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Date : 20130814

Dossier : T-1184-10

Référence : 2013 CF 863

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

ENTRE :

 

FOURNIER PHARMA INC. ET FOURNIER LABORATORIES IRELAND LTD.

 

 

 

demanderesses

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA SANTÉ,

ALKERMES PHARMA IRELAND LIMITED ET SANDOZ CANADA INC.

 

 

 

défendeurs

 

 

 

 

 

*TAXATION DES DÉPENS – MOTIFS PUBLICS

(Motifs confidentiels de la taxation des dépens rendus le 12 août 2013)

 

Bruce Preston, officier taxateur

 

[1]               Dans les motifs de jugement et le jugement qu’elle a rendus le 15 juin 2012, la Cour a rejeté la demande présentée au titre du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le RMB(AC)). Elle a également conclu que « Sandoz Canada Inc. a[vait] droit aux dépens conformément aux présents motifs ». Au paragraphe 152 des motifs de jugement, la Cour a déclaré : « Sandoz a droit au remboursement de dépens raisonnables. Si les parties ne sont pas en mesure de s’entendre sur un montant, elles peuvent en aviser la Cour qui donnera d’autres directives. »

 

[2]               Les parties ont avisé la Cour qu’elles n’étaient pas parvenues à s’entendre sur les dépens adjugés à Sandoz Canada Inc. (Sandoz) et, le 3 juillet 2012, la Cour a donné une directive demandant aux parties de s’échanger des observations écrites sur les dépens. Le 25 septembre 2012, la Cour a rendu les motifs de l’ordonnance et l’ordonnance se rapportant aux dépens pour le présent dossier et le dossier T‑991‑10. À la page 6 des motifs de l’ordonnance et de l’ordonnance, la Cour a rendu l’ordonnance suivante (l’ordonnance d’adjudication des dépens) :

LA COUR ORDONNE que, dans chaque demande, Sandoz ait droit à ses dépens, comme suit :

 

a)         ses dépens taxés à l’échelon supérieur de la colonne III, et ensuite réduits du tiers;

 

b)         les dépens pour deux avocats, un avocat principal et un avocat adjoint, à l’audience et au moment de la tenue d’un contre-interrogatoire, pourvu que les deux aient été présents, ainsi que ses dépens pour la présence d’un avocat lors de la défense d’un contre-interrogatoire;

 

c)         les dépens dans chacune des demandes selon l’article 2 du tarif, taxés à raison de sept (7) unités pour la totalité des dossiers et des documents de la défenderesse qui ont été déposés, et de sept (7) unités selon l’article 19 pour son mémoire des faits et du droit;

 

d)         les dépens prévus à l’article 8 du tarif ne seront pas majorés pour la préparation du contre-interrogatoire de M. Muzzio;

 

e)         les dépens relatifs aux déplacements à l’extérieur de la province seront taxés de la manière suivante : classe économique, chambre d’hôtel pour une personne et alimentation, à l’exclusion des frais de divertissement et de consommation d’alcool;

 

f)         aucuns dépens ne sont adjugés pour la requête en regroupement;

 

g)         des intérêts sont accordés à Sandoz sur les dépens adjugés, au taux de 2 % à compter du 15 juin 2012.

 

[3]               À la suite de l’ordonnance d’adjudication des dépens, l’avocat de Sandoz a déposé un mémoire de dépens en vue de sa taxation. Conformément aux directives données le 18 janvier 2013, le 8 mars 2013 et le 2 avril 2013, les parties ont déposé des affidavits et des observations écrites. L’audience relative à la taxation des dépens pour les dossiers T-1184-10, T-991-10 et T-1051-10 a eu lieu le 22 mai 2013.

 

[4]               Au début de l’audience, l’avocat de Fournier Pharma Inc. et de Fournier Laboratories Ireland Ltd. (Fournier) a abordé deux questions primordiales : le droit de Sandoz aux dépens liés aux requêtes pour lesquelles la Cour n’a pas adjugé de dépens et la réduction du tiers qu’il faudra appliquer après la taxation des dépens de Sandoz. Je vais d’abord examiner la réduction du tiers.

 

[5]               À l’audience, les avocats des deux parties ont présenté des observations détaillées concernant les arguments sur les questions de la validité et de la contrefaçon présentés à la Cour lors de l’audience relevant du RMB(AC) ainsi que les observations liées aux dépens présentées à la Cour avant que cette dernière ne rende l’ordonnance d’adjudication des dépens. Bien que j’aie pris en considération ces observations, je ne vais pas les examiner, étant donné que, une fois que l’ordonnance d’adjudication des dépens est rendue, la tâche d’appliquer la réduction du tiers repose principalement sur la formulation de l’ordonnance d’adjudication des dépens.

 

[6]               Dans sa réponse écrite aux observations sur les dépens déposée le 17 mai 2013, l’avocat de Sandoz soutient que la réduction du tiers, en raison de l’endroit où elle a été placée dans l’ordonnance d’adjudication des dépens et dans les motifs écrits, indique clairement que cette réduction du tiers s’applique seulement aux dépens devant être taxés selon une échelle, par exemple, l’échelon supérieur de la colonne III. Puis, au paragraphe 9, l’avocat de Sandoz fait valoir ce qui suit :

[traduction]

 

Si le juge Zinn avait eu l’intention de réduire tous les dépens y compris les débours, il l’aurait indiqué dans un paragraphe distinct de l’ordonnance d’adjudication des dépens, de façon à englober tous les dépens réclamés par Sandoz. Le fait que la réduction du tiers se trouve dans le même paragraphe que les honoraires d’avocat reflète l’intention du juge Zinn de limiter la réduction aux honoraires d’avocat. Ainsi, l’officier taxateur ne dispose pas du pouvoir discrétionnaire de réduire les débours réclamés par Sandoz en contradiction directe avec l’ordonnance du juge Zinn.

 

[7]               À l’audience, l’avocat de Fournier a soutenu que la réduction du tiers s’appliquait aux dépens tels qu’il sont mentionnés dans l’ordonnance d’adjudication des dépens, ce qui englobe les débours et les honoraires d’avocat. À l’appui de sa position, il fait référence au paragraphe 5 (page 3) des motifs de l’ordonnance et de l’ordonnance rendus le 25 septembre 2012 :

 Je suis d’avis qu’il est juste de réduire les dépens payables par ailleurs à Sandoz; toutefois, je ne suis pas convaincu que la réduction de 75 % que Fournier propose est juste. Reconnaissant qu’une adjudication de dépens ne doit être ni punitive ni extravagante, je conclus qu’une réduction d’un tiers est justifiée et davantage conforme à l’évaluation que la Cour a faite de questions qui avaient peu de fondement et qui n’auraient pas dû être examinées à l’audience.

 

À l’audience relative à la taxation, l’avocat de Fournier a soutenu que le syntagme « les dépens payables par ailleurs à Sandoz » englobe les honoraires d’avocat et les débours. De plus, au paragraphe 9 de ses observations sur les dépens déposées en réponse, l’avocat de Fournier soutient ce qui suit :

[traduction]

 

L’interprétation avancée par Sandoz de l’ordonnance d’adjudication des dépens assimile par erreur les « dépens » et les « honoraires d’avocat ». Il ne fait aucun doute que les « honoraires d’avocat » et les « débours » sont des composantes distinctes des « dépens », comme l’indique le tarif B. Le sens clair du paragraphe cité ci-dessus [le paragraphe 5 des motifs de l’ordonnance sur les dépens] est que la réduction du tiers s’applique aux « dépens payables par ailleurs à Sandoz ». Cela est d’autant plus vrai que le paragraphe cité est placé sous la rubrique : « Le niveau des dépens adjugés ». Par conséquent, les dépens totaux adjugés à Sandoz doivent être réduits du tiers.

 

[Le texte entre crochets a été ajouté.]

