Date : 20130813
Dossier : T-583-06
Référence : 2013 CF 856
[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 13 août 2013
En présence de monsieur le juge Manson
ENTRE :
|
ENVIREEN CONSTRUCTION (1997) LTD
|
|
|
demanderesse
|
|
et
|
|
|
SA MAJESTÉ LA REINE
|
|
|
|
défenderesse
|
|
|
|
|
MOTIFS DE JUGEMENT ET JUGEMENT
I. Introduction
[1] La demanderesse, Envireen Construction (1997) Ltd [Envireen] intente une action fondée sur la prétendue rupture irrégulière d’un contrat consistant à exécuter des travaux de démolition et de réduction de la pollution causée par des matières dangereuses sur un immeuble dans lequel se trouvait une installation de chauffage désaffectée [le bâtiment no 77] situé sur la base de Goose Bay (Terre‑Neuve-et-Labrador) du ministère de la Défense nationale [le MDN]. Travaux publics et Services gouvernementaux Canada [TPSGC] était l’autorité contractante et le responsable du projet; c’est ce ministère qui a publié la demande d’offres. Les travaux devaient être exécutés par Envireen entre le 17 décembre 2001 et le 23 septembre 2002.
[2] Le 9 août 2002, TPSGC a informé la demanderesse que les travaux exécutés jusque-là n’étaient pas satisfaisants et lui a remis un avis écrit expliquant que le ministère prendrait des mesures pour retirer les travaux des mains de la demanderesse dans les six jours suivants, conformément à l’article CG 38 des conditions générales du contrat.
[3] Le 5 septembre 2002, TPSGC a officiellement résilié le contrat conclu avec Envireen. TPSGC a retenu une somme de 9 596,25 $ sur le dépôt de garantie de 80 000 $ versé par la demanderesse, somme qui correspondait au coût du lancement d’un nouvel appel d’offres pour le contrat et a versé le reliquat du dépôt à un certain nombre de créanciers d’Envireen, qui avaient présenté des jugements établissant les montants qui leur étaient dus à cause de travaux effectués par Envireen.
[4] TPSGC a également retenu des matériaux et de l’outillage d’Envireen qui se trouvaient sur le chantier, pour qu’ils soient utilisés par le nouvel entrepreneur qui obtiendrait le contrat et serait chargé de démolir l’immeuble et de réduire la pollution causée par des matières dangereuses, après le nouvel appel d’offres lancé pour le projet Goose Bay.
[5] Envireen demande des dommages-intérêts pour assertion négligente et inexacte (bien que cet argument n’ait pas été expressément plaidé), rupture de contrat découlant de factures impayées, confiscation irrégulière de son dépôt de garantie, perte de bénéfices ainsi que des dommages punitifs.
II. Les questions en litige
A. L’omission de la part de TPSGC d’identifier la substance blanche poudreuse à la suite de l’inspection des matières dangereuses effectuée par Pinchin Leblanc, dans le cadre des documents de l’appel d’offres, constitue-t-elle une assertion négligente et inexacte faite aux entrepreneurs?
B. Rupture de contrat
1) Le congédiement d’Envireen en qualité d’entrepreneur par TPSGC constitue-t-il une rupture de contrat?
2) La confiscation par TPSGC du dépôt de garantie d’Envireen et des matériaux se trouvant sur le chantier constitue-t-elle une rupture de contrat?
3) Le refus de TPSGC de payer les factures d’Envireen correspondant à des retards, aux coûts fixes et à des dépenses constitue-t-il une rupture de contrat?
4) Envireen avait-elle le droit d’être payée pour les travaux d’élimination de la soude caustique se trouvant sur le chantier?
C. Envireen a-t-elle droit à des dommages-intérêts punitifs?
III. Le contexte
[6] L’histoire de ce projet de démolition et de réduction de la pollution causée par des déchets dangereux est regrettable. Elle concerne le bâtiment no 77 du MDN, qui, après avoir été abandonné pendant plus de 30 ans, était dans un tel état de délabrement qu’il constituait un grave danger pour la sécurité et la santé et qu’il fallait le démolir.
[7] Le contrat correspondant à ces travaux a été attribué à Envireen à la suite d’un appel d’offres lancé par TPSGC. Le dossier de l’appel d’offres contenait un cahier des charges associé au contrat proposé, ainsi qu’une inspection des matières dangereuses [l’inspection] qui avait été effectuée par le cabinet de consultants Pinchin LeBlanc Environmental Limited [Pinchin LeBlanc] en mars 2001. Les soumissionnaires ont eu la possibilité de se rendre sur le chantier avant de présenter une offre. Fiorentino Di Michele [Fiorentino], le propriétaire d’Envireen, s’est prévalu de cette possibilité.
[8] Le 9 novembre 2001, TPSGC a publié un cinquième addenda [addenda 5] au dossier d’appel d’offres. L’addenda ajoutait des tâches supplémentaires en matière de démolition et de réduction de la pollution causée par des matières dangereuses. Au cours du procès, Giuseppe Di Michele [Joe], le fils de Fiorentino et l’employé responsable de la préparation de la soumission d’Envireen, a déclaré qu’après avoir reçu l’addenda, et après que Fiorentino ait effectué une deuxième visite sur les lieux, il a été décidé de ne pas modifier la soumission d’Envireen.
[9] La date pour la remise des soumissions concernant le contrat était le 15 novembre 2001. TPSGC a reçu sept soumissions. La plupart des soumissions était proche de la fourchette de 1 à 1,5 million de dollars établie avant l’appel d’offres par TPSGC, mais deux d’entre elles étaient très inférieures à ces montants.
[10] Le soumissionnaire le moins-disant, Philip Construction Limited [Philip] a eu la possibilité de modifier ou de retirer son offre de 496 000 $, sans encourir de pénalité. La société Philip a décidé qu’elle avait omis d’inclure des coûts importants dans son offre et l’a retirée. Deux éléments touchant les coûts ont influencé la décision de Philip de retirer son offre : les coûts associés à l’ajout de travaux de réduction de la pollution associée à des métaux ferreux et non ferreux et aux briques réfractaires de la chaudière, comme le prévoyait l’addenda cinq.
[11] Le ministère a également communiqué avec Envireen pour lui demander si elle souhaitait modifier son offre. Fiorentino a effectué une deuxième visite des lieux au début de décembre 2001, et le 10 décembre 2001, a confirmé par écrit qu’Envireen maintenait son offre de 548 621 $. Le 17 décembre 2001, le contrat pour les travaux de démolition et de réduction de la pollution causée par des matières dangereuses a été attribué à Envireen, et la date de la fin d’exécution du contrat a été fixée au 23 septembre 2002. Le contrat a été garanti par un dépôt de 80 000 $ en chèques certifiés, effectué par Envireen.
