de visite;

         La demanderesse a confirmé à un agent des passeports qu’elle avait fourni tous les documents relatifs à la garde, aux déplacements ou aux droits d’accès en ce qui concerne Adam;

         La demanderesse n’avait pas déposé tous les documents se rapportant à la garde ou aux déplacements ou aux droits de visite en ce qui concerne Adam. Il existait 10 autres documents répondant à cette définition, notamment le jugement du 5 juillet 2012 et l’ordonnance du 6 juillet 2012.

 

[16]           La demanderesse a été mise au courant des faits pertinents par la lettre du défendeur datée du 13 novembre 2012, elle a eu la possibilité de présenter des observations en réponse et elle n’a pas contesté ces faits. Bien que d’autres lettres provenant de M. Simmonds et de son avocat aient pu donner à penser que la demanderesse manque de crédibilité, la crédibilité n’était pas un facteur dans la décision du défendeur.

 

[17]           Il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale en l’espèce. En dernier lieu, la demanderesse, dans son mémoire des faits et du droit, semble soulever une préoccupation concernant la nature [traduction] « indûment punitive » de la durée de la peine prescrite par Passeport Canada. Cette question n’avait jamais été soulevée par la demanderesse dans son avis de demande et elle n’est donc pas matière à examen dans le cadre du présent contrôle (alinéa 301e) des Règles des Cours fédérales); Chypre (Commerces et Industries) c Les Producteurs Laitiers du Canada, 2010 CF 719, au paragraphe 48).

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE QUE :

1.                  La demande de la demanderesse est rejetée;

2.                  Des dépens de 500 $ sont adjugés au défendeur.

 

 

« Michael D. Manson »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-400-13

 

INTITULÉ :                                      Simmonds c PGC

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 18 septembre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            Le juge Manson

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 20 septembre 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. Garry K. Thomas

 

POUR LA DEMANDERESSE

M. Olivier Pulleyblank

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Thomas and Associates

Avocats

New Westminster (C.‑B.)

 

POUR LA DEMANDERESSE

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (C.‑B.)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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