 

Sur ce point, à l’audience relative à la taxation, l’avocat de Fournier a soutenu que, ainsi qu’il est prévu dans le tarif B, les dépens dont il est question au paragraphe 1 de l’ordonnance d’adjudication des dépens englobaient les honoraires d’avocat et les débours. Il a également fait référence à la décision rendue dans Adir c Apotex, 2008 CF 1070, à l’appui de l’affirmation selon laquelle toute réduction devrait s’appliquer au montant total des débours et des honoraires d’avocat. Dans ses observations sur les dépens déposées en réponse, l’avocat de Fournier soutient que, en citant Adir dans l’ordonnance d’adjudication des dépens et plus précisément en citant l’observation de la Cour selon laquelle il est possible de réduire les dépens adjugés lorsqu’aucune des parties n’a pas eu pleinement gain de cause, il est clair que le juge Zinn ordonnait la réduction du tiers des dépens totaux adjugés à Sandoz. Au sujet de l’ordonnance d’adjudication des dépens, l’avocat de Fournier a affirmé dans ses observations finales que la Cour avait explicitement accueilli les sept éléments tels qu’ils sont énumérés dans l’ordonnance et que, à part les sept éléments énumérés, rien ne permet d’accorder d’autres dépens à Sandoz, qu’il s’agisse d’honoraires d’avocat ou de débours. Selon l’avocat de Fournier, l’ordonnance d’adjudication des dépens n’est pas seulement une directive; elle supplante la taxation accordée à Sandoz dans le jugement original, et, si le premier paragraphe de l’ordonnance d’adjudication des dépens avait été rédigé de façon à accorder [traduction] « les honoraires d’avocat taxés à l’échelon supérieur de la colonne III, et ensuite réduits du tiers », comme l’a laissé entendre l’avocat de Sandoz, il s’en serait ensuivi que Sandoz n’aurait eu droit à aucun débours. L’avocat de Fournier a avancé l’explication suivante : le renvoi aux dépens – qui, d’après son interprétation, englobe les honoraires d’avocat et les débours – au paragraphe 1 de l’ordonnance d’adjudication des dépens est le seul endroit où il serait possible d’inclure les débours dans l’ordonnance d’adjudication des dépens, car les autres paragraphes visent spécifiquement les honoraires d’avocat et les intérêts.

 

[8]               En ce qui concerne la réduction des dépens du tiers, l’avocat de Sandoz soutient que, dans le cadre de la taxation des dépens, les officiers taxateurs sont tenus de respecter le jugement de la Cour, et non les motifs de la Cour, et qu’en l’espèce, l’adjudication des honoraires d’avocat et des débours se trouve dans le jugement, et non dans l’ordonnance d’adjudication des dépens. Il soutient que le paragraphe 1 des motifs de l’ordonnance et de l’ordonnance rendus subséquemment le 25 septembre 2012 précise clairement que l’ordonnance d’adjudication des dépens porte uniquement sur les huit questions en litige entre les parties, soit les questions énumérées dans l’ordonnance d’adjudication des dépens. L’avocat de Sandoz poursuit en soutenant que l’avocat de Fournier aurait pu soulever d’autres questions, mais a choisi de relever seulement ces huit questions-là; par conséquent, l’ordonnance d’adjudication des dépens ne fixe pas de limite pour la totalité des dépens, mais a pour effet de cerner ces huit questions en cause. L’avocat de Sandoz a fait valoir que l’ordonnance d’adjudication des dépens n’a aucune incidence sur les autres dépens réclamés. Il a ajouté que, dans la décision See You In – Canadian Athletes Fund Corp c Comité olympique canadien, 2009 CF 908, au paragraphe 7, la Cour fédérale a conclu que, faute d’une directive claire de la Cour, un officier taxateur n’a pas compétence pour réduire les dépens adjugés. Selon l’avocat de Sandoz, le paragraphe 1 de l’ordonnance d’adjudication des dépens indique clairement que la réduction des dépens s’applique uniquement aux honoraires d’avocat réclamés. L’avocat de Sandoz fait ensuite renvoi à la décision Sanofi-Aventis Canada Inc c Apotex Inc, 2009 CF 1138, au paragraphe 27, où la Cour a conclu que la réduction s’appliquait à la totalité des dépens adjugés. Il a soutenu que cette directive précise clairement qu’il fallait réduire la totalité des dépens adjugés; il n’y a pas d’ambiguïté quant à savoir si la réduction s’applique seulement aux honoraires d’avocat. L’avocat de Sandoz renvoie ensuite à la décision Adir, précitée, au paragraphe 28, dans laquelle la Cour affirme ce qui suit :

Compte tenu des présents motifs, il est à espérer que les parties pourront désormais en venir à un accord sur les dépens. Toutefois, si elles n’y arrivent pas, l’officier taxateur devra accorder à Servier 90 pour 100 de ses dépens et débours taxés, en fonction de l’échelon supérieur de la colonne IV et conformément aux directives données dans les présents motifs.

 

L’avocat de Sandoz a ajouté qu’au paragraphe 1 du jugement (page 12) dans la décision Adir, précitée, la Cour accorde tous les dépens à l’encontre des défenderesses et qu’au paragraphe 2, la Cour précise clairement que « [l]e total des dépens adjugés est réduit de 10 pour 100 ». Selon l’avocat de Sandoz, bien que la Cour ait cité la décision Adir dans la présente ordonnance sur les dépens, elle a choisi de ne pas suivre cette décision lorsqu’elle a rendu l’ordonnance d’adjudication des dépens. La Cour n’a pas énoncé la réduction dans un paragraphe distinct, mais elle affirme dans le même paragraphe : « ses dépens taxés à l’échelon supérieur de la colonne III, et ensuite réduits du tiers » – ce qui indique clairement que la réduction du tiers s’applique uniquement aux dépens taxés selon l’échelle du tarif B. L’avocat de Sandoz a ensuite soutenu que, si tel n’est pas le cas, si l’ordonnance est ambiguë, un officier taxateur n’a compétence pour effectuer aucune autre déduction. L’argument suivant de Sandoz concernant la réduction du tiers était le suivant : si Fournier avait raison, il ne serait plus nécessaire d’avoir recours aux officiers taxateurs. Selon l’avocat de Sandoz, souscrire à l’avis de Fournier signifierait que, faute de directives détaillées de la Cour concernant les dépens, comme dans Janssen-Ortho Inc c Novopharm Limited, 2006 CF 1333, un juge de première instance se verrait obligé d’énoncer chaque débours individuel auquel une partie aurait droit lors de la taxation des dépens. Enfin, au paragraphe 14 de sa réponse écrite aux observations sur les dépens, l’avocat de Sandoz soutient ce qui suit :

[traduction]

 

Lorsqu’un juge a statué qu’une partie a droit à ses dépens, les débours raisonnables sont automatiquement récupérables, même si le juge n’a fait aucun renvoi spécifique à ces débours. Le droit de Sandoz à ses débours découle du jugement du juge Zinn dans Fournier Pharma Inc. c Canada (Ministre de la Santé), 2012 CF 741, où il a déclaré que Sandoz avait droit à ses dépens. L’ordonnance sur les dépens du juge Zinn stipulait que les débours liés aux déplacements seraient taxés en classe économique, etc., mais, par ailleurs, l’ordonnance sur les dépens du juge Zinn n’aborde pas et ne modifie aucunement le droit de Sandoz au remboursement de ses débours. L’allégation de Fournier selon laquelle Sandoz n’aurait droit à aucun de ses débours du fait que le juge Zinn ne fait aucune mention du mot « débours » dans l’ordonnance d’adjudication des dépens est fondamentalement viciée, car le droit de Sandoz aux débours avait été établi avant l’ordonnance d’adjudication des dépens.

 

[9]               Après la présentation de leurs arguments sur la réduction des dépens du tiers, les avocats des deux parties devaient présenter leurs observations sur le syntagme : « Sandoz [a] droit à ses dépens, comme suit […] », qui se trouve dans le préambule de l’ordonnance d’adjudication des dépens.

 

[10]           En réponse, l’avocat de Fournier a soutenu que le syntagme est une indication de la Cour que l’ordonnance d’adjudication des dépens supplante l’attribution des dépens à Sandoz dans le jugement et que ce dernier a droit aux dépens taxés selon l’ordonnance d’adjudication des dépens. Il a soutenu que cela concorde avec la position de Fournier concernant la réduction du tiers, à savoir que les dépens de Sandoz – pas seulement les honoraires d’avocat, mais la totalité des dépens – devraient être réduits du tiers. Selon l’avocat de Fournier, il nous arrive parfois de constater après coup qu’on ne s’est pas exprimé parfaitement, mais, si on examine l’intention globale de la Cour, il est clair que la réduction du tiers ne peut viser que la totalité des dépens adjugés.

