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Date : 20130904

Dossier : T-5-13

Référence : 2013 CF 933

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 4 septembre 2013

En présence de monsieur le juge en chef

 

 

ENTRE :

 

GEORGE HALL

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d’une décision par laquelle le commissaire du Service correctionnel du Canada (le commissaire) a rejeté sa demande présentée en vue d’obtenir un abaissement de sa cote de sécurité et un transfèrement dans un établissement à sécurité minimale.

 

[2]               Le demandeur, M. Hall, affirme que le commissaire a commis les erreurs suivantes :

a.       il n’a pas procédé à une nouvelle évaluation indépendante de son grief;

b.      il a rendu une décision déraisonnable;

c.       il a rendu une décision de mauvaise foi.

 

[3]               M. Hall sollicite également un jugement déclaratoire portant que la procédure de règlement du grief n’était pas équitable ou efficace en l’espèce, car le commissaire aurait tardé de façon injustifiée à rendre sa décision et à la communiquer à M. Hall.

 

[4]               Pour les raisons qui suivent, je conviens que le commissaire n’a effectivement pas procédé à une nouvelle évaluation indépendante du grief déposé par M. Hall. La décision du commissaire sera donc annulée et l’affaire lui sera renvoyée pour qu’il l’évalue de nouveau, en conformité avec les présents motifs.

 

[5]               Pour les raisons exposées à la partie V.B du présent jugement, le jugement déclaratoire sollicité par M. Hall ne sera pas accordé.

 

I.          Contexte

 

[6]               M. Hall est âgé de 49 ans. Il purge actuellement une peine d’emprisonnement d’une durée indéterminée au sein du système correctionnel fédéral. Il est détenu au Centre régional de traitement situé à Abbotsford en Colombie‑Britannique, une prison à sécurité moyenne.

 

[7]               En 1995, il a été déclaré « délinquant dangereux » et il a été reconnu coupable d’infractions, entre autres d’agression sexuelle et d’enlèvement.

 

[8]               L’année suivante, après avoir été incarcéré pendant un certain temps dans un établissement à sécurité maximale, sa cote de sécurité a été abaissée à « sécurité moyenne » et il a été transféré dans un établissement à sécurité moyenne.

 

[9]               En 2005, sa cote de sécurité a été abaissée de nouveau et il a été transféré dans un établissement à sécurité minimale en Colombie‑Britannique.

 

[10]           Cependant, en 2008, en raison d’une modification apportée à une politique fédérale touchant l’ensemble des délinquants dangereux incarcérés dans des établissements à sécurité minimale, M. Hall a été transféré de nouveau dans un établissement à sécurité moyenne. Il semble que les parties reconnaissent que ce transfèrement est survenu uniquement en raison du changement opéré à la politique, et qu’il aurait pu ne pas se produire autrement. Entre autres choses, le fait que la cote de M. Hall a été rehaussée à « sécurité moyenne » était principalement attribuable à l’évaluation dont il avait fait l’objet et selon laquelle il devait i) adopter une [traduction] « approche plus souple à l’égard du traitement » et ii) mieux s’occuper de ses problèmes de violence familiale et de ses comptes rendus quotidiens.

 

[11]           Au début de 2009, M. Hall a fait une demande pour être transféré de nouveau dans un établissement à sécurité minimale. Or, en août 2009, sa demande a été rejetée au motif qu’il avait été retenu pour participer à un programme d’intensité élevée de prévention de la violence familiale.

 

[12]           En 2011, il a présenté une autre demande de transfèrement dans un établissement à sécurité minimale. Lorsque sa demande a été rejetée, il a déposé ce qui est connu sous le nom de grief au « premier palier » auprès du directeur de l’établissement où il était incarcéré, aussi appelé directeur exécutif.

