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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20130731

Dossier : IMM-2763-12

Référence : 2013 CF 838

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 31 juillet 2013

En présence de monsieur le juge O'Keefe

 

 

ENTRE :

 

FAN WU

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

          MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit en l’espèce d’une demande présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), en vue du contrôle judiciaire de la décision datée du 28 février 2012 par laquelle un agent préposé aux cas de Citoyenneté et Immigration Canada (l’agent) a refusé la demande de résidence permanente de la demanderesse au titre de la catégorie de l’expérience canadienne.

 

[2]               La demanderesse sollicite l’annulation de la décision de l’agent et le renvoi de la demande à un autre agent pour qu’il rende une nouvelle décision.

 

Contexte

 

[3]               La demanderesse est citoyenne de la Chine. Elle est venue au Canada en tant qu’étudiante étrangère. Au moment de présenter sa demande, elle travaillait au Canada, munie d’un permis de travail postdiplôme.

 

Décision de l’agent

 

[4]               Dans une lettre datée du 28 février 2012, l’agent a informé la demanderesse que sa demande avait été rejetée au motif que les tâches mentionnées dans sa lettre de recommandation ne figuraient pas parmi les tâches énumérées sous le code CNP 1112 – Analystes de projets. L’agent n’était ainsi pas convaincu qu’elle avait 12 mois d’expérience de travail à temps plein dans une profession de la CNP associée à un type de compétence 0 ou à un niveau de compétence A ou B.

 

[5]               Dans ses notes, l’agent dit avoir également téléphoné à l’employeur de la demanderesse :

[traduction]

Selon la demande, la DP [la demanderesse] travaille comme analyste de projets (CNP 1112) pour Gestion d’actifs Scotia depuis le 1er août. Toutefois, le 28 février 2012, à 14 h, j’ai parlé à Farah Khan, qui a signé la lettre de recommandation de la DP. Elle a affirmé que la DP était chargée de tâches administratives et non de tâches d’analyse de projets. Bien qu’elle participe à la production de rapports, la DP ne fait pas de programmation ni de développement de projets. Ainsi, les tâches de la DP ne figurent pas parmi les tâches associées au code CNP 1112. Les tâches mentionnées dans la lettre de recommandation et les tâches énumérées sous la CNP 1112 ne concordent pas.

 

 

Questions en litige

 

[6]               La demanderesse soumet les questions suivantes :

            1.         L’agent a-t-il commis une erreur de droit en n’évaluant pas adéquatement l’expérience de la demanderesse telle qu’elle était liée à la profession envisagée au Canada et, de surcroît, a‑t‑il manqué aux principes d’équité procédurale en omettant de fournir à la demanderesse la pleine possibilité de fournir des éléments de preuve ou renseignements supplémentaires en réponse aux préoccupations de l’agent?

 

[7]               Je reformule les questions ainsi :

            1.         Quelle est la norme de contrôle applicable?

            2.         L’agent a‑t‑il manqué aux principes d’équité procédurale?

            3.         L’agent a‑t‑il commis une erreur en rejetant la demande?

 

Observations écrites de la demanderesse

 

[8]               La demanderesse fait valoir que le titre de profession correspondant au code 1112 dans la CNP est « Analystes financiers », et non « Analystes de projets ». Dans la lettre de recommandation, les responsabilités générales de la demanderesse sont énoncées, mais il est d’abord précisé que l’emploi ne se limite pas seulement à l’accomplissement des tâches énumérées.

 

[9]               La demanderesse convient qu’il lui incombait de fournir une demande bien documentée, mais elle soutient que l’agent avait l’obligation de lui donner l’occasion de fournir une réponse à ses préoccupations. Certains renseignements n’ont pas été communiqués à la demanderesse en ce qui concerne ce sur quoi était fondée la décision.

 

Observations écrites du défendeur

 

[10]           Selon le défendeur, le fait que le mauvais titre de profession a été mentionné n’est pas déterminant, car c’est le bon code de la CNP qui a été utilisé, et car cela n’affecte en rien l’évaluation qu’a faite l’agent de la demande. Les tâches énumérées sous la CNP 1112 ne concordent pas avec les tâches énumérées dans la lettre de recommandation, lesquelles étaient de nature administrative. L’employeur de la demanderesse l’a confirmé. L’agent n’a pas l’obligation de fournir la liste des lacunes d’une demande. La demanderesse avait la responsabilité de présenter sa demande du mieux qu’elle pouvait. Il lui incombait de le faire, et la décision de l’agent était de nature discrétionnaire. L’agent n’était pas préoccupé par un manque d’information, mais bien par la nature des tâches accomplies. La norme de contrôle est celle de la raisonnabilité.

