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Date : 20130827

Dossier : T-1231-12

Référence : 2013 CF 904

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 27 août 2013

En présence de monsieur le juge Annis

 

 

Entre :

 

MICHAEL ANTHONY SYLVESTER

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur sollicite l’annulation de la décision par laquelle Transports Canada, le 7 juin 2012, a refusé de lui accorder l’habilitation de sécurité en matière de transport qui lui aurait permis de travailler à l'Aéroport international Billy Bishop de Toronto.

Programme d'habilitation de sécurité en matière de transport

Transportation Security Clearance Program

Redressement
II.45

Lorsqu'une habilitation est révoquée ou qu'une demande d'habilitation est refusée une demande d'examen peut être adressée à la Cour fédérale du Canada, Division de première instance, dans les trente (30) jours suivant la réception de l'avis de révocation ou de refus en supposant que la personne visée ne soit pas décrite dans l'alinéa (a).

Redress
II.45

When a security clearance is cancelled or an application for a security clearance is refused an application for review may be directed to the Federal Court of Canada - Trial Division within thirty (30) days of the receipt of the notice of cancellation or refusal.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

Les faits

[3]               En application de la Loi sur l'aéronautique, LRC 1985, ch A-2, le Ministre des Transports est responsable de l'élaboration de politiques et de règlements afin d'assurer la sûreté du réseau d'aviation du Canada. Le programme de sûreté aérienne actuelle de ce ministère comprend le Programme national de sûreté de l'aviation civile [PNSAC], qui établit les efforts de Transports Canada et d'autres organismes visant à prévenir les actes d'intervention illicite et à assurer la sûreté du transport aérien. L'un des éléments du PNSAC est le Programme d'habilitation de sécurité en matière de transport [PHST]. Ce programme interdit l'accès aux zones réglementées des aéroports énumérés aux personnes dont le Ministre a des raisons de croire, selon la prépondérance des probabilités, quelles peuvent être sujettes ou poussées à commettre un acte d'interventions illicites visant l'aviation civile. L'article 4.8 de la Loi sur l'aéronautique autorise le Ministre à accorder ou à refuser d'accorder une habilitation de sécurité en matière de transport afin d'obtenir l'accès à de telles zones.

 

[4]               M. Sylvester a présenté une demande d'habilitation de sécurité en matière de transport le 5 mai 2011 afin de pouvoir travailler comme préposé d'aire de trafic pour Porter Airlines. Des agents du Programme de contrôle de sûreté [PCS] du PHST ont demandé une vérification des casiers judiciaires à la GRC. En janvier 2012, la GRC a répondu par un rapport écrit dans lequel il était déclaré que le 22 septembre 1999, M. Sylvester avait fait l'objet de trois chefs d'accusation de vol après avoir communiqué avec un policier banalisé pour lui vendre ce qu'il avait décrit comme étant des vêtements volés. Une deuxième personne avait fourni d'autres articles de vêtements le 23 août 1999 et avait précisé qu’un certain « Mike Sylvester » les avait volés avec lui alors qu'ils travaillaient tous deux comme préposés d'aire de trafic pour Canadian Airlines. Le demandeur a rencontré le policier banalisé le 25 août 1999 et a reçu le paiement pour le deuxième lot d'articles. Le rapport précise aussi que le 30 août 1999, M. Sylvester avait prévu de rencontrer le policier banalisé afin de lui vendre un PlayStation de Sony et plusieurs boîtes de vernis à ongles, et qu'une enquête avait révélé que ces articles avaient été volés de Canadian Airlines par le demandeur et une autre personne alors que le demandeur travaillait pour cette compagnie à titre de préposé d'aire de trafic.

 

[5]               Le rapport de la GRC notait que les renseignements avaient été validés par les organismes respectifs et pouvaient être divulgués au demandeur, si Transports Canada l'estimait nécessaire.

 

[6]               Les chefs d'accusation de vol ont été retirés pour des raisons inconnues le 17 avril 2002.