[12] Les travaux reliés à ce projet ont commencé en réalité le 22 février 2002. Envireen a présenté à TPSGC un plan de travail, un calendrier des travaux, un plan de sécurité, un plan d’intervention d’urgence et un plan de protection de l’environnement. En réponse, TPSGC a signalé que les plans d’Envireen contenaient un certain nombre de lacunes, notamment : l’absence de protocoles d’intervention d’urgence dans son plan d’intervention d’urgence, l’absence d’un programme de travail détaillé, et un plan générique relatif à la sécurité qui ne contenait pas suffisamment de détails pour le projet.
[13] Envireen a démarré ses activités sur le chantier de Goose Bay le 16 avril 2002, sous la supervision de Joe. À la première réunion sur les lieux tenue le 17 avril, Envireen a présenté Western Thermal comme étant le sous-traitant chargé de l’élimination des matières dangereuses et TPSGC a rappelé à Envireen qu’elle était tenue de présenter des plans d’intervention d’urgence et de sécurité révisés. Envireen a présenté au moins quatre versions de ces plans avant qu’une version définitive, préparée par Pinchin LeBlanc, soit approuvée par TPSGC le 6 juin 2002.
[14] À la deuxième réunion sur les lieux tenue le 10 mai 2002, Envireen a déclaré que les travaux de préparation de l’immeuble pour le désamiantage étaient retardés en raison des mauvaises conditions climatiques. Envireen a également informé TPSGC que Western Thermal n’était plus le sous-traitant chargé de la réduction de la pollution causée par les matières dangereuses sur le projet. Piero Di Michele [Piero], le frère de Joe, a alors assumé la responsabilité de cet aspect du projet.
[15] Une troisième réunion sur les lieux a été tenue le 5 juin 2002. TPSGC s’est déclaré préoccupé par la lenteur de l’exécution des travaux, qui avaient consisté jusque-là à entourer l’immeuble de bâches et à ériger une clôture qui entourait partiellement le chantier. Envireen a informé le ministère qu’elle avait une semaine de retard sur le calendrier des travaux. Le 11 juin, Envireen a commencé les travaux de réduction de la pollution causée par les matières dangereuses qui se sont poursuivis jusqu’au 26 juin, date de la quatrième réunion sur le chantier.
[16] Le 26 juin 2002, Envireen a annoncé qu’elle avait maintenant trois semaines de retard sur le calendrier des travaux. Envireen a également informé TPSGC que les travailleurs d’Envireen avaient trouvé une substance blanche poudreuse [la substance] dans un atelier d’entretien et étaient tombés malades, malgré l’équipement de protection utilisé à ce moment. TPSGC a proposé d’étanchéiser l’atelier et de demander à Pinchin LeBlanc de prendre des échantillons de la substance. TPSGC pensait que la substance était de la soude caustique, une substance corrosive souvent utilisée pour nettoyer les chaudières et les conduits, dans le cadre des opérations régulières d’entretien des installations de chauffage, comme celles du bâtiment no 77.
[17] Le 27 juin 2002, Joe a informé Envireen qu’après consultation de son agent de la sécurité et de la santé, Jeremy McGrath, le chantier avait été fermé en attendant que soit identifiée la substance en question. Envireen a nié être responsable de l’identification des matières dangereuses se trouvant sur le chantier, position qu’a contestée TPSGC en faisant référence aux clauses pertinentes du contrat.
[18] Le 9 juillet 2002, Envireen a envoyé à TPSGC les résultats de l’analyse de la substance effectuée par Pinchin LeBlanc. Pinchin LeBlanc concluait qu’il s’agissait d’un produit à base de soude, probablement une forme de soude caustique. Envireen a déclaré que la substance en question était de la soude caustique et a informé TPSGC qu’elle était en train d’élaborer un plan d’élimination des déchets pour cette substance.
[19] Le 11 juillet 2002, Envireen a envoyé à TPSGC une lettre mentionnant que les résultats de l’analyse de la substance effectuée par Pinchin LeBlanc ainsi que les résultats de l’inspection contenus dans le dossier d’appel d’offres étaient incomplets et que les travaux seraient suspendus jusqu’à la tenue d’une réunion sur le chantier. Dans la lettre, Envireen contestait encore le fait qu’elle était responsable de la gestion de la substance.
[20] Au cours des semaines qui ont suivi, Envireen et TPSGC ont échangé de nombreuses correspondances. Le 15 juillet 2002, Envireen a déclaré que TPSGC avait modifié les résultats de l’analyse et qu’il fallait donc procéder à d’autres analyses. Le 17 juillet, Envireen a informé TPSGC que Piero était tombé malade après avoir été exposé à la substance. Le 25 juillet, TPSGC a reçu les résultats d’une deuxième analyse de la substance effectuée par Pinchin LeBlanc, qui affirmait que la substance avait des caractéristiques semblables à celles de l’hydrogénophosphate de disodium.
[21] Le 27 juillet 2002, s’est tenue une cinquième réunion sur le chantier. Bruce Rogers de Rogers Enterprises Limited, un consultant indépendant en sécurité, dont TPSGC avait retenu les services, a participé à cette réunion.
[22] Au cours de la réunion et dans le rapport qui a suivi, M. Rogers affirmait qu’il y avait lieu de retenir le pire des scénarios étant donné que l’on avait obtenu deux résultats différents avec les analyses effectuées par des laboratoires agréés : il fallait donc utiliser un équipement de sécurité adapté à l’élimination de la soude caustique. À cette fin, M. Rogers a affirmé qu’avec des appareils de protection respiratoire à épuration d’air motorisé [APREA] et des scaphandres en tyvek, il serait possible de manier et d’éliminer la substance; cependant, si les travailleurs le préféraient, ils pourraient utiliser des appareils à adduction d’air et des scaphandres traités avec un produit chimique.
[23] Quel que soit l’équipement de sécurité choisi pour éliminer la substance, M. Rogers recommandait que l’atelier d’entretien soit étanchéisé et assujetti à une pression d’air négative, pour que les travaux puissent se poursuivre dans le reste du bâtiment, jusqu’à ce qu’on ait mis en place des contrôles d’ingénierie appropriés pour éliminer la substance.
[24] M. Rogers a également pris des échantillons de la substance pour effectuer une troisième analyse. Les résultats de l’analyse montraient que la substance avait des caractéristiques correspondant à celles de la soude caustique.
[25] Au cours de la réunion sur le chantier du 27 juillet 2002, Envireen a soutenu que l’inspection fournie dans le dossier d’appel d’offres était incomplète et que les travailleurs ne pénétreraient pas dans le bâtiment tant que TPSGC n’aurait pas effectué une nouvelle inspection. TPSGC a refusé d’effectuer une nouvelle inspection et a rappelé à Envireen qu’il incombait à l’entrepreneur, aux termes des conditions générales du contrat, d’effectuer régulièrement des inspections pour détecter les matières dangereuses.
[26] Le 14 août 2002, Envireen a éliminé la substance en utilisant des scaphandres traités par un produit chimique et des appareils à adduction d’air, mais a refusé de reprendre les travaux tant que TPSGC n’aurait pas pris des échantillons pour mesurer la qualité de l’air.
