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Date : 20130816

Dossier : IMM-10951-12

Référence : 2013 CF 877

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Montréal (Québec), le 16 août 2013

En présence de madame la juge Gagné

 

 

ENTRE :

 

ARIFUR RAHMAN

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a rejeté la demande de résidence permanente de M. Arifur Rahman au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada, aux termes de l’article 124 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le Règlement], jugeant qu’il était un étranger décrit au paragraphe 4(1), dans sa version modifiée. Après avoir examiné la preuve au dossier, l’agente d’immigration [l’agente] a conclu que le mariage du demandeur avec sa répondante, Mme Kamrun, était [traduction] « une relation de convenance » et visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi].

 

[2]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de cette décision, faisant valoir que l’agente a commis une erreur révisable en s’attardant aux légères contradictions relevées dans certaines questions et réponses d’entrevue, et en ne tenant pas compte du témoignage et de la preuve documentaire, qui étaient plus favorables dans la présente espèce.

 

Contexte

[3]               Le demandeur est un citoyen du Bangladesh âgé de quarante‑neuf ans. Le 31 janvier 2008, il a quitté son pays d’origine et a présenté une demande d’asile au Canada. Il a laissé derrière lui ses deux enfants mineurs, dont la mère est morte en 2000.

[4]               Le 30 mai 2012, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande d’asile du demandeur. La demande d’autorisation de contrôle judiciaire de cette décision a été rejetée par la Cour en juin 2012.

 

[5]               Le 8 janvier 2010, le demandeur a épousé Mme Kamrun, une femme de vingt‑neuf ans qui est une ressortissante du Bangladesh et une citoyenne du Canada. Le demandeur affirme l’avoir rencontrée pour la première fois le 8 février 2008, au YMCA de Montréal, et qu’au cours des mois qui ont suivi, leur relation s’est graduellement transformée et ils se sont liés romantiquement.

 

[6]               Il s’agissait du second mariage de Mme Kamrun. Son premier mariage, qui était arrangé, a eu lieu le 21 février 2004. Le 31 août 2004, elle a parrainé la demande de résidence permanente au Canada de son premier mari, avec qui elle a vécu jusqu’en août 2007. Aucun enfant n’est né de ce mariage, et le couple a divorcé le 17 juin 2009.

 

[7]               Le 19 août 2010, le demandeur a présenté une demande de résidence permanente au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada. La demande était parrainée par sa nouvelle épouse.

 

[8]               Le demandeur et son épouse ont été interrogés par l’agente le 30 août 2012 et le 26 septembre 2012, respectivement. Le 12 octobre 2012, l’agente a rejeté la demande du demandeur, n’étant pas convaincue que son couple était authentique. En outre, la preuve établissait que, selon la balance des probabilités, le mariage du demandeur et de sa répondante visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la Loi.

 

Décision faisant l’objet du contrôle

[9]               L’agente a relevé un certain nombre d’incohérences dans les réponses fournies par le demandeur et la répondante lors des entrevues, ainsi que d’autres incohérences dans la preuve déposée à l’appui de la demande, d’où ses doutes concernant l’authenticité de la relation. Dans sa décision, l’agente mentionne notamment les éléments suivants :

         Cérémonie et réception du mariage : Le demandeur et son épouse ont tous deux affirmé s’être mariés au palais de justice de Montréal, mais ils n’ont pas fourni les mêmes détails quant à la réception qui a suivi. De plus, l’agente a conclu qu’aucun élément de preuve documentaire ni aucune photographie n’avait été présenté pour étayer l’allégation du couple selon laquelle une cérémonie religieuse avait été célébrée dans une mosquée après le mariage;

 

         Le peu d’intérêt témoigné à l’égard de cet événement important : Le demandeur a affirmé qu’il n’y avait pas eu de cérémonie le jour du mariage, parce que c’était un jour de semaine et que tous deux devaient retourner au travail. L’épouse du demandeur ne se rappelait pas le jour de la semaine auquel la cérémonie avait eu lieu. En outre, rien ne prouve que les photographies prises au restaurant où le demandeur et son épouse affirment avoir célébré leur mariage ont bel et bien été prises lors d’une réception de mariage;

         L’absence de la famille de la répondante à la cérémonie du mariage : Après examen des photographies du mariage, l’agente a fait remarquer qu’aucun membre de la famille de la répondante n’était présent au mariage. La répondante a affirmé que sa mère était présente (bien qu’elle n’apparaisse pas sur les photographies), mais que son père n’avait pas assisté à la cérémonie, parce qu’il devait travailler;

