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Date : 20130923


Dossier :

T-763-13

 

Référence : 2013 CF 970

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 23 septembre 2013

En présence de monsieur le juge Phelan

 

ENTRE :

EMMANUEL OLUWAGBENGA SALAKO

 

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

I.          INTRODUCTION

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté à l’égard d’une décision par laquelle un juge de la citoyenneté rejetait la demande de citoyenneté présentée par l’appelant (le demandeur dans la présente instance). La décision reposait sur le fait que l’appelant n’avait pas satisfait aux exigences de résidence exposées à l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, c C‑29 (la Loi) et sur l’absence de preuve suffisante d’une situation de détresse ou de services exceptionnels justifiant qu’une recommandation favorable quant à la citoyenneté soit formulée en vertu du paragraphe 5(4) de la Loi et au titre de la compétence du juge de la citoyenneté à cet égard, prévue à l’article 15 de la Loi.

 

II.        LE CONTEXTE

[2]               L’appelant est un citoyen du Nigeria qui était devenu résident permanent du Canada le 19 septembre 2005. Il a épousé une Canadienne et leurs deux enfants sont eux aussi Canadiens.

 

[3]               La période pertinente quant à la résidence au Canada allait du 19 septembre 2005 au 15 octobre 2008. L’appelant a reconnu, dans sa demande de citoyenneté, qu’il ne satisfaisait pas à l’exigence d’avoir passé 1 095 jours au Canada au cours de la période pertinente, parce qu’il avait passé 154 jours à l’extérieur du pays.

 

[4]               L’appelant a expliqué que ses absences étaient attribuables à son travail. Il exporte des voitures usagées du Canada au Nigeria et il doit se rendre dans ce pays pour son travail. Il invoque ce fait comme étant une situation de « détresse » au sens du paragraphe 5(4) de la Loi, parce qu’il ne pourra jamais répondre aux critères d’obtention de la citoyenneté tant et aussi longtemps qu’il occupe ce travail.

 

[5]               Le juge de la citoyenneté a rejeté la demande de citoyenneté, parce que l’appelant ne répondait pas au « critère quantitatif », au titre duquel la résidence est déterminée en fonction du nombre de journées de présence effective.

 

[6]               Ce faisant, le juge de la citoyenneté a relevé des incohérences dans les absences déclarées par l’appelant, lesquelles avaient eu pour effet de l’éloigner davantage du seuil de 1 095 jours de présence effective au Canada.

 

[7]               Le juge de la citoyenneté a appliqué le critère quantitatif strict élaboré dans Re Pourghasemi (1993), 62 FTR 122, 39 ACWS (3d) 251, de sorte que l’appelant ne répondrait pas aux exigences de résidence, et ce, même si on fait abstraction de la question des absences non déclarées. Le juge de la citoyenneté a aussi relevé un certain nombre d’absences non déclarées et il a conclu que, au vu des nombreuses incohérences, l’appelant ne s’était pas acquitté de son fardeau d’établir qu’il satisfaisait au critère du nombre de journées de résidence.

 

[8]               Le juge de la citoyenneté a conclu qu’il n’y avait pas d’éléments de preuve pouvant justifier la possibilité de recommander l’exercice du pouvoir discrétionnaire pour cause de détresse ou de services exceptionnels rendus au Canada. Plus précisément, le juge a écrit que [traduction] « puisque vous n’avez pu me fournir de tels éléments de preuve [en renvoi au critère exposé au paragraphe 5(4)], je ne vois pas de motifs me permettant de formuler une recommandation au Ministre ».

 

[9]               L’appelant soulève les trois points en litige suivants :

a)                  Le juge de la citoyenneté a contrevenu, de par la commission d’erreurs de fait, aux principes d’équité procédurale;

b)                  Le juge de la citoyenneté a omis de tenir compte d’éléments de preuve se rapportant au paragraphe 5(4);

c)                  La décision du juge de la citoyenneté est déraisonnable.

 

III.       ANALYSE

[10]           En ce qui concerne les erreurs de fait, il n’y ne fait aucun doute que certaines erreurs ont été commises en ce qui a trait aux absences non déclarées. Cependant, les erreurs n’ont aucune importance quant à la décision. Le juge de la citoyenneté a décidé de trancher l’affaire en examinant la question de savoir si l’appelant avait atteint le seuil de 1 095 jours de présence effective. Le juge de la citoyenneté avait le droit, parmi les critères qu’il avait à sa disposition (une situation regrettable sur le plan juridique), de retenir le critère quantitatif strict, ce qu’il a fait.

