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Cour fédérale

 

Federal Court

                                                                                                                           

 


Date: 20130731

Dossier : IMM-11198-12

Référence : 2013 CF 836

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 31 juillet 2013

En présence de monsieur le juge Rennie

 

 

ENTRE :

 

MOHAMMED SAMIULLAH

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur sollicite l’annulation d’une décision rendue le 27 août 2012 par  un agent de prestation des services de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) de lui retourner, sans l’avoir traitée, sa demande de résidence permanente au Canada dans la catégorie des travailleurs qualifiés. Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

 

Contexte

[2]               En 2004, le demandeur a présenté une demande de résidence permanente au Canada dans la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral). Le 5 juillet 2006, le bureau canadien des visas à Buffalo (New York) lui a délivré un visa de résident permanent. Il n’était pas marié à cette