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Date : 20130830


Dossiers :

T-2115-11

T-2116-11

T-2117-11

T-2118-11

 

Référence : 2013 CF 919

Ottawa (Ontario), le 30 août 2013

En présence de monsieur le juge Scott

Dossier :

T-2115-11

 

ENTRE :

GISELLA PALMERINO

demanderesse

et

 

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

défendeur

Dossier :

T-2116-11

 

ET ENTRE :

RODOLFO PALMERINO

demandeur

et

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

défendeur

Dossier :

T-2117-11

 

ET ENTRE :

ALFREDO MAGALHAES

demandeur

et

 

 

 

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

défendeur

Dossier :

T-2118-11

 

ET ENTRE :

FRANCESCO BRUNO

demandeur

et

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Introduction

 

[1]               Il s’agit d’une demande de révision judiciaire aux termes de l’article 41 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, LRC 1985, c P-21 [LPRP], par Gisella Palmerino (la demanderesse), visant la décision de la l’Agence du Revenu du Canada [ARC] de refuser la divulgation de tous les renseignements la concernant émanant, reçus et/ou détenus par 137 fonctionnaires ou agents de l’ARC, relativement à la période s’échelonnant de janvier 2004 à mai 2010.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, cette demande de révision judiciaire est accueillie.

 

II.        Les faits

 

[3]               Le 26 avril 2010 et les 7 et 10 mai 2010, la demanderesse dépose des demandes aux termes de la LPRP auprès de l’ARC.

 

[4]               La demanderesse vise entre autres à obtenir copies de tous/toutes :

« a)        […] correspondance interne et externe;

 

b)           rapports internes incluant toutes ébauches;

 

c)           agendas personnels;

 

d)           dénonciations;

 

e)           mémos et notes personnelles manuscrites ou électroniques;

 

f)           courriers électroniques rédigés, expédiés ou reçus via l’adresse électronique de l’ARC;

 

g)           enregistrement électronique, vidéo et ou audio (s’il y a lieu). »

 

[5]               Le 14 juillet 2010, l’ARC répond et refuse de communiquer lesdites informations en vertu des alinéas 16(1)a) et 16(1)c) de la Loi sur l’accès à l’information, LRC 1985, c A-1 [LAI], puisque les informations auraient été préparées et obtenues suite à une enquête.

 

[6]               La demanderesse dépose alors une plainte portant sur le traitement de sa demande de renseignements personnels auprès du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada (le Commissariat).

 

[7]               Le 16 novembre 2011, monsieur Arthur Dunfee, Directeur général du Commissariat, rejette la plainte de la demanderesse au motif qu’elle est mal fondée. M. Dunfee souligne, par ailleurs, que l’ARC lui a précisé que son refus se fonde sur les alinéas 22(1)a) et 22(1)b) de la LPRP et non pas sur les alinéas 16(1)a) et 16(1)c) de la LAI. Le Commissariat a donc évalué la validité du refus, par l’ARC, de donner accès aux renseignements demandés, en vertu des alinéas 22(1)a) et 22(1)b) de la LPRP

 

[8]               Le 29 décembre 2011, la demanderesse dépose cette demande de révision judiciaire.

 

III.       Législation

 

[9]               Les articles de loi applicables en l’instance sont reproduits en annexe au présent jugement.

 

 

 

IV.       Les questions en litige et la norme de contrôle

 

A.        Les questions en litige

 

1.         La décision de l’ARC de refuser l’accès aux documents demandés pouvait-elle se fonder sur les termes des alinéas 22(1)a) et 22(1)b) de la LPRP?

2.         Dans l’affirmative, l’ARC a-t-elle erré dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 22(1) de la LPRP de refuser la communication des renseignements personnels demandés par la demanderesse?

 

B.        La norme de contrôle

 

[10]           Dans la décision Barta c Canada (Procureur général), 2006 CF 1152 [Barta] au para 15, le juge Gibson conclut que la norme de contrôle applicable à la première question soulevée est celle de la décision correcte, alors que pour la deuxième question, la norme est celle de la décision raisonnable. Il énonce :

[15]           Dans la présente affaire, en plus du sous-alinéa 22(1)a)(i), on s’est appuyé sur l’alinéa 22(1)b) et sur les articles 26 et 27 de la Loi pour justifier une exception. Chacune de ces dispositions, comme le sous-alinéa 22(1)a)(i), confère le pouvoir discrétionnaire d’appliquer ou de ne pas appliquer l’exception. Je suis donc convaincu qu’en examinant les exceptions prévues par ces dispositions, comme pour l’examen des exceptions prévues en vertu du sous-alinéa 22(1)a)(i), la norme d’examen appropriée en ce qui a trait à la question de savoir si les renseignements demandés relèvent de cette catégorie d’exceptions est la décision correcte, et que relativement à l’exercice du pouvoir discrétionnaire de communiquer ou non les renseignements, en supposant qu’ils relèvent de cette catégorie, la norme de contrôle applicable est la décision raisonnable simpliciter.