[27] Le 20 août 2002, TPSGC a changé les serrures du chantier, confisqué l’équipement et les matières de la demanderesse et informé celle-ci qu’il était recommandé qu’on lui retire des mains les travaux restants.
[28] Le 29 août 2002, TPSGC et des représentants d’Envireen se sont rencontrés à Toronto. Les parties s’entendent généralement au sujet du fait que les conditions auxquelles Envireen était disposée à poursuivre les travaux sur le projet ont fait l’objet de discussion, mais qu’aucun accord n’est intervenu. D’après le procès-verbal de la réunion préparée par TPSGC, Envireen acceptait de reprendre les travaux si l’on procédait à une nouvelle inspection des matières dangereuses et à l’échantillonnage de l’air, si l’on accordait une prorogation des délais et si l’on versait à Envireen des sommes pour les retards et le temps d’attente. TPSGC a refusé ces conditions et a finalement résilié le contrat conclu avec Envireen le 5 septembre 2002.
[29] Au cours de l’exécution du contrat, TPSGC a effectué deux paiements progressifs à Envireen. Le premier paiement, une somme de 50 000 $ consacrée par Envireen à la préparation du chantier, a été approuvé par TPSGC le 27 mai 2002. Le deuxième a été approuvé le 22 juin, et était un paiement représentant 10 % du montant de 225 000 $ attribué aux coûts de Type III de réduction de la pollution causée par les matières dangereuses, soit 22 500 $. Envireen a envoyé à TPSGC de nombreuses factures pour le temps d’attente pendant la période pendant laquelle le chantier a été fermé ainsi qu’une facture pour l’élimination de la soude caustique, mais il n’existe aucune preuve documentaire indiquant que d’autres demandes de paiements progressifs aient été présentées. Aucun autre paiement n’a été fait à Envireen.
[30] Les preuves présentées au procès pour le compte de la demanderesse comprenaient les documents mentionnés dans la liste de documents et le témoignage de membres de la famille Di Michele, Joe, Piero et Fiorentino, celui d’un ancien employé de Construction de Défense Canada, Alan Dunn, et un ancien employé du ministère de la Défense nationale, Gordon Smith.
[31] Les preuves présentées pour le compte de la défenderesse comprenaient les documents figurant sur sa liste de documents ainsi que les témoignages de Bruce Rogers, Cecil Spurrell, l’agent de projet de TPSGC chargé du chantier de Goose Bay, d’Alice Holmes, chef d’équipe de la direction des biens immobiliers de TPSGC, de Perry Roberts, le chef de projet de TPSGC responsable du chantier de Goose Bay, et de Wilamina Martin, la chef du Service des finances de TPSGC pour Terre-Neuve-et-Labrador.
[32] Dans la mesure où cela est pertinent, je commenterai plus loin les témoignages livrés par les témoins. En outre, les clauses et les conditions pertinentes du dossier d’appel d’offres ainsi que celles du contrat sont reproduites dans l’annexe au présent jugement.
IV. Analyse des questions en litige
A. L’omission de la part de TPSGC d’identifier la substance blanche poudreuse à la suite de l’inspection des matières dangereuses effectuée par Pinchin Leblanc, dans le cadre de l’appel d’offres, constitue-t-elle une assertion négligente et inexacte faite aux entrepreneurs?
[33] Envireen allègue que TPSGC a, envers tous les soumissionnaires potentiels qui font une offre sur un projet, l’obligation de veiller à ce que le dossier d’appel d’offres soit exact et complet. Les preuves fournies par Envireen sur ce point ont été présentées par Joe, qui était responsable du chantier de Goose Bay et qui avait préparé la soumission d’Envireen avec son père. Joe a témoigné que l’inspection était incomplète à cause de la neige et de la glace qui s’étaient accumulées à l’intérieur de l’immeuble au cours de l’hiver, au moment où a été effectuée l’inspection.
[34] Les preuves de TPSGC ont été fournies par Cecil Spurrell, qui était le principal responsable de la préparation des plans et devis de l’appel d’offres relatifs au projet de Goose Bay. Il a décrit la nature des obligations de l’entrepreneur aux termes du contrat, y compris le fait que l’entrepreneur était chargé d’identifier, quantifier, qualifier et gérer toutes les matières dangereuses concernées. Il a en outre affirmé que le but de l’inspection était de servir de guide aux entrepreneurs.
[35] Les Instructions générales (01005) du contrat contiennent un certain nombre de réserves visant les renseignements fournis dans les documents contractuels, y compris au sujet de l’inspection. En particulier, les articles 1.5.1 et 1.5.3 recommandent aux entrepreneurs d’effectuer leur propre évaluation de l’état du site avant de présenter leur soumission. L’article 1.8.1 précise que les quantités et les évaluations figurant dans l’inspection constituent uniquement un guide et exonèrent TPSGC de toute responsabilité à l’égard des erreurs, omissions ou écarts pouvant s’y trouver. Les clauses pertinentes des Instructions générales figurent dans l’annexe au présent jugement.
[36] Pour prouver qu’il y a eu assertion négligente et inexacte découlant du processus d’appel d’offres, Envireen doit établir ce qui suit :
a) Une obligation de diligence fondée sur l’existence d’une « relation spéciale » entre le propriétaire et le soumissionnaire;
b) Une assertion faite par le propriétaire qui était matériellement fausse, inexacte ou trompeuse;
c) Le fait que l’assertion ait été faite de façon négligente;
d) Le fait que le soumissionnaire se soit fondé de façon raisonnable sur la prétendue assertion négligente et inexacte;
e) Un préjudice causé par le fait que le soumissionnaire s’est fondé sur cette assertion auquel il ne peut être remédié par l’octroi de dommages-intérêts.
Reine c Cognos Inc, [1993] ACS no 3, au paragraphe 33.
[37] Envireen s’appuie sur deux affaires pour étayer sa position selon laquelle TPSGC peut faire l’objet d’une poursuite pour assertion négligente et inexacte (Cardinal Construction Ltd c Brockville (Ville de), [1984] OJ no 238 [Cardinal]; Alden Contracting Ltd c Newman Bros Ltd, [1997] OJ no 6542 [Alden]).
[38] Il est possible d’établir une distinction entre ces deux affaires et la présente espèce. Dans Cardinal, ci-dessus, le tribunal a jugé que le dossier d’appel d’offres doit être préparé en ayant à l’esprit le soumissionnaire moyen, en sachant que celui-ci a le droit de se baser sur le fait que le dossier d’appel contient les meilleurs renseignements que l’ingénieur puisse fournir et que l’autorité contractante a l’obligation de veiller à ce que des mesures soient prises pour vérifier que l’information contenue dans l’appel d’offres est exacte. Il existe plusieurs raisons pour lesquelles Cardinal ne s’applique pas en l’espèce.