 

Analyse et décision

 

[11]           Première question en litige

            Quelle est la norme de contrôle applicable?

            Lorsque la jurisprudence a déterminé la norme de contrôle applicable à une question donnée, la cour de révision peut adopter cette norme (voir Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 57, [2008] 1 RCS 190).

   

[12]           Il est de jurisprudence constante qu’un manquement à l’équité procédurale est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte (voir Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 798, au paragraphe 13, [2008] ACF no 995, et Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 43). Il n’y a pas lieu de faire preuve de déférence à l’égard des décideurs quant à cette question (voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 50).

 

[13]           Deuxième question en litige

      L’agent a‑t‑il manqué aux principes d’équité procédurale?

            Le défendeur a raison lorsqu’il affirme que, dans le cadre d’une demande de visa, il incombe au demandeur de présenter une demande bien documentée. Le défendeur a également raison lorsqu’il dit qu’une demande est généralement présentée en une seule fois par le demandeur, et non au fil d’échanges entre l’agent et le demandeur (voir Thandal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 489, au paragraphe 9, [2008] ACF no 623). L’obligation d’équité qui incombe à l’agent des visas se situe à l’extrémité inférieure du registre (voir Talpur c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 25, au paragraphe 21, [2012] ACF no 22).

 

[14]      La présente affaire, toutefois, diffère de celles mentionnées par le défendeur eu égard à l’omission alléguée de l’agent de permettre au demandeur de répondre aux préoccupations formulées concernant sa demande. De fait, en l’espèce, l’agent s’est penché sur des renseignements ne figurant pas dans les observations de la demanderesse. L’agent s’est entretenu avec l’employeur de la demanderesse.

 

[15]      Si un agent s’appuie sur des éléments de preuve qui n’ont pas été portés à l’attention du demandeur, il devrait donner l’occasion à ce dernier de dissiper les doutes découlant de cette preuve (voir Xie c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1239, au paragraphe 20, [2012] ACF no 1367). Ni l’existence ni la teneur de l’appel n’ont été dévoilées à la demanderesse. De fait, la lettre de l’agent est trompeuse, car elle n’en fait pas mention, ce qui a donné à la demanderesse l’impression que sa demande avait été examinée seulement à la lumière du dossier soumis. Ce n’est qu’au dépôt du dossier certifié du tribunal que la demanderesse a su que l’agent avait fait un appel téléphonique et qu’il s’était fondé sur celui‑ci pour rendre sa décision.

 

[16]      Le demandeur doit décider s’il entamera l’onéreuse démarche de demande de contrôle judiciaire avant même d’avoir pris connaissance du dossier certifié du tribunal, c’est pourquoi les agents des visas devraient selon moi faire preuve de transparence auprès du demandeur eu égard aux motifs de rejet de sa demande.

 

[17]      Voilà le parfait exemple de manquement à l’obligation d’équité. Il est inutile de trancher la troisième question. La demande de contrôle judiciaire est accueillie, et l’affaire sera renvoyée à Citoyenneté et Immigration Canada pour qu’une nouvelle décision soit rendue.

 

[18]           Aucune des parties ne souhaitait demander la certification d’une question grave de portée générale.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que l’affaire soit renvoyée à un autre agent pour qu’il rende une nouvelle décision.

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Geneviève Tremblay, trad.a.

 


ANNEXE

 

Dispositions législatives pertinentes

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

 

72. (1) Le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure — décision, ordonnance, question ou affaire — prise dans le cadre de la présente loi est subordonné au dépôt d’une demande d’autorisation.

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

72. (1) Judicial review by the Federal Court with respect to any matter — a decision, determination or order made, a measure taken or a question raised — under this Act is commenced by making an application for leave to the Court.

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2763-12

 

INTITULÉ :                                      FAN WU

 

                                                            - et -

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 7 février 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            Le juge O’Keefe

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 31 juillet 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Robert Israel Blanshay

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Sally Thomas

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Blanshay & Lewis

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

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