 

[11]           Le juge O’Keefe en vient aux mêmes conclusions dans la décision Thurlow c Canada (Gendarmerie Royale), 2003 CF 1414 [Thurlow] aux paras 34 et 39 (voir également Blank c Canada (Justice), 2009 CF 1221 au para 29 et Leahy c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CAF 227 [Leahy] aux paras 96 à 99.

 

[12]           La Cour suprême précise, au para 57 de Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, que :  

[57] Il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse exhaustive pour arrêter la bonne norme de contrôle.  Là encore, la jurisprudence peut permettre de cerner certaines des questions qui appellent généralement l’application de la norme de la décision correcte (Cartaway Resources Corp. (Re), [2004] 1 R.C.S. 672, 2004 CSC 26).  En clair, l’analyse requise est réputée avoir déjà eu lieu et ne pas devoir être reprise.

 

[13]           Puisque la jurisprudence a déjà établi, de manière satisfaisante, les normes de contrôle applicables aux deux questions en litige, en l’instance, la Cour appliquera donc la norme de la décision correcte pour la première question et celle de la décision raisonnable pour la deuxième.

 

V.        Positions des parties

 

A.        Position de la partie demanderesse

 

[14]           La demanderesse soutient que la décision de l’ARC de refuser ses demandes de renseignements personnels en raison de l’alinéa 22(1)a) de la LPRP est déraisonnable puisqu’elles visaient des périodes antérieures au 7 avril 2008, soit avant le début officiel de l’enquête pour fraude fiscale. La demanderesse, ayant fait l’objet d’une troisième vérification par l’ARC portant sur les années financières 2004 et 2005, soutient qu’elle a droit d’accéder aux documents et notes prises par les vérificateurs. Elle maintient donc que le défendeur ne peut soutenir que les « documents recherchés […] sont en presque totalité des documents obtenus et préparés dans le cadre d’enquête pour fraudes fiscales […] depuis le printemps 2008 » (dossier du défendeur, p. 2).

 

[15]           L’avocat de la demanderesse porte l’attention de la Cour sur l’annexe III du Règlement sur la protection des renseignements personnels, DORS/83-508, lequel dresse la liste des organismes d’enquête qui peuvent soulever l’exception de l’alinéa 22(1)a). Il souligne que seules les enquêtes menées par la Direction des enquêtes spéciales du Ministère du Revenu, devenu l’Agence de Revenu du Canada, tombent sous le coup de cette exception. L’avocat plaide également que l’enquête doit être licite. Or selon lui, ce n’est pas le cas en l’instance puisque les agents du défendeur auraient procédé via des informations obtenues dans le cadre de la vérification, laquelle ne tombe pas sous le coup de l’alinéa 22(1)a) de la LPRP. Il réfère la Cour au document déposé sous la cote R-20, soit les notes d’une rencontre tenue le 9 mai 2007, où l’agent du défendeur, monsieur Marc Proulx, précise clairement au comptable de la demanderesse qu’il mène une vérification d’usage.

 

[16]           D’autre part, la demanderesse souligne que les renseignements demandés permettront de juger de la légalité des actions prises par l’ARC relativement au traitement de ses dossiers fiscaux ainsi que du mandat de perquisition exécuté contre elle.

 

[17]           La demanderesse précise de plus qu’elle a des raisons de croire que des vérifications fiscales déguisées auraient été effectuées par l’ARC à l’égard de BT Céramiques inc., Francesco Bruno, Alfredo Magalhaes, Rodolfo Palmerino et d’elle-même, en contravention des principes énoncés par la Cour suprême dans l’arrêt R c Jarvis, 2002 CSC 73. Elle désire accéder à des documents qui lui permettront de confirmer ses dires et faire valoir ses droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés, partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11 [Charte].

 

[18]           La demanderesse rappelle également que le juge de la Cour du Québec a acquitté, au moyen d’un verdict dirigé, Alfredo Magalhaes et Rodolfo Palmerino, dans leur dossier pénal no 500-73-003418-106, décision qui fut maintenue en appel par la juge St-Gelais de la Cour supérieure (dossier no 500-36-005835-114). Le dossier pénal des demandeurs Gisella Palmerino et Francesco Bruno a également pris fin.