[39] Premièrement, la cour a jugé dans Cardinal que les personnes responsables de la préparation de l’offre connaissaient l’existence d’un obstacle grave à la construction avant que les soumissions soient acceptées et qu’elles s’étaient abstenues d’ajouter un addenda à cet effet. Il a donc été constaté que le dossier d’appel d’offres était inexact. En l’espèce, le fait que de la soude caustique puisse se trouver dans bâtiment no 77 avait été communiqué aux soumissionnaires, dans l’addenda cinq.
[40] Deuxièmement, pratiquement tous les retards et l’augmentation des coûts créés par la découverte de la soude caustique n’étaient pas nécessaires et s’expliquaient par les propres actions ou omissions d’Envireen, alors que dans Cardinal, toutes les parties avaient admis que les retards étaient inévitables.
[41] Troisièmement, le contrat en question dans Cardinal permettait aux soumissionnaires de se fonder sur le devis descriptif contenu dans l’appel d’offres en envisageant explicitement la possibilité que l’inexactitude des renseignements puisse entraîner une augmentation des coûts, alors que les dispositions de l’article 1.8.1 des Instructions générales en cause ici énoncent expressément que l’inspection ne constitue qu’un guide, et, imposent clairement à l’entrepreneur, Envireen, la responsabilité d’identifier et d’éliminer tous les déchets dangereux se trouvant sur le chantier.
[42] Quatrièmement, dans Cardinal, la demanderesse avait agi avec diligence conformément aux clauses du contrat. Elle avait achevé les travaux contestés sous toute réserve. Ce n’est pas ce qu’a fait Envireen.
[43] Enfin, la clause d’exclusion invoquée par la défenderesse dans Cardinal a été qualifiée par le juge de « absconse et confuse ». Ce n’est pas le cas des diverses renonciations invoquées par la défenderesse dans ce projet; l’utilisation qu’il convenait de faire de l’inspection était claire : il s’agissait uniquement d’un guide.
[44] Dans Alden, ci-dessus, la demanderesse avait demandé l’autorisation de se rendre sur les lieux et d’effectuer des analyses pour savoir si elle pouvait utiliser sa technique préférée, à savoir le dynamitage du roc. La défenderesse lui avait refusé cette possibilité. Par contre, TPSGC a incité les entrepreneurs éventuels, et plus précisément Envireen, à se rendre sur les lieux et à faire des essais en vue de la démolition du bâtiment.
[45] Deuxièmement, la firme de consultants qui avait participé à la préparation du dossier d’appel d’offres dans Alden avait recommandé que soient effectuées d’autres analyses sur les lieux; la défenderesse avait refusé de faire droit à ces demandes. En l’espèce, il n’existe aucune preuve indiquant que la défenderesse ait estimé nécessaire de procéder à des analyses de ce genre.
[46] Troisièmement, dans Alden, la défenderesse estimait qu’il n’était pas possible d’utiliser la méthode d’excavation du roc préférée par la demanderesse, mais n’avait pas communiqué cette information. Il n’existe aucun élément indiquant que TPSGC se soit abstenu de communiquer des renseignements à Envireen.
[47] Quatrièmement, dans Alden, les inexactitudes contenues dans le dossier d’appel ont entraîné un changement important des méthodes de travail utilisées par la demanderesse, ce qui a causé de graves retards. Comme cela est mentionné ci-dessus au sujet de Cardinal, les preuves n’indiquent pas que les retards en question en l’espèce étaient le fait de TPSGC.
[48] Enfin, comme dans Cardinal, le tribunal a également déclaré dans Alden que la clause d’exclusion invoquée par la défenderesse était absconse et confuse, à la différence des renonciations claires que contenait le dossier d’appel d’offres sur lequel se fondait TPSGC en l’espèce.
[49] Comme je l’ai mentionné plus haut, l’inspection relative aux matières dangereuses figurant dans les documents de l’appel d’offres avait pour seul but de servir de guide. La correspondance échangée entre TPSGC et Envireen indique également clairement qu’il incombait à Envireen de veiller, après avoir effectué deux visites sur les lieux, à ce que cette société comprenne toute l’ampleur du projet, y compris les dispositions de l’addenda cinq, qui mentionnait qu’il était possible que des matières caustiques ou corrosives soient présentes sur les lieux. Il n’existe donc aucune preuve indiquant que TPSGC ait fait des assertions négligentes qui étaient fausses, inexactes ou trompeuses, ou que des assertions aient été faites de façon négligente à Envireen au sujet de la soude caustique. Il ne peut donc être fait droit à la demande fondée sur les assertions négligentes et inexactes.
B. Rupture de contrat
1) Le congédiement d’Envireen en qualité d’entrepreneur par TPSGC constitue-t-il une rupture de contrat?
[50] M. Spurrell et M. Roberts ont déclaré que la décision de résilier le contrat d’Envireen a découlé des préoccupations constantes qu’entretenait TPSGC au sujet des progrès réalisés par Envireen dans la démolition du bâtiment no 77.
[51] Joe a témoigné pour expliquer les retards accusés par Envireen dans l’achèvement du projet. Il a déclaré que l’élaboration tardive des plans d’intervention d’urgence et de sécurité appropriés découlait du fait que TPSGC avait présenté des demandes de révision imprécises.
[52] En outre, Joe a témoigné que les travaux de démolition et de réduction de la pollution due aux déchets dangereux sur le chantier de Goose Bay entre avril et le 26 juin 2002 avaient été retardés, non pas par la faute d’Envireen, mais par la présence de glace, de neige et de pluie.
[53] Pour ce qui est du manque de progrès sur le chantier après la découverte de la substance le 26 juin 2002, Joe a déclaré que les employés d’Envireen avaient porté des scaphandres en tyvek, et des appareils de protection respiratoire à épuration d’air motorisé, mais que ces derniers étaient tout de même tombés malades après avoir été exposés à la substance. Parmi ces employés, il y avait Piero, qui a témoigné en ce sens. À la suite de tout ceci, Joe a fait de la sécurité des travailleurs sa grande priorité et a refusé de pénétrer dans le bâtiment tant qu’ils ne pourraient utiliser des appareils à adduction d’air pour éliminer la substance. Joe a expliqué que la substance n’avait pas été éliminée avant le 14 août 2002 parce qu’il ne disposait pas d’appareils à adduction d’air sur le chantier de Goose Bay.
[54] Un certain nombre des positions présentées par Joe sont toutefois incohérentes ou soulèvent des questions. Son explication des délais successifs dans la remise d’un plan de sécurité approprié, à savoir que TPSGC n’avait pas fourni de directives claires au sujet des lacunes contenues dans les plans en question, a été réfutée en contre-interrogatoire par une lettre envoyée par TPSGC à Joe le 27 février 2002, qui contenait des directives précises sur les éléments à changer dans les divers plans qui avaient été présentés.