 

[7]               Le 13 mars 2012, la chef du PCS a écrit à M. Sylvester pour l'aviser que le PCS avait reçu des renseignements qui soulevaient des préoccupations au sujet de sa capacité de maintenir une habilitation de sécurité en matière de transport et que sa demande serait par conséquent renvoyée au comité consultatif. Elle a décrit les allégations qui se trouvaient dans le rapport de la GRC et elle l'a encouragé à fournir des renseignements supplémentaires au sujet des incidents, y compris les circonstances entourant la situation ou des circonstances atténuantes, et à communiquer avec le PCS s'il avait des questions au sujet de son habilitation. M. Sylvester a répondu dans une lettre, soutenant qu'il n'était pas impliqué dans les vols de 1999, et il a fourni une transcription du tribunal montrant que les chefs d'accusation avaient été retirés en raison de préoccupations quant à la crédibilité de l'un des témoins.

 

[8]               Le 9 mai 2012, le comité consultatif s'est réuni et a examiné la demande de M. Sylvester. Il a conclu que le rapport policier était une preuve forte et crédible de la participation de M. Sylvester aux vols de 1999 et que cela donnait à penser qu'il pourrait être sujet à commettre un acte d'intervention illicite visant l'aviation civile. Le comité a conclu que son explication écrite et les documents à l'appui qu'il avait présentés ne constituaient que de simples démentis et ne fournissaient pas suffisamment de renseignements pour justifier que le comité recommande au Ministre de lui accorder l'habilitation de sécurité. Un délégué ministériel a écrit à M. Sylvester le 7 juin 2012 pour l'aviser que sa demande avait été rejetée.

 

La norme de contrôle applicable et l'obligation d'équité

[9]               Le demandeur se représentait lui-même et il n'a pas présenté de mémoire des faits et du droit. Néanmoins, le défendeur a bien décrit la norme de contrôle et le contenu de l'obligation d'équité dans son mémoire, qui a été complété par les explications de la Cour pendant l'audience.

 

[10]           La norme de contrôle au sujet du pouvoir discrétionnaire du Ministre sur des questions de fait en application de l'article 4.8 de la Loi sur l'aéronautique est la raisonnabilité. Cela comprend la participation du comité consultatif chargé de faire des recommandations quant à l'habilitation de sécurité. Voir Clue c Canada (PG), 2011 CF 323 [Clue], au paragraphe 14; Russo c Canada (Ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités), 2011 CF 764, au paragraphe 20; et Fradette c Canada (PG), 2010 CF 884, au paragraphe 17.

 

[11]           La norme de contrôle de la décision correcte s'applique aux questions d'équité procédurale (voir Clue). La Cour a déjà statué dans des décisions antérieures que le niveau d'équité pour les cas portant sur le refus ou la révocation d'une habilitation de sécurité doit être limité au droit de connaître les faits qui sont allégués contre le demandeur et le droit de présenter des observations au sujet de ces faits, sans qu'il n'y ait de garantie de droit à une audience. Voir Pouliot c Canada, 2012 CF 347, au paragraphe 10, citant Rivet c Canada, 2007 CF 1175, au paragraphe 25.

 

[12]           À l'audience, le demandeur a déclaré qu'il ne savait pas qu'il devait fournir des réponses plus détaillées à la lettre du 13 mars 2012. J'ai de la difficulté à accepter cette observation dans la mesure où la lettre demandait spécifiquement des renseignements supplémentaires au sujet des nombreux détails de l'incident qui y étaient détaillés, y compris les circonstances de la situation ou des circonstances atténuantes. De plus, pendant les observations orales, rien ne donnait à penser que le demandeur pouvait présenter des renseignements supplémentaires d'importance dans sa réponse à la lettre, autre que le fait qu'il ne savait rien au sujet de la situation, parce qu'il n'avait pas été impliqué dans les incidents en question.

 

[13]           Je conclus que le demandeur a été traité conformément à la norme d'équité applicable au processus de décision par lequel son habilitation de sécurité a été refusée.

 

La question de la raisonnabilité

 

[14]           Le demandeur soutient que la décision n'était pas raisonnable dans la mesure où il n'a pas été condamné et que les accusations criminelles n'ont pas été poursuivies en raison de préoccupations quant à la crédibilité dans la cause de la Couronne.

 

[15]           La décision a été rendue conformément à l'article 4.8 de la Loi sur l'aéronautique, qui accorde un grand pouvoir discrétionnaire au Ministre :

 

 Le ministre peut, pour l'application de la présente loi, accorder, refuser, suspendre ou annuler une habilitation de sécurité.

 The Minister may, for the purposes of this Act, grant or refuse to grant a security clearance to any person or suspend or cancel a security clearance.