 

[19]           La demanderesse soutient que les enquêtes pour fraude fiscale de l’ARC sont terminées depuis plusieurs mois. En conséquence, le défendeur ne peut soutenir que les renseignements qui seraient divulgués risquent d’interférer avec le déroulement d’une enquête. Elle plaide que l’exception prévue au sous-alinéa 22(1)b)i) ne peut être applicable en l’instance.

 

[20]           La demanderesse souligne de plus qu’elle ne cherche pas à obtenir des informations qui permettraient d’identifier des informateurs de police et accepte que ces informations soient caviardées avant qu’on lui remette les documents demandés.

 

[21]           Finalement, la demanderesse précise qu’elle renonce, seulement aux fins de la présente demande de révision judiciaire, à obtenir copies des documents qui furent perquisitionnés à son domicile et chez des tiers. Selon elle, ces deux  renonciations élimineraient 90% des documents identifiés par le défendeur qui visaient à l’origine 812 boîtes et fichiers électroniques contenant environ 1 623 000 pages.

 

[22]           La demanderesse fait valoir que l’affidavit de Mme Landreville démontre l’insuffisance des éléments considérés puisque cette dernière mentionne « la presque totalité des documents », ce qui laisse entrevoir que certains documents n’auraient pas été obtenus dans le cadre de l’enquête pour fraude. De plus, l’avocat de la demanderesse allègue que l’affidavit de Mme Juneau ne précise aucunement comment monsieur Vallée aurait procédé pour faire son échantillonnage. Les éléments de preuve pour soutenir l’intelligibilité et le bien-fondé de la décision d’appliquer l’exception prévue à l’alinéa 22(1)a) seraient donc déficients.

 

B.        Position du défendeur

 

[23]           S’appuyant sur l’affidavit de madame Valérie Landreville, enquêteuse à la Direction de l’exécution et des divulgations de l’ARC, le défendeur soutient que les documents recherchés par la demanderesse, dans ses demandes d’accès, ont été obtenus ou préparés dans le cadre d’enquêtes pour fraude fiscale entreprises à compter du 7 avril 2008, elles tombent donc sous le coup de l’exception prévue à l’alinéa 22(1)a) de la LPRP.

 

[24]           En réponse à l’argument de la demanderesse voulant que l’alinéa 22(1)b) de la LPRP ne trouve plus application parce que les enquêtes sont terminées, le défendeur souligne qu’au moment où l’ARC a rendu la décision contestée dans la présente demande, soit le 14 juillet 2010, l’enquête était toujours en cours et l’alinéa 22(1)b) s’appliquait.

 

[25]           À l’audience, l’avocate du défendeur plaide que même les documents préparés et obtenus dans le cadre d’une vérification d’usage deviennent sujets à l’exception prévue à l’aliéna 22(1)a) dès qu’ils sont versés dans le dossier d’enquête pour fraude.

 

[26]           De plus, le défendeur prétend que la Cour ne doit pas tenir compte du contexte de l’arrêt Jarvis cité précédemment. Selon lui, la Cour, dans une demande de révision judiciaire portant sur la décision de faire valoir l’exception prévue à l’alinéa 22(1)a), doit faire abstraction des motifs qui sous-tendent la demande de renseignements présentée par la demanderesse aux termes de la LPRP. La Cour doit s’en tenir à apprécier la décision de refuser l’accès aux documents demandés.

 

VI.       Analyse

 

[27]           Les deux parties reconnaissent d’emblée qu’aux termes de l’alinéa 22(1)a) de la LPRP, l’ARC était en droit de refuser de divulguer à la demanderesse tous les documents qui ont été obtenus ou préparés par l’agence après le 7 avril 2008, date du début de l’enquête pour fraude fiscale.

 

[28]           Toutefois, la demanderesse conteste le refus de l’ARC de divulguer des documents qui ont été obtenus ou préparés entre janvier 2004 et le 7 avril 2008. Dans la mesure où des documents ont été rédigés et colligés entre ces dates, il appartient à la Cour de déterminer si au 14 juillet 2010 (soit la date du refus de divulgation), l’ARC avait des motifs valables de croire que leur communication risquait vraisemblablement de nuire à l’enquête qui était alors toujours en cours.

 

[29]           Dans l’affirmative, l’ARC était-elle en droit de refuser la divulgation des documents recherchés aux termes de l’alinéa 22(1)b) de la LPRP?