[55] En outre, M. Rogers a déclaré que l’équipement de protection individuelle utilisé par Envireen, les APREA et les scaphandres en tyvek, était suffisant pour manipuler et éliminer la substance. Si les travailleurs souhaitaient avoir des équipements de protection renforcés, ils auraient pu utiliser des scaphandres traités par un produit chimique et des appareils à adduction d’air. En plus de ces recommandations, M. Rogers a déclaré que l’atelier d’entretien pouvait être rendu hermétique et soumis à une pression d’air négative pour que les travaux puissent se poursuivre dans le reste du bâtiment, en attendant d’avoir accès à l’équipement de sécurité souhaité pour pouvoir éliminer la substance. Ce témoignage n’a pas été contesté en contre‑interrogatoire et il contredit les affirmations de Joe au sujet des procédures de sécurité nécessaires pour pouvoir régler, de façon appropriée, le problème que posait la substance et pour pouvoir continuer à travailler sur le projet en respectant l’échéancier.
[56] M. Rogers a également témoigné au sujet des photos prises par Joe après l’élimination de la substance. Ces photos montrent un travailleur d’Envireen dans le bâtiment no 77 après l’élimination de la substance, et il travaille mains nues et porte des bottes inadaptées à ce travail. M. Rogers a déclaré que le fait que les mains du travailleur n’étaient pas protégées voulait dire qu’un gaz toxique pouvait s’infiltrer dans le scaphandre et causer des dommages physiques au travailleur. C’est une incohérence qui vient réfuter la principale préoccupation exprimée par Joe, et celle qui était prétendument à l’origine des retards dans l’achèvement du projet : la sécurité des travailleurs.
[57] Des contradictions générales que l’on retrouve dans le témoignage de Joe laissent également planer un doute sur son affirmation au sujet du responsable des retards dans l’exécution du projet de Goose Bay :
• Il n’a pas jugé utile de modifier la soumission d’Envireen après avoir reçu l’addenda cinq, malgré le fait que ce document imposait ce qui semblait être des coûts supplémentaires importants aux entrepreneurs;
• Sa lettre du 11 juillet 2002 envoyée à TPSGC mentionnait que la substance en question n’avait été pas identifiée, ce qui était contraire à sa lettre envoyée à TPSGC le 9 juillet 2002, selon laquelle la substance en question était la soude caustique;
• La lettre qu’il avait envoyée au ministère du Travail de Terre-Neuve-et-Labrador mentionnait que cinq appareils à adduction d’air étaient à la disposition d’Envireen, alors qu’ils se trouvaient en fait sur un autre chantier d’Envireen situé en Alberta;
• Il n’a pas cherché un distributeur d’appareils à adduction d’air à proximité de Goose Bay avant de commander des scaphandres d’un distributeur se trouvant en Pennsylvanie, et il n’a pas non plus fourni d’explication sur les raisons pour lesquelles il avait attendu jusqu’à la mi-août avant de se rendre à Labrador City pour aller chercher d’autres appareils à adduction d’air;
• Malgré avoir beaucoup insisté sur la valeur potentielle des matières de récupération associées au contrat de Goose Bay, il a affirmé que la soumission d’Envireen n’était aucunement basée sur la possibilité de vendre les rebuts;
• Malgré le fait qu’il avait commencé très jeune à travailler pour Envireen, il ne savait pas si Envireen était encore en activité.
[58] En résumé, j’estime que les préoccupations de TPSGC au sujet de l’origine des retards étaient justifiées. Sa position selon laquelle Envireen était seule responsable des retards est vraisemblable sur tous ces aspects.
[59] En raison de ces préoccupations, TPSGC a donné par écrit un avis de six jours le 9 août 2002, conformément à l’article CG 38 des Conditions générales du contrat. Cette disposition accorde à TPSGC le pouvoir discrétionnaire de retirer des travaux à l’entrepreneur en lui donnant un avis de six jours, à moins qu’il ne prenne des mesures pour remédier au problème signalé par l’autorité contractante. Une fois écoulé le délai de six jours et étant donné que les travaux n’avaient pas repris, TPSGC avait le droit de retirer les travaux à Envireen. C’est ce que le ministère a effectivement fait le 20 août 2002, lorsqu’il a changé les serrures du portail d’entrée du chantier de Goose Bay.
[60] Alice Holmes a assisté à une dernière réunion entre les parties le 29 août 2002 et a déclaré que la liste des demandes présentées par Envireen, à savoir le paiement des factures impayées, l’échantillonnage de l’air, une nouvelle inspection des matières dangereuses, et une prorogation des délais, avait été rejetée par les membres de la haute direction qui assistaient à la réunion. Ceux-ci ont rappelé à Envireen les obligations que lui imposait le contrat ainsi que son droit de protester aux termes de l’article CG 34.
[61] La décision définitive de résilier le contrat conclu avec Envireen a été prise après la réunion, conformément à l’article CG 41.1 des Conditions générales, qui accorde à TPSGC le pouvoir discrétionnaire de résilier le contrat. Le 5 septembre 2002, TPSGC a exercé ce droit, résiliant ainsi officiellement le contrat conclu avec Envireen.
[62] Il y a eu de nombreux retards sur le chantier de Goose Bay, qui sont principalement causés, d’après moi, par les propres actions et omissions d’Envireen. Après réflexion et remise de l’avis approprié, TPSGC a exercé le droit que lui accordent les articles CG 38 et 41 des Conditions générales, de retirer les travaux à l’entrepreneur, et enfin, de résilier le contrat. TPSGC avait le droit d’agir de cette façon. Il n’y a donc pas eu de rupture de contrat en raison de cet élément.
2) La confiscation par TPSGC du dépôt de garantie d’Envireen et du matériel se trouvant sur le chantier constitue-t-elle une rupture de contrat?
[63] L’article CG 43 des Conditions générales étaye la position de la défenderesse selon laquelle elle avait le droit de confisquer le dépôt de garantie et de retenir la somme de 9 596,25 $ pour couvrir les frais de lancement d’un nouvel appel d’offres par la défenderesse; le reliquat du dépôt a été régulièrement versé aux créanciers d’Envireen, conformément aux paragraphes CG 42.1 et CG 42.2.1 des Conditions générales. TPSGC a fourni des preuves de l’existence de jugements par défaut en faveur des créanciers contre Envireen à la suite desquels des versements appropriés actualisés ont été faits à chacun des créanciers, TPSGC n’étant alors redevable à Envireen d’aucune partie du dépôt de garantie.
[64] Envireen soutient également que TPSGC a irrégulièrement confisqué son outillage après la résiliation du contrat. Les paragraphes CG 39.2 et CG 39.3 des Conditions générales donnent à TPSGC le pouvoir de retenir tout le matériel requis pour l’usage de TPSGC après avoir retiré les travaux à l’entrepreneur aux termes de l’article CG 38. C’est ce qui a été fait et il n’est pas contesté que l’équipement a été rendu à Envireen par la suite. Fiorentino affirme que l’équipement a été endommagé, mais il n’existe aucun élément de preuve étayant cette affirmation. En outre, la jurisprudence invoquée par Envireen au sujet de la saisie de l’équipement n’est pas applicable ici.