         Les bagues de fiançailles et les alliances : L’agente a conclu que les bagues que portaient le demandeur et son épouse n’étaient pas véritablement des alliances. De plus, ni le demandeur ni sa répondante n’arrivaient à se rappeler le nom de la bijouterie où ils avaient acheté les bagues;

         La divergence des projets d’avenir : L’agente a conclu que le couple n’avait pas de projets d’avenir communs;

         Le manque de communication concernant le statut d’immigrant du demandeur : Le demandeur a affirmé que sa femme était au courant du fait qu’il était visé par une mesure de renvoi, et qu’elle le suivrait au Bangladesh si sa demande de résidence permanente était rejetée. Questionnée à ce sujet en entrevue, la répondante a spontanément répondu qu’elle ne rentrerait pas au Bangladesh si une telle situation devait se produire. Le demandeur, prié de s’expliquer, a affirmé qu’il n’avait en fait pas encore discuté de la question avec son épouse. L’agente a conclu que cela démontrait qu’il y avait un manque de communication entre les époux sur une question cruciale susceptible d’avoir une incidence sur leur relation. L’agente a affirmé qu’elle doutait fortement que la relation survive au rejet de la demande de résidence permanente et au retour du demandeur dans son pays d’origine;

         Les circonstances de la première rencontre : Le demandeur a affirmé qu’il avait rencontré sa répondante dans l’ascenseur du YMCA, qu’il avait entamé la conversation, qu’elle lui avait donné son numéro de téléphone, qu’elle l’avait ensuite appelé et qu’ils s’étaient revus deux ou trois jours plus tard. Dans sa demande, le demandeur dit avoir fait la rencontre de celle qui deviendrait son épouse lorsque cette dernière étudiait au YMCA près de chez lui, qu’il avait entamé la conversation et qu’elle l’avait appelé trois jours plus tard. Or, la répondante a pour sa part affirmé qu’ils avaient échangé leurs numéros de téléphone et que le demandeur l’avait appelée le soir même pour l’inviter à souper au restaurant;

         La question de savoir si la relation entre le demandeur et son épouse était connue de leur famille et de leurs amis respectifs : Le demandeur a affirmé qu’il avait informé ses parents de sa relation avec la répondante seulement après qu’ils ont eu convenu de se marier. La répondante a expliqué que ses parents ne savaient pas qu’elle fréquentait le demandeur et que c’est pourquoi le demandeur ne se souvenait pas du nom de la rue où ses parents habitaient. L’agente a noté que le demandeur avait fourni une liste d’amis sans préciser quelle était la nature de la relation ou du lien avec lui ou son épouse. L’agente a également souligné qu’aucune des photographies où le couple figurait avec des amis ou des membres de la famille ne permettait de penser qu’il était bel et bien considéré comme un couple aux yeux de la société;

 

         La période de cohabitation : Le demandeur a affirmé que le couple avait emménagé ensemble en février ou en mars 2010, et qu’ils avaient vécu dans sa belle‑famille immédiatement après le mariage. Par ailleurs, dans sa demande, il affirme avoir commencé à habiter avec son épouse le 8 janvier 2010, soit le jour de la cérémonie du mariage. La répondante a quant à elle affirmé qu’ils avaient emménagé ensemble deux jours après la cérémonie du mariage. Confronté à cette contradiction, le demandeur a expliqué que pendant les mois qui avaient suivi le mariage, il avait continué à vivre avec son colocataire et que son épouse, elle, vivait chez ses parents. Ils ont tous deux confirmé avoir emménagé ensemble seulement en février 2010. Cela dit, à la lumière du bail déposé au dossier, ils ont pris possession de leur appartement le 1er mars 2010 seulement, pour une période de douze mois. L’agente a conclu que le fait que le demandeur et son épouse n’avaient pas loué de logement avant leur mariage, en dépit du fait qu’ils se fréquentaient depuis deux ans à ce moment‑là, montre que leur relation n’était pas très sérieuse;

 

         Le moment et l’endroit où a eu lieu la demande en mariage : Le demandeur a affirmé avoir fait sa demande en mariage dans un restaurant en 2009, mais il ne rappelle pas lequel. Quant à la répondante, elle ne se souvenait pas de la date, ni du lieu, ni des circonstances de la demande en mariage.

 

[10]           Lorsqu’elle a confronté le couple au sujet des incohérences qu’elle avait relevées dans ses réponses, l’agente n’a pas reçu d’explications qu’elle jugeait satisfaisantes. Selon elle, les réponses aux questions d’entrevue des deux époux visaient tout simplement à combler les lacunes de leur première déclaration respective.

 

[11]           En conséquence, l’agente a conclu que le demandeur était un  étranger décrit au paragraphe 4(1) du Règlement, et elle a rejeté la demande de résidence permanente.