 

[11]           Dans sa réplique, l’avocat de Sandoz a fait valoir que, sur le plan grammatical, le préambule était un paragraphe passe-partout, étant donné qu’il ne faisait pas partie de la section exécutoire de l’ordonnance d’adjudication des dépens et qu’il ne supplante pas l’attribution des dépens dans le jugement. À l’appui de cette position, il fait référence au paragraphe 3 des motifs de l’ordonnance sur les dépens, qui affirme : « La Cour a déjà statué que Sandoz a droit à ses dépens; l’argument selon lequel elle ne devrait rien recevoir est donc rejeté. » L’avocat de Sandoz laisse entendre que la Cour réitère que les dépens ont déjà été attribués, si bien que l’ordonnance d’adjudication des dépens ne peut supplanter cette attribution. Il a soutenu que l’ordonnance d’adjudication des dépens ne faisait que cerner les dépens faisant l’objet d’un litige entre les parties. En ce qui concerne l’affirmation de Fournier selon laquelle il nous arrive parfois de constater après coup qu’on ne s’est pas exprimé parfaitement, l’avocat de Sandoz a soutenu que, si la Cour avait eu l’intention de marquer une séparation entre la réduction du tiers et l’établissement de l’échelle des honoraires d’avocat, elle aurait inséré une virgule entre les deux éléments de la phrase [dans la version originale anglaise], ce qui appuierait la position de Fournier; or, la Cour n’insère pas de virgule : « […] costs assessed at the upper end of Column III and then reduced by one-third » [« ses dépens taxés à l’échelon supérieur de la colonne III, et ensuite réduits du tiers » dans la traduction française].

 

[12]           Résumons les arguments des avocats des deux parties : Sandoz a soutenu que le paragraphe 1 de l’ordonnance d’adjudication des dépens signifie que seuls les honoraires d’avocat, ci-après désignés sous le nom de services taxables, devraient être réduits du tiers, et Fournier a fait valoir que tous les dépens, services taxables et débours devraient être réduits du tiers.

 

[13]           Après avoir examiné le tarif B des Règles des Cours fédérales, il semble y avoir trois termes utilisés pour décrire les éléments visés par la taxation des dépens : les dépens taxables, les services taxables et les débours. À la lumière du paragraphe 2(1) du tarif B, il est clair que les dépens taxables se calculent en multipliant le nombre d’unités de chaque service taxable inscrit au tableau du tarif B par la valeur unitaire et en additionnant les débours taxables autorisés par l’officier taxateur. Autrement dit, les dépens taxables englobent à la fois les services taxables et les débours. Le tarif B n’indique jamais que les dépens taxables sont synonymes soit de services taxables uniquement ou de débours uniquement.

 

[14]           À l’aide du cadre ci-dessus, je dois déterminer le sens ordinaire du syntagme : « ses dépens taxés à l’échelon supérieur de la colonne III, et ensuite réduits du tiers », qui se trouve au paragraphe 1 de l’ordonnance d’adjudication des dépens. L’avocat de Sandoz a soutenu que la construction grammaticale de ce syntagme suggère clairement que le mot « dépens » désigne les services taxables en raison du renvoi à la colonne III immédiatement après. Même si, à première vue, il semble que cela pourrait être exact, lorsqu’on examine la question dans le cadre de l’utilisation du terme « dépens taxables » dans le tarif B, je conclus que le mot précis « dépens », ainsi que la Cour l’utilise, renvoie à la fois aux services taxables et aux débours.

 

[15]           De plus, l’avocat de Sandoz a soutenu que, si l’intention de la Cour avait été d’appliquer la réduction à la totalité des dépens, l’ordonnance d’adjudication des dépens l’indiquerait de manière claire et explicite, comme dans Adir (précitée) et Sanofi-Aventis (précitée). Encore une fois, je conclus qu’en utilisant le terme « dépens » au lieu de « services taxables » ou « débours », la Cour a clairement ordonné que la réduction soit appliquée à la totalité des dépens, ce qui englobe les services taxables et les débours. Je conclus également que le paragraphe 5 des motifs de l’ordonnance, joints à l’ordonnance d’adjudication des dépens, appuie cette conclusion, comme je l’ai signalé au paragraphe 6 ci-dessus. Dans les motifs, la Cour affirme ce qui suit : « Je suis d’avis qu’il est juste de réduire les dépens payables par ailleurs à Sandoz […] » Dans cette phrase, il est clair que la Cour emploie le terme « dépens » au sens établi dans le tarif B et que ce terme signifie les services taxables et les débours adjugés dans le jugement daté du 15 juin 2012. Cela est corroboré par le fait qu’il n’y a pas de déterminant qui restreigne le sens du mot « dépens » soit aux services taxables ou aux débours. De plus, si on considère les motifs dans leur ensemble, rien n’indique que la Cour avait une autre intention et rien ne permet de conclure que l’emploi du terme « dépens » dans les motifs ne concorde pas avec l’emploi de ce terme dans l’ordonnance d’adjudication des dépens. Si tel n’était pas le cas, il n’y aurait aucune disposition se rapportant aux débours, car l’ordonnance d’adjudication des dépens ne contient aucune disposition visant la taxation des débours, à part le renvoi aux dépens au paragraphe 1.

 

[16]           En outre, je ne suis pas d’accord avec l’avocat de Fournier qui affirme que le préambule de l’ordonnance d’adjudication des dépens donne à penser que cette ordonnance supplante l’attribution des dépens dans le jugement. Aussi, je ne suis pas d’accord avec l’avocat de Sandoz qui, lui, affirme que le préambule est un [traduction] « paragraphe passe-partout » qui ne fait pas partie de la section exécutoire de l’ordonnance d’adjudication des dépens, tout comme je ne suis pas d’accord avec l’avocat de Sandoz quand il dit que le syntagme ne fait que cerner les dépens en litige entre les parties. Toutefois, je conclus que le préambule « [que] Sandoz ait droit à ses dépens, comme suit […] » renferme grammaticalement l’attribution des dépens faite dans le jugement et englobe la totalité des dépens admissibles. Par conséquent, les seuls dépens auxquels Sandoz a droit sont ceux admissibles aux termes de l’ordonnance d’adjudication des dépens. Par extension, pour être cohérent avec le préambule de l’ordonnance d’adjudication des dépens et le jugement qui a attribué les dépens à Sandoz, le paragraphe 1 de l’ordonnance d’adjudication des dépens doit logiquement englober tous les dépens, c’est-à-dire tous les services taxables et débours.

 

[17]           Par conséquent, pour les motifs exposés ci-dessus, je conclus que le renvoi aux dépens fait par la Cour au paragraphe 1 de l’ordonnance d’adjudication des dépens est un renvoi à la fois aux services taxables et aux débours et, par conséquent, conformément au paragraphe 1 de l’ordonnance d’adjudication des dépens, les dépens de Sandoz seront taxés et ensuite les dépens totaux taxés, ce qui englobe les services taxables et les débours, seront réduits du tiers.

 

Les services taxables

[18]           La deuxième question importante soulevée à l’audience avait trait à l’approche à adopter pour la taxation des dépens liés aux requêtes interlocutoires. Dans ses observations écrites déposées en réponse, l’avocat de Sandoz fait valoir ce qui suit :

[traduction]

 

19.       Dans la section F des motifs écrits de l’ordonnance d’adjudication des dépens, le juge Zinn s’est penché sur les dépens liés aux requêtes interlocutoires et a déclaré que « [l]es dépens relatifs à la requête en regroupement ne seront adjugés à aucune des parties ». De plus, le juge Zinn a précisé dans l’ordonnance d’adjudication des dépens qu’« aucuns dépens ne sont adjugés pour la requête en regroupement ». Étant donné que le juge Zinn n’a pas écarté les dépens liés aux autres requêtes, Sandoz a droit à de tels dépens. Toute autre interprétation aurait pour effet de rendre redondante la décision spécifique du juge Zinn concernant la requête en regroupement.

 

20.       Lorsque la décision concernant une requête interlocutoire est muette sur la question des dépens, il est approprié d’attribuer des dépens suivant l’issue de la cause. À titre de partie ayant obtenu entièrement gain de cause dans cette procédure, Sandoz a droit aux dépens liés aux requêtes autres que la requête en regroupement, la seule requête à l’égard de laquelle le juge Zinn a spécifiquement écarté les dépens.

 

À l’appui de cette position, l’avocat de Sandoz a fait référence à Letourneau c Clearbrook Iron Works Ltd, 2004 CF 1626, au paragraphe 8.