 

[13]           En novembre 2011, le directeur de l’établissement, en consultation avec le Comité d’examen de la gestion des délinquants (CEGD), a recommandé l’approbation de la demande de M. Hall, soit la demande de transfèrement à l’Établissement William Head, un établissement à sécurité minimale, et d’abaissement de sa cote de sécurité au niveau « sécurité minimale ».

 

[14]           Conformément à la Directive du commissaire no 710‑6, et plus particulièrement à ses dispositions relatives au transfèrement de délinquants dangereux dans un établissement à sécurité minimale, le directeur de l’établissement a transmis la recommandation du CEGD au sous‑commissaire régional (SCR). Le SCR n’a pas approuvé la recommandation du CEGD. En résumé, même s’il a convenu que M. Hall devait être considéré comme présentant un risque d’évasion faible, il a évalué qu’il posait un risque modéré pour la sécurité du public (en cas d’évasion). À la lumière de cette conclusion, il a recommandé de ne pas approuver la réévaluation de la cote de sécurité de M. Hall visant à faire passer celle‑ci de moyenne à minimale.

 

[15]           Après avoir examiné la recommandation du SCR, le directeur de l’établissement y a souscrit et a décidé de maintenir à « moyenne » la cote relative au risque pour la sécurité de M. Hall. Il a donc refusé d’accueillir la demande de transfèrement dans un établissement à sécurité minimale présentée par M. Hall.  

 

[16]           Selon le paragraphe 80(1) du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92‑620 (le Règlement), lorsque le délinquant est insatisfait de la décision rendue au sujet de son grief par le directeur du pénitencier, il peut en appeler au responsable de la région. Il s’agit du grief au « deuxième palier ». Étant donné que le SCR a rendu une décision au sujet du grief au premier palier de M. Hall, il est convenu que M. Hall peut appeler de la décision du directeur de l’établissement au commissaire directement, conformément au paragraphe 80(2). De tels appels sont aussi connus sous le nom de griefs au « troisième palier ».

 

II.        Décision contrôlée

 

[17]           Le commissaire a d’abord constaté que M. Hall avait exprimé des préoccupations au sujet de la recommandation formulée par le SCR, qui était de ne pas approuver sa demande de transfèrement dans un établissement à sécurité minimale. Il a ensuite fait le résumé d’une évaluation favorable de M. Hall qui avait été effectuée en septembre 2011, avant d’exposer brièvement la recommandation initiale formulée par le CEGD.

 

[18]           Le commissaire a ensuite présenté un résumé détaillé de la recommandation du SCR et des motifs à l’appui de celle‑ci.

 

[19]           Après avoir constaté que le directeur de l’établissement avait souscrit à la recommandation du SCR et donc refusé d’approuver la demande de transfèrement présentée par M. Hall, le commissaire a réaffirmé que les recommandations de son équipe de gestion des cas (EGC) et du SCR [traduction] « avaient effectivement été prise en considération ». Il a conclu comme suit :

 

[traduction]

 

Après examen attentif de l’ensemble des renseignements disponibles, il a été décidé qu’il convient de considérer que vous représentez un risque modéré pour la sécurité du public et de vous attribuer la cote de sécurité générale [des délinquants] « moyenne ». Bien que le SCR ait formulé une recommandation, la décision finale revient au directeur de l’établissement, conformément aux paragraphes 5 et 19 de la DC 710‑6, selon lesquels […]

 

À la lumière de ce qui précède, il a été conclu que la décision finale rendue par le [directeur de l’établissement] respecte les politiques et tient compte de tous les renseignements disponibles. Par conséquent, votre grief est rejeté.

 

III.             Questions en litige

 

[20]           La présente demande soulève les questions suivantes :

a.       Le commissaire a‑t‑il commis une erreur en ne procédant pas à une nouvelle évaluation indépendante du grief de M. Hall?

b.      Le commissaire a‑t‑il rendu une décision déraisonnable?

c.       Le commissaire a‑t‑il rendu une décision de mauvaise foi?

d.      La procédure de règlement du grief a‑t‑elle été inéquitable et inefficace en l’espèce, en raison de délais d’attente injustifiés?

