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Date : 20130815

Dossier : IMM-5909-12

Référence : 2013 CF 870

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 15 août 2013

En présence de monsieur le juge de Montigny

 

 

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

demandeur

 

et

 

B272

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministre ou le demandeur) en vue de soumettre à un contrôle judiciaire une décision de Mme Michal Mivasair (la commissaire), commissaire à la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR ou la Commission). Dans sa décision datée du 1er juin 2012, la Commission a conclu que le défendeur a la qualité de réfugié au sens de la Convention.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, j’ai décidé qu’il y a lieu de rejeter la présente demande.

 

Les faits

[3]               Le défendeur soutient que la commissaire a résumé avec soin et exactitude sa demande d’asile de même que les éléments de preuve présentés. Il ajoute qu’étant donné que le ministre ne s’est pas opposé au sommaire factuel de la Commission, il faudrait considérer que les motifs de cette dernière énoncent correctement son témoignage.

 

[4]               D’après la commissaire, le défendeur, aujourd’hui âgé de 24 ans, est un jeune Tamoul né dans le Nord du Sri Lanka. Les parents ainsi que les frères et la sœur du défendeur vivent au Sri Lanka, mais l’un de ses frères est porté disparu depuis 2006. Durant la guerre civile, l’Armée sri-lankaise (SLA) a décrété que le secteur dans lequel le défendeur a grandi, a terminé sa onzième année d’études et a obtenu un certificat général en éducation en suivant des études privées était une zone de haute sécurité.

 

[5]               La famille du défendeur a été déplacée de son village à plusieurs reprises au cours de la guerre civile et, à un certain moment, ce village est devenu le site d’un vaste camp de la SLA. En 2006, avant que la route A‑9 soit fermée, l’un des frères du défendeur est allé rendre visite à un autre frère, qui vivait à Vanni. La route A‑9 a été fermée quand la guerre a repris et, depuis lors, le frère est porté disparu. En août ou en septembre 2006, le défendeur est retourné à son village en compagnie de sa famille, mais cette dernière a eu peur de quitter la maison à cause des actes de violence et des enlèvements qui étaient commis dans le secteur. Il n’est pas retourné à l’école avant avril 2007, à l’âge de 18 ans.

 

[6]               Quand il faisait la navette entre la maison et l’école, le défendeur était fréquemment soumis à des vérifications d’identité. Il a soutenu que même si on ne le soupçonnait pas à cette époque d’appartenir aux Tigres de libération de l’Eelam tamoul (TLET), lors de ces rencontres on le frappait à coups de branche de palmier brute et on le harcelait. Il n’était pas rare à l’époque que la SLA lance des attaques contre des villages et arrête des civils innocents.

 

[7]               À peu près à l’époque de son 20e anniversaire, comme il le faisait chaque année, le défendeur s’est rendu tôt le matin à un temple voisin, où il est tombé sur des membres de la SLA, qui l’ont arrêté. Comme les TLET avaient récemment envahi son village, la SLA l’a accusé de faire de l’espionnage et d’être associé à l’incident. Tentant d’obtenir des informations sur l’endroit où se trouvaient les TLET, les membres de la SLA l’ont battu et interrogé, le frappant à plusieurs reprises à coups de bâton et de crosse de fusil et lui donnant des coups de pied à l’estomac et au visage.

 

[8]               Quand les parents du défendeur sont intervenus, celui-ci a été relâché d’un camp militaire à la condition de s’y présenter tous les jours. Il a obtempéré et a été régulièrement humilié, battu et interrogé car la SLA était à la recherche du lien possible qu’il pouvait avoir avec les TLET, même s’il affirmait que jamais de sa vie il n’avait eu de rapports avec ce groupe. Il a été contraint de faire de menus travaux pour la SLA, dont vérifier la présence de mines terrestres, et a été terrifié à l’idée d’être de nouveau détenu, voire tué, au cours de la période où il était tenu de se présenter aux autorités militaires, compte tenu surtout des actes de violence dont il avait été témoin à l’endroit d’autres victimes.

 

[9]               Quand la SLA a appris que le frère du défendeur était porté disparu, on l’a interrogé sur l’endroit où celui-ci se trouvait. La SLA l’a informé que son frère était membre des TLET et qu’elle soupçonnait que le défendeur travaillait avec lui en tant qu’informateur. Il a été obligé d’abandonner l’école en vue de se conformer à l’obligation de se présenter aux autorités militaires et, par ailleurs, il a évité de quitter la maison. Même si la guerre civile a pris fin en mai 2009, la situation a peu changé pour le défendeur à cette époque et, pendant huit mois de plus,  il a été obligé de continuer de se présenter aux autorités militaires tous les jours ou presque.

 

[10]           Au début de l’année 2010, on a informé le défendeur qu’il n’avait plus à se présenter aux autorités militaires. Il a eu peur que cela veuille dire qu’il serait tué car il savait que d’autres personnes, dont un camarade d’école, avaient été abattues par balle après avoir été libérées de l’obligation de se présenter aux autorités.

 

[11]           Le défendeur et sa famille ont décidé qu’il fallait qu’il fuie le pays pour sauver sa vie. Il a obtenu peu après un passeport authentique et, cinq jours plus tard, il a quitté Colombo en avion, à destination de Bangkok (Thaïlande). Quatre mois plus tard, il est parti pour le Canada à bord du MS Sun Sea, arrivant ici le 13 août 2010 et demandant l’asile le même jour.

 

[12]           À l’audience, le défendeur a déclaré que, même aujourd’hui, la situation ne s’est pas améliorée dans son village et que la SLA fait encore des rafles parmi les villageois, obligeant certains à se présenter régulièrement aux autorités militaires. Même si d’anciens membres des TLET ont été libérés, certains continuent d’être battus et doivent se présenter aux autorités militaires. Après que le défendeur eut produit son formulaire de renseignements personnels (FRP), ses parents l’ont informé que les responsables de la SLA, qui étaient à sa recherche,  s’étaient présentés à la résidence familiale et qu’ils avaient également saisi dans la maison une photographie de lui.

 

[13]           Le défendeur craint les effectifs locaux de la SLA parce qu’il soupçonne que ceux-ci croient qu’il est membre des TLET et parce que son frère est considéré comme un membre de cette organisation et qu’il est toujours porté disparu. Il craint aussi qu’on ajoute son nom à une liste de personnes qui se sont enfuies du Sri Lanka, car il croit qu’on l’a libéré de son obligation de se présenter aux autorités militaires uniquement pour que la SLA puisse l’espionner et mettre ainsi la main sur d’autres membres des TLET. Il soutient qu’il lui sera impossible de s’installer dans un autre secteur du Sri Lanka car il serait obligé de s’inscrire et on l’interrogerait parce qu’il est originaire de la région du Nord dans laquelle se concentrent les TLET.

 

[14]           Il croit qu’il s’expose par ailleurs à des risques parce qu’il s’est rendu jusqu’au Canada à bord du MS Sun Sea. D’après ce qu’il a entendu, l’un des migrants qui se trouvait à bord du navire et qui a été renvoyé au Sri Lanka a depuis ce temps disparu. Il soutient que le gouvernement sri-lankais croit que tous les passagers du MS Sun Sea sont membres des TLET. De plus, il est au courant que son nom a été soumis au gouvernement sri-lankais en vue d’une vérification de son identité, et que ce gouvernement, soutient-il, n’hésitera pas à l’interroger car l’agent qui a organisé son passage lui a pris son passeport.

 

[15]           Quand le défendeur a quitté le Sri Lanka à bord d’un avion le 6 février 2010, il a été détenu et interrogé pendant trois heures sur sa possible appartenance aux TLET ainsi que sur le but de son voyage. On l’a ensuite autorisé à partir à bord d’un avion dont le départ avait été retardé de deux heures parce qu’on l’interrogeait.

 

[16]           La commissaire a conclu son énoncé des faits en ces termes :

Le demandeur d’asile craint d’être interrogé, torturé, détenu et tué par l’un des nombreux représentants des autorités gouvernementales au Sri Lanka. Pendant des années, le demandeur d’asile a non seulement vu d’autres personnes se faire torturer au Sri Lanka, mais il a aussi été lui-même battu à de nombreuses reprises par la SLA. Cela s’est produit alors que le demandeur d’asile était enfant, bien longtemps avant qu’il se fasse battre presque tous les jours à l’âge de 20 ans et qu’il ait à se présenter à la SLA presque tous les jours.

 

Décision, paragraphe 40.

 

La décision faisant l’objet du présent contrôle

[17]           Au paragraphe 41 de ses motifs, la commissaire signale que l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) a déposé un avis d’intention de participer à la demande d’asile en comparaissant à l’audience en vue de produire des éléments de preuve, d’interroger des témoins et de présenter des observations, suivant l’alinéa 170e) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR ou la Loi) et l’article 25 des Règles de la Section de la protection des réfugiés (DORS/2002-228, abrogé par DORS/2012‑256, art. 73) (les Règles de la SPR). À l’audience que la SPR a tenue le 8 mars 2012, le défendeur a été le seul témoin; cependant, après l’audience, les deux parties ont déposé des observations écrites.