 

 

[16]           La politique du PHST précise les facteurs dont le Ministre peut tenir compte pour rejeter une habilitation de sécurité, y compris la preuve en l'espèce, lorsqu'il exerce son pouvoir discrétionnaire au sens du paragraphe 1.4 de la politique du PHST :

 

Objectif
I.4

L'objectif de ce programme est de prévenir l'entrée non contrôlée dans les zones réglementées d'un aéroport énuméré dans le cas de toute personne :

[. . .]

4. qui, selon le ministre et les probabilités, est sujette ou peut être incitée à :

 

    • commettre un acte d'intervention illicite pour l'aviation civile; ou
    • aider ou à inciter toute autre personne à commettre un acte d'intervention illicite pour l'aviation civile.

[. . .]

Objective
I.4

The objective of this Program is to prevent the uncontrolled entry into a restricted area of a listed airport by any individual who

 

[. . .]

4. the Minister reasonably believes, on a balance of probabilities, may be prone or induced to

    • commit an act that may unlawfully interfere with civil aviation; or
    • assist or abet any person to commit an act that may unlawfully interfere with civil aviation.

 

[. . .]

 

 

 

[17]           En appliquant la norme de la raisonnabilité, les questions sont celle de la justification, de la transparence et de l'intelligibilité du processus de décision et la question de savoir si la décision appartient aux issues acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47.

 

[18]           De plus, il a été conclu qu'en exerçant son pouvoir discrétionnaire conféré par l'article 4.8 de la Loi sur l'aéronautique, « le ministre peut prendre en considération tout facteur qu'il juge pertinent ». Voir Fontaine c Canada, 2007 CF 1160, au paragraphe 78, où la Cour a aussi conclu que, lorsque la sécurité est une question d'importance particulière, l'accès aux zones réglementées est un privilège, et non un droit. Les facteurs dont on peut tenir compte comprennent des accusations au criminel qui n'ont pas entraîné de condamnation; il a été conclu que le fait que les accusations aient été annulées n'est pas une question déterminante. Voir Thep-Outhainthany c Canada (PG), 2013 CF 59, au paragraphe 19.

 

[19]           Le fait qu'en l'espèce, les accusations n'ont pas été poursuivies en raison de préoccupations quant à la crédibilité d'un témoin n'empêche pas le Ministre de refuser d'accorder une habilitation de sécurité. Dans des questions criminelles, le fardeau de la Couronne est plus lourd, exigeant une preuve hors de tout doute pour qu'il y ait condamnation. En l'espèce, le fardeau imposé au Ministre n'exige qu'une croyance raisonnable fondée sur la prépondérance des probabilités. De plus, la norme est beaucoup plus faible, exigeant seulement une conclusion selon laquelle le demandeur peut être sujet ou poussé à commettre un acte d'intervention illicite visant l'aviation civile.

 

[20]           La décision en l’espèce était fondée sur plusieurs incidents précis dans lesquels le demandeur était impliqué dans des situations où des crimes avaient été commis et où des déclarations inculpatoires avaient été proférées par un co-accusé sous la supervision de policiers, qui étaient importantes non seulement en raison des détails fournis au sujet de la portée de l’activité criminelle, mais aussi parce qu’elles portaient sur un comportement antérieur dans un aéroport.

 

[21]           Il n’était donc pas déraisonnable pour Transports Canada d’exiger une explication plus poussée que de simples démentis, compte tenu des risques en matière de sécurité des transports aériens.

 

[22]           Le défendeur a justifié sa décision par des motifs intelligibles et raisonnables, et bien que cela ne satisfasse par le demandeur, qui considère que l’annulation des chefs d’accusation en raison de préoccupations quant à la crédibilité est suffisante, la décision appartient néanmoins aux issues acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[23]           La demande est par conséquent rejetée.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande est rejetée.

 

 

« Peter Annis »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice-conseil


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :                                         T-1231-12

 

INTITULÉ :

MICHAEL ANTHONY SYLVESTER c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             LE 9 JUILLET 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :          LE JUGE ANNIS.

DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT :
         LE 27 AOÛT 2013

COMPARUTIONS :

Michael Anthony Sylvester

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Jacqueline Wilson

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Michael Anthony Sylvester

Richmond Hill (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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