 

IV.             Norme de contrôle

 

[21]           La première question soulevée concerne l’interprétation que fait le commissaire de son mandat en vertu du paragraphe 80(2) du Règlement. Lorsqu’un décideur administratif interprète sa propre loi ou une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie, la déférence est habituellement de mise. Le principe ne vaut cependant pas lorsque l’interprétation de la loi relève d’une catégorie de questions à laquelle la norme de la décision correcte demeure applicable, à savoir i) les questions constitutionnelles, ii) les questions de droit qui revêtent une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et qui sont étrangères au domaine d’expertise du décideur, iii) les questions portant sur la délimitation des compétences respectives de tribunaux spécialisés concurrents, et iv) les questions touchant véritablement à la compétence (Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 RCS 654 [Alberta Teachers], au paragraphe 30).

 

[22]           Il est d’emblée évident que l’interprétation que fait le commissaire de son mandat en vertu du paragraphe 80(2) du Règlement ne relève pas d’une question constitutionnelle, d’une question d’importance capitale pour le système juridique dans son ensemble, ou d’une question portant sur la délimitation des compétences respectives de tribunaux spécialisés concurrents. J’estime que l’interprétation que fait le commissaire de son mandat ne relève pas non plus d’une de ces situations exceptionnelles d’interprétation législative dont il pourrait être raisonnablement affirmé qu’elles touchent véritablement à la compétence (Alberta Teachers, précité, aux paragraphes 33 à 43). Cela est d’autant plus vrai que les raisons pour lesquelles la Cour ne devrait pas effectuer le contrôle de cette question au regard de la norme déférente de la décision raisonnable n’ont pas été établies (Alberta Teachers, précité, au paragraphe 39).

 

[23]           La deuxième question soulevée en l’espèce touche le caractère raisonnable de la décision du commissaire et est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], aux paragraphes 51 à 53).

 

[24]           Les troisième et quatrième questions soulevées en l’espèce touchent la partialité et l’équité et sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte (Dunsmuir, précité, aux paragraphes 55 et 79; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 43).

 

V.        Analyse

                        A.  Le commissaire a‑t‑il omis de procéder à une nouvelle évaluation indépendante du grief de M. Hall?

[25]           M. Hall affirme que le commissaire a commis une erreur en ne procédant pas à une nouvelle évaluation de sa demande de transfèrement dans un établissement à sécurité minimale et en formulant mal la question qu’il devait trancher. M. Hall maintient que le commissaire, au lieu d’effectuer sa propre évaluation de la demande, s’est simplement demandé si la décision du directeur de l’établissement était [traduction] « en conformité avec les politiques et si elle tenait compte de tous les renseignements disponibles ». Je suis d’accord.

 

[26]           Le défendeur affirme que le commissaire a examiné l’ensemble de la preuve, a fait état des principales questions de façon détaillée, s’est penché sur les nouveaux arguments pertinents, a exposé la décision du directeur de l’établissement et s’est assuré que celle‑ci était juste. 

 

[27]           Le commissaire a bien sûr examiné une grande partie des éléments de preuve. Il a également exposé en détail certaines des questions clés et s’est attardé à l’un des nouveaux arguments présentés par M. Hall, soit l’allégation selon laquelle le Service correctionnel du Canada (SCC) est chargé d’assurer que les délinquants sont logés dans le milieu le moins restrictif possible. À cet égard, le commissaire a déclaré que le paragraphe 4(c) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, LC 1992, c 20 a été modifié de façon à ce que le SCC prenne des « mesures qui, compte tenu de la protection de la société, […] ne vont pas au‑delà de ce qui est nécessaire et proportionnel aux objectifs de la présente loi ». Se fondant sur cette modification, le commissaire a fait remarquer que la « mesure la moins restrictive » n’est plus considérée comme le critère adéquat.