 

[30]           Dans l’arrêt Lavigne c Canada (Commissariat aux langues officielles), 2002 CSC 53 [Lavigne], la Cour suprême traite de la qualité des motifs pouvant justifier la non-divulgation de renseignements personnels :

58        La non-divulgation des renseignements personnels prévue à l’al. 22(1)b) n’est autorisée que s’il existe un risque « vraisemblable » que la divulgation nuise à l’enquête.  Or, comme le mentionne le juge Richard dans l’arrêt Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Commission de l’immigration et du statut de réfugié), précité, par. 43, « [l]a vraisemblance du préjudice implique qu’on ait des motifs d’y croire ».  Il faut qu’il y ait entre la divulgation d’une information donnée et le préjudice allégué un lien clair et direct.  La non-divulgation ne doit pas avoir pour seul objectif de faciliter le travail de l’organisme en question et doit se justifier par un vécu professionnel.  La confidentialité des renseignements personnels ne doit être protégée que lorsque les faits le justifient et doit avoir pour but de favoriser le respect de la loi. […].

 

[31]           L’argument de la demanderesse voulant que l’exception prévue à l’alinéa 22(1)b) de la LPRP ne s’applique pas, parce que les enquêtes pour fraude fiscale de l’ARC sont maintenant terminées, n’a aucun fondement et doit donc être rejeté. Cette demande de révision judiciaire vise la décision de l’ARC du 14 juillet 2010. Les enquêtes étaient toujours en cours à pareille date.  

 

[32]           L’article 47 de la LPRP est clair, le fardeau d’établir le bien-fondé du refus de communication de renseignements personnels appartient à l’institution fédérale concernée. Si le défendeur ne peut démontrer que son refus se fonde sur des motifs raisonnables, cette Cour peut, aux termes des articles 48 et 49 de la LPRP, ordonner la communication des documents recherchés à la demanderesse. 

 

[33]           En l’espèce, le défendeur dépose un affidavit de Valérie Landreville, enquêteuse à la Direction de l’exécution et des divulgations de l’ARC, dans lequel elle indique que  presque la totalité des documents recherchés par la demanderesse ont été obtenus et préparés dans le cadre de l’enquête et tombent donc sous l’exception prévue à l’alinéa 22(1)a) de la LPRP.

 

[34]           Le défendeur dépose également un affidavit de Marie-Claude Juneau, Directrice à la Direction de l’accès à l’information et de la protection de l’ARC. Cette dernière y indique que les demandes de renseignements présentées par la demanderesse ont été confiées à monsieur Gilles Vallée, un analyste principal d’expérience en accès à l’information et en protection des renseignements personnels [AIPRP] à Montréal.

 

[35]           En juin 2010, Monsieur Vallée se rend au Bureau des services fiscaux de Montréal pour consulter les documents. Après avoir discuté avec les responsables de la Direction de l’exécution et des divulgations de l’ARC, ces derniers lui ont formulé une recommandation par écrit de protéger l’ensemble des documents parce que 1) les documents ont été obtenus et/ou préparés par un organisme d’enquête, pour une enquête qui a débouché sur le dépôt d’accusations pénales; et 2) la divulgation pouvait créer un préjudice à une enquête en cours.

 

[36]           Vu le volume de documents et les enquêtes en cours, Monsieur Vallée aurait procédé à un échantillonnage qu’il estimait pertinent aux demandes, afin de confirmer la validité des recommandations qui lui ont été faites. Il conclut qu’il serait raisonnable d’accepter la recommandation de protéger l’ensemble des documents. C’est ce que rapporte l’affidavit de Mme Juneau.

 

[37]           Si le défendeur a raison et que tous les documents recherchés ont été obtenus et colligés par l’ARC dans le cadre de leur enquête, le débat est clos et la demande de révision judiciaire doit être refusée. Par contre, si l’ARC refuse de divulguer des documents qu’elle a obtenus avant le début de l’enquête, la Cour doit alors déterminer si l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire est justifié.

 

[38]           Les affidavits de Valérie Landreville et Marie-Claude Juneau ne permettent pas raisonnablement de conclure que la divulgation des documents aurait risqué vraisemblablement de nuire à l’enquête de l’ARC.

 

[39]           Le défendeur n’invoque aucun autre fait précis pour établir l’existence d’un risque vraisemblable de préjudice à l’enquête. Comme la Cour suprême nous l’enseigne dans Lavigne :

61        Il existe des cas où la divulgation des renseignements personnels demandés risquerait vraisemblablement de nuire au déroulement d’enquêtes et, par conséquent, ceux-ci pourront être gardés secrets. Encore faut-il que la preuve permette raisonnablement de conclure en ce sens.