 

[18]           La commissaire a conclu en fin de compte que le défendeur a la qualité de réfugié car il craint avec raison d’être persécuté au Sri Lanka pour un motif prévu dans la Convention. Elle a estimé que le défendeur avait établi sa demande d’asile en se fondant sur la notion de « réfugié sur place », c’est-à-dire, sur des faits survenus après son départ du Sri Lanka.

 

[19]           La commissaire a tout d’abord traité, d’une part, de l’identité du défendeur, concluant qu’il est un ressortissant tamoul sri-lankais originaire de la région de Jaffna, dans le nord du pays, et, d’autre part, sur sa crédibilité, concluant qu’il est un « témoin crédible, fiable et digne de foi » (décision, paragraphe 49). Elle a souscrit à l’objection formulée par le ministre à l’égard d’une lettre émanant de la sœur du défendeur, notant qu’elle n’aurait pas la possibilité d’évaluer la crédibilité de cette sœur. Elle a souscrit au témoignage du défendeur selon lequel la SLA était à sa recherche en novembre 2011, mais a toutefois rejeté l’objection du ministre selon laquelle la preuve était intéressée et qu’il fallait en faire abstraction.

 

[20]           La commissaire a conclu que les allégations exposées dans le FRP du défendeur étaient crédibles, et elle a admis que la SLA sait que le défendeur n’habite plus avec sa famille et qu’elle a saisi une photo de lui dans la résidence familiale. Elle a cependant prévenu que, même si elle concluait que la preuve du défendeur était crédible, elle n’était pas tenue de souscrire aux inférences de ce dernier quant au sens à donner aux allégations ou aux éléments de preuve déposés en rapport avec l’affaire.

 

[21]           La commissaire a ensuite examiné la perception qu’avait l’agent de persécution du profil du défendeur, et ce, tant avant le voyage de celui-ci à bord du MS Sun Sea qu’après son embarquement à bord de ce navire. Elle a conclu qu’avant que le défendeur quitte le Sri Lanka, les autorités sri-lankaises ne soupçonnaient pas qu’il était membre des TLET ou qu’il entretenait des liens avec ceux-ci. À cet égard, elle s’est appuyée sur le fait qu’il n’avait plus à se présenter aux autorités militaires (malgré la conviction du défendeur qu’il s’agissait simplement d’une ruse), sur le fait qu’il avait pu obtenir un passeport officiel à Colombo et sur le fait qu’il avait été autorisé à prendre place à bord de l’avion qui l’attendait et à quitter le Sri Lanka après avoir été interrogé durant plus de trois heures à l’aéroport de Colombo. Ces faits, signale-t-elle, sont survenus à une époque où le gouvernement procédait toujours à des arrestations massives de personnes soupçonnées d’appartenir aux TLET et où les autorités sri-lankaises prenaient « extrêmement au sérieux leur responsabilité de faire en sorte qu’aucun membre ou présumé membre des TLET ne parvienne à sortir du Sri Lanka » (décision, paragraphe 55).

 

[22]           La commissaire a déclaré qu’elle n’avait aucun doute que les autorités étaient entrées en contact avec les effectifs de la SLA présents dans la région d’origine du défendeur pendant la détention de celui-ci à l’aéroport pour savoir ce qu’ils savaient et soupçonnaient à propos des liens que le défendeur entretenait avec les TLET. Elle a conclu qu’on ne l’aurait pas autorisé à partir avant que le gouvernement sri-lankais soit lui-même convaincu qu’il n’appartenait pas à cette organisation.

 

[23]           La commissaire n’a pas traité de la question de savoir si les jeunes hommes tamouls de la région de Jaffna que l’on ne soupçonne pas d’être membres des TLET ou liés à ceux-ci craignent avec raison d’être persécutés parce qu’elle a jugé que le défendeur est un réfugié « sur place » pour un motif prévu dans la Convention. À cet égard, elle a conclu que le profil du défendeur a changé quand il a décidé de prendre place à bord du MS Sun Sea, un navire que tant le Canada que le Sri Lanka soupçonnaient d’emmener au Canada quelques membres des TLET, des passeurs ainsi que des criminels de guerre.

 

[24]           La commissaire a résumé diverses déclarations que le ministère de la Défense du Sri Lanka a faites sur son site Web officiel en rapport avec le terrorisme et le MS Sun Sea, elle s’est reportée à un article écrit par un expert en terrorisme au sujet du Canada et des TLET et elle a résumé divers articles de journaux canadiens portant sur le MS Sun Sea. Concluant que le gouvernement sri-lankais se tiendrait au courant des nouvelles canadiennes puisqu’il est au courant que le MS Sun Sea était un navire des TLET, la commissaire a déclaré que le gouvernement découvrirait rapidement que le défendeur était un passager de ce navire ou que, si le gouvernement l’ignorait, il aurait été stupide de la part du défendeur de ne pas l’admettre au moment d’être interrogé, vu que le gouvernement saurait qu’il s’était rendu en Thaïlande et qu’il revenait du Canada.

 

[25]           La commissaire a rejeté l’argument du ministre selon lequel, étant donné que le gouvernement canadien a conclu que la « vaste majorité » des passagers n’étaient pas membres des TLET, le gouvernement sri-lankais ne considérerait pas non plus que les passagers appartenaient généralement à cette organisation. Elle a fait remarquer que le représentant du ministre avait omis de reconnaître que le Sri Lanka devra déterminer par lui-même quels passagers sont alignés sur les TLET et ce que le défendeur peut savoir sur les membres des TLET qui se trouvaient à bord du navire, étant donné surtout que ce que le Canada déterminerait ne serait pas forcément le reflet de toute association ultérieure ou information nouvelle que le défendeur pourrait obtenir soit sur les activités des TLET au Canada, soit sur les membres qui se trouvaient à bord du navire.

 

[26]           La commissaire a conclu qu’il se peut que les autorités sri-lankaises mettent en doute leur propre évaluation antérieure en raison de la fuite du défendeur et que ce dernier, ayant voyagé à bord du MS Sun Sea, a maintenant le profil d’un « présumé membre des TLET » ou d’une « personne soupçonnée d’avoir de l’information sur les membres des TLET et les efforts déployés au Canada pour renforcer cette organisation ». Pour arriver à cette conclusion, elle a décrété :

[L]’ensemble des faits de la période précédant le voyage à bord du MS Sun Sea en ce qui touche les prétendus liens du demandeur d’asile avec les TLET et ses démêlés avec la SLA, de même que sa présence à bord d’un supposé navire des TLET, accroissent la probabilité que le demandeur d’asile soit perçu comme un membre ou associé des TLET. Il pourrait aussi être considéré comme une personne qui a de l’information au sujet de la prétendue expansion des TLET en territoire canadien.

 

Décision, paragraphe 71

 

[27]           En jugeant que « le demandeur d’asile a établi l’existence d’un lien avec les divers motifs prévus dans la Convention, qui sont énoncés à l’article 96 de la Loi », la commissaire s’est fondée sur l’arrêt Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689, et elle a conclu que le défendeur appartient à certains groupes sociaux (p. ex., les « Tamouls soupçonnés d’être membres des TLET », les « Tamouls soupçonnés de détenir de l’information sur des membres des TLET » et les « associés ou partisans des TLET de la diaspora qui s’emploient à renforcer cette organisation ») (décision, paragraphes 73 et 76). Elle a toutefois conclu ensuite, en citant des définitions pertinentes tirées de l’arrêt Ward, que « [l]e motif de l’appartenance à ces groupes sociaux et même le motif de la nationalité tamoule peuvent aussi être compris dans le motif des “ opinions politiques ” prévu dans la Convention » et que « le demandeur d’asile, du fait qu’il a voyagé à bord du MS Sun Sea, sera considéré comme une personne dont les opinions politiques sont contraires à celles de l’État du Sri Lanka […] » (décision, paragraphes 74 et 75).

 

[28]           En évaluant la crainte fondée du défendeur de subir un préjudice, la commissaire a résumé la manière dont elle interprète les fardeaux de preuve établis dans les arrêts Orelian c Canada, [1992] 1 CF 592 (CA), à la page 605, et Adjei c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 2 CF 680 (CA), au paragraphe 8; elle a conclu qu’elle se devait de considérer le défendeur comme un réfugié au sens de la Convention « s’il existe “ une possibilité raisonnable ” ou “ davantage qu’une simple possibilité ” que le demandeur d’asile soit persécuté, d’après l’examen de l’ensemble des éléments de preuve crédibles, fiables et dignes de foi présentés en l’espèce » (décision, paragraphe 78).

 

[29]           La commissaire a traité de la pertinence de la preuve documentaire que les deux parties ont soumise, concluant que la preuve crédible et fiable établissait l’existence d’« une possibilité raisonnable ou davantage qu’une simple possibilité que le demandeur d’asile soit détenu, interrogé, torturé et exposé à une menace à sa vie dès son arrivée au Sri Lanka », et ce, soit dans sa région d’origine, près de Jaffna, soit à Colombo, la possibilité de refuge intérieur proposée en l’espèce (décision, paragraphe 81).