[65] Je conclus qu’il n’y a pas eu de rupture de contrat sur ce point.
3) Le refus de TPSGC de payer les factures d’Envireen correspondant aux retards, aux coûts fixes et aux dépenses constitue-t-il une rupture de contrat?
[66] Envireen a présenté 15 factures entre le 2 juillet et le 30 septembre 2002. Toutes ces factures, sauf trois, concernaient des coûts fixes associés à la fermeture du chantier après qu’Envireen ait constaté la présence de la substance. Les trois autres concernaient l’augmentation de 20 % des coûts d’achèvement des travaux de désamiantage, les frais d’analyse de la substance et le coût d’élimination de la substance, respectivement.
[67] La demanderesse n’a pas le droit d’obtenir des dommages-intérêts ou les coûts associés aux retards et au temps d’attente. Le contrat énonce expressément, au sous-paragraphe 1.18.3 des Exigences en matière de sécurité (01545), qu’Envireen est responsable de tous les coûts associés aux retards, et que, de toute façon, c’était Envireen qui était la principale responsable de ces retards. Il incombait également à Envireen de fournir un équipement de sécurité adapté au nettoyage de la soude caustique, conformément aux dispositions du sous-paragraphe 1.12.1. des Exigences en matière de sécurité (01545).
[68] De la même façon, les analyses supplémentaires devaient être effectuées par Envireen, conformément aux sous-paragraphes 1.12.1 et 1.13.1 des Exigences en matière de sécurité (01545), et du sous-paragraphe 1.11.1 du Type de travaux III de réduction de la pollution causée par des matières dangereuses (02083). Une inspection plus complète des déchets dangereux, si elle était souhaitée et nécessaire, incombait à la seule société Envireen, aux termes du sous‑paragraphe 1.17.1 des Exigences en matière de sécurité (01545).
[69] La demanderesse n’a pas non plus fourni de preuves indiquant suffisamment clairement que des travaux de désamiantage supplémentaires correspondant à 20 % du total avaient été effectués.
[70] En résumé, la demanderesse n’a droit à aucun versement pour les coûts reliés aux périodes d’attente, les frais d’analyse, ni à un paiement pour le travail de désamiantage supplémentaire, étant donné qu’il n’existe aucune preuve susceptible de justifier l’attribution d’une telle somme.
4) Envireen avait-elle le droit d’être payée pour les travaux d’élimination de la soude caustique se trouvant sur le chantier?
[71] La demanderesse demande d’être payée pour l’élimination de la soude caustique, travail qu’elle a effectivement exécuté, et pour lequel elle n’a pas été payée. TPSGC soutient qu’aucune demande de paiement progressif correspondant à l’exécution de ce travail n’a été présentée sous la forme prévue et la demande de 9 660 $ (7 000 $ avant taxe) n’a pas été préparée ou présentée par Envireen selon les formes.
[72] Le paragraphe 8.1 des « Conditions de paiement – B » du contrat énonce toutefois :
En cas de résiliation du contrat en vertu de l’article CG 41, Sa Majesté paie à l’entrepreneur le plus tôt possible, tout montant qui lui est légalement dû et exigible.
[73] TPSGC reconnaît qu’Envireen a effectivement éliminé la soude caustique qui se trouvait dans le bâtiment no 77, et qu’elle n’a reçu aucun paiement pour ce travail. Il est vrai qu’elle n’a présenté aucune demande de paiement progressif, mais j’estime qu’Envireen a le droit d’être rémunérée pour l’élimination de la soude caustique. J’ai examiné les différents éléments de la liste présentée par Envireen à l’appui de cette demande correspondant à son travail, et j’estime qu’elle a le droit de recevoir 5 500 $ plus taxes et les intérêts, ce qui représente le coût directement lié à l’élimination de la soude caustique.
C. Envireen a-t-elle droit à des dommages-intérêts punitifs?
[74] Compte tenu des constatations de fait auxquelles j’en suis arrivé ci-dessus, il ne s’agit pas ici d’un cas où il convient d’accorder des dommages punitifs. Les dommages punitifs sont accordés dans des cas où l’inconduite du défendeur est si malveillante et abusive qu’elle choque le sentiment de dignité de la Cour. Ces dommages-intérêts n’ont pas pour but d’indemniser le demandeur pour le préjudice qu’il a subi, mais plutôt de punir le défendeur. La norme à ce sujet est très rigoureuse et les faits en l’espèce ne permettent pas de l’appliquer (Hill c Église de scientologie de Toronto, [1995] 2 RCS 1130, aux paragraphes 195 et 196; Planification-Organisation-Publications Systèmes (POPS) Ltée c 9054-8181 Québec Inc, 2013 CF 427, aux paragraphes 151 et 152).
V. Conclusion
[75] L’action intentée par la demanderesse et fondée sur une rupture de contrat et une assertion négligente et inexacte est rejetée. Aucuns dommages-intérêts et avantages ne sont attribués.
[76] La demande présentée par la demanderesse pour les services impayés et le remboursement de son dépôt de garantie est rejetée, sous réserve de ce qui suit.
[77] La demanderesse a le droit de recevoir une somme de 5 500 $ plus les taxes et les intérêts, pour l’élimination de la soude caustique du bâtiment no 77.
[78] Les dépens sont accordés à la défenderesse.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que :
1. L’action intentée par la demanderesse et fondée sur une rupture de contrat et une assertion négligente et inexacte est rejetée. Aucuns dommages-intérêts et avantages ne sont attribués.
2. La demande présentée par la demanderesse pour les services impayés et le remboursement de son dépôt de garantie est rejetée, sous réserve de ce qui suit.
3. La demanderesse a le droit de recevoir une somme de 5 500 $ plus les taxes et les intérêts pour l’élimination de la soude caustique du bâtiment no 77.
4. Les dépens sont accordés à la défenderesse.
« Michael D. Manson »
Juge
Traduction certifiée conforme
Evelyne Swenne, traductrice-conseil
ANNEXE
i). Instructions générales (01005)
1.2.1 : […] la démolition complète de l’installation de chauffage central (bâtiment no 77) située au 5 Wing, à Goose Bay (Labrador), exécutée en stricte conformité avec le cahier des charges et les plans ainsi que conformément aux clauses du contrat ».
1.3.4 : Préparation, présentation et mise en œuvre d’un plan de sécurité et de santé, d’un plan de démolition, d’un plan d’intervention en cas d’urgence, d’un plan de gestion des déchets et d’un calendrier des travaux de démolition approuvés et adaptés au chantier.
1.3.5 : Enlèvement, mise en conteneur, transport, entreposage et élimination complète de toutes les matières dangereuses.