 

[28]           Cela dit, outre le fait que le commissaire s’est penché sur ce nouvel argument avancé par M. Hall, pratiquement rien dans sa décision ne pourrait raisonnablement laisser voir qu’il a évalué lui‑même les questions soulevées par M. Hall dans son grief et dans ses observations additionnelles, et qu’il a tiré sa propre conclusion sur leur bien‑fondé (Spidel c Canada (Procureur général), 2012 CF 958, aux paragraphes 70 à 73 et 82).   

 

[29]           Il ne fait aucun doute que le commissaire a conclu que la décision du directeur de l’établissement avait été prise conformément aux politiques et compte tenu de tous les éléments de preuve disponibles. Or, ce n’était pas la question qu’il devait trancher. La question était plutôt de savoir si lui, le commissaire, estimait que la demande de transfèrement présentée par M. Hall devait être accueillie ou rejetée, d’après sa propre évaluation du dossier.

 

[30]           Après avoir examiné les conclusions du SCR et la décision finale rendue par le directeur de l’établissement, le commissaire a conclu la « décision » contrôlée en rappelant simplement les positions adoptées par ces deux personnes. Il l’a fait en quatre phrases, avant de déclarer : [traduction] « Par conséquent, votre grief est rejeté. » 

 

[31]           Dans la première de ces phrases, le commissaire a déclaré : [traduction] « Pour conclure et pour reprendre ce qui figure dans la décision finale rendue par le [directeur de l’établissement], les recommandations formulées par votre EGC et par le SCR ont effectivement été prises en considération. » Je suis d’avis que l’adverbe « effectivement » montre clairement que le commissaire faisait référence à la décision du directeur de l’établissement. Il réaffirmait simplement que les recommandations de l’EGC et du SCR avaient été prises en compte par le directeur de l’établissement.

 

[32]           Dans la quatrième des quatre phrases, le commissaire a déclaré : [traduction] « Après examen attentif de l’ensemble des renseignements disponibles, il a été décidé qu’il convient de considérer que vous représentez un risque modéré pour la sécurité du public et de vous attribuer la cote de sécurité générale [des délinquants] “moyenne”. » Cette phrase semble elle aussi faire référence à la décision du directeur de l’établissement, ce qu’appuie la phrase suivante, la troisième des quatre phrases en question, dans laquelle le commissaire a affirmé : [traduction] « Bien que le SCR ait formulé une recommandation, la décision finale revient au directeur de l’établissement, conformément aux paragraphes 5 et 19 de la DC 710‑6, selon lesquels […] »

 

[33]           Dans la quatrième des phrases de sa conclusion, le commissaire a déclaré : [traduction] « À la lumière de ce qui précède, il a été conclu que la décision finale rendue par le [directeur de l’établissement] respecte les politiques et tient compte de tous les renseignements disponibles. » Comme il a été mentionné, il n’était pas ici question de la décision que le commissaire avait été appelé à prendre.

 

[34]           D’après les dispositions au paragraphe 80(2) du Règlement, lorsque le délinquant « est insatisfait de la décision rendue au sujet de son grief par le [SCR] », il peut « en appeler » au commissaire. Comme il a été mentionné, étant donné que le SCR avait déjà pris part à l’affaire en formulant sa recommandation au directeur de l’établissement, il a été convenu que M. Hall pouvait en appeler directement au commissaire sans devoir d’abord en appeler au SCR.

 

[35]           Ce droit d’appel donnait à M. Hall la possibilité d’obtenir un nouvel examen de son grief par le commissaire (Rose c Canada (Procureur général), 2011 CF 1495, au paragraphe 45; Riley c Canada (Procureur général), 2011 CF 1226, au paragraphe 21; Tyrrell c Canada (Procureur général), 2008 CF 42, aux paragraphes 37 et 38). Autrement dit, M. Hall avait droit à ce que son grief fasse l’objet d’un nouvel examen, et de présenter de nouveaux arguments et éléments de preuve qui n’avaient pas été soumis au directeur de l’établissement et au SCR (Tyrrell, précitée).