 

[30]           La commissaire a établi une distinction avec la décision à caractère persuasif rendue le 19 novembre 2010 par la CISR, une décision dont elle est elle-même l’auteure, concluant que, dans la présente affaire, le profil du défendeur était « celui d’une personne soupçonnée d’être associée aux TLET ou d’avoir de l’information sur ceux-ci, et celui d’une personne considérée comme un ennemi politique du gouvernement sri-lankais », et non simplement celui d’un Sri‑lankais d’origine tamoule originaire du nord du pays et pour lequel il n’est plus nécessaire de le présumer admissible (décision, paragraphe 82).

 

[31]           Dans sa décision, la commissaire commente ensuite la probabilité que le défendeur soit mis en détention dès son retour au Sri Lanka. Elle a conclu que « selon la preuve documentaire, le demandeur d’asile sera interrogé, détenu et peut-être exposé à une possibilité raisonnable d’être persécuté par les autorités sri-lankaises dès son retour au Sri Lanka » (décision, paragraphe 83).

 

[32]           La commissaire cite des preuves qui donnent à penser que des personnes rentrant de pays tiers suite à l’échec des processus de demande d’asile risquent d’être détenues et interrogées à leur retour et que les personnes réputées avoir des liens avec les TLET, ou soupçonnées d’en avoir, sont soumises à des interrogatoires additionnels et peuvent être gardées en détention plus longtemps, ce qui aggrave le risque de tortures, de disparitions forcées et d’assassinats extrajudiciaires.

 

[33]           La commissaire a reconnu, au paragraphe 86 de sa décision, que « [s]elon d’autres sources documentaires, seuls quelques individus qui sont retournés au Sri Lanka ont été détenus à l’aéroport à leur arrivée ». Elle mentionne cependant qu’elle ne peut pas conclure que ces sources reflètent la situation à laquelle pourrait être confronté le défendeur du fait de son profil car « [c]omme ces documents ne fournissent pas davantage d’information sur les profils de ces rapatriés, [elle ne peut] établir avec certitude si les personnes rapatriées qui n’ont pas été détenues étaient soupçonnées d’être associées aux TLET ou d’avoir de l’information à leur sujet ». Elle a refusé aussi d’accorder un poids quelconque à l’existence de certaines ententes négociées avec le Sri Lanka, lesquelles garantissent la sécurité des demandeurs d’asile déboutés lorsqu’ils franchissent les points de contrôle de la sécurité à l’aéroport de Colombo, concluant qu’aucune preuve ne donnait à penser que, au moment où elle rendait sa décision, le Canada avait conclu une telle entente.

 

[34]           Au paragraphe 88 de sa décision, la commissaire explique pourquoi elle a conclu qu’il y a « davantage qu’une simple possibilité » que le défendeur soit détenu et questionné et qu’il subisse, pendant cette détention, un préjudice grave de la part des autorités sri-lankaises. Notamment, elle a conclu que le gouvernement sri-lankais croit qu’il y avait à bord du MS Sun Sea des membres des TLET qui, au Canada, s’employaient à renforcer les TLET et que ce gouvernement l’interrogerait à cet égard, tout comme il l’a été au Canada. Cependant, il y aurait davantage qu’une simple possibilité qu’il s’expose aussi à un préjudice physique grave.

 

[35]           La commissaire traite aussi du témoignage du défendeur sur Sathy, l’un des passagers du MS Sun Sea renvoyé au Sri Lanka et porté disparu depuis ce temps. Selon l’affidavit d’un technicien juridique, Sathy a été déclaré interdit de territoire, mis en détention à son retour au Sri Lanka et, aux dires de son épouse et de son frère, battu et privé de nourriture pendant qu’il a été gardé en détention entre les mois de juillet 2011 et, au moins, janvier 2012. La commissaire ignore exactement pourquoi Sathy a été déclaré interdit de territoire, mais elle reconnaît que le traitement qu’on lui a fait subir à son retour est un élément de preuve récent qui dénote qu’« un rapatrié qui a été déclaré interdit de territoire a été détenu pendant plus de neuf mois, pendant lesquels il a été battu et privé de nourriture ». Elle conclut que le Sri Lanka peut mettre le défendeur en détention dès son arrivée dans le pays et lui faire subir de graves préjudices, même s’il est au courant que le Canada surveille vraisemblablement la situation. Pour faire le lien entre le profil du défendeur et celui de Sathy, la commissaire a conclu que « le demandeur d’asile a les mêmes opinions politiques que Sathy, lesquelles sont considérées comme opposées à celles de l’État sri‑lankais » (décision, paragraphe 91).

 

[36]           La commissaire qualifie ensuite de « possibilité raisonnable » le risque qu’a le défendeur d’être détenu, signalant qu’en plus des facteurs déjà mentionnés dans sa décision (ses liens possibles avec les TLET, s’il sait si le MS Sun Sea était un navire des TLET, s’il a participé au trafic de personnes et au passage de clandestins ou s’il sait qui a pris part à l’organisation du départ du navire de la Thaïlande et quels passagers du navire appartenaient aux TLET, s’il a quelque information que ce soit étant donné qu’il a voyagé à bord du navire avec des membres des TLET, s’il a noué des liens avec les TLET pendant son séjour au Canada, et s’il a participé à la prétendue réorganisation des TLET au Canada), il se peut que les autorités soient aussi intéressées à apprendre si le défendeur sait si les TLET se sont regroupés au Canada. Elle a conclu qu’au cours d’une telle détention, il y a « davantage qu’une simple possibilité [qu’il] soit victime de violence physique ou de torture, ou qu’il meure », et qu’il soit « expos[é] à un risque important d’être « persécut[é] », ainsi que le décrit Human Rights Watch dans la réponse à la Demande d’information LKA103815.EF (décision, paragraphe 93).

 

[37]           Outre le fait que le défendeur ait voyagé à bord du MS Sun Sea, la commissaire s’étend sur une combinaison de faits qui aggraveraient le risque que le défendeur soit persécuté (et la probabilité qu’il soit victime d’un préjudice, suivant l’article 96 de la Loi), dont le fait que son frère, porté disparu depuis 2006, est membre des TLET et que le défendeur a fait l’objet d’une surveillance quotidienne parce qu’on le soupçonnait d’être membre ou partisan de cette organisation jusqu’en 2010 (après la fin de la guerre civile). Tout en reconnaissant que les autorités n’ont pas considéré que le défendeur était membre des TLET ou entretenait des liens avec ceux-ci au moment où il a quitté le Sri Lanka, la commissaire a conclu que, maintenant qu’il s’est rendu au Canada à bord d’un navire transportant quelques membres des TLET, il se peut que « les autorités [remettent] en cause leur évaluation précédente » (décision, paragraphe 94).

 

[38]           Au sujet du retour possible du défendeur à Jaffna ou à Colombo, la commissaire a fait remarquer qu’au Sri Lanka le ministre de la Défense a souligné l’importance d’assurer dans les secteurs tamouls une forte présence d’éléments militaires et du renseignement afin d’éviter que les TLET puissent se rétablir. Les présumés membres des TLET continuent de courir de graves risques, dont le fait d’être arrêtés arbitrairement et torturés sous garde et de subir d’autres sévices aux mains des militaires et d’autres groupes paramilitaires.

 

[39]           Les militaires sont moins présents à Colombo qu’à Jaffna, mais la commissaire a conclu qu’il y a « davantage qu’une simple possibilité » que le défendeur soit découvert et persécuté, vu que les habitants de Colombo font encore l’objet de contrôles aléatoires, et que ceux qui ont le profil - réel ou perçu - de membres des TLET sont ciblés. En particulier, elle a estimé qu’il était « fort possible » que le défendeur soit inscrit par la police ou d’une autre façon, ce qui l’exposerait au risque d’être de nouveau soumis à une détention arbitraire et à de graves préjudices, car les représentants de l’État bénéficient de l’immunité de poursuite et sont vu accorder des pouvoirs absolus en matière de détention par voie légale et par décret (décision, paragraphe 100).

 

[40]           La commissaire a également conclu que, vu leur source et le fait que les citoyens ne peuvent pas critiquer le gouvernement sri-lankais ou ses représentants sans craindre d’être victimes de préjudice, diverses déclarations selon lesquelles on ne pratique pas la torture au Sri Lanka ne sont pas dignes de confiance ou fiables.

 

[41]           Selon la commissaire, étant donné que l’impunité des autorités est généralisée et légale (voire constitutionnalisée) au Sri Lanka, la présomption d’une protection de l’État est réfutée et il n’existe aucun autre organisme de surveillance national ou international qui puisse forcer les autorités sri-lankaises à rendre des comptes. En particulier, elle a fait remarquer que le Sri Lanka n’est pas une démocratie électorale et que le pouvoir est concentré entre les mains d’un président dont l’élection la plus récente n’a pas été considérée comme juste ou libre. Le défendeur, a-t-elle conclu, ne pourrait pas obtenir réparation auprès des agents de l’État qu’il craint, et l’observation du ministre selon laquelle le système judiciaire fonctionne jusqu’à un certain point n’est pas convaincante. Il ressort de la preuve invoquée qu’il n’existe presque aucune surveillance de la part des tribunaux dans les nombreux cas de présumée torture qui ont lieu au Sri Lanka, surtout pour les personnes détenues que l’on soupçonne d’entretenir des liens avec les TLET, qui bénéficient rarement d’un procès.