1.5.1 : Avant de présenter une offre pour les travaux de démolition, il est recommandé que les entrepreneurs se rendent sur les lieux et évaluent eux-mêmes l’état des structures, les installations existantes dans la région, la gravité, l’existence et l’incertitude générale entourant les conditions climatiques, l’état réel du sol et des lieux et tout autre élément susceptible d’influencer l’exécution du présent contrat.
1.5.3 : Les entrepreneurs sont autorisés à effectuer des essais destructifs au cours de la période de préparation des soumissions dans le but de constater ou de confirmer la situation existante.
1.8.1 : NOTE 1 : Les quantités et les chiffres estimatifs mentionnés dans le rapport de référence ne doivent être utilisés qu’à titre de guide. L’entrepreneur ne sera aucunement indemnisé pour toute erreur, omission ou écart contenu dans le rapport. L’ingénieur est exonéré de toute responsabilité à l’égard de l’exactitude des renseignements fournis dans le rapport.
NOTE 2 : Les travaux seront exécutés tels que décrits dans le cahier des charges, et non pas comme le recommande ou le mentionne le rapport.
ii.) Exigences en matière de sécurité (01545)
1.11.1 : L’entrepreneur doit effectuer, au moins sur une base quotidienne, une inspection des dangers associés au chantier.
1.12.1 : Un équipement de protection individuelle (EPI) sera choisi et utilisé de façon à protéger les travailleurs et les visiteurs contre les dangers potentiels et réels constatés à la suite des inspections des dangers et de la surveillance de la qualité de l’air.
1.12.2 : La sélection de cet équipement s’effectuera à partir d’une évaluation des caractéristiques de rendement de l’équipement, compte tenu des exigences et des limites du chantier, des conditions particulières de la tâche à accomplir, de la durée des travaux et des dangers réels ou potentiels, identifiés sur le chantier.
1.13.1 : L’entrepreneur procède à la surveillance de la qualité de l’air dans le but d’identifier, de quantifier et de caractériser les concentrations en suspension dans l’air de substances et matières dangereuses et d’éléments dangereux pour la santé dans le but de :
1.13.1.1 établir, déterminer et évaluer le caractère approprié de l’équipement de protection;
1.13.1.2 établir la qualité de l’air dans les zones du chantier pour déterminer et évaluer le caractère approprié des zones du chantier (zones d’exclusion, zones de réduction des contaminants, et secteurs propres).
1.17.1 : L’entrepreneur s’oblige à ce qui suit :
1.17.2.1 L’entrepreneur est seul responsable d’effectuer des inspections, d’évaluer, et de gérer tout rapport concernant des dangers réels ou potentiels.
1.18.3 : L’entrepreneur est responsable de tous les coûts associés aux retards dans l’exécution du contrat découlant de l’omission de l’entrepreneur de respecter les exigences décrites dans la présente section.
iii.) Travaux de type III de réduction de la pollution des matières dangereuses (02083)
1.1.1 : Les travaux à effectuer consistent, mais sans s’y limiter nécessairement, à faire ce qui suit :
1.1.1.3 Enlèvement, mise en conteneur, transport, manutention et entreposage ou destruction complète de toutes les matières dangereuses se trouvant dans l’installation de chauffage central (bâtiment no 77).
1.2.1 L’entrepreneur installe dans chaque secteur du chantier un équipement de lutte contre les incendies en vue d’assurer l’achèvement sécuritaire des travaux.
1.2.2 L’entrepreneur s’engage à fournir sur le chantier, en cas de panne, l’électricité nécessaire à l’exécution des travaux.
1.2.3 L’entrepreneur est responsable de la sécurité des travailleurs et des personnes autorisées à pénétrer sur le chantier pendant l’exécution du contrat. Il prend toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des travailleurs et des personnes autorisées. Il veille en particulier à ce qui suit :
1.2.3.1 L’enlèvement du verre, du métal et des objets pointus se trouvant dans la zone de travail avant de procéder à des activités d’élimination.
1.2.3.2 Tous les appareils nécessaires pour permettre aux travailleurs d’effectuer des travaux en hauteur, comme les échelles, les échafaudages, les structures provisoires et les nacelles, doivent être inspectés quotidiennement par l’entrepreneur et entretenus conformément aux exigences du fabricant.
1.2.3.3 Les travailleurs et les personnes autorisées doivent recevoir une formation en matière d’hygiène et de sécurité au travail.
1.2.4 Il convient d’appliquer toutes les procédures nécessaires à l’élimination, à la manutention, au transport et à l’entreposage ainsi que les contrôles d’ingénierie de façon à préserver l’intégrité structurelle des matières dangereuses en vue de réduire la concentration de ces matières dans l’air.
1.2.5 L’entrepreneur veille à ce que soit toujours présent sur le lieu un superviseur ayant une formation et une expérience dans l’élimination et la gestion des matières dangereuses.
1.2.6 L’entrepreneur doit être enregistré auprès du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador à titre d’entrepreneur en désamiantage, avant de débuter les travaux de réduction de la pollution causée par les matières dangereuses.
1.7.16 (Définition) Matières dangereuses : Comme précisé et défini à l’article 01545 des Exigences en matière de sécurité, y compris les matières qui contiennent de l’amiante, du plomb, du mercure, des hydrocarbures, des BPC, des cendres, des métaux lourds, de la moisissure ou des micromycètes ou divers produits chimiques solides ou conteneurisés.
3.5.2 Si la surveillance de la qualité de l’air indique que certains secteurs à l’intérieur ou à l’extérieur de la zone des travaux sont contaminés, il convient de les isoler, de les préserver et de les nettoyer de la même façon que cela doit se faire pour les secteurs où s’effectuent les travaux, aux frais de l’entrepreneur.
iv.) Démolition de la structure (02060)
1.7.1 Démolition du bâtiment no 77 : Comme cela est précisé, tout l’équipement, le matériel, la main-d’œuvre et l’outillage constitueront un élément à prix fixe (PF) pour les fins de mesure. Comprend accessoirement à ce qui précède, l’enlèvement des escaliers et des rampes en béton, des regards, des bassins de drainage, des poteaux électriques, de l’équipement électrique/mécanique, des transformateurs, des voies et terrains de stationnement, des trous de visite de conduites de vapeur renforcés en béton, des diverses autres petites fondations, des conduits électriques, le débranchement et le recouvrement des services, le concassage du béton, le recyclage et la disposition des matériaux, l’apport de remblai, le mélange des matériaux de remblayage, l’excavation et le remplissage, le compactage, le nivellement du terrain et le nettoyage final des lieux.
1.7.2 Il incombe à l’entrepreneur d’évaluer les quantités nécessaires. Il évalue toutes les quantités nécessaires en se fondant sur l’inspection du bâtiment et des autres structures à enlever.
NOTE : Les quantités et les chiffres estimatifs mentionnés dans le rapport ne doivent être utilisés qu’à titre de guide. L’évaluation des quantités et des éléments estimatifs incombe exclusivement à l’entrepreneur.