 

[19]           À l’audience relative à la taxation, l’avocat de Sandoz a soutenu que, dans les situations où Fournier a présenté une requête et Sandoz a été contrainte d’y répondre, si l’ordonnance est muette au sujet des dépens, et bien que Fournier ait eu gain de cause, Sandoz devrait avoir droit à des dépens à titre de dépens liés à la cause de la partie ayant obtenu gain de cause dans la demande relevant du RMB(AC). En ce qui concerne l’ordonnance conservatoire datée du 6 octobre 2010, il a fait valoir que, bien que l’ordonnance soit muette au sujet des dépens, les ordonnances conservatoires constituent habituellement une étape inévitable des procédures de ce genre. Il a soutenu que, dans d’autres procédures comportant des ordonnances conservatoires, la Cour a attribué les dépens connexes; par conséquent, Sandoz devrait avoir droit aux dépens liés à l’ordonnance conservatoire en l’espèce.

 

[20]           À l’audience relative à la taxation, l’avocat de Fournier a soutenu qu’il n’y a pas de litige lorsque la Cour a attribué les dépens et qu’il y a une ordonnance comportant spécifiquement la mention « sans frais ». Toutefois, il soutient que, dans la situation où Sandoz a demandé les dépens liés aux requêtes qui ont été tranchées au moyen d’une ordonnance muette au sujet des dépens, aucuns dépens ne peuvent être accordés dans le cadre de la taxation.

 

[21]           À l’appui de cet argument, au paragraphe 16 de ses observations sur les dépens déposées en réponse, l’avocat de Fournier soutient ce qui suit :

[traduction]

 

« Le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 400(1) des Règles doit être expressément exercé au moyen d’une ordonnance ou d’un jugement. » Les parties ont droit aux frais liés aux requêtes seulement à la suite d’une ordonnance. Lorsque cette ordonnance est muette au sujet des dépens, aucuns ne seront attribués.

 

À l’appui de sa position, l’avocat de Fournier fait référence aux décisions suivantes : Association canadienne du droit de l’environnement c Canada (Ministre de l’Environnement), 2001 CAF 233, au paragraphe 33; GRK Fasteners Inc c Canada (Procureur général), 2011 CF 1027, au paragraphe 18; Carr c Canada, 2009 CF 1196, au paragraphe 4.

 

[22]           De plus, l’avocat de Fournier a soutenu que Sandoz, en demandant que les ordonnances muettes au sujet des dépens soient traitées comme des ordonnances qui attribuent les dépens suivant l’issue de la cause, demande en fait que l’ordonnance de la Cour soit modifiée. En ce qui concerne l’ordonnance conservatoire, il a soutenu que l’ordonnance, tel qu’elle a été signée, était un projet d’ordonnance soumis à la Cour sur consentement des deux parties. Selon l’avocat de Fournier, Fournier croyait qu’il n’y aurait pas d’adjudication des dépens relativement à l’ordonnance conservatoire, étant donné qu’elle avait été rendue sur consentement.

 

[23]           En ce qui concerne l’ordonnance conservatoire, en réplique, l’avocat de Sandoz a soutenu que, si Fournier croyait qu’il n’y aurait pas de dépens, il incombait à ce dernier de s’assurer qu’il y ait une disposition prévoyant qu’aucuns dépens ne seraient attribués.

 

[24]           Pour ce qui est de l’argument de Sandoz selon lequel il faut supposer, quand une ordonnance est muette au sujet des dépens, que la Cour a attribué les dépens suivant l’issue de la cause, la décision sur laquelle l’avocat de Sandoz s’appuyait, à savoir Letourneau (précitée), était une décision du protonotaire Hargrave concernant les dépens liés à une requête. Étant donné que le protonotaire était un membre de la Cour, il pouvait exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 400(1) des Règles et attribuer les dépens suivant l’issue de la cause. Par contre, en vertu des articles 2 et 4 et du paragraphe 5.1(1) des Règles de la Cour fédérale, les officiers taxateurs ne sont pas membres de la Cour et ne sont pas habilités à attribuer des dépens en vertu du paragraphe 400(1) des Règles. De plus, dans les décisions Association canadienne du droit de l’environnement (précitée) et Carr (précitée), les officiers taxateurs se sont fondés sur d’autres précédents pour arriver à la conclusion selon laquelle à moins que la Cour n’attribue les dépens liés à une requête, aucuns dépens ne peuvent être accordés par un officier taxateur. En ce qui concerne l’ordonnance conservatoire, conformément à la jurisprudence actuelle, je conclus que les intentions des parties ne sont pas pertinentes étant donné que la Cour n’a pas attribué de dépens dans l’ordonnance conservatoire. Pour les motifs ci-dessus, je conclus que Sandoz n’a pas droit aux dépens liés à toute requête pour laquelle l’ordonnance connexe est muette au sujet des dépens.

 

[25]           J’ai examiné le mémoire de dépens modifié de Sandoz et les ordonnances de la Cour visant les requêtes et, conformément aux motifs exposés ci-dessus, je conclus que les réclamations liées à l’ordonnance conservatoire, à la requête d’Elan visant à modifier l’intitulé et à la requête visant à contraindre M. Muzzio à comparaître de nouveau sont rejetées. La seule autre requête à l’égard de laquelle des dépens ont été réclamés est la requête visant à radier les affidavits de M. Muzzio. À l’audience relative à la taxation, l’avocat de Sandoz a retiré la réclamation se rapportant à la comparution de Me Christopher Tan, second avocat, à l’audience sur la requête en radiation. Étant donné que les ordonnances visant la requête en radiation attribuaient les dépens suivant l’issue de la cause, et étant donné que Fournier n’a pas contesté les montants réclamés selon les articles 5 et 6, les montants réclamés pour cette requête, à part la réclamation se rapportant à Me Tan, signalée ci-dessus, sont accueillis tels qu’ils sont présentés dans le mémoire de dépens.

 

[26]           Le prochain groupe de services taxables en litige englobe les montants réclamés selon les articles 10 et 11 du tableau du tarif B pour la préparation des conférences de gestion d’instance et la participation à ces conférences. À l’audience relative à la taxation, l’avocat de Fournier a soutenu qu’aux conférences de gestion d’instance tenues le 14 septembre 2010, le 10 janvier 2011, le 16 janvier 2012 et le 14 mars 2012, les questions abordées n’avaient pas seulement trait au présent dossier (T‑1184‑10) et que les montants réclamés pour la préparation et la participation devraient être répartis entre les dossiers T-991-10, T-1051-10 et T-1184-10, selon les circonstances.

 

[27]           En réplique, l’avocat de Sandoz a soutenu que les questions se rapportant à chaque dossier étaient distinctes. Toutefois, il n’a pas contesté la répartition du montant réclamé pour la participation entre les dossiers. Cependant, l’avocat de Sandoz a soutenu qu’il était raisonnable de réclamer le temps consacré à la préparation de chaque dossier, car les questions se rapportant à chaque dossier étaient distinctes et exigeaient toutes une préparation distincte.

 

[28]           J’ai examiné le dossier de la Cour pour chacun de ces dossiers et, comme l’a fait valoir l’avocat de Fournier, il semble que les conférences de gestion d’instance tenues le 14 septembre 2010, le 10 janvier 2011, le 16 janvier 2012 et le 14 mars 2012 portaient sur les dossiers T-991-10, T-1051-10 et T-1184-10. Par contre, Sandoz a fait valoir qu’elle ne s’opposait pas à la répartition du montant réclamé pour la participation. De plus, l’avocat de Fournier n’a produit aucun élément de preuve pour réfuter l’affirmation de Sandoz selon laquelle chaque dossier exigeait un temps de préparation distinct. Dans les circonstances, je conclus que les réclamations de Sandoz selon l’article 10 se rapportant à la préparation sont raisonnables et nécessaires, et qu’elles sont accueillies telles qu’elles ont été présentées. Toutefois, je conclus que les réclamations selon l’article 11 sont excessives dans la mesure où il y a eu une seule participation englobant les dossiers T-991-10, T‑1051‑10 et T-1184-10. Par conséquent, étant donné que l’article 11 a été accueilli dans le dossier T‑991‑10 pour les conférences de gestion d’instance tenues le 14 septembre 2010, le 10 janvier 2011, le 16 janvier 2012 et le 14 mars 2012, il faut rejeter toute réclamation selon l’article 11 dans le cadre du présent dossier (T-1184-10) relativement aux conférences de gestion d’instance tenues ces dates-là. Enfin, les montants réclamés pour la préparation des conférences de gestion d’instance tenues le 7 septembre 2010, le 12 septembre 2011 et le 17 octobre 2011, ainsi que pour la participation à ces conférences, n’ont pas été contestés par Fournier et sont accueillis tels qu’ils ont été présentés.