 

[42]           D’après la commissaire, il convient de signaler que le ministre a inclus dans ses documents le rapport de l’ASFC de décembre 2011 intitulé Update : Sri Lanka’s Human Rights Environment, où l’on fait remarquer qu’au Sri Lanka la situation des droits de la personne demeure propice à d’autres violations, une situation qu’aggrave l’impunité gouvernementale et l’inaction face à des événements qui sont considérés comme des crimes de guerre par la communauté internationale (décision, paragraphe 110). De plus, de nombreuses organisations gouvernementales se heurtent à des obstacles dans leurs activités, ainsi qu’à du harcèlement et à des menaces de la part des autorités (décision, paragraphe 111).

 

[43]           Pour tous ces motifs, la commissaire a fait droit à la demande d’asile du défendeur.

 

Les arguments des parties

[44]           Outre les observations présentées à l’audience du 14 mars, les parties ont soumis à la Cour des mémoires préliminaires, une réponse et des mémoires supplémentaires. Leurs arguments sont exhaustifs et détaillés, et je vais tenter de les résumer à grands traits de façon à exposer l’essentiel de leurs observations.

 

Les arguments du demandeur

[45]           Le ministre soutient que la commissaire a commis plusieurs erreurs en arrivant à sa décision, des erreurs dont un grand nombre sont censément suffisantes en soi pour justifier que la Cour intervienne.

 

[46]           Le ministre a tout d’abord soutenu que la commissaire a appliqué la mauvaise norme de preuve aux principales conclusions de fait et, ensuite, qu’elle a tiré des conclusions de fait déraisonnables et fait abstraction d’éléments de preuve concernant ses conclusions de fait centrales. L’argument qu’invoque le ministre au sujet de la norme de preuve applicable est que la commissaire a appliqué une norme insuffisamment stricte pour tirer les conclusions de fait sur lesquelles elle a finalement basé son évaluation des risques. Il soutient qu’il existe une distinction entre le critère relatif à l’établissement d’un risque de persécution, pour lequel le seuil est davantage qu’une simple possibilité, et la norme de preuve concernant l’établissement des faits d’une demande, lesquels doivent être établis selon la prépondérance des probabilités. Il ajoute que la commissaire avait à conclure que le défendeur sera soupçonné d’appartenir aux TLET ou d’avoir des liens avec ceux-ci avant de pouvoir conclure qu’il s’expose à davantage qu’une simple possibilité de courir un risque de préjudice à cause de ce soupçon, et qu’elle a [traduction] « commis une erreur en appliquant le seuil moins élevé à ses conclusions de fait, plutôt que la norme correcte de la prépondérance des probabilités ». En particulier, la commissaire a conclu seulement que les autorités sri-lankaises « pourraient maintenant remettre en cause leur évaluation précédente, qui a permis de conclure que le demandeur d’asile n’était pas un associé ni un membre des TLET » et que le défendeur « pourrait être considéré comme une personne qui a de l’information sur [les] TLET », alors que ni l’un ni l’autre de ces faits ne sont établis selon la prépondérance des probabilités.

 

[47]           Le ministre a également soutenu que la commissaire a commis une erreur en concluant que les autorités sri-lankaises soupçonneraient le défendeur, à son retour au Sri Lanka, d’être membre des TLET ou de posséder des informations sur des membres des TLET et les efforts déployés par ceux-ci au Canada pour renforcer cette organisation. Malgré la preuve du défendeur selon laquelle il n’entretenait aucun lien avec les TLET et malgré la propre conclusion de la Commission selon laquelle la SLA était convaincue que le défendeur n’avait pas de liens avec les TLET, la commissaire indique que les liens antérieurs du défendeur avec les TLET est un facteur qui aggraverait le risque qu’il soit considéré comme un membre présumé de cette organisation. Selon le ministre, la commissaire s’est fondée erronément sur le fait que le défendeur avait eu des rapports antérieurs avec les TLET pour décider ensuite que le défendeur était un réfugié « sur place ».

 

[48]           De l’avis du ministre, la décision de la commissaire selon laquelle on soupçonnerait le défendeur d’entretenir des liens avec les TLET repose sur le fait que ce dernier était passager à bord du MS Sun Sea. Même si le ministre admet que la SPR a conclu que la SLA était au courant de la disparition du défendeur et avait saisi une photo de lui à la résidence familiale, il affirme que la SPR n’a pas conclu que c’était là le signe d’un intérêt renouvelé à son égard et que cet intérêt lui ferait courir un risque à son retour au Sri Lanka. Le ministre ne croit pas que la SPR s’est fondée de quelque manière sur sa conclusion selon laquelle la SLA avait interrogé les parents du défendeur en 2011. Selon l’interprétation du ministre, le seul fait nouveau sur lequel la SPR s’est fondée pour établir la demande d’asile « sur place » du défendeur est le fait que ce dernier a voyagé à bord du MS Sun Sea. De ce fait, soutient-il, la seule conclusion logique (vu que le défendeur a été lavé de tout soupçon avant de quitter le Sri Lanka) est que le gouvernement sri-lankais soupçonnerait la totalité des cinq cents passagers d’appartenir aux TLET. Le ministre ajoute que la commissaire ne fait état d’aucune preuve objective indiquant que le gouvernement sri-lankais soupçonnait tous les passagers du MS Sun Sea, voire un grand nombre d’entre eux, d’appartenir aux TLET. Le fait que l’on ait accusé 14 des 492 passagers d’avoir des liens terroristes n’est pas un motif raisonnable pour conclure que les autorités sri‑lankaises soupçonneraient le défendeur, de pair avec tous les autres passagers du MS Sun Sea, d’appartenir aux TLET. La preuve que le MS Sun Sea avait principalement à son bord des passagers qui avaient payé le voyage aux TLET, et en particulier celle montrant que le gouvernement sri-lankais était au courant de la nature de l’opération, sont d’importants éléments qui vont à l’encontre de la conclusion de la commissaire selon laquelle les autorités sri-lankaises soupçonneraient des individus d’être membres des TLET du fait de leur présence sur le MS Sun Sea.

 

[49]           Le ministre soutient par ailleurs que la commissaire a commis une erreur en concluant que le défendeur craint avec raison d’être exposé à des risques. Les risques que la commissaire a déterminés découlent de ses conclusions antérieures selon lesquelles les autorités sri-lankaises pourraient mettre en doute leur évaluation antérieure, à savoir que le défendeur n’a pas de liens  avec les TLET, qu’il serait soupçonné d’être membre des TLET ou d’entretenir des liens avec ceux-ci, que l’on pourrait considérer qu’il a des informations sur les opérations canadiennes des TLET et que l’on considérera qu’il a des opinions politiques contraires à celles de l’État du Sri Lanka. Comme ces conclusions sont erronées, d’après le ministre, la conclusion de la commissaire selon laquelle le défendeur s’exposera à un risque raisonnable de préjudice et à un risque pour sa vie quand il retournera au Sri Lanka est également erronée.

 

[50]           Enfin, le ministre a soutenu que la commissaire a commis une erreur en concluant à l’existence d’un lien avec un motif prévu dans la Convention. Les éléments de preuve qui lui ont été soumis n’étayent pas sa conclusion selon laquelle les autorités sri-lankaises concluraient, en se fondant sur le fait que le défendeur avait voyagé à bord du MS Sun Sea, qu’il avait des opinions politiques contraires à celles de l’État du Sri Lanka. Il se peut que la SLA veuille interroger le défendeur à son retour afin de savoir s’il a des informations quelconques sur l’organisation terroriste des TLET au Canada ou à bord du navire, mais cela ne revient pas à considérer que le défendeur a des opinions politiques contraires à celles des autorités sri-lankaises.

 

[51]           Quant aux liens avec un groupe social, le ministre soutient que la SPR n’a pas satisfait aux critères juridiques établis dans l’arrêt Ward. Elle a conclu que le défendeur appartient aux groupes sociaux suivants : les Tamouls soupçonnés d’appartenir aux TLET, les Tamouls soupçonnés d’avoir des informations sur des membres des TLET, ainsi que les associés ou les partisans des TLET de la diaspora qui s’emploient à renforcer cette organisation. Contrairement à ce qu’affirme le défendeur, à part le fait d’être tamoul (ce que la commissaire n’a pas considéré comme un groupe pertinent), les caractéristiques pertinentes sont toutes changeables, et voyager à bord du MS Sun Sea est une chose que le défendeur a faite, plutôt qu’une chose qu’il est. On n’a pas laissé entendre que le fait de voyager à bord du MS Sun Sea ou celui d’être soupçonné d’être membre des TLET est un aspect essentiel à la dignité humaine du défendeur. La troisième catégorie mentionnée dans l’arrêt Ward est elle aussi inapplicable, car on ne peut faire valoir raisonnablement que le fait de voyager à bord du MS Sun Sea ou celui d’être soupçonné d’appartenir aux TLET est « un ancien statut volontaire immuable en raison de sa permanence historique ». En résumé, le fait de décider volontairement de prendre le large pour le Canada à bord d’un navire illégal, ayant à son bord des clandestins, ne met pas en cause la défense de droits de la personne ou la lutte contre la discrimination, et ce fait n’est pas essentiel à la dignité humaine au point de constituer un groupe social.