 

[11]           L’appelant, de son propre aveu, ne répondait pas au critère de résidence retenu par le juge de la citoyenneté (soit, celui du nombre de journées au cours desquelles il était effectivement présent au Canada). Les erreurs ne sont pas pertinentes eu égard à cette admission. Le juge de la citoyenneté n’a pas contrevenu à l’équité procédurale. Les erreurs n’étaient pas dues à l’arbitraire et elles ne témoignent pas d’un manque de soin et d’attention.

 

[12]           Dans la même veine, le juge de la citoyenneté n’a pas ignoré ou omis de tenir compte d’éléments de preuve se rapportant à une situation de détresse ou à des services exceptionnels relativement à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire visé au paragraphe 5(4) de la Loi. L’appelant accorde trop d’importance à la mention contenue dans les motifs selon laquelle il n’avait produit aucun élément de preuve à cet égard. Lorsqu’on lit ses propos dans leur contexte, le juge de la citoyenneté n’affirme pas qu’il n’y avait aucun élément de preuve à cet égard, mais seulement que ces éléments de preuve étaient insuffisants.

 

[13]           En ce qui a trait à la raisonnabilité de la décision quant à la résidence, celle‑ci n’est pas contestée. L’appelant reconnaît les lacunes de sa demande.

 

[14]           En ce qui a trait à la raisonnabilité de la décision prise quant au paragraphe 5(4), cette disposition confère au juge de la citoyenneté un vaste pouvoir discrétionnaire de recommander que la citoyenneté soit attribuée à la personne qui en fait la demande dans le cas d’une situation de détresse, ou pour services exceptionnels rendus. La seule situation de détresse que l’appelant a invoquée est celle occasionnée par son choix de travail. Il ne s’agit pas du type de situation de détresse visée par la disposition; cette disposition ne traite pas non plus du fait que certains membres de la famille de l’appelant ont la citoyenneté canadienne alors que d’autres ne l’ont pas.

 

IV.       CONCLUSION

[15]           Par conséquent, je ne relève rien qui permettrait à la Cour d’annuler la décision. L’appel sera rejeté.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que l’appel est rejeté.

 

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


ANNEXE A

 

 

Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, c C-29

 

 

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

 

 

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

 

 

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

 

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

 

 

 

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

 

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

 

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

 

 

5. (4) Afin de remédier à une situation particulière et inhabituelle de détresse ou de récompenser des services exceptionnels rendus au Canada, le gouverneur en conseil a le pouvoir discrétionnaire, malgré les autres dispositions de la présente loi, d’ordonner au ministre d’attribuer la citoyenneté à toute personne qu’il désigne; le ministre procède alors sans délai à l’attribution.

5. (4) In order to alleviate cases of special and unusual hardship or to reward services of an exceptional value to Canada, and notwithstanding any other provision of this Act, the Governor in Council may, in his discretion, direct the Minister to grant citizenship to any person and, where such a direction is made, the Minister shall forthwith grant citizenship to the person named in the direction.

 

 

15. (1) Avant de rendre une décision de rejet, le juge de la citoyenneté examine s’il y a lieu de recommander l’exercice du pouvoir discrétionnaire prévu aux paragraphes 5(3) ou (4) ou 9(2), selon le cas.

 

 

 

 

 (2) S’il recommande l’exercice du pouvoir discrétionnaire, le juge de la citoyenneté :

 

 

a) en informe le demandeur;

 

b) transmet sa recommandation motivée au ministre;

 

 

c) approuve ou rejette la demande dès réception de la réponse du ministre, en se conformant à la décision prise par celui-ci à l’égard de sa recommandation.

15. (1) Where a citizenship judge is unable to approve an application under subsection 14(2), the judge shall, before deciding not to approve it, consider whether or not to recommend an exercise of discretion under subsection 5(3) or (4) or subsection 9(2) as the circumstances may require.

 

 (2) Where a citizenship judge makes a recommendation for an exercise of discretion under subsection (1), the judge shall

 

(a) notify the applicant;

 

(b) transmit the recommendation to the Minister with the reasons therefor; and

 

(c) in accordance with the decision that has been made in respect of his recommendation, forthwith on the communication of the decision to the judge approve or not approve the application.

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


 

DOSSIER :

T-763-13

 

INTITULÉ :

EMMANUEL OLUWAGBENGA SALAKO

c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                            Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                            LE 16 SEPTEMBRE 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :

                                                            LE JUGE PHELAN

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :

                                                            LE 23 SEPTEMBRE 2013

COMPARUTIONS :

Dov Maierovitz

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Bradley Bechard

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dov Maierovitz

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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