3.3.3 Extraire toutes les matières dangereuses du bâtiment avant de commencer les travaux de démolition. Références : article 02081 – Travail de type I pour la réduction de la pollution causée par les matières dangereuses et article 02083 – Travail de type III pour la réduction de la pollution causée par les matières dangereuses pour les exigences applicables.
v.) Addenda cinq – 9 novembre 2001
4 Ajouter la disposition 3.5, Purge / Inertage :
1. Avant d’enlever les réservoirs, oléoducs et équipement, prévoir un orifice d’accès pour l’extraction des gaz combustibles ou inflammables, des liquides et des matières corrosifs/caustiques.
vi.) Conditions générales « C »
CG 33 : Défaut de l’entrepreneur
33.1 Si l’entrepreneur est en défaut de se conformer à une décision ou directive rendue ou émise par l’ingénieur en vertu des articles CG 18, CG 24, CG 26, CG 31 ou CG 32, l’ingénieur peut recourir aux méthodes qui lui semblent opportunes pour exécuter ce que l’entrepreneur fait part d’exécuter.
33.2 L’entrepreneur paie à Sa Majesté, sur demande, la totalité de tous les frais, dépenses et dommages encourus par Sa Majesté en raison du défaut de l’entrepreneur de se conformer à toute décision ou directive stipulée au paragraphe CG 33.1 et en raison de toute méthode utilisée en l’occurrence par l’ingénieur conformément au paragraphe CG 33.1.
CG 34 : Protestations des décisions de l’ingénieur
34.1 L’entrepreneur peut contester, dans les dix (10) jours de sa réception, une décision ou directive mentionnée aux paragraphes CG 30.3 ou CG 33.1.
34.2 Toute contestation mentionnée au paragraphe CG 34.1 doit être par écrit, indiquer tous les motifs de la contestation, être signée par l’entrepreneur et communiquée à Sa Majesté par l’entremise de l’ingénieur.
34.3 Si l’entrepreneur proteste conformément au paragraphe CG 34.2, le fait pour lui de se conformer à la décision ou à la directive qu’il conteste ne sera pas interprété comme une reconnaissance du bien-fondé de cette décision ou de cette directive et ne pourra constituer une fin de non-recevoir quant à toute poursuite qu’il estimera appropriée dans les circonstances.
34.4 Tout protêt de l’entrepreneur en vertu du paragraphe CG 34.2 ne le dispense de se conformer à la décision ou directive en question.
34.5 Sous réserve du paragraphe CG 34.6, l’entrepreneur doit, sous peine de déchéance, intenter toute poursuite judiciaire mentionnée au paragraphe CG 34.3 dans les trois mois suivant la date d’émission du Certificat définitif d’achèvement mentionné au paragraphe CG 44.1.
34.6 L’entrepreneur doit, sous peine de déchéance, intenter dans les trois (3) mois suivant la fin d’une période de garantie, toute poursuite judiciaire mentionnée au paragraphe CG 34.3 et découlant d’un ordre donné en vertu de l’article CG 32.
34.7 Sous réserve du paragraphe CG 34.8, si Sa Majesté tient la contestation de l’entrepreneur comme bien-fondé, elle doit lui rembourser le coût des travaux, de l’outillage et des matériaux additionnels nécessaire à l’exécution de l’ordre ou de la directive ayant fait l’objet du protêt.
34.8 Les coûts mentionnés au paragraphe CG 34.7 doivent être calculés conformément aux dispositions des articles CG 48 à CG 50.
CG 38 : Travaux retirés à l’entrepreneur
38.1 Le Ministre peut dans les cas suivants et à son entière discrétion, en donnant un avis par écrit à l’entrepreneur conformément à l’article CG 11, retirer à l’entrepreneur la totalité ou une partie des travaux et recourir aux moyens qui lui semblent appropriés pour achever les travaux si l’entrepreneur
38.1.1 fait défaut ou retarde à commencer les travaux ou à exécuter les travaux avec diligence et à la satisfaction de l’ingénieur, dans les six (6) jours suivant la réception par l’entrepreneur d’un avis par écrit de Sa Majesté ou de l’ingénieur, conformément à l’article CG 11;
CG 39 : Effet du retrait des travaux à l’entrepreneur
39.1 Le retrait de la totalité ou d’une partie des travaux à l’entrepreneur en conformité de l’article CG 38 n’a pas pour effet de libérer l’entrepreneur d’une obligation quelconque découlant pour lui du contrat ou de la loi, sauf quant à l’obligation pour lui de continuer l’exécution de la partie des travaux qui lui fut ainsi retirée.
39.2 Si la totalité ou partie des travaux est retirée à l’entrepreneur en conformité de l’article CG 38, tous les matériaux et outillage, ainsi que l’intérêt de l’entrepreneur dans tous les biens immobiliers, permis, pouvoirs et privilèges acquis, utilisés ou fournis par l’entrepreneur pour les travaux, continuent d’être la propriété de Sa Majesté sans indemnisation de l’entrepreneur.
39.3 Si l’ingénieur certifie que tout matériaux, outillage ou un intérêt quelconque mentionné au paragraphe CG 39.2 n’est plus requis pour les travaux et qu’il n’est plus dans l’intérêt de Sa Majesté de retenir lesdits matériaux, outillage ou intérêt, ils sont remis à l’entrepreneur.
CG 41 : Résiliation du contrat
41.1 Le Ministre peut, à n’importe quel moment, résilier le contrat en donnant avis par écrit à cet effet à l’entrepreneur conformément à l’article CG 11.
CG 42 : Réclamations contre et obligations de la part de l’entrepreneur ou d’un sous-traitant
42.1 Afin d’acquitter toutes obligations légales de l’entrepreneur ou d’un sous-traitant ou de satisfaire à toutes réclamations légales contre eux résultant de l’exécution du contrat, Sa Majesté peut payer tout montant qui est dû et payable à l’entrepreneur (…)
CG 43 : Dépôt de garantie - confiscation ou remise
43.1 Si
43.1.1 les travaux sont retirés à l’entrepreneur conformément à l’article CG 38,
43.1.2 le contrat est résilié en vertu de l’article CG 41,
Sa Majesté peut s’approprier le dépôt de garantie, s’il en est.
43.2 Si Sa Majesté s’approprie le dépôt de garantie conformément au paragraphe CG 43.1, le montant obtenu en l’occurrence est censé être une dette payable à l’entrepreneur par Sa Majesté en vertu du contrat.
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
INTITULÉ : Envireen Construction (1997) Ltd c HMTQ
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 3 juin 2013
MOTIFS DU JUGEMENT
DATE DES MOTIFS : Le 13 août 2013
COMPARUTIONS :
|
POUR LA DEMANDERESSE
|
William Knights |
POUR LA DÉFENDERESSE
|
Rina Li |
POUR LA DÉFENDERESSE
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Avocats
|
POUR LA DEMANDERESSE |
William F. Pentney, Sous-procureur général du Canada Toronto (ON)
|
POUR LA DÉFENDERESSE |