 

Les arguments du défendeur

[52]           Selon le défendeur, les motifs de la commissaire sont tout à fait raisonnables; les arguments du ministre déforment la conclusion de cette dernière et interprètent mal le droit, et, en fin de compte, ils ne parviennent pas à démontrer l’existence d’une erreur quelconque. Il ajoute que, en l’espèce, la question en litige est le fait de savoir si la décision de la commissaire appartient aux issues raisonnables, d’après les éléments de preuve qui lui ont été soumis.

 

[53]           D’après le défendeur, la commissaire ne s’est pas contredite ou ne s’est pas fondée sur un [traduction] « fait inexistant » quand elle a conclu que ses rapports antérieurs avec les TLET aggraveraient le risque qu’il soit perçu comme un membre présumé des TLET, après avoir admis plus tôt qu’il n’avait jamais été membre de cette organisation. En faisant état de ses rapports avec les TLET et la SLA, elle voulait simplement sous-entendre que le défendeur vivait dans une région marquée par de nombreux conflits et où la SLA et les TLET étaient fort actifs, qu’on l’avait soupçonné d’être membre des TLET ou d’entretenir des liens avec ceux-ci et que la SLA l’avait interrogé à maintes reprises sur cela.

 

[54]           Le défendeur réfute ensuite l’observation selon laquelle la commissaire a commis une erreur en concluant qu’on le persécuterait en raison de ses opinions politiques perçues ou de son appartenance à un groupe social définissable. Pour ce qui est des opinions politiques perçues, le défendeur soutient qu’un Tamoul entretenant des liens avec les TLET ou dissimulant des informations sur ces derniers pourrait être considéré comme favorable aux TLET ou hostile au gouvernement. L’argument du demandeur selon lequel il n’existe aucune preuve que les autorités sri-lankaises considéraient que les Tamouls qui prennent la fuite illégalement sont potentiellement favorables aux TLET est inexact, selon lui, car il y avait une preuve que les autorités donnent suite à cette perception en torturant les personnes expulsées. Par ailleurs, la situation particulière du défendeur était qu’on l’avait déjà considéré comme un suspect. Toute mesure de la part du défendeur qui le mettrait en contact avec des militants des TLET renouvellerait les soupçons entourant ses opinions politiques. De plus, il soutient que les tentatives du ministre pour faire une distinction entre le souhait d’interroger le défendeur et les risques potentiels associés à un tel interrogatoire sont viciées et ne sont étayées par aucun précédent.

 

[55]           Quant au lien avec un groupe social, le défendeur dit tout d’abord que le ministre a fait abstraction du fait que la commissaire a spécifié que la question tout entière était comprise dans le motif des « opinions politiques perçues ». Il soutient par ailleurs que la commissaire a défini de manière raisonnable un groupe social fondé sur des caractéristiques inchangeables, adaptées à ces caractéristiques et circonstances particulières. Contrairement au cas de M. Ward, dont la crainte de persécution reposait sur son appartenance antérieure à une organisation terroriste, le défendeur ne peut changer le fait qu’il est un [traduction] « Tamoul soupçonné d’être » un membre des TLET ou d’avoir des informations sur ceux-ci; il ne s’agit pas là d’un groupe auquel il a décidé de se joindre et qu’il peut quitter.

 

[56]           Même si certains des arguments du défendeur à propos de la norme de preuve applicable semblent passer à côté de la nuance faite dans les observations du ministre, il fait valoir en fin de compte que l’accent que met le ministre sur la conclusion selon laquelle il [traduction] « sera » poursuivi - ce qui implique une certitude absolue - constitue une méconnaissance complète du droit. Aux dires du défendeur, le fait que la commissaire ait mentionné à divers endroits dans sa décision que le défendeur « pourrait » être exposé à des risques ne pose pas de problème. La commissaire a conclu que le défendeur a autrefois été considéré comme suspect, que son voyage à bord du MS Sun Sea donne une nouvelle raison pour l’interroger et que les autorités ont fait état d’un regain d’intérêt à son endroit. Toutes ces conclusions ont été tirées selon la prépondérance des probabilités et il s’agissait de conclusions de fait, de pair avec les conclusions additionnelles de la commissaire au sujet de l’état actuel des droits de la personne au Sri Lanka. C’est dans ce contexte que la commissaire a ensuite analysé les motivations possibles des autorités sri-lankaises.

 

Les questions en litige

[57]           La présente affaire soulève les principales questions qui suivent :

(i)         Quelle est la norme de contrôle applicable?

(ii)        La commissaire a-t-elle tiré des conclusions de fait que la preuve n’étaye pas?

(iii)       La commissaire a-t-elle commis une erreur en concluant que la demande d’asile du défendeur avait un lien avec un motif prévu dans la définition d’un réfugié au sens de la Convention, suivant l’article 96 de la LIPR?

(iv)       La SPR a-t-elle appliqué la bonne norme de preuve?

 

Analyse

            (i) Quelle est la norme de contrôle applicable?

[58]           Les parties conviennent que les questions soulevées dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire doivent toutes être tranchées selon la norme de la raisonnabilité. Je suis conscient que le juge Harrington a certifié une question grave portant sur la norme de contrôle à appliquer dans des affaires connexes qui mettaient en cause des demandeurs d’asile du MS Sun Sea ayant obtenu gain de cause : voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c B472, 2013 CF 151; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c B323, 2013 CF 190; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c A011, 2013 CF 580. Cette question, non encore tranchée par la Cour d’appel, est la suivante :

Lors du contrôle d’une décision par laquelle un membre de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié définit la notion d’« appartenance à un groupe social » employée dans la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés et visée à l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, la Cour doit-elle appliquer la norme de la décision correcte ou la norme de la raisonnabilité?

 

[59]           Dans la présente affaire, cependant, il me semble que les arguments ne portent pas tant sur l’interprétation des motifs prévus dans la Convention en soi que sur des questions mixtes de fait et de droit. Plus particulièrement, la question n’est pas axée sur la définition d’un « groupe social », mais sur le fait de savoir si le défendeur appartient à un tel groupe. À part les trois affaires que le juge Harrington a tranchées et les deux que la Cour d’appel fédérale a liées à l’interprétation de la Convention des Nations Unies (Febles c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CAF 324, aux paragraphes 22 à 25; Feimi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CAF 325, au paragraphe 14), dans toutes les autres décisions connexes de la présente Cour c’est la norme de la raisonnabilité que l’on a appliquée : voir, notamment, Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c B134, B130, B133, B131 et B132, IMM-8010-12; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c B377, 2013 CF 320; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c B344, 2013 CF 447; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c B451, 2013 CF 441; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c B420, 2013 CF 321; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c A032, 2013 CF 322; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c B399, 2013 CF 260; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c B342, IMM-914-12; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c B380, 2012 CF 1334.

 

[60]           Après avoir passé en revue avec soin toutes ces décisions, j’arrive à la conclusion que c’est la norme de la raisonnabilité qu’il convient d’appliquer. Même si la question du lien s’articule indirectement autour de l’interprétation appropriée de cette catégorie, il s’agirait quand même d’une question d’interprétation législative de la loi constitutive de la Commission qui ne soulève ni une question de nature constitutionnelle, ni une question de droit revêtant une importance générale pour le système juridique dans son ensemble, à l’instar de l’expression « passage de clandestins » qui figure à l’alinéa 37(1)b) de la LIPR : voir B010 c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CAF 87. Cela étant, je souscris entièrement aux commentaires qu’a faits le juge en chef Crampton au moment de déterminer la norme de contrôle appropriée dans l’affaire B380 :

[13] Les conclusions de la Commission relativement à la question du lien avec l’un des motifs de protection énoncés à l’article 96 soulèvent une question de droit et une question mixte de faits et de droit. La question de droit consiste à savoir s’il y a des limites au champ d’application de l’expression « groupe social » contenue dans cet article et, si c’est le cas, quelle est l’étendue de ces limites. Il s’agit là d’une question d’interprétation de la loi constitutive de la Commission et de la jurisprudence qui y est liée, et elle ne soulève pas de questions d’une importance capitale pour le système juridique et étrangères au domaine d’expertise de la SPR, de questions touchant véritablement à la compétence, de questions constitutionnelles ou de questions liées à la délimitation des compétences entre deux tribunaux. Par conséquent, la norme de contrôle applicable est la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, aux paragraphes 55 à 61 (Dunsmuir); Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 RCS 654, aux paragraphes 30 à 47).

 

[14] La question mixte de fait et de droit quant au lien consiste à savoir s’il y avait suffisamment d’éléments de preuve dans le dossier dont la SPR disposait pour lui permettre de conclure que le défendeur appartenait à un groupe social au sens de l’article 96. Cette question aussi est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable […].