Question en litige et norme de contrôle

[12]           La seule question soulevée par le demandeur dans ses observations écrites est celle de savoir si, à la lumière de la preuve au dossier, il était raisonnable de la part de l’agente de conclure que le demandeur n’avait pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que son mariage avec la répondante était authentique et qu’il ne visait pas principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la Loi.

 

[13]           Les parties conviennent que la question de savoir si une relation est authentique ou si elle vise l’acquisition d’un statut sous le régime de la Loi est essentiellement une question de fait susceptible de contrôle selon la norme de la raisonnabilité (Keo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1456, au paragraphe 8 [Keo]; Amayeanvbo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 621, au paragraphe 26; Zheng c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 432, au paragraphe 18; Kaur c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 417, au paragraphe 14).

[14]           Ce type de décision devrait généralement être faite par l’agent d’immigration, au même titre que l’évaluation de la crédibilité et que l’appréciation de la preuve. Par conséquent, la Cour ne peut intervenir que si la décision de l’agente repose sur des conclusions de fait erronées qu’elle a tirées de manière abusive ou arbitraire, ou si elle a rendu sa décision sans tenir compte des éléments dont elle disposait (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c Tirer, 2010 CF 414, aux paragraphes 10 et 11 [Tirer]; Singh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2012 CF 23, aux paragraphes 16 et 17 [Singh]).

Analyse

[15]           Le demandeur fait valoir que l’agente a commis une erreur révisable en s’attardant aux légères contradictions relevées dans certaines questions et réponses d’entrevue, et en ne tenant pas compte du témoignage et de la preuve documentaire, qui étaient plus favorables dans la présente espèce. Cet argument ne tient pas la route, principalement pour deux raisons.

 

[16]           Premièrement, dans sa décision, l’agente a eu raison de tenir compte des incohérences et des lacunes qu’elle a relevées dans la preuve. Le rôle de l’agente en l’espèce était d’examiner et de commenter la preuve qui lui avait été présentée pour déterminer si, selon la prépondérance des probabilités, la relation du couple était authentique. Pour ce faire, elle devait tenir raisonnablement compte des facteurs positifs et des facteurs négatifs liés à la demande. L’agente devait ensuite communiquer les motifs de sa décision au demandeur, c’est‑à‑dire non pas expliquer pourquoi elle était arrivée à une quelconque conclusion, mais plutôt donner les motifs justifiant sa décision eu égard à la demande du demandeur. Dans ses observations, le demandeur affirme que l’agente n’a pas tenu compte de la preuve documentaire abondante qui établissait l’authenticité du mariage. Or, le demandeur ne dit pas quel élément de preuve contredit ou met sérieusement en doute l’une ou l’autre des conclusions négatives de l’agente eu égard à sa demande.

 

[17]           Bien que le demandeur eût peut‑être préféré que l’agente tienne seulement compte des éléments de preuve qui, selon le demandeur, étaient favorables à sa demande, là n’est pas le rôle attendu du décideur en l’espèce (voir la décision Tirer, précitée, aux paragraphes 12 à 14). Ainsi, même si certains éléments de preuve donnaient à penser que la relation était authentique, les arguments du demandeur reviennent ni plus ni moins à demander à la Cour de réévaluer les éléments positifs et négatifs de sa demande afin de substituer son opinion à celle du décideur. Là n’est pas l’objectif du contrôle judiciaire. Eu égard à l’authenticité de la relation, le décideur ne peut être blâmé pour avoir tenu compte d’éléments de preuve relatifs à certains critères plutôt que d’autres éléments de preuve, pourvu que tant les facteurs négatifs que les facteurs positifs soient raisonnablement pris en considération (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Pierre, 2012 CF 1169, au paragraphe 26; Gangurean c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 286, au paragraphe 11).

 

[18]           Deuxièmement, les conclusions de l’agente sont raisonnables et sont entièrement étayées de la preuve au dossier. Même si certains des motifs de la décision sont moins pertinents ou convaincants que d’autres eu égard à la crédibilité du couple, peu d’éléments du dossier, en général, permettent de penser que la décision rendue reposait sur des conclusions de fait erronées qui ont été tirées de manière abusive ou arbitraire ou sans tenir compte de la preuve présentée.