 

[40]           En l’instance, la décision du défendeur, en réponse aux nombreuses demandes déposées par la demanderesse, se borne à faire valoir les alinéas 16(1)a) et 16(1)c) de la LAI. Cette erreur est manifeste puisque la défenderesse fait référence à la LAI plutôt que la LPRP.

 

[41]           Cependant, suite à la plainte déposée par la demanderesse auprès du Commissariat à la protection de la vie privée, monsieur Arthur Dunfee, Directeur général aux plaintes et enquêtes rectifie la situation au paragraphe 2 de son sommaire d’enquête, lorsqu’il précise que le dossier de la demanderesse a été traité aux termes des alinéas 22(1)a) et 22(1)b) de la LPRP. Compte tenu des paragraphes 16 à 18 de la décision de la Cour suprême dans le dossier Newfoundland and Labrador Nurses' Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, la Cour est d’avis que la référence à la mauvaise loi dans la décision ne saurait être fatale dans les circonstances.

 

[42]           Monsieur Dunfee énonce ensuite les motifs qui lui permettent de rejeter la plainte de la demanderesse. Il précise :

“Section 22(1) (a) of the Act allows a government institution to withhold personal information if it was obtained or prepared by an investigative body during the course of a lawful investigation. Unlike other exempting provisions of the Act, this provision does not contain an injury test. In order to claim section 22(1) (a), the department need only demonstrate that the information at issue is less than 20 years old and that it was prepared or obtained in the course of a lawful investigation by an investigative body listed in Schedule III of the Privacy Regulations.

 

In this case, the information exempted under the provision was prepared by CRA’s Enforcement Division, formerly the Special Investigation Division, which is indeed an investigative body for the purpose of the Act, and all of the other requirements of this provision have been met as well. Therefore while CRA is not in itself an investigative body, it had the legal authority to invoke this exemption at the time it was claimed.”

 

[43]           La Cour d’appel fédérale dans sa décision Leahy, précitée, nous rappelle aux paragraphes 93 et 94 le rôle des tribunaux de révision dans le domaine d’accès à l’information, soit de se pencher sur les différents tout en s’assurant que le « gouvernement rende des comptes, tout en soutenant en même temps les valeurs démocratiques et la bonne gouvernance ».

 

[44]           La Cour précise de plus, au paragraphe 100 de sa décision, que par rapport au dossier dans cette instance :

«  […] Comme nous l’expliquons plus loin, la preuve dont nous disposons est si faible que nous ne pouvons valablement juger si les décisions étaient correctes ou raisonnables. Entre autres choses, nous ne pouvons pas établir sur la foi du dossier qui a appliqué les exceptions aux documents, de quelle manière elles ont été définies, et comment l’exercice du pouvoir discrétionnaire a été envisagé. Sans ces informations essentielles, nous ne pouvons évaluer le caractère correct ou raisonnable des décisions. En bref, la Cour n'est pas en mesure de remplir le rôle qui lui revient dans le cadre d'un contrôle judiciaire. »

 

[45]           Malheureusement, la Cour se trouve dans une position analogue dans le dossier devant elle. Tout d’abord, il faut souligner que la lettre de décision de Mme Juneau du 14 juillet 2010 ne fournit aucune précision et même, allègue des dispositions non applicables de la LAI. D’emblée, la Cour écarte cette lettre. Si on se penche sur la décision de monsieur Dunfee, encore là, le laconisme et le manque de motifs nous apparaissent déraisonnables. En effet, la demanderesse n’a eu droit à aucune précision sur les motifs qui amènent le rejet de ses demandes, si ce n’est que l’ARC jouit d’un pouvoir d’enquête, lequel est mentionné à l’annexe III et que les renseignements demandés ont été colligés dans le cadre d’une enquête.

 

[46]           Quel critère est appliqué pour établir que les documents et rapports demandés ont tous été produits dans le cadre de l’enquête y compris les documents antérieurs au 7 avril 2008? Nul ne le sait.

 

[47]           Toutefois, les affidavits déposés par le défendeur nous éclairent en ce qu’ils permettent à la Cour de conclure que l’application de l’alinéa 22(1)a) par le défendeur est incorrect et que sa décision aux termes de l’alinéa 22(1)b) est déraisonnable, et ce, pour les motifs suivants :

 

[48]           Premièrement, l’affiante, Mme Valérie Landreville, affirme aux paragraphes 5 et 6 de son affidavit les faits suivants :

5. Je sais que les documents recherchés dans le cadre des demandes d’accès à l’information présentées par les demandeurs sont en presque totalité des documents obtenus et préparés dans le cadre d’enquêtes pour fraude fiscales(sic) menées par la Direction de l’exécution et des divulgations de l’Agence du Revenu du Canada à l’égard des demandeurs depuis le printemps 2008.