 

 

[61]           On peut en dire autant de la dernière question concernant la norme de preuve applicable que la SPR a appliquée. Même s’il est concevable que la désignation de la norme de preuve applicable soit « la norme de la décision correcte » (B377, au paragraphe 10; République de Chypre (Commerce et Industrie) c International Cheese Council of Canada, 2011 CAF 201, aux paragraphes 18 et 19), l’application de cette norme aux faits est une question mixte de fait et de droit susceptible de contrôle selon la norme de la raisonnabilité. En fait, c’est à cette conclusion qu’est arrivé le juge Noël dans une affaire fort semblable, où il a reconnu que la question de savoir si la SPR avait appliqué une mauvaise norme de preuve à ses conclusions de fait en fondant des éléments cruciaux de sa décision sur des conjectures ainsi que sur des éléments de preuve ambigus et périmés était susceptible de contrôle selon la norme de la raisonnabilité car cette question soulevait des questions mixtes de fait et de droit (voir B344, au paragraphe 28).

 

(ii) La commissaire a-t-elle tiré des conclusions de fait que la preuve n’étaye pas?

[62]           Comme il a été dit plus tôt, le demandeur met en doute le fait que la commissaire s’est fondée sur les rapports antérieurs du défendeur avec les TLET pour décider que celui-ci est un réfugié « sur place ». Selon l’avocat, la commissaire ne pouvait pas dire que ces rapports antérieurs étaient un facteur qui aggraverait le risque que l’on considère le défendeur comme un membre présumé des TLET, après avoir conclu plus tôt que la SLA était convaincue qu’il n’avait pas de liens avec cette organisation.

 

[63]           Certes, la commissaire, en analysant la perception qu’avait l’agent de persécution du profil du défendeur avant qu’il monte à bord du MS Sun Sea, est arrivée à la conclusion que les autorités sri-lankaises ne le soupçonnaient pas d’être membre des TLET ou d’entretenir des liens avec ceux-ci (voir les paragraphes 51 à 58 de la décision). Elle est arrivée à cette conclusion non seulement parce qu’il a pu obtenir un passeport à Colombo, mais aussi parce qu’il a pu quitter le pays après avoir été interrogé durant plus de trois heures. Comme le déclare la commissaire, au paragraphe 58 de sa décision :

Je suis convaincue que, au cours des trois heures où le demandeur d’asile a été détenu à l’aéroport par les autorités du gouvernement sri-lankais, celles-ci ont communiqué avec les représentants de la SLA en poste dans sa région natale pour vérifier s’ils avaient de l’information ou des soupçons concernant les liens du demandeur d’asile avec les TLET. S’il y avait eu le moindre doute quant à la bonne foi du demandeur d’asile, j’estime qu’il n’aurait pas été autorisé à quitter le Sri Lanka le 6 février 2010.

 

[64]           Cependant, la commissaire a effectivement conclu que le profil du défendeur a changé quand celui-ci a décidé de prendre place à bord du MS Sun Sea. Elle s’est appuyée pour cela sur le site Web officiel du ministère de la Défense du Sri Lanka, selon lequel, notamment, « [l]es TLET transportent des passagers clandestins à bord de leurs navires, comme le MS Sun Sea, jusqu’au Canada » et « [l]es TLET exercent des activités à l’extérieur du Sri Lanka ». Elle s’est également reportée à un article d’un expert en terrorisme paru au Sri Lanka, disant que la GRC avait mis à part quelques douzaines des 492 migrants illégaux qui étaient arrivés à bord du MS Sun Sea, les soupçonnant d’être liés aux TLET, et indiquant aussi que le Canada est la destination de choix des terroristes et des criminels car ce pays a été choisi comme l’endroit où les dirigeants des TLET se réorganiseront une fois de plus pour déstabiliser le Sri Lanka. Elle a également cité des articles publiés dans un certain nombre de journaux canadiens et portant sur des membres des TLET trouvés à bord du MS Sun Sea, et elle a conclu que même si le gouvernement du Sri Lanka n’a pas été informé par les autorités canadiennes que le défendeur se trouvait à bord de ce navire, comme le prétendait le défendeur, il serait stupide de sa part de ne pas l’admettre car les autorités sri-lankaises l’apprendraient rapidement.

 

[65]           C’est au vu de ces éléments de preuve, de pair avec les démêlés antérieurs du défendeur avec la SLA au sujet de ses liens avec les TLET, que la commissaire est arrivée à la conclusion que ce dernier sera considéré comme un membre présumé des TLET ou un associé de ceux-ci. Fait crucial, la commissaire a écrit, avant d’arriver à sa conclusion :

De plus, les autorités sri‑lankaises pourraient maintenant remettre en cause leur évaluation précédente, qui a permis de conclure que le demandeur d’asile n’était pas un associé ni un membre des TLET. Très peu de temps après qu’il eut été autorisé à ne plus se présenter régulièrement, c’est‑à‑dire presque tous les jours, au camp de la SLA, le demandeur d’asile a quitté le Sri Lanka et s’est rendu jusqu’au Canada à bord d’un navire qui, selon le ministre de la Défense du Sri Lanka, appartenait aux TLET. Le demandeur d’asile devait se présenter à la SLA parce qu’elle le soupçonnait d’être un membre ou un associé des TLET. Elle croyait également – et c’est peut‑être toujours le cas – que le frère du demandeur d’asile appartenait aux TLET. En date de l’audience, le frère du demandeur d’asile est toujours porté disparu. La famille a cherché ce fils disparu dans divers camps de détention, mais elle ne l’a pas retrouvé.

 

Décision, paragraphe 70

 

[66]           Il ressort clairement de cet extrait que la commissaire était bien consciente de sa conclusion antérieure et qu’elle ne se contredisait pas. Lue dans son juste contexte, la déclaration à laquelle le ministre trouve à redire [dans la version anglaise de la décision] : (“I find that the combination of pre-MV Sun Sea facts concerning the claimant’s involvement with the LTTE and the SLA...”), et traduite en français comme suit : « [j’]estime que l’ensemble des faits de la période précédant le voyage à bord du MS Sun Sea en ce qui touche les prétendus liens du demandeur d’asile avec les TLET et ses démêlés avec la SLA […] ») n’était manifestement pas erronée. Il aurait peut-être été préférable [toujours dans la version anglaise de la décision] d’indiquer « suspected involvement with », mais c’est indubitablement ce qu’elle voulait dire. Le fait qu’elle parle des démêlés du défendeur avec la SLA fait ressortir cela de manière encore plus claire; comme le défendeur n’a jamais été membre de la SLA ni associé à celle-ci, elle ne pouvait faire référence qu’à ses rapports avec la SLA à l’époque où il était considéré comme suspect.

 

[67]           La position du demandeur, qui revient à dire qu’une fois que les autorités sri-lankaises concluront qu’il n’est pas membre, allié ou partisan des TLET, il continuera d’une certaine façon d’être perçu de la même façon dans l’avenir, quoi qu’il advienne, est tout simplement indéfendable. Il ne serait que logique que les autorités sri-lankaises revoient leur évaluation, si tant est qu’elles croient que certains membres, associés ou sympathisants des TLET se trouvaient à bord du MS Sun Sea.

 

[68]           Le demandeur soutient par ailleurs que la conclusion de la commissaire selon laquelle le défendeur serait soupçonné d’entretenir des liens avec les TLET parce qu’il se trouvait à bord du MS Sun Sea est déraisonnable, car il faudrait pour cela que les autorités sri-lankaises soupçonnent que l’ensemble du groupe de près de cinq cents passagers du MS Sun Sea faisait partie des TLET. Selon le ministre, la preuve n’étaye pas cette conclusion. Non seulement n’a‑t‑on accusé que quatorze passagers d’entretenir des liens terroristes, mais il y a une preuve que le gouvernement sri-lankais a reconnu que le MS Sun Sea transportait principalement des personnes qui avaient payé leur voyage aux TLET.

 

[69]           Là encore, je suis d’avis que la conclusion de la commissaire selon laquelle le défendeur a maintenant le profil d’un « membre présumé des TLET » ou d’une « personne soupçonnée d’avoir de l’information sur les membres des TLET et des efforts déployés au Canada pour renforcer cette organisation » est tout à fait raisonnable. Je signale que la commissaire a traité directement de l’argument du ministre concernant le fait que le gouvernement canadien a conclu que seuls quatorze passagers avaient des liens avec les TLET. Sa réponse à cet argument est pertinente et convaincante :

[68] Le représentant du ministre omet de reconnaître le fait que le Sri Lanka devra établir lui-même, pour sa propre sécurité nationale, lesquels des passagers étaient ou sont actuellement associés aux TLET, et quelle information le demandeur d’asile peut avoir au sujet des membres des TLET qui étaient à bord du MS Sun Sea. Le Sri Lanka est résolu à faire échec aux TLET avant qu’ils puissent refaire surface au Sri Lanka et ranimer le conflit militaire contre le gouvernement de ce pays.

 

[69] Il n’est pas logique qu’un pays encore ébranlé par 26 années de guerre civile brutale renonce à son droit de juger par lui-même qui représente un risque pour la sécurité, et qu’il s’en remette uniquement à une enquête, éventuellement périmée, menée par un pays étranger. Toute décision rendue par le Canada au sujet des liens du demandeur d’asile avec les TLET ne refléterait pas nécessairement les associations ultérieures ou les nouveaux renseignements qu’il pourrait avoir au sujet des activités des TLET au Canada et des membres des TLET qui étaient à bord du navire.