 

[19]           L’agente a tiré les conclusions de fait suivantes : il n’y avait pas d’éléments de preuve corroborants concernant la cérémonie religieuse qui, aux dires du couple, aurait suivi la cérémonie civile; les membres de la famille de la répondante (dont son père) n’étaient pas présents à la cérémonie du mariage; le couple a fourni des témoignages contradictoires concernant les circonstances qui ont mené au mariage et les circonstances du mariage lui‑même; aucun élément de preuve n’établissait que le demandeur et son épouse formaient un couple aux yeux de leur famille et de leurs amis; il y avait eu un manque de communication concernant des questions importantes dans la relation, comme le statut du demandeur au Canada et les projets d’avenir communs. En raison de ces éléments et d’autres incohérences ressortent des renseignements fournis par le demandeur et son épouse lors de leur entrevue respective, l’agente a rejeté la demande.

 

[20]           Pour sa part, le demandeur fait valoir qu’il était déraisonnable de la part de l’agente de s’attendre à ce que lui et son épouse se souviennent de la date, du lieu et des circonstances de leur première rencontre, de la demande en mariage et du jour de la semaine où le mariage avait eu lieu, étant donné que ces événements remontaient à plus de deux ans avant les entrevues avec l’agente. Le demandeur soutient également qu’il était déraisonnable de s’attendre à ce que le couple loue un logement avant le mariage. En outre, il affirme qu’il était déraisonnable de la part de l’agente de s’appuyer sur les coutumes occidentales pour conclure que les bagues n’étaient pas des alliances traditionnelles, sans d’abord tenir compte de la possibilité que les coutumes du Bangladesh soient différentes des coutumes occidentales à cet égard. Le demandeur conteste également les conclusions de l’agente concernant le fait que Mme Kamrun n’était pas au courant que le demandeur faisait l’objet d’une mesure de renvoi. La répondante fait valoir qu’elle savait que la demande d’asile avait été refusée, mais qu’on ne pouvait raisonnablement s’attendre à ce qu’elle sache également que la mesure de renvoi pourrait devenir exécutoire à la fin du processus de demande d’asile. Le demandeur soutient qu’il s’agit d’un détail technique dont Mme Karum n’avait pas été informée.

[21]           La Cour devrait hésiter à transposer les décisions rendues dans d’autres affaires, étant donné que l’évaluation de l’authenticité d’une relation est un exercice reposant fortement sur les faits. Lorsqu’un agent d’immigration met en doute certaines questions soumises au demandeur et à son répondant, la question à trancher est celle de savoir si les incohérences relevées dans la preuve sont suffisamment importantes pour que l’agent conclue à un manque d’authenticité en se fondant seulement sur ces incohérences (voir la décision Singh, précitée, au paragraphe 24, et la décision Keo, précitée, au paragraphe 24).

 

[22]           La section 5.20 du guide IP 8 – Catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada d’Immigration et Citoyenneté Canada établit des critères afin de guider l’agent d’immigration devant évaluer l’authenticité d’une relation. L’agent d’immigration doit déterminer s’il existe un degré important d’attachement, tant physique qu’affectif; une relation exclusive; un engagement mutuel et permanent à l’égard d’une vie commune; une interdépendance affective et financière. En particulier, aux fins de l’analyse relative au paragraphe 4(1) du Règlement, l’agent d’immigration doit également tenir compte du guide OP 2 – Traitement des demandes présentées par des membres de la catégorie du regroupement familial (Guide OP 2), qui énonce certains facteurs qui devraient être pris en considération pour déterminer s’il existe une relation de convenance.

 

[23]           La section 12.1 du Guide OP 2 énonce des points et questions dont devrait tenir compte l’agent d’immigration, soit :

         Les circonstances et la durée de la fréquentation.

         Le mariage proprement dit (lieu de la célébration, genre de mariage, présence d’invités).

         La cérémonie du mariage était‑elle conforme aux croyances et à la culture des conjoints?

         Y a‑t‑il des preuves que les conjoints ont vécu ensemble?

 

[24]           Par ailleurs, certains facteurs ou certaines questions dont l’agent d’immigration devrait tenir compte au moment d’évaluer une union de fait sont énoncés à la section 12.2 du Guide OP 2 :

         Comment les personnes se sont-elles rencontrées et quelles sont les circonstances qui les ont amenées à vouloir vivre ensemble?

         La période pendant laquelle les deux personnes se connaissaient avant de former une union de fait.

         La preuve selon laquelle le couple a vécu ensemble pendant au moins un an est-elle convaincante? Est-elle suffisante?

         Les parties ont-elles combiné leurs affaires d’une façon jugée raisonnable dans le cas d’un couple vivant une relation conjugale (par rapport à ce qui serait attendu de « colocataires »)?

         Le couple fait-il preuve du niveau d’interdépendance attendu de personnes vivant dans une relation conjugale?