 

[29]           À l’audience relative à la taxation, l’avocat de Sandoz a convenu de retirer les montants réclamés selon l’article 13a) pour la préparation de Me Mary McMillan en vue de l’audience, étant donné que ces montants n’étaient pas visés dans l’ordonnance d’adjudication des dépens. Étant donné que les montants réclamés selon l’article 13a) relativement à Me Warren Sprigings n’ont pas été contestés, ils sont accueillis tels qu’ils sont présentés dans le mémoire de dépens.

 

[30]           En ce qui concerne la réclamation de Sandoz selon l’article 13b) visant la préparation de la seconde avocate, Me Mary McMillan, en vue de l’audience (par jour, après le premier jour), au paragraphe 36 de ses observations sur les dépens déposées en réponse, l’avocat de Fournier a soutenu que l’ordonnance d’adjudication des dépens a attribué les frais d’un second avocat à l’audience, mais pas les frais de préparation d’un second avocat en vue de l’audience selon l’article 13b).

 

[31]           La seule observation présentée par Sandoz au sujet de la demande visant un second avocat selon l’article 13b) était que la préparation forme une partie intégrante et essentielle de l’audience et qu’il était nécessaire que la seconde avocate se prépare en vue de l’audience.

 

[32]           Ayant examiné l’ordonnance d’adjudication des dépens, je conviens avec Fournier que cette ordonnance ne comportait aucune disposition visant la préparation d’un second avocat en vue de l’audience. De plus, l’article 13b) dans le tableau du tarif B ne prévoit pas de second avocat. Étant donné que rien ne me confère la compétence pour exercer un pouvoir discrétionnaire relativement à un second avocat selon l’article 13b), je conclus que je ne suis pas habilité à accueillir une demande visant un second avocat. Par conséquent, la réclamation de Sandoz se rapportant à un second avocat selon l’article 13b) est rejetée. Étant donné que les montants réclamés selon l’article 13b) relativement à Me Warren Sprigings n’ont pas été contestés, ils sont accueillis tels qu’ils sont présentés dans le mémoire de dépens.

 

[33]           À l’audience relative à la taxation, l’avocat de Sandoz a été avisé que les montants réclamés pour le désistement des avis d’appel dans les dossiers A-101-12, A-102-12 et A-103-12 ne pouvaient être accordés dans le cadre de la présente taxation, étant donné qu’il s’agissait d’affaires ne relevant pas de la Cour fédérale. Il a également été avisé que ce refus était sous toutes réserves et que Sandoz pouvait déposer des mémoires de dépens dans le cadre des dossiers appropriés et demander les dépens liés à ces désistements séparément.

 

[34]           En ce qui a trait aux frais de déplacement (article 24), au paragraphe des observations sur les dépens déposées en réponse, l’avocat de Fournier soutient ce qui suit :

[traduction]

 

Sandoz a réclamé les frais encourus pour rendre visite à des experts à de nombreuses reprises. Toutefois, Sandoz n’a pas démontré en quoi il était nécessaire ou raisonnable de tenir de multiples réunions avec ses experts ayant souscrit des affidavits. Sur la base des principes du caractère raisonnable et de l’indemnité partielle, Fournier ne devrait pas être obligée d’assumer les frais de la commodité pour les avocats de Sandoz de rendre de nombreuses visites à leurs experts. Fournier soutient qu’une approche plus raisonnable et plus équitable consisterait à limiter la taxation des frais de déplacement de Sandoz de façon à ce qu’un avocat ait droit à une réunion générale avec un expert, puis à une autre réunion pour préparer le contre-interrogatoire de cet expert.

 

[35]           Au paragraphe 30 de ses observations écrites déposées en réponse, l’avocat de Sandoz fait valoir ce qui suit :

 

[traduction]

 

Dans son ordonnance, le juge Zinn a déclaré que Sandoz avait droit aux dépens relatifs aux déplacements à l’extérieur de la province taxés de la manière suivante : classe économique, chambre d’hôtel pour une personne et alimentation, à l’exclusion des frais de divertissement et de consommation d’alcool. Le mémoire de dépens modifié de Sandoz a été préparé conformément à l’ordonnance d’adjudication des dépens. Toutes les visites auprès des experts étaient raisonnables et nécessaires, survenant au fur et à mesure que la procédure progressait d’une étape à l’autre. L’allégation de Fournier selon laquelle les visites auprès des experts se déroulaient souvent en présence de deux avocats est sans fondement. La taxation des dépens ne doit pas s’effectuer en adoptant un point de vue rétrospectif. Quoi qu’il en soit, le juge Zinn n’a pas restreint le nombre de voyages pour rendre visite aux experts, ni limité les frais de déplacement aux « visites des témoins » seulement.

 

[36]           À l’appui de l’argument selon lequel la taxation des dépens ne devrait pas s’effectuer en adoptant un point de vue rétrospectif, l’avocat de Sandoz a fait référence à la décision Bayer AG c Novopharm Ltd, 2009 CF 1230, au paragraphe 41, où la Cour a conclu que le critère approprié était d’établir si, dans les circonstances qui existaient au moment où l’avocat d’un plaideur a engagé une dépense, il s’agissait d’une façon prudente et raisonnable de représenter le client.

 

[37]            À l’audience relative à la taxation, l’avocat de Sandoz a soutenu que les déplacements des avocats selon l’article 24 pour des réunions avec M. Lobenberg et M. Genck étaient retirés, étant donné que ces derniers n’étaient pas des témoins experts. Enfin, il a soutenu que Fournier n’avait présenté aucun élément de preuve à l’appui de son argument selon lequel il n’était pas justifié d’effectuer plusieurs voyages pour rencontrer les experts.

 

[38]           En ce qui concerne les déplacements, au paragraphe 12 des motifs joints à l’ordonnance d’adjudication des dépens, la Cour indique que Sandoz souhaite obtenir les dépens qu’elle a engagés pour se rendre à l’extérieur de l’Ontario, en vue d’assister à des contre-interrogatoires et de rencontrer des témoins. Puis au paragraphe 5 de l’ordonnance d’adjudication des dépens, la Cour affirme que : « les dépens relatifs aux déplacements à l’extérieur de la province seront taxés de la manière suivante : classe économique, chambre d’hôtel pour une personne et alimentation, à l’exclusion des frais de divertissement et de consommation d’alcool ». En aucun endroit dans les motifs ou dans l’ordonnance d’adjudication des dépens, la Cour ne limite le nombre de voyages autorisés. De plus, selon l’avocat de Sandoz, les tribunaux ont fréquemment conclu que la taxation des dépens ne doit pas s’effectuer d’une position rétrospective. Ainsi, je ne vois aucun motif de mettre en doute la démarche adoptée par l’avocat de Sandoz pour le bon déroulement de la procédure. De plus, comme l’a fait valoir l’avocat de Sandoz, Fournier n’a présenté aucun élément de preuve à l’appui de son argument selon lequel il n’était pas justifié d’effectuer plusieurs voyages pour rencontrer les experts. Par conséquent, après avoir retiré les montants réclamés pour les déplacements en vue de rencontrer M. Lobenberg et M. Genck, je conclus que les montants restants réclamés selon l’article 24 sont raisonnables et nécessaires pour le bon déroulement de la procédure, et ces montants sont accueillis tels qu’ils sont présentés dans le mémoire de dépens.

 

[39]           En ce qui concerne les articles 25 et 26, l’avocat de Sandoz a retiré la demande se rapportant à la seconde avocate, Me Mary McMillan. Étant donné que les montants réclamés relativement à Me Warren Sprigings n’ont pas été contestés, ils sont accueillis tels qu’ils sont présentés dans le mémoire de dépens.

 

[40]           Étant donné que Fournier n’a pas contesté toutes les autres réclamations visant les services taxables, les montants réclamés selon les articles 2, 8, 9, 14, 19 et 28 sont accueillis tels qu’ils sont présentés dans le mémoire de dépens.