 

[70]           Il va sans dire que les autorités sri-lankaises, préoccupées qu’elles sont par la résurgence possible des TLET, voudront tirer leurs propres conclusions pour ce qui est de savoir qui est et qui n’est pas membre ou sympathisant de cette organisation. Elles ne se fieraient pas forcément à la décision d’un gouvernement étranger à cet égard, ne serait-ce que par ce qu’elles appliqueraient des lois différentes ainsi que des normes juridiques, des règles de procédure et des  normes de preuve différentes. Une telle conclusion appartient sans nul doute aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[71]           Quant à l’argument selon lequel la commissaire a fait abstraction du fait que les autorités sri-lankaises sont conscientes que le MS Sun Sea transportait principalement des passagers payants désireux d’entrer clandestinement au Canada, il est lui aussi sans fondement. Le demandeur l’a admis, il est présumé que la commissaire a consulté toutes les preuves qu’elle avait en main, et dans ses motifs elle n’avait pas à faire référence à tous les éléments de ces preuves. De plus, elle était au courant de cet aspect car elle a déclaré que le ministère de la Défense du Sri Lanka soutient sur son propre site Web que les TLET emmènent clandestinement des personnes au Canada à bord de navires des TLET semblables au MS Sun Sea. Le demandeur voudrait que la Cour croie qu’il s’agit là d’un facteur susceptible d’amoindrir le risque auquel s’exposerait le défendeur à son retour. Il est toutefois possible de tirer de ce fait une inférence tout aussi plausible, et il semble aussi que le secrétaire de la Défense du Sri Lanka en ait fait de même, quand il a déclaré que l’argent payé par les passagers du MS Sun Sea [traduction] « servira à promouvoir davantage la cause séparatiste et peut-être même à commanditer de futures activités terroristes au Sri Lanka » (Dossier certifié du tribunal, page 886). Le fait de donner des dizaines de milliers de dollars à un navire organisé par les TLET (comme le soutient le gouvernement du Sri Lanka) pourrait être considéré de manière défavorable par les autorités sri-lankaises et nuire à tous les passagers qui, peut-on présumer, ressentent au moins une certaine sympathie pour les TLET.

 

[72]           Enfin, il est manifestement erroné d’inférer du raisonnement de la commissaire qu’il faudrait que les autorités sri-lankaises soupçonnent que tous les passagers du MS Sun Sea sont membres des TLET. La commissaire n’est jamais allée jusque-là et n’a pas fondé sa décision uniquement sur la présence du défendeur à bord du MS Sun Sea. Contrairement à la situation dont il était question dans l’affaire B380, où la SPR entretenait de sérieux doutes quant à la crédibilité du demandeur, dans le cas présent le défendeur a été jugé crédible, fiable et digne de confiance. La commissaire a admis qu’il avait été persécuté par la SLA et qu’on l’avait soupçonné d’être membre des TLET ou d’avoir des liens avec cette organisation à divers moments avant son départ du Sri Lanka. C’est à cause de la combinaison de ces faits et de l’embarquement du défendeur à bord d’un présumé navire des TLET que la commissaire est arrivée à cette conclusion. Cette dernière a également tenu clairement compte du fait que la SLA croit que le frère du défendeur est membre des TLET ou entretient des liens avec ceux-ci (voir le paragraphe 70 de la décision). Même si elle n’a pas fait explicitement état de ce facteur dans cette partie-là de sa décision, la commissaire était également consciente du fait que la SLA, qui était à la recherche du défendeur, s’est présentée à la résidence familiale et y a saisi une photographie de lui. Au vu de cette preuve, la commissaire pouvait conclure avec raison qu’il existe une preuve suffisante que les autorités sri-lankaises soupçonneraient le défendeur d’entretenir des liens avec les TLET. De telles conclusions de fait appellent le plus haut degré de déférence et ne devraient pas être mises de côté à la légère, même si la Cour aurait pu arriver à une conclusion différente.

 

(iii) La commissaire a-t-elle commis une erreur en concluant que la demande d’asile du défendeur avait un lien avec un motif prévu dans la définition d’un réfugié au sens de la Convention, suivant l’article 96 de la LIPR?

 

[73]           Il ressort clairement de la définition d’un réfugié au sens de la Convention et de la jurisprudence qu’il doit y avoir un lien entre le préjudice redouté et l’un des cinq motifs mentionnés dans la définition d’un réfugié, soit la race, la religion, la nationalité, l’appartenance à un groupe social ou les opinions politiques. Dans l’arrêt Ward, la Cour suprême s’est efforcée de délimiter la notion de « groupe social » et de lui donner un peu de contenu. Selon la Cour, il existe trois catégories possibles de groupe social :

Le sens donné à l'expression « groupe social » dans la Loi devrait tenir compte des thèmes sous-jacents généraux de la défense des droits de la personne et de la lutte contre la discrimination qui viennent justifier l'initiative internationale de protection des réfugiés. Les critères proposés dans Mayers, Cheung et Matter of Acosta, précités, permettent d'établir une bonne règle pratique en vue d'atteindre ce résultat. Trois catégories possibles sont identifiées:

 

(1) les groupes définis par une caractéristique innée ou immuable;

 

(2) les groupes dont les membres s'associent volontairement pour des raisons si essentielles à leur dignité humaine qu'ils ne devraient pas être contraints à renoncer à cette association; et

 

(3) les groupes associés par un ancien statut volontaire immuable en raison de sa permanence historique.

 

La première catégorie comprendrait les personnes qui craignent d'être persécutées pour des motifs comme le sexe, les antécédents linguistiques et l'orientation sexuelle, alors que la deuxième comprendrait, par exemple, les défenseurs des droits de la personne. La troisième catégorie est incluse davantage à cause d'intentions historiques, quoiqu'elle se rattache également aux influences antidiscriminatoires, en ce sens que le passé d'une personne constitue une partie immuable de sa vie.

 

Ward, page 739, paragraphe 70

 

[74]           L’avocat du demandeur a fait grand cas du fait que la Commission a conclu que le défendeur appartenait aux groupes sociaux suivants : les « Tamouls soupçonnés d’être membres des TLET », les « Tamouls soupçonnés de détenir de l’information sur des membres des TLET » et les « associés ou partisans des TLET de la diaspora qui s’emploient à renforcer cette organisation ». Je conviens avec le demandeur que la commissaire n’a pas expliqué en quoi ces groupes correspondent à la définition officielle d’un groupe social.

 

[75]           La première catégorie ne s’applique manifestement pas, car elle englobe les actes de persécution qui reposent sur des caractéristiques immuables telles que le sexe, les antécédents linguistiques et l’orientation sexuelle ou la race. La deuxième catégorie ne s’applique pas non plus, parce que rien ne laisse croire que le fait de voyager à bord du MS Sun Sea ou d’être soupçonné d’appartenir aux TLET est un aspect essentiel à la dignité humaine du défendeur. La dernière catégorie est légèrement plus problématique. Je conviens avec le demandeur que le simple fait de voyager à bord du MS Sun Sea ou d’être soupçonné de faire partie des TLET, sans plus, ne peut pas être assimilé à un « ancien statut volontaire immuable en raison de sa permanence historique ». Je suis d’accord avec le juge en chef Crampton, dans la décision B380, pour dire que le fait de voyager à bord du MS Sun Sea ne crée pas un groupe social et que le fait de décider de voyager à bord d’un navire de clandestins ne met pas en cause la défense des droits de la personne ou la lutte contre discrimination, qui constitue un aspect primordial pour ce qui est de déterminer si une personne appartient ou non à un groupe social. Mais cela ne veut pas dire qu’une série différente de faits ne pourrait pas mener à une conclusion différente. Si, par exemple, les membres d’un groupe ethnique décidaient de chercher ensemble un lieu de refuge d’une manière que réprouvent les autorités de leur pays d’origine, chacun des membres de ce groupe pourrait fort bien prétendre faire partie de ce groupe social en particulier. Cependant, il n’existe aucune preuve de ce genre en l’espèce.

 

[76]           L’avocat du défendeur soutient qu’il est possible de parfaire la définition d’un groupe social en y intégrant les expériences qui caractérisent le réfugié, et que, à l’instar des femmes originaires de la Chine qui ont été stérilisées de force et des femmes victimes de violence familiale, le défendeur ne peut pas changer le fait qu’il a été soupçonné antérieurement ou qu’il a voyagé à bord du MS Sun Sea. Bien qu’attrayant à première vue, cet argument, à mon humble avis, ne peut pas être retenu. Premièrement, je ne vois pas comment on peut considérer que des Tamouls soupçonnés d’être membres des TLET ou d’entretenir des liens avec ceux-ci forment un groupe « associé par un ancien statut volontaire ». De plus, même en présumant qu’un tel groupe existe, on ne peut pas dire que sa raison d’être soit la défense des droits de la personne ou la lutte contre la discrimination. Deuxièmement, le fait d’être soupçonné de faire partie des TLET ou d’être au courant de leur existence n’est pas une caractéristique inaltérable, comme en témoigne le fait que l’on ne considérait pas le défendeur comme suspect à l’époque où il a quitté le Sri Lanka.