 

6. Il ne fait aucun doute à mon esprit que la presque totalité des documents et informations réclamées(sic) dans le cadre des demandes d’accès à l’information présentées par les demandeurs ont été obtenues ou préparées par l’Agence du revenu du Canada dans le cadre de l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu visant la répression de la fraude fiscale.

 

[49]           Interrogée sur son affidavit, Mme Landreville précise :

« J’ai pas eu accès à ce qui a été fourni par l’ensemble des cent trente-sept (137) demandeurs, donc je peux pas affirmer que j’ai pris connaissance de l’ensemble des documents. » (Voir Interrogatoire page 9, lignes 5 à 8, dossier de la demanderesse, p. 142)

 

[50]           Plus loin, elle ajoute « [d]onc, la majorité, je sais que c’est…..je peux affirmer ça, que c’est la majorité des documents, mais c’est sûr qu’il y a une portion pour laquelle j’ai pas d’accès, donc je peux pas affirmer quoi que ce soit par rapport à ces documents là. » (voir Interrogatoire page 11, lignes 9 à 14, dossier de la demanderesse, p.144)

 

[51]           Comment le défendeur peut il alors soutenir que tous les documents demandés peuvent faire l’objet de l’exception prévue à l’alinéa 22(1)a)?

 

[52]           De plus, l’affidavit de Mme Juneau ne permet pas de confirmer que l’ARC a traité la demande en fonction de la date du début de l’enquête puisqu’elle relate que Monsieur Vallée a procédé par échantillonnage, sans autre précision.

 

[53]           Les éléments de preuve devant nous ne permettent pas de déterminer quels documents produits par quel employé et portant quelle date ont réellement été consultés pour déterminer que les 1 623 000 tombent tous sous le coup de l’exception. Par ailleurs, les documents R-1à R-25 déposés par la demanderesse établissent que des agents du service des enquêtes criminelles dont M. Paquette, ont consulté les fichiers informatiques de la demanderesse bien avant le début de l’enquête pour fraude. Dans ces circonstances, il devient inévitable de conclure que cette décision de refuser l’accès aux documents demandés ne peut être justifiée, pour une partie des documents à tout le moins.

 

[54]           Comme le rappelait le juge Rothstein dans l’affaire Kaiser v Minister of National Revenue, [1995] FCJ No 926 au para 2 :

« […] There is no doubt the onus is on the respondent to establish disclosure should not be made, The Court must be given an explanation of how or why the harm alleged might reasonably be expected to result from disclosure of the specific information. This is not a case where harm from disclosure is self-evident. . I have been asked to infer that harm will result if disclosure is allowed. In order to make such an inference, explanations provided by the Minister must clearly demonstrate a linkage between disclosure and the harm alleged so as to justify confidentiality. »

 

[55]           La Cour doit rejeter l’interprétation que nous propose le défendeur voulant que les documents obtenus dans le cadre d’une simple vérification deviennent automatiquement assujettis à l’exception de l’alinéa 22(1)a) dès qu’ils sont versés dans un dossier d’enquête pour fraude. Admettre cette interprétation porterait atteinte aux droits fondamentaux reconnus par la Charte. La Cour suprême nous rappelle, à bon escient, le caractère quasi-constitutionnel de la LPRP dans sa décision Lavigne précitée. D’ailleurs, le défendeur ne présente aucune autorité pour soutenir son interprétation. De plus, l’annexe III du Règlement vise les enquêtes de nature criminelle et non les vérifications d’usage aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e supp).

 

[56]           La Cour ne peut non plus souscrire à l’argument du défendeur voulant qu’en matière de révision judiciaire d’une décision prise aux termes des alinéas 22(1)a) et 22(1)b) de la LPRP, elle ne peut se pencher sur les fins poursuivies par la demanderesse. Autant il appartient au défendeur de justifier son refus, autant le contexte et les évènements entourant la cueillette des informations recherchées peuvent, en certaines circonstances, devenir déterminants. En l’instance, la demanderesse cherche à remettre en cause le caractère licite d’une partie de l’enquête dont elle a fait l’objet afin de protéger ses droits garantis par la Charte tels que définis dans l’arrêt Jarvis cité précédemment. Ce fait ne saurait être ignoré par la Cour, d’autant plus que le défendeur n’apporte aucune précision sur la nature du préjudice qu’il est susceptible d’encourir.

