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Date : 20130716


 

Dossier : IMM-10834-12

 

Référence : 2013 CF 792

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 16 juillet 2013

En présence de monsieur le juge Harrington

 

 

Entre :

YOUNDOM SYLVESTER LUANJE

 

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Si M. Luanje devait retourner au Cameroun, serait-il exposé à un risque sérieux d’être persécuté en raison de :

a.                   ses croyances religieuses;

b.                  ses opinions politiques;

c.                   son orientation sexuelle?

 

[2]               Dans son formulaire de renseignements personnels, il n’a inscrit que le premier motif, soit ses croyances religieuses.

 

[3]               À l’audition de sa demande d’asile, il a ajouté le deuxième motif, soit ses opinions politiques. Sa demande a été rejetée.

 

[4]               Il a ensuite fait une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR). À ce moment, il a ajouté un autre motif de persécution, soit son orientation sexuelle. Il est homosexuel. La décision rendue quant à l’ERAR était défavorable. Le présent contrôle judiciaire porte sur cette décision.

 

[5]               L’avocat a soutenu que, si l’on lit entre les lignes, il est évident que l’agent d’ERAR n’a pas cru un mot du récit de M. Luanje. Si c’était le cas, il y aurait dû y avoir une audience. L’un des facteurs prévus à l’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés pour la tenue d’une audience est la question de savoir s’il existe une preuve qui soulève des doutes sérieux quant à la crédibilité du demandeur. Il n’y a pas eu d’audience en l’espèce et, par conséquent, la décision devrait être annulée.

 

[6]               De plus, aucune analyse n’a été effectuée quant aux documents présentés, ce qui aurait dû être fait compte tenu des circonstances, y compris compte tenu du fait que M. Luanje se représentait lui-même.

 

[7]               L’on peut supposer que l’agent n’a pas cru un mot de ce que M. Luanje a écrit. Il est venu au Canada muni de faux documents et, à l’audition de sa demande d’asile, il a été conclu qu’il n’était pas crédible. Cependant, la crédibilité n’est pas en question ici. Le droit portant sur les examens des risques avant renvoi est très clair. L’alinéa 113a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, avant les modifications récentes, prévoyait :

113. Il est disposé de la demande comme il suit :

 

 

a) le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet;

113. Consideration of an application for protection shall be as follows:

 

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that the applicant could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection;

 

[8]               Le paragraphe 161(2) du Règlement prévoit que le demandeur doit désigner les nouveaux éléments de preuve et indiquer à l’agent en quoi ils s’appliquent à son cas.

 

[9]               En l’espèce, il ne s’agit pas de nouveaux éléments de preuve, mais plutôt d’un nouveau risque, du moins il est nouveau parce qu’il n’a pas été divulgué aux autorités canadiennes auparavant.

 

[10]           L’examen des risques avant renvoi n’est pas un deuxième examen de la demande d’asile. Il porte sur des changements qui peuvent être survenus entre le moment où la décision a été rendue quant à la demande d’asile et le moment où le renvoi a lieu, de façon à apprécier les changements dans la situation et les circonstances. Comme madame la juge Snider l’a expliqué dans l’affaire Cupid c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 176, [2007] ACF no 244 (QL), au paragraphe 4 :

[…] le gouvernement canadien a pris des mesures pour que le demandeur d’asile puisse bénéficier d’un processus dans le cadre duquel une modification des conditions et des circonstances peut être évaluée. Il s’ensuit que si les conditions dans le pays ou la situation personnelle du demandeur d’asile sont demeurées les mêmes depuis la date de la décision de la SPR, la décision de la SPR sur la question de la protection offerte par l’État – qui est une décision définitive et exécutoire rendue au terme d’un processus quasi-judiciaire – doit être maintenue à l’égard du demandeur d’asile. Autrement dit, il incombe au demandeur d’asile dont la demande a été rejetée de prouver que les conditions de son pays ou ses circonstances personnelles ont changé depuis la décision de la SPR au point que celui‑ci, dont la SPR a conclu qu’il n’était pas exposé à un risque, est maintenant exposé à un risque. Si le demandeur d’ERAR ne s’acquitte pas de ce fardeau, la demande d’ERAR sera (et devrait être) rejetée.