 

Les débours

[41]           À l’audience relative à la taxation, les premiers débours soulevés par l’avocat de Fournier étaient les frais payés aux consultants Joseph Bogardus, Wayne Genck, Raimar Lobenberg et Charles Yeung (les consultants), qui n’ont pas été appelés à témoigner en qualité d’experts. Selon l’avocat de Fournier, le paragraphe 21 de l’affidavit de Me Warren Sprigings fut pour Fournier le premier indice que Sandoz avait fait appel aux services de consultants autres que ses témoins experts. Il a soutenu qu’il n’y a aucun élément de preuve démontrant que les consultants avaient apporté une contribution autre que des conseils pour la préparation de la cause de Sandoz; il a également fait valoir que la Cour n’avait pas reconnu les consultants à titre d’experts. Selon l’avocat de Fournier, il ne faudrait pas permettre à Sandoz de récupérer les frais liés à ces consultants, car les services fournis font partie des frais généraux habituels dans le cadre d’un litige. À l’appui de cet argument, il a fait référence à Sanofi-Aventis Canada Inc c Apotex Inc, 2009 CF 1138, au paragraphe 19, et à Bristol-Myers Squibb Canada Co c Apotex Inc, 2009 CF 137, au paragraphe 192. Il a ajouté que Sandoz avait déjà retenu les services de témoins experts et que Fournier ne devrait pas assumer les frais liés à des consultants additionnels. Enfin, l’avocat de Fournier a fait valoir que le précédent soumis par Sandoz, soit Buddy L Consultants Ltd c Her Majesty the Queen, 2000 DTC 2157, est une affaire fiscale qui se distingue sur le plan des faits de la présente affaire relevant du RMB(AC).

 

[42]           En réponse, l’avocat de Sandoz a soutenu que l’affidavit de Me Warren Sprigings comportait des éléments de preuve se rapportant aux consultants et que l’avocat de Fournier n’a pas contesté cette preuve durant le contre-interrogatoire, si bien qu’il faut admettre la véracité de cette preuve. Il soutient qu’il en va de même pour les compétences des consultants : il aurait fallu que l’avocat de Fournier contre-interroge Me Sprigings à ce sujet. Il a également soutenu que l’affaire relevant du RMB(AC) était complexe et nécessitait le recours à des consultants. En ce qui a trait à la décision Buddy Consultants (précitée), il a soutenu que la Cour avait autorisé le recours à un consultant et qu’il ne faudrait pas établir de distinction entre les affaires relevant du RMB(AC) et les affaires fiscales : les deux sont complexes à leur façon. L’avocat de Sandoz a soutenu qu’en raison de cette complexité, il ne faudrait pas inclure les frais des consultants dans les frais généraux, car le recours à ces consultants était nécessaire dans cette affaire particulière. Il a également fait valoir que les frais facturés par les consultants étaient nettement moins élevés que ceux facturés par les témoins experts; par conséquent, il est beaucoup plus économique de faire appel aux consultants et Sandoz ne devrait pas être pénalisée pour avoir choisi une démarche économique. En ce qui a trait aux décisions Sanofi-Aventis (précitée) et Bristol-Myers (précitée), l’avocat de Sandoz a soutenu qu’il s’agit dans les deux cas de décisions de la Cour, ce dont nous ne disposons pas dans la présente affaire, et qu’il n’y a pas de principe général selon lequel les experts qui ne témoignent pas sont exclus de la taxation. Il a soutenu que, dans la présente affaire, la Cour n’a formulé aucune restriction et que, faute d’une directive claire, un officier taxateur n’a pas le pouvoir discrétionnaire de restreindre ce type de demande raisonnable.

 

[43]           Au paragraphe 21 de l’affidavit de Me Warren Sprigings, soit la preuve de Sandoz concernant les consultants, il est suggéré que ces derniers : ont contribué à la défense contre la demande de Fournier; ont donné des conseils en vue de préparer la cause et de répondre à l’affidavit de M. Muzzio; ont donné des conseils en vue de préparer la cause relativement à l’allégation de contrefaçon et ont effectué pour Sandoz et ses avocats des services de recherche visant, entre autres, les articles et publications préalables rédigés par le déposant. Bien que Sandoz ait laissé entendre que les services des consultants étaient nécessaires, je conclus que Fournier ne devrait pas être tenu de rembourser les frais connexes, car les services auraient pu être fournis par les experts, dont les frais doivent être remboursés par Fournier en vertu de l’attribution des dépens. De plus, bien que la Cour n’ait pas donné de directives concernant les consultants dans la présente affaire, je conclus que cela ne restreint pas mon pouvoir discrétionnaire pour ce qui est de rendre une décision sur les frais de consultants. Par contre, je conclus que je ne suis pas lié par les décisions rendues dans Sanofi-Aventis (précitée) et Bristol-Myers (précitée). Cependant, j’estime que ces décisions sont instructives, notamment au paragraphe 192 de Bristol-Meyers, où une distinction est établie entre les experts « ayant témoigné dans les affidavits » et « les experts ou autres personnes dont Apotex aurait pu retenir les services ou dont les services ont été retenus par les experts susmentionnés pour les assister » [non souligné dans l’original]. Dans cette décision, la Cour n’a pas autorisé les dépens liés aux experts dont les services ont été retenus pour assister, ce qui est la situation des consultants en l’espèce. En ce qui concerne la décision Buddy Consultants (précitée), le tribunal affirme au milieu du paragraphe 14 :

[traduction]

 

[…] Le défendeur a soutenu que la décision avait été prise de ne pas appeler M. Groeneveld à témoigner parce qu’un autre témoin pouvait le faire.

 

[44]           De plus, un examen approfondi de la décision Buddy Consultants révèle le raisonnement justifiant l’autorisation des dépens liés au consultant : il y avait des frais associés au fait de fournir de l’information au défendeur pour déterminer les éléments de preuve qu’il serait possible d’obtenir du témoin. Dans la présente affaire, rien ne permet de conclure que Sandoz a eu l’intention d’appeler les consultants à témoigner. S’il était établi que les consultants devaient témoigner, les faits de la décision Buddy Consultants auraient pu aider à décider s’il y a lieu d’autoriser les débours pour les services des consultants. Toutefois, en l’absence d’une preuve que Sandoz avait l’intention d’appeler les consultants à témoigner, je conclus que les faits de l’espèce correspondent davantage à ceux de l’affaire Bristol-Myers, étant donné que les consultants ont été embauchés pour fournir une assistance. Par conséquent, conformément à la décision Bristol-Meyers, la demande de dépens liée aux services des consultants est rejetée.

 

[45]           En ce qui concerne les photocopies, l’avocat de Fournier a soutenu à l’audience que l’attestation des frais de photocopies réclamés était imprécise et fondée sur la preuve par ouï-dire de Deborah Zak, qui a confirmé en contre-interrogatoire que les montants réclamés provenaient d’un commis-comptable, qu’elle n’avait pas, en fait, examiné les factures soumises à Sandoz ou vérifié de manière indépendante les montants réclamés et que certaines des copies étaient destinées à un usage interne par les avocats. Il a également fait valoir que Sandoz n’avait soumis aucune preuve concernant l’utilisation prévue de ces photocopies et aucune ventilation des montants facturés. À l’appui de son argument selon lequel les frais de photocopies sont admissibles si les photocopies sont essentielles à la conduite de l’action, l’avocat de Fournier a fait référence à la décision Diversified Products Corp c Tye-Sil Corp, [1990] ACF no 1056. Il a également invoqué l’arrêt Advance Magazine Publishers Inc c Farleyco Marketing Inc, 2010 CAF 143, à l’appui de l’affirmation selon laquelle moins il y a de preuve, plus la partie qui demande la taxation doit s’en remettre au pouvoir discrétionnaire de l’officier taxateur, « lequel doit l’exercer de manière prudente, en ne perdant pas de vue le principe d’austérité ». Enfin, au paragraphe 57 de ses observations sur les dépens déposées en réponse, l’avocat de Fournier plaide pour l’attribution d’un montant de 7 271,30 $, sur la base des mesures prises dans le cadre de la demande et du nombre approximatif de pages de documents reçues. À l’appui de cette proposition, il fait référence au paragraphe 12 de l’affidavit de Sonia Atwell.