 

[57]           Les éléments de preuve déposés par le défendeur pour justifier son refus de donner accès aux documents demandés établissent que certains documents auraient pu être obtenus hors du cadre de l’enquête pour fraude. De plus, les critères et la méthodologie employée pour déterminer si les documents demandés ont réellement été obtenus et colligés dans le cadre de l’enquête pour fraude et non lors de la vérification ne sont pas apparents. Dans ces circonstances, le refus du défendeur devient déraisonnable et la Cour doit accueillir la demande de révision judiciaire. La présente décision s’applique mutatis mutandis aux dossiers T-2116-11, T-2117-11 et T-2118-11 et sera versée dans chacun de ces dossiers.

 


JUGEMENT

LA COUR ACCUEILLE cette demande de révision judiciaire et ORDONNE au défendeur, aux termes de l’article 48 de la LPRP, de remettre, dans les 120 jours de ce jugement, copies de tous les documents en sa possession, tel que demandé par la demanderesse, les 22, 26 avril ainsi que les 3 et 7 mai 2010, qui ont été colligés ou produits avant le 7 avril 2008 par des agents de l’ARC et qui ont été versés dans le dossier d’enquête du défendeur, à l’exception des documents qui ont été perquisitionnés au domicile de la demanderesse et chez des tiers en vertu d’un mandat de perquisition et des documents qui permettraient d’identifier des informateurs de police, lesquels devront être caviardés.

Le tout sans frais.

 

 

« André F.J. Scott »

Juge


ANNEXE

 

Loi sur la protection des renseignements personnels, LRC 1985, c P-21

 

Privacy Act, RSC 1985, c P-21

Droit d’accès

 

12. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, tout citoyen canadien et tout résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés ont le droit de se faire communiquer sur demande :

 

a) les renseignements personnels le concernant et versés dans un fichier de renseignements personnels;

 

b) les autres renseignements personnels le concernant et relevant d’une institution fédérale, dans la mesure où il peut fournir sur leur localisation des indications suffisamment précises pour que l’institution fédérale puisse les retrouver sans problèmes sérieux.

Right of access

 

12. (1) Subject to this Act, every individual who is a Canadian citizen or a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act has a right to and shall, on request, be given access to

 

(a) any personal information about the individual contained in a personal information bank; and

 

(b) any other personal information about the individual under the control of a government institution with respect to which the individual is able to provide sufficiently specific information on the location of the information as to render it reasonably retrievable by the government institution.

 

22. (1) Le responsable d’une institution fédérale peut refuser la communication des renseignements personnels demandés en vertu du paragraphe 12(1) :

 

a) soit qui remontent à moins de vingt ans lors de la demande et qui ont été obtenus ou préparés par une institution fédérale, ou par une subdivision d’une institution, qui constitue un organisme d’enquête déterminé par règlement, au cours d’enquêtes licites ayant trait :

 

(i) à la détection, la prévention et la répression du crime,

 

(ii) aux activités destinées à faire respecter les lois fédérales ou provinciales,

 

(iii) aux activités soupçonnées de constituer des menaces envers la sécurité du Canada au sens de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité;

 

22. (1) The head of a government institution may refuse to disclose any personal information requested under subsection 12(1)

 

 

(a) that was obtained or prepared by any government institution, or part of any government institution, that is an investigative body specified in the regulations in the course of lawful investigations pertaining to

 

 

 

 

(i) the detection, prevention or suppression of crime,

 

(ii) the enforcement of any law of Canada or a province, or

 

(iii) activities suspected of constituting threats to the security of Canada within the meaning of the Canadian Security Intelligence Service Act,

 

if the information came into existence less than twenty years prior to the request;

 

b) soit dont la divulgation risquerait vraisemblablement de nuire aux activités destinées à faire respecter les lois fédérales ou provinciales ou au déroulement d’enquêtes licites, notamment :

 

 

 

(i) des renseignements relatifs à l’existence ou à la nature d’une enquête déterminée,

 

(ii) des renseignements qui permettraient de remonter à une source de renseignements confidentielle,

 

(iii) des renseignements obtenus ou préparés au cours d’une enquête;

(b) the disclosure of which could reasonably be expected to be injurious to the enforcement of any law of Canada or a province or the conduct of lawful investigations, including, without restricting the generality of the foregoing, any such information

 

(i) relating to the existence or nature of a particular investigation,

 

 

(ii) that would reveal the identity of a confidential source of information, or

 

 

 

(iii) that was obtained or prepared in the course of an investigation;

 

Révision par la Cour fédérale dans les cas de refus de communication

 

41. L’individu qui s’est vu refuser communication de renseignements personnels demandés en vertu du paragraphe 12(1) et qui a déposé ou fait déposer une plainte à ce sujet devant le Commissaire à la protection de la vie privée peut, dans un délai de quarante-cinq jours suivant le compte rendu du Commissaire prévu au paragraphe 35(2), exercer un recours en révision de la décision de refus devant la Cour. La Cour peut, avant ou après l’expiration du délai, le proroger ou en autoriser la prorogation.