 

[77]           Quoi qu’il en soit, la commissaire a clairement indiqué que les groupes sociaux qu’elle a mentionnés, et même le motif de la nationalité tamoule, peuvent être compris dans le motif des « opinions politiques » que prévoit la Convention (décision, paragraphe 74). Contrairement à la situation dont il était question dans l’affaire B380, la commissaire n’a pas fondé sa conclusion exclusivement sur l’appartenance du défendeur à un groupe social en tant que passager du MS Sun Sea, mais aussi sur ses opinions politiques perçues. Dans cette mesure, les faits de l’espèce rapprochent celle-ci nettement plus de la décision qu’a rendue mon collègue, le juge O’Reilly, dans l’affaire B399 que du scénario auquel avait affaire le juge en chef Crampton dans l’affaire B380. Comme dans B399, le défendeur a été jugé digne de foi et la commissaire a admis qu’il avait été détenu, arrêté et maltraité à maintes reprises par la SLA à cause de ses présumés liens avec les TLET. Elle a également tenu compte du fait que la SLA a eu un regain d’intérêt envers lui et que son frère est soupçonné d’appartenir aux TLET. Au vu de tous les éléments de preuve qu’elle avait en main, elle pouvait raisonnablement conclure que la crainte de risque du défendeur est liée aux motifs des opinions politiques perçues que prévoit la Convention.

 

(iv) La SPR a-t-elle appliqué la bonne norme de preuve?

[78]           Il est bien établi qu’en vue d’établir le bien-fondé d’une demande d’asile, le demandeur doit établir les faits de sa cause selon la prépondérance des probabilités. Dans l’arrêt Chan c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] 3 RCS 593, la Cour suprême explique que « [t]ant l’existence d’une crainte subjective que le fondement objectif de cette crainte doivent être établis selon la prépondérance des probabilités ». Le demandeur doit également montrer qu’il y a une « possibilité sérieuse », ou davantage qu’une simple possibilité, qu’il sera persécuté s’il retourne dans son pays : voir Adjei c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 2 CF 680 (CA), aux paragraphes 5 et 6; Lopez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1156.

 

[79]           Aux dires du demandeur, la commissaire a appliqué une norme de preuve insuffisamment stricte pour arriver à la conclusion que l’on considérerait que le défendeur est membre des TLET ou qu’il a des informations sur les activités de cette organisation. S’appuyant sur les paragraphes 70 et 71, l’avocat reproche à la commissaire d’avoir déclaré que les autorités sri‑lankaises « pourraient » mettre en doute leur évaluation selon laquelle le défendeur n’avait pas de liens avec les TLET à cause de son voyage à bord du MS Sun Sea, et d’avoir conclu que l’on « pourrait » aussi considérer que le défendeur détient des informations sur les activités des TLET au Canada. Il était loisible à la commissaire de conclure que le défendeur pourrait être exposé à des actes de persécution au Sri Lanka en tant que personne soupçonnée d’avoir des liens avec les TLET, mais elle se serait trompée en concluant que le défendeur serait effectivement soupçonné d’avoir de tels liens selon une norme de preuve moins stricte que celle de la prépondérance des probabilités.

 

[80]           Je conviens que la commissaire aurait pu être plus explicite en scindant les deux volets de son analyse. Je crois néanmoins qu’elle a exposé correctement les normes de preuve applicables et je suis persuadé, après avoir lu la décision dans son ensemble, qu’elle a appliqué ces normes aux faits de manière raisonnable.

 

[81]           Elle a fait précéder son analyse concernant la crainte fondée de préjudice d’un énoncé clair de la norme de preuve applicable, citant même un passage de l’arrêt Adjei à l’appui de son raisonnement :

[77] Afin de pouvoir conclure que le demandeur d’asile craint avec raison de subir un préjudice s’il retourne au Sri Lanka, je dois établir l’existence d’éléments de preuve crédibles, dignes de foi et fiables qui démontrent que, selon la prépondérance des probabilités, le demandeur d’asile est exposé à un risque raisonnable d’être persécuté s’il retournait au Sri Lanka. Cette norme de preuve exige un seuil peu élevé, bien inférieur à celui de la prépondérance des probabilités. Dans la décision Adjei, la Cour a fourni l’explication suivante :

 

[traduction] Ce qui ressort clairement des expressions comme « avec raison » ou « possibilité raisonnable » est que, d’une part, il n’est pas nécessaire que la possibilité soit de plus de 50 p. 100 (c.‑à‑d. qu’il s’agisse d’une probabilité), et que, d’autre part, il doit exister davantage qu’une possibilité minime. Nous croyons qu’il y a également lieu de parler de possibilité « raisonnable » ou même « sérieuse », par opposition à une simple possibilité. [Italique ajouté]

 

[78] Dans le contexte de la présente demande d’asile, s’il existe une « possibilité raisonnable » ou « davantage qu’une simple possibilité » que le demandeur d’asile soit persécuté, d’après l’examen de l’ensemble des éléments de preuve crédibles, fiables et dignes de foi présentés en l’espèce, je devrai alors conclure que le demandeur d’asile a qualité de réfugié au sens de la Convention.

 

 

[82]           Elle a ensuite conclu, en s’appuyant sur la preuve documentaire ainsi que sur les propres preuves du défendeur, que les autorités sri-lankaises détermineront rapidement que le défendeur se trouvait à bord du MS Sun Sea (paragraphes 65 et 66) et ne se fieront pas à l’évaluation qu’a faite le Canada à propos de ceux des passagers qui entretiennent des liens avec les TLET (paragraphe 68). Ce n’est qu’en plus de ces facteurs que la commissaire a conclu que les autorités sri-lankaises pourraient revoir leur évaluation antérieure du défendeur et que l’on pourrait considérer que ce dernier détient des informations sur le présumé renforcement des TLET au sein même du Canada. En fait, elle a conclu cette partie de son analyse en disant que le défendeur « a maintenant le profil d’une [traduction] “ personne soupçonnée d’appartenir aux TLET ” ou d’une “ personne soupçonnée d’avoir de l’information sur les membres des TLET et les efforts déployés au Canada pour renforcer cette organisation ” » (paragraphe 72).

 

[83]           Dans l’ensemble, on ne m’a pas convaincu que la commissaire a appliqué la mauvaise norme de preuve aux faits qui sous-tendent sa décision. Même si certaines de ces conclusions sont plus conjecturales que d’autres, elle était sans nul doute bien consciente du seuil à atteindre et elle a effectivement conclu, à partir de son évaluation globale des faits, que l’on soupçonnera le défendeur d’être membre ou sympathisant des TLET selon la prépondérance des probabilités.

 

[84]           Je signale que mon collègue, le juge Noël, a tranché un argument semblable du ministre dans l’affaire B344, et je fais miens ses commentaires dans le contexte de la présente espèce :

La SPR a bien fait l’examen de la preuve documentaire concernant toutes les questions, notamment l’attitude du gouvernement du Sri Lanka envers les rapatriés sri-lankais, son recours à la torture, sa vision du MS Sun Sea, y compris la plus récente déclaration du secrétaire à la Défense selon lequel le voyage du MS Sun Sea constitue un exemple des activités criminelles de transport international des TLET pour faire entrer clandestinement des gens dans des pays occidentaux pour lever des fonds pour la cause séparatiste, et son examen est pondéré et les conclusions tirées sont justifiées. Je conclus que la SPR n’a fait aucune conjecture dans le cadre de son appréciation de la preuve et je conclus qu’aucune de ses conclusions n’était fondée sur des éléments de preuve périmés ou imprécis. Le demandeur n’est pas d’accord avec les conclusions de la SPR et souhaiterait que la Cour examine la preuve et arrive à un résultat différent. Les conclusions de la SPR étaient raisonnables et l’intervention de la Cour n’est donc pas justifiée.

 

(B344, au paragraphe 48)

 

 

Conclusion

[85]           Pour tous les motifs qui précèdent, je conclus qu’il y a lieu de rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[86]           Le ministre n’a pas proposé de question à certifier. L’avocat du défendeur a proposé la question suivante, au cas où la demande de contrôle judiciaire serait accueillie :

[traduction] Lors du contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié qui interprète les motifs énoncés dans la définition d’un réfugié au sens de la Convention, la Cour doit-elle appliquer la norme de la décision correcte ou celle de la raisonnabilité?

 

[87]           Une question semblable (quoique d’une portée légèrement plus restreinte) a été certifiée par deux de mes collègues, le juge Harrington dans les décisions B472, B323 et A011, et le juge Mosley dans la décision Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c B171, B169, B170, 2013 CF 741. Dans ces affaires, la question posée porte expressément sur le sens de l’« appartenance à un groupe social », plutôt que sur tous les motifs prévus dans la Convention et mentionnés à l’article 96 de la LIPR. Comme ma décision ne porte pas sur cette question-là, et comme il n’y a pas de désaccord sur ce que signifient les opinions politiques (réelles ou perçues), la question proposée ne serait pas déterminante quant à l’issue de l’appel et il n’est donc pas nécessaire de la certifier.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la présente demandes de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Yves de Montigny »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5909-12

 

INTITULÉ :                                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION c B272

 

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             LE 14 MARS 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE DE MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :                     LE 15 AOÛT 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jamie Todd

Amy King

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Raoul Boulakia

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Raoul Boulakia

Avocat

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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