 

[46]           À l’audience, l’avocat de Sandoz a fait référence au paragraphe 26 de l’affidavit de Deborah Zak; il a signalé que les photocopies sont facturées séparément en fonction du numéro de dossier au tarif de 0,25 $ la copie et qu’une technologie automatisée couramment utilisée servait à compter et à comptabiliser le nombre de copies. Pour ce qui est de la suggestion de Fournier selon laquelle l’attestation constitue une preuve par ouï-dire, il a fait valoir que l’attestation était admissible, étant donné qu’elle avait trait à un élément comptable régulier et que, pour satisfaire à la norme énoncée par Fournier, il aurait fallu que Mme Zak ait été témoin de la production de chaque photocopie, ce qui constitue une exigence déraisonnable. En ce qui concerne la somme se trouvant au paragraphe 12 de l’affidavit de Sonia Atwell, l’avocat de Sandoz a soutenu que Mme Atwell avait confirmé en contre-interrogatoire que le décompte était basé sur une estimation des documents signifiés à Fournier et n’incluait pas la jurisprudence et doctrine et les documents liés aux requêtes, tels que les recueils présentés à la Cour. De plus, selon l’avocat de Sandoz, Mme Atwell a confirmé en contre-interrogatoire que le décompte n’incluait pas toutes les pièces jointes aux affidavits, car elle ne les avait pas numérisées. Selon l’avocat de Sandoz, il faut sept copies de chaque élément du dossier : trois copies pour la Cour, une copie pour Fournier, deux copies pour usage interne et une copie pour l’expert. Enfin, faisant référence à la décision Diversified Products (précitée), il a soutenu qu’un taux de 0,25 $ par page était accepté et que, vingt-trois ans plus tard, Sandoz demande encore 0,25 $ la page.

 

[47]           Sandoz a réclamé 42 130,66 $ pour les frais de photocopie. J’ai examiné la preuve de Sandoz présentée au paragraphe 26 de l’affidavit de Deborah Zak et je note qu’un rabais est accordé aux clients qui demandent plus de 1 000 copies. De plus, même si j’estime utile l’information fournie au bas du tableau de la pièce Q jointe à l’affidavit de Deborah Zak, j’aurais préféré qu’on me présente des descriptions plus détaillées des réclamations liées aux photocopies. Par contre, en raison de la technologie et des méthodes de comptabilité utilisées, je conclus que la preuve présentée par Sandoz n’est pas irrecevable au motif qu’elle constitue du ouï-dire. En outre, j’ai examiné la documentation versée au dossier et, bien que j’estime que le montant réclamé est excessif, je conclus que le montant suggéré par Fournier est beaucoup trop bas, compte tenu du volume de documentation présenté en l’espèce. Enfin, avant de rendre une décision sur les frais de photocopie, il est important de signaler qu’à l’audience relative à la taxation, l’avocat de Sandoz a confirmé que la réclamation liée aux photocopies incluait des frais pour les photocopies de la documentation se rapportant aux requêtes. Étant donné qu’un nombre important de requêtes présentées n’ont pas été accueillies, cela aura un impact sur le montant accordé pour la production des photocopies. Par conséquent, ayant pris en considération les observations des avocats et examiné la documentation soumise, y compris le contre-interrogatoire de Sonia Atwell, et ayant noté le volume de la documentation versée au dossier et soustrait la documentation déposée pour les requêtes n’ayant pas été accueillies dans le cadre de la présente taxation, et ayant tenu compte du rabais de quantité offert aux clients, les frais de photocopie accordés s’élèvent à 24 160,00 $.

 

[48]           L’élément suivant contesté par Fournier était les frais réclamés relativement à M. Mayersohn, un témoin expert. À l’audience relative à la taxation, l’avocat de Fournier a fait référence au paragraphe 65 de ses observations sur les dépens déposées en réponse et a soutenu que Sandoz réclame un montant trop élevé pour M. Mayersohn, soit un total de 96 076,83 $ à un taux horaire de 800,00 $. L’avocat de Fournier a invoqué la décision Janssen-Ortho Inc c Novopharm Ltd, 2006 CF 1333, au paragraphe 43, à l’appui de l’argument selon lequel une partie est libre de retenir les services d’un expert et de lui verser les honoraires convenus, quel qu’en soit le montant, mais ce montant ne doit pas nécessairement être celui qui est accordé au moment de la taxation des dépens. Il s’est également fondé sur Janssen-Ortho à l’appui de l’argument selon lequel les honoraires versés à l’expert ne devraient pas dépasser le taux horaire facturé par l’avocat principal. Il a également renvoyé à la décision Janssen-Ortho c Canada (Ministre de la Santé), 2010 CF 194, à l’appui de l’argument selon lequel les tarifs élevés versés aux experts constituent une exception qui s’applique uniquement aux experts de haut calibre, et ne sont pas la règle à suivre. Enfin, l’avocat de Fournier a soutenu que Me Sprigings avait confirmé en contre-interrogatoire qu’il exigeait un tarif horaire allant de 500 $ à 600 $, si bien qu’un montant de 62 886,47 $ serait une somme acceptable pour les services de M. Mayersohn.

 

[49]           En réponse, l’avocat de Sandoz a soutenu que les précédents signalés par l’avocat de Fournier sont des décisions rendues par des juges et que, dans la présente affaire, il n’y avait aucune ordonnance fixant un maximum pour les honoraires des experts. De plus, il a soutenu qu’en l’absence d’une telle ordonnance fixant un maximum pour les honoraires des experts, un officier taxateur n’a pas compétence pour imposer un maximum. Il a fait valoir que Fournier n’avait présenté aucun précédent où un officier taxateur s’était reconnu la compétence de fixer un maximum pour les honoraires des experts en l’absence d’une directive de la Cour. Il a fait référence à la décision See You In-Canadian Athletes Fund Corp (précitée) à l’appui de l’argument selon lequel faute d’une directive claire de la Cour un officier taxateur n’a pas compétence pour réduire les dépens adjugés. L’avocat de Sandoz a également invoqué Janssen Inc c Teva Canada Limited, 2012 CF 48, au paragraphe 163, à titre d’exemple d’une taxation où la compétence de l’officier taxateur pour ce qui est d’imposer un maximum pour les honoraires des experts découlait d’une directive de la Cour.

 

[50]           En ce qui a trait aux compétences de M. Mayersohn, l’avocat de Sandoz a fait référence à la page 16 de l’affidavit de Me Warren Sprigings :

[traduction]

 

M. Mayersohn est professeur titulaire en sciences pharmaceutiques à l’Université de l’Arizona et a mené des recherches ayant trait à la biodisponibilité orale et aux caractéristiques pharmacocinétiques des drogues chez les animaux et les humains.

 

 

[51]           Selon l’avocat de Sandoz, si Fournier suggère que le tarif de M. Mayersohn est déraisonnable, l’avocat de Fournier doit démontrer, au moyen d’une preuve, que le tarif est déraisonnable – il ne peut se contenter d’alléguer de manière générale que le tarif est déraisonnable.

 

[52]           En ce qui concerne l’établissement d’un niveau de référence pour les honoraires d’expert, je conclus qu’en l’absence d’une directive de la Cour, je ne suis pas tenu de limiter les honoraires d’expert à un niveau équivalent aux honoraires facturés par l’avocat principal. Par contre, je conclus que les officiers taxateurs ont compétence pour réduire les honoraires d’expert admissibles si la preuve justifie une réduction (voir Bayer AG c Novopharm Ltd., 2009 CF 1230, au paragraphe 41) et qu’il ne faut pas nécessairement accorder le montant réclamé au moment de la taxation des dépens.

 

[53]           J’ai lu les motifs confidentiels du jugement et jugement rendus le 15 juin 2012 et je conclus que le témoignage de M. Mayersohn est invoqué seulement dans la section qui commence au paragraphe 70, intitulée « Bioéquivalence et profil pharmacocinétique ». À la fin de cette section, la Cour arrive à la conclusion « qu’une bioéquivalence établie par un intervalle de confiance à 90 % pour l’ASC et la Cmax, compris entre 80 et 125 % est essentielle pour l’invention et les revendications 1 à 3 ». [Non souligné dans l’original.]

 

[54]           Au paragraphe 78, la Cour affirme :

La deuxième allégation de Sandoz, à savoir que la Cmax n’est pas essentielle, s’appuie sur la règle de Dalton. Cette règle, d’après le paragraphe 98 de l’affidavit de M. Mayersohn, indique que [traduction] « si la moyenne arithmétique pour l’ASC et la Cmax diffère de moins de 10 % ou de moins de 5 %, un travailleur moyen versé dans l’art comprendrait que [l’intervalle de confiance] à 90 % pour l’ASC et la Cmax, compris entre 80 et 125 %, respectivement, serait respecté ». [Non souligné dans l’original.]