 

Review by Federal Court where access refused

 

 

41. Any individual who has been refused access to personal information requested under subsection 12(1) may, if a complaint has been made to the Privacy Commissioner in respect of the refusal, apply to the Court for a review of the matter within forty-five days after the time the results of an investigation of the complaint by the Privacy Commissioner are reported to the complainant under subsection 35(2) or within such further time as the Court may, either before or after the expiration of those forty-five days, fix or allow.

 

Charge de la preuve

 

47. Dans les procédures découlant des recours prévus aux articles 41, 42 ou 43, la charge d’établir le bien-fondé du refus de communication de renseignements personnels ou le bien-fondé du versement de certains dossiers dans un fichier inconsultable classé comme tel en vertu de l’article 18 incombe à l’institution fédérale concernée.

 

 

Burden of proof

 

47. In any proceedings before the Court arising from an application under section 41, 42 or 43, the burden of establishing that the head of a government institution is authorized to refuse to disclose personal information requested under subsection 12(1) or that a file should be included in a personal information bank designated as an exempt bank under section 18 shall be on the government institution concerned.

Ordonnance de la Cour dans les cas où le refus n’est pas autorisé

 

48. La Cour, dans les cas où elle conclut au bon droit de l’individu qui a exercé un recours en révision d’une décision de refus de communication de renseignements personnels fondée sur des dispositions de la présente loi autres que celles mentionnées à l’article 49, ordonne, aux conditions qu’elle juge indiquées, au responsable de l’institution fédérale dont relèvent les renseignements d’en donner communication à l’individu; la Cour rend une autre ordonnance si elle l’estime indiqué.

Order of Court where no authorization to refuse disclosure found

 

48. Where the head of a government institution refuses to disclose personal information requested under subsection 12(1) on the basis of a provision of this Act not referred to in section 49, the Court shall, if it determines that the head of the institution is not authorized under this Act to refuse to disclose the personal information, order the head of the institution to disclose the personal information, subject to such conditions as the Court deems appropriate, to the individual who requested access thereto, or shall make such other order as the Court deems appropriate.

 

Ordonnance de la Cour dans les cas où le préjudice n’est pas démontré

 

49. Dans les cas où le refus de communication des renseignements personnels s’appuyait sur les articles 20 ou 21 ou sur les alinéas 22(1)b) ou c) ou 24a), la Cour, si elle conclut que le refus n’était pas fondé sur des motifs raisonnables, ordonne, aux conditions qu’elle juge indiquées, au responsable de l’institution fédérale dont relèvent les renseignements d’en donner communication à l’individu qui avait fait la demande; la Cour rend une autre ordonnance si elle l’estime indiqué.

Order of Court where reasonable grounds of injury not found

 

49. Where the head of a government institution refuses to disclose personal information requested under subsection 12(1) on the basis of section 20 or 21 or paragraph 22(1)(b) or (c) or 24(a), the Court shall, if it determines that the head of the institution did not have reasonable grounds on which to refuse to disclose the personal information, order the head of the institution to disclose the personal information, subject to such conditions as the Court deems appropriate, to the individual who requested access thereto, or shall make such other order as the Court deems appropriate.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


Dossiers :

                                                            T-2115-11, T-2116-11, T-2117-11 ET T-2118-11

 

DOSSIER :

T-2115-11

 

INTITULÉ :

GISELLA PALMERINO c MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

ET DOSSIER :

T-2116-11

 

INTITULÉ :

RODOLFO PLAMERINO c MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

ET DOSSIER :

T-2117-11

 

INTITULÉ :

ALFREDO MAGALHAES c MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

ET DOSSIER :

T-2118-11

 

INTITULÉ :

FRANCESCO BRUNO c MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                            MontrÉal (QuÉbec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                            LE 10 juin 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

                                                            LE JUGE SCOTT

DATE DES MOTIFS :

                                                            LE 30 août 2013

COMPARUTIONS :

Me Martin Delisle

 

Pour les demandeurs

 

Me Marjelaine Breton

Me Sébastien Gagné

 

Pour le défendeur

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

STARNICO MOSTOVAC

Avocats

Montréal (Québec)

 

Pour leS demandeurS

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

 

 

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