         Y a-t-il des preuves que les personnes ont établi leur propre ménage et vivent séparément de leur famille dans une relation conjugale (plutôt que dans une relation de fratrie), même s’ils vivent au même endroit que d’autres membres de leur famille? Dans certains cas, l’analyse de l’ADN peut être nécessaire pour s’assurer que les demandeurs ne sont pas liés par le sang.

[25]           Il existe aussi une jurisprudence abondante sur la question de l’évaluation de l’authenticité d’une relation par un agent d’immigration. Par exemple, dans la décision Keo, précitée, aux paragraphes 23 à 26, le juge Martineau affirme que toutes les circonstances relatives au mariage devraient être prises en considération par l’agent ou le tribunal, qui est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve qui lui a été présentée, et qui ne devrait pas être critiqué pour avoir été pointilleux dans son évaluation.

 

[26]           Je conviens que les motifs de l’agente ne sont pas parfaits. Il ressort de la preuve plusieurs facteurs positifs, mais aussi d’autres facteurs négatifs pertinents qui auraient également pu être pris en considération dans l’évaluation de la demande. Cela dit, les conclusions sur lesquelles la décision repose sont raisonnables, et les facteurs pris en considération, tels que les circonstances exactes de la première rencontre, la demande en mariage et la cérémonie du mariage, l’existence du mariage aux yeux de la famille et des amis respectifs, ainsi que le fait que le couple n’avait pas planifié la cohabitation avant le mariage, font partie de ceux figurant dans la jurisprudence et dans les guides opérationnels de Citoyenneté et Immigration Canada. Globalement, et à la lumière de la preuve et des motifs détaillés de l’agente, je suis convaincue que la décision contestée appartient aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

 

[27]           Il incombe au demandeur de fournir une preuve suffisante pour convaincre le décideur que sa relation est authentique et qu’il n’est pas visé par le paragraphe 4(1) du Règlement (Nguyen c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 587, au paragraphe 19). Le demandeur n’a pas fourni à l’agente quelque affirmation ou élément de preuve établissant que les alliances choisies respectaient les coutumes du Bangladesh. Même si cet argument pourrait être considéré comme convaincant dans d’autres circonstances, il n’est pas suffisant en l’espèce pour mettre en doute la raisonnabilité de la décision de l’agente dans son ensemble.

 

[28]           Enfin, je conviens que, pour l’évaluation de l’authenticité de la relation du couple, il n’était pas suffisant en soi de dire que la répondante ignorait l’existence de la mesure de renvoi et qu’elle n’était pas au courant de la procédure suivie avant qu’une mesure de renvoi devienne exécutoire. Par contre, le fait que les époux n’avaient pas encore discuté de la possibilité que le demandeur soit renvoyé du Canada et qu’ils n’avaient pas convenu de ce qu’ils feraient si une telle situation devait se produire était une considération pertinente et raisonnable aux fins de l’évaluation de la demande.

 

[29]           Compte tenu de ce qui précède, la demande de contrôle judiciaire de M. Rahman est rejetée. Aucune question de portée générale n’est proposée par le conseil ni ne se pose.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.         Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

 

 

 

 

 

« Jocelyne Gagné »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Geneviève Tremblay, trad.a.


Annexe

 

Dispositions législatives pertinentes

Le paragraphe 4(1) et l’article 124 du Règlement sont ainsi libellés :

 (1) Pour l’application du présent règlement, l’étranger n’est pas considéré comme étant l’époux, le conjoint de fait ou le partenaire conjugal d’une personne si le mariage ou la relation des conjoints de fait ou des partenaires conjugaux, selon le cas :

a) visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la Loi;

b) n’est pas authentique.

 Fait partie de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada l’étranger qui remplit les conditions suivantes :

a) il est l’époux ou le conjoint de fait d’un répondant et vit avec ce répondant au Canada;


b
) il détient le statut de résident temporaire au Canada;

c) une demande de parrainage a été déposée à son égard.

 

 (1) For the purposes of these Regulations, a foreign national shall not be considered a spouse, a common-law partner or a conjugal partner of a person if the marriage, common-law partnership or conjugal partnership


(awas entered into primarily for the purpose of acquiring any status or privilege under the Act; or

(bis not genuine.

 A foreign national is a member of the spouse or common-law partner in Canada class if they


(aare the spouse or common-law partner of a sponsor and cohabit with that sponsor in Canada;

(b) have temporary resident status in Canada; and

(c) are the subject of a sponsorship application.

                                                                                                [Non souligné dans l’original]


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-10951-12

 

INTITULÉ :                                      ARIFUR RAHMAN ET MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 10 juillet 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            La juge Gagné

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 16 août 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Claude Whalen

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Yaël Levy

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Claude Whalen

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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