 

Voir aussi Kaybaki c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 32, [2004] ACF no 27 (QL), au paragraphe 11.

 

[11]           Dans ses observations, M. Luanje soutient qu’il est ouvertement homosexuel depuis un certain temps. Même si j’accepte, comme il le prétend, qu’il était ouvertement homosexuel depuis au moins un an avant l’audition de sa demande d’asile, il n’a offert aucune justification pour laquelle il n’a pas fondé sa demande sur son orientation sexuelle à l’époque. Comme le demandeur l’a lui‑même déclaré, la situation au Cameroun est restée stable, bien que déplorable. Tout ce qu’on peut dire, c’est qu’il a appris après l’audition de sa demande d’asile qu’un de ses amis a été attaqué. Cependant, comme il le soutient : [traduction] « mon expérience à titre d’homosexuel au Cameroun a été complètement récessive parce que je craignais la persécution et la torture. »

 

[12]           Madame la juge Sharlow, s’exprimant au nom de la Cour d’appel fédérale, a analysé l’article 113 de la Loi dans l’arrêt Raza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 385, [2007] ACF no 1632 (QL), 289 DLR (4th) 675. L’une des questions à examiner est la pertinence. Elle a demandé au paragraphe 13 : « Les preuves nouvelles intéressent-elles la demande d’ERAR, c’est-à-dire sont-elles aptes à prouver ou à réfuter un fait qui intéresse la demande d’asile? Dans la négative, il n’est pas nécessaire de les considérer. » La preuve présentée n’est pas pertinente quant à la demande d’asile.

 

[13]           Elle a aussi demandé si la preuve était nouvelle au sens où elle permettait de prouver une situation, ou un événement ou des circonstances, qui ont eu lieu après l’audition de la demande d’asile, ou permettrait de prouver un fait qui était inconnu au demandeur d’asile au moment de l’audience. Dans la négative, il n’est pas nécessaire de la considérer. Une fois de plus, l’agent d’ERAR a eu raison de ne pas considérer la preuve.

 

[14]           On demande à la Cour de faire preuve de clémence, compte tenu du fait que M. Luanje se représentait lui-même. Cependant, il n’existe pas une loi pour ceux qui sont représentés par un avocat et une loi différente pour ceux qui ne le sont pas. Comme Lord Atkin l’a déclaré dans Evans v Bartlam, [1937] AC 473, [1937] 2 All ER 646, à la page 479 :

[traduction]

Le fait est qu’il n’existe pas, et qu’il n’a jamais existé, une présomption selon laquelle chacun connaît la loi. Il y a la règle selon laquelle l’ignorance de la loi ne constitue pas une excuse, mais c’est là une maxime de portée et d’application très différentes.

 

[15]           J’ai mentionné cette citation dans la décision Agri c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 349, [2004] ACF no 487 (QL), où j’ai déclaré au paragraphe 13 :

Il ressort très clairement des documents que publie la Commission qu’une partie a le droit, si elle le désire, d’être représentée par un avocat. La partie qui décide de ne pas retenir les services d’un avocat n’a pas le droit de s’attendre à ce que la Commission agisse à la fois comme décideur et comme représentante à la fois.

 

 

 


ORDONNANCE

POUR LES MOTIFS EXPOSÉS,

LA COUR ORDONNE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme,

Evelyne Swenne, traductrice-conseil

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


 

DOSSIER :

IMM-10834-12

 

INTITULÉ :

YOUNDOM SYLVESTER LUANJE c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 11 juillet 2013

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS
ET DE L’ORDONNANCE :
           LE 16 JUILLET 2013

COMPARUTIONS :

Bjorn Harsanyi

 

    POUR LE DEMANDEUR

 

Jamie Churchward

 

    POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stewart Sharma Harsanyi

Avocats

Calgary (Alberta)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Calgary (Alberta)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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