 

[55]           Il ressort clairement de la décision de la Cour concernant la bioéquivalence que les conclusions de la Cour, à savoir que le Cmax et l’ASC sont tous les deux essentiels, divergeaient des conclusions de M. Mayersohn. Étant donné qu’il s’agit de l’unique fois où la Cour fait référence au témoignage de ce dernier, il serait possible de conclure que la Cour a trouvé les témoignages des autres témoins experts plus instructifs. Toutefois, en l’absence d’une déclaration claire de la Cour à cet effet, je dois tenir compte uniquement des conclusions de la Cour sur cette seule question. Si la Cour avait accepté d’autres éléments du témoignage de M. Mayersohn, les conclusions de la Cour concernant la bioéquivalence ne seraient pas aussi frappantes. De plus, en ce qui a trait à la crédibilité de M. Mayersohn, au paragraphe 61 des motifs confidentiels du jugement et jugement, la Cour a conclu que les « allégations graves » de Fournier concernant les témoins de Sandoz, plus particulièrement M. Mayersohn, étaient « sans fondement ». Par conséquent, je conclus que la preuve à ma disposition ne justifie pas une réduction des débours réclamés relativement à M. Mayersohn. Par conséquent, les débours réclamés relativement à M. Mayersohn sont accueillis ainsi qu’ils sont présentés dans le mémoire de dépens.

 

[56]           En ce concerne la réclamation des frais liés aux recherches de précédents en ligne, au paragraphe 60 des observations sur les dépens déposées en réponse, l’avocat de Fournier soutient que Sandoz n’a fourni aucune facture pour confirmer le montant réclamé et fait référence à Janssen Inc c Teva Canada Limited (précitée), au paragraphe 152, à l’appui de l’argument selon lequel il faut démontrer la pertinence des recherches en ligne dans le cadre de l’instance. L’avocat de Fournier conclut en laissant entendre qu’une réclamation de 2 000,00 $ constituerait un montant plus raisonnable.

 

[57]           Au paragraphe 34 de ses observations écrites déposées en réponse, l’avocat de Sandoz soutient que le montant réclamé pour les recherches en ligne est raisonnable et nécessaire, compte tenu de la complexité des questions soulevées par le litige. De plus, la pièce R de l’affidavit de Deborah Zak comporte des éléments de preuve sur les débours liés aux recherches en ligne.

 

[58]           J’ai examiné l’affidavit de Deborah Zak et je note qu’il ne contient aucun élément de preuve sur la pertinence des recherches en ligne dans le cadre de l’instance. Toutefois, il y est indiqué que le montant facturé à Sandoz ne correspond qu’à 15 pour cent des coûts réellement engagés. De plus, malgré l’absence de preuves concernant les objets de ces recherches, compte tenu de la nature de la procédure, je conclus que le montant réclamé n’est pas déraisonnable. Par conséquent, la réclamation de 4 550,97 $ visant les recherches informatisées en ligne est accueillie.

 

[59]           En ce qui concerne les débours liés aux déplacements, au paragraphe 62 de ses observations sur les dépens déposées en réponse, l’avocat de Fournier soutient que ses arguments selon lesquels un seul déplacement pour rencontrer les témoins avant le contre-interrogatoire, présentés au paragraphe 38 ci-dessus, s’appliquent également aux débours de Sandoz. Il soutient également qu’il faut rejeter les réclamations visant les débours d’un second avocat liés aux rencontres avec les experts.

 

[60]           L’unique observation de l’avocat de Sandoz concernant les débours liés aux déplacements, à part celles faites au sujet de l’article 24, est que, tout comme pour l’article 24, la réclamation visant les débours liés aux déplacements pour rencontrer M. Lobenberg et M. Genck est retirée, étant donné que ces derniers n’étaient pas des témoins experts.

 

[61]           L’avocat de Fournier n’a présenté aucun argument concernant les montants précis réclamés pour les débours liés aux déplacements. De plus, il n’a présenté aucune preuve à l’appui de son allégation selon laquelle Sandoz a réclamé les débours pour deux avocats lors des rencontres avec les experts. Toutefois, Sandoz a présenté des réclamations pour un seul avocat selon l’article 24 et un examen de la preuve produite par Sandoz indique qu’un seul avocat s’est déplacé pour rencontrer les experts. Par conséquent, ayant soustrait les débours liés aux déplacements pour les rencontres avec M. Lobenberg et M. Genck, et ayant conclu, au paragraphe 42 ci-dessus, que les services taxables réclamés relativement à tous les autres déplacements sont raisonnables et nécessaires pour le bon déroulement de la procédure, je conclus que les débours liés aux déplacements, sauf ceux se rapportant aux rencontres avec M. Lobenberg et M. Genck, tels qu’ils sont présentés dans le mémoire de dépens, sont raisonnables et nécessaires. Je note également que, dans les situations où les déplacements avaient également trait aux dossiers T-1051-10 et T-991-10, le montant réclamé a été réparti de manière appropriée entre les dossiers. Pour ces motifs, la réclamation visant les débours liés aux déplacements, qui se chiffre à 21 676,86 $, est accueillie.

 

[62]           En ce qui a trait à la réclamation par Sandoz de dépenses diverses se montant à 2 069,44 $, au paragraphe 69 de ses observations sur les dépens déposées en réponse, l’avocat de Fournier a fait valoir que, durant son contre-interrogatoire, Deborah Zak n’avait pas été en mesure de donner des précisions sur ces dépenses « diverses » et avait reconnu qu’aucun reçu n’avait été fourni relativement aux dépenses réclamées.

 

[63]           Au paragraphe 35 de ses observations écrites déposées en réponse, l’avocat de Sandoz soutient que Sandoz a présenté des éléments de preuve concernant ces dépenses diverses au paragraphe 28 et à la pièce R de l’affidavit de Deborah Zak. De plus, il fait référence à la décision Bayer AG c Novopharm Ltd, 2009 CF 1230, à l’appui de l’argument selon lequel il ne faut s’attendre à ce que, pour confirmer les dépenses réclamées, une partie engage des dépenses supérieures à celles qu’elle espère récupérer.

 

[64]           Le paragraphe 28 et la pièce R de l’affidavit de Deborah Zak font état de dépenses diverses pour les appels interurbains, les recherches de précédents par ordinateur, les télécopies, les transcriptions et la messagerie. Il est intéressant de noter que ces dépenses ont été réclamées ailleurs dans le mémoire de dépens et que, à l’exception des recherches de précédents en ligne, Fournier n’a pas contesté ces débours. De plus, je ne dispose d’aucune preuve que les montants réclamés à titre de dépenses diverses visent des dépenses différentes de celles réclamées dans les rubriques individuelles. En fait, il semble que les montants réclamés soient identiques, à l’exception des frais de transcription qui ne semblent pas être inclus dans les dépenses diverses. Par conséquent, compte tenu du manque de preuve que le montant réclamé constitue une réclamation distincte, la réclamation visant des dépenses diverses se montant à 2 069,44 $ est rejetée.

 

[65]           Pour les motifs exposés ci-dessus, je conclus que Sandoz a droit à des dépens qui, avant la réduction du tiers, se montent à 396 939,92 $. Après l’application de la réduction du tiers aux services taxables et aux débours, Sandoz a droit à un montant total de 264 626,93 $.

 

[66]           Par conséquent, le mémoire de dépens de Sandoz est taxé et accueilli au montant de 264 626,93 $, plus des intérêts postérieurs au jugement de 2 % à compter du 15 juin 2012. Un certificat de taxation des dépens sera délivré.

 

« Bruce Preston »

Officier taxateur

 

Toronto (Ontario)

Le 14 août 2013

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

C. Laroche

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1184-10

 

INTITULÉ :                                      FOURNIER PHARMA INC ET FOURNIER LABORATORIES IRELAND LTD c LE MINISTRE DE LA SANTÉ, ALKERMES PHARMA IRELAND LIMITED ET SANDOZ CANADA INC.

 

TAXATION DES DÉPENS AVEC COMPARUTION DES PARTIES EN PERSONNE

 

LIEU DE LA TAXATION :                                                           TORONTO (ONTARIO)

 

MOTIFS PUBLICS DE LA TAXATION DES DÉPENS :                     BRUCE PRESTON

 

DATE DES MOTIFS :                                                                     LE 14 AOÛT 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Fiona Leger

Sanjaya Mendis

POUR LES DEMANDERESSES

 

 

Christopher Tan

Mary McMillan

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(SANDOZ CANADA INCORPORATED)

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDERESSES

 

 

Sprigings Intellectual Property Law

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

(SANDOZ CANADA INCORPORATED)

 

 



* À la demande des avocats de Sandoz Canada Inc., les motifs rendus le 12 août 2013 seront considérés comme étant confidentiels et certains éléments ont été expurgés des motifs publics afin de protéger les renseignements confidentiels.

 

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