 

[36]           Malheureusement pour tous les intéressés, le commissaire n’a pas procédé à un nouvel examen ou à une évaluation nouvelle et indépendante du grief de M. Hall. S’il l’avait fait, je reconnais qu’il aurait raisonnablement pu rendre la même décision que le directeur de l’établissement et le SCR, à la lumière des éléments au dossier. Toutefois, il ne l’a pas fait. Je ne peux donc accorder une attention respectueuse à son évaluation, car il n’a effectué aucune évaluation indépendante (Alberta Teachers, précité, au paragraphe 52).

 

[37]           Si le commissaire avait au moins donné quelques indications utiles montrant qu’il avait procédé à sa propre évaluation indépendante de l’objet essentiel du grief de M. Hall, il n’aurait pas été difficile pour la Cour d’étayer ces motifs, d’après le dossier exhaustif dont elle disposait (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708, aux paragraphes 12 à 15). Or, il ne l’a pas fait.  

 

[38]           Il convient donc d’annuler la décision du commissaire et de lui renvoyer l’affaire pour qu’il procède à une nouvelle évaluation du grief de M. Hall et expose les motifs à l’appui de son évaluation (Alberta Teachers, précité, au paragraphe 55).

 

[39]           Il n’est pas nécessaire d’examiner les troisième et quatrième questions soulevées par le demandeur.

 

            B. La procédure de règlement du grief a‑t‑elle été inefficace en l’espèce, en raison de délais d’attente injustifiés?

[40]            M. Hall sollicite un jugement déclaratoire portant que la procédure de règlement du grief n’était pas équitable ni efficace en l’espèce, en raison de délais d’attente injustifiés. Je ne suis pas d’accord.

[41]           L’article 90 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition énonce ce qui suit :

Procédure de règlement

 

90. Est établie, conformément aux règlements d’application de l’alinéa 96u), une procédure de règlement juste et expéditif des griefs des délinquants sur des questions relevant du commissaire.

 

 

[42]           M. Hall souligne que le délai d’attente en l’espèce était particulièrement flagrant, parce que l’objet du grief, soit le fait qu’il demeurait dans un milieu plus restrictif, touchait directement à son droit à la liberté (May c Établissement Ferndale, [2005] 3 RCS 809, au paragraphe 76; Hutchison c Canada (Procureur général), 2010 ONSC 535, aux paragraphes 30 à 35).

 

[43]           M. Hall fait en outre remarquer que, conformément au paragraphe 80(3) du Règlement, le commissaire doit transmettre copie de sa décision motivée au délinquant qui a déposé un grief au troisième palier « aussitôt que possible après que le délinquant a interjeté appel ».

 

[44]           M. Hall a déposé son grief auprès du commissaire le 20 mars 2012. Le 23 avril 2012, après quelques négociations portant sur la question de savoir si M. Hall aurait la permission de passer outre à la procédure de grief au deuxième palier et d’en appeler directement au commissaire, le SCC a écrit à M. Hall pour lui faire savoir que son grief serait transmis au commissaire pour que celui‑ci rende une décision. Le commissaire a accusé réception du grief le 4 mai 2012 et déclaré qu’il serait traité conformément à la Directive du commissaire no 081 – Plaintes et griefs des délinquants (DC 081). Selon le paragraphe 18 de ce document, le commissaire doit rendre une décision relativement à un grief « non prioritaire » au troisième palier dans les 80 jours ouvrables suivant la réception du grief par le coordonnateur des griefs.  

 

[45]           Le 20 août 2012, l’analyste auquel le grief de M. Hall avait été assigné a écrit à M. Hall pour l’informer du fait que le délai estimé dans le cadre duquel il devait recevoir la réponse du commissaire ne serait pas respecté. Après avoir précisé qu’une [traduction] « enquête plus poussée serait nécessaire pour effectuer une analyse approfondie des questions soulevées dans [sa] présentation », l’analyste a précisé que la réponse serait probablement prête le 2 octobre 2012 au plus tard. En conclusion de sa lettre, il s’est excusé du délai d’attente.

