Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20130729


 

Dossier : IMM-5955-12

 

Référence : 2013 CF 822

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 29 juillet 2013

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

ELVIS PACIFIQUE BIZIMA

 

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               Le présent contrôle judiciaire relatif à une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire (demande CH) est lié au dossier IMM‑5952‑12, lequel concerne le contrôle judiciaire d’une décision relative à l’examen des risques avant renvoi (ERAR). Les deux contrôles judiciaires ont été plaidés ensemble et le dossier relatif à la demande CH aborde les fondements principaux, autant factuels que juridiques. Les deux décisions avaient été rendues par le même agent d’immigration (l’agent).

 

II.        LE CONTEXTE

[2]               Le demandeur est un citoyen du Burundi dans la trentaine qui était arrivé au Canada le 21 octobre 2000 et qui avait demandé l’asile. Sa demande d’asile avait été rejetée en septembre 2002 (et on lui a refusé l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire). Cependant, le demandeur n’a pas été expulsé, parce que le gouvernement du Canada avait décrété un moratoire sur les renvois au Burundi jusqu’en juillet 2009. Le Burundi avait souffert du conflit entre Hutus et Tutsis, conflit qui s’est manifesté dans d’autres pays, tels que le Rwanda.

 

[3]               Le demandeur travaille pour Citi Financière Canada inc. depuis le 5 août 2003. Il a un bon travail, un bon salaire, il est bilingue et il réside au Canada depuis 12 ans.

 

[4]               Après son arrivée au Canada, le demandeur s’était joint au Mouvement pour la Solidarité et la Démocratie (MSD). Ce fait n’était pas un facteur dans sa demande d’asile.

 

[5]               L’agent a conclu que le degré d’établissement du demandeur était normal, mais qu’il n’était pas élevé au point où le fait de demander la résidence permanente de l’extérieur du Canada équivaudrait à des [traduction]« difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives ».

 

[6]               L’agent a ensuite fait référence à la demande d’ERAR et il a conclu que la preuve n’étaye pas la crainte du demandeur selon laquelle il serait torturé et tué par le gouvernement à son retour au Burundi en raison du fait qu’il est membre du parti d’opposition.

 

[7]               Bien que l’agent ait reconnu qu’il y avait eu des violations des droits de la personne et que les membres du parti d’opposition sont en exil volontaire, ces facteurs, ainsi que les autres, n’étaient pas suffisants pour faire droit à la demande CH. L’agent a conclu que ces facteurs ne sont pas suffisants pour satisfaire au critère des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives.

 

III.       ANALYSE

[8]               La norme de contrôle applicable est la raisonnabilité (Kisana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 189, [2010] 1 RCF 360).

 

[9]               Le problème avec la décision faisant l’objet du présent contrôle est que, bien que l’agent y ait affirmé avoir effectué une distinction entre les critères relatifs à une demande CH et ceux relatifs à une demande d’ERAR, il n’a pas appliqué à ces deux critères différents les cadres d’analyse différents qu’ils exigent.

 

[10]           Dans son analyse des risques, l’agent a effectué sa propre recherche, qu’il n’a pas communiquée au demandeur. Cette situation en soi soulève des questions en matière d’équité procédurale.

 

[11]           Aussi, lorsqu’il abordait la question du risque, l’agent n’a pas examiné les plus récents éléments de preuve tirés des rapports du Département d’État américain (le DÉ). L’agent s’était fondé sur le postulat selon lequel l’élection de 2010 était raisonnablement équitable; il a examiné le rapport du DÉ de 2010, qui mentionnait qu’il y avait escalade de violences contre les opposants politiques, mais il n’a pas fait mention du rapport du DÉ de 2011 qui démontrait que le risque était encore plus important.

 

[12]           L’agent a commis une erreur en s’attardant longuement au risque dans l’analyse des facteurs CH et en omettant de tenir compte de la preuve la plus pertinente.

 

[13]           L’agent a omis d’effectuer un examen approfondi quant à la question de « l’établissement » et de la « séparation ». Il n’y avait tout simplement aucune véritable analyse des répercussions de la séparation sur le demandeur, des incidences économiques de cette séparation et des conséquences du renvoi du demandeur au Burundi, hormis la question du risque (c.‑à‑d., le fait de vivre sous un régime oppresseur et les restrictions à la liberté d’expression).

 

[14]           L’erreur de l’agent est probablement compréhensible et elle est attribuable aux facteurs systémiques qui font en sorte qu’une même personne doive appliquer des critères différents à des faits similaires. Néanmoins, la Cour a conclu à maintes reprises que chaque demande doit être tranchée selon les faits qui lui sont propres.

 

[15]           Par conséquent, la décision visée par le présent contrôle est déraisonnable.

 

IV.       CONCLUSION

[16]           La présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision sera annulée et l’affaire sera renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision.

 

[17]           Il n’y a pas de question à certifier.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie, que la décision est annulée et que l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision.

 

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DoSSIER :

                                                            IMM-5955-12

 

 

 

INTITULÉ :

ELVIS PACIFIQUE BIZIMA

c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION et LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                            Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                            LE 3 JUILLET 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :

                                                            LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :

                                                            LE 29 JUILLET 2013

COMPARUTIONS :

Raoul Boulakia

 

                                                  POUR LE DEMANDEUR

 

Sybil Thompson

 

                                               POUR LES DÉFENDEURS

 

 

SOLICITORS OF RECORD:

Raoul Boulakia

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.