 

[46]           Il semble que la décision du commissaire a finalement été rendue le 7 novembre 2012. Or, pour une raison ou une autre, elle n’a été transmise à M. Hall qu’aux environs du 4 décembre 2012.

 

[47]           Pour ce qui est de la question de savoir si M. Hall a été traité de façon équitable, au sens de l’article 90 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, le Règlement et la DC 081 donnent des directives éclairantes.

 

[48]           Comme il a été mentionné, le paragraphe 80(3) du Règlement prévoit que le commissaire transmette au délinquant copie de sa décision motivée « aussitôt que possible après que le délinquant a interjeté appel ». La DC 081 précise pour sa part que le délai est de 80 jours ouvrables, et poursuit ainsi :

 

20.  Si le directeur de l’établissement, le sous‑commissaire régional ou le directeur, Recours des délinquants, juge qu’un délai plus long est nécessaire pour traiter adéquatement une plainte ou un grief, le plaignant doit être informé, par écrit, des raisons de la prolongation du délai et de la date à laquelle la décision sera rendue.

 

 

 

[49]           En l’espèce, cette disposition a été invoquée et M. Hall a été informé des raisons pour lesquelles la décision relative à son grief serait retardée et de la date approximative à laquelle la décision serait rendue.

 

[50]           Dans les faits, il a fallu environ 25 jours ouvrables additionnels avant que la décision soit rendue, puis 19 autres jours avant qu’elle soit transmise à M. Hall. J’estime que ce délai d’environ 44 jours ouvrables est regrettable et qu’il appelle certainement une explication raisonnable, mais il n’a cependant pas rendu la procédure de règlement du grief au troisième palier inéquitable en l’espèce (Wilson c Canada (Procureur général), 2012 CF 57, au paragraphe 18; Ouellette c Canada (Procureur général), 2012 CF 801, au paragraphe 28).

 

[51]           Par conséquent, le jugement déclaratoire sollicité par M. Hall ne sera pas accordé.

 

VI.       Conclusion

 

[52]           Je souscris à l’affirmation de M. Hall selon laquelle le commissaire a commis une erreur en ne procédant pas à une nouvelle évaluation de sa demande de transfèrement dans un établissement à sécurité minimale et en formulant mal la question qu’il devait trancher.

 

[53]           La décision du commissaire sera donc annulée et l’affaire sera renvoyée au commissaire pour qu’il rende une nouvelle décision en conformité avec les présents motifs, comme il est demandé en l’espèce.

 

[54]           Toutefois, je ne souscris pas à l’affirmation de M. Hall selon laquelle la procédure de règlement du grief n’était ni équitable ni efficace en l’espèce en raison du délai d’environ 44 jours ouvrables qui s’est écoulé avant que la décision au troisième palier soit rendue et lui soit communiquée. Par conséquent, le jugement déclaratoire qu’il a sollicité à cet égard ne sera pas accordé.



JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie en partie, avec 75 % des dépens en faveur de M. Hall.

 

1.                            La décision que le commissaire a rendue relativement au grief au troisième palier déposé par M. Hall est annulée, et l’affaire est renvoyée au commissaire pour qu’il rende une nouvelle décision en conformité avec les présents motifs.

2.                            Le jugement déclaratoire sollicité par M. Hall ne sera pas accordé.

 

 

 

« Paul S. Crampton »

Juge en chef

 

 

Traduction certifiée conforme

Myra-Belle Béala De Guise

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-5-13

 

INTITULÉ :                                      GEORGE HALL c

                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 15 août 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT :
                            LE JUGE EN CHEF CRAMPTON

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 4 septembre 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Eric Purtzki

 

POUR LE DEMANDEUR

Megan F. Volk

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gratl Purtzki

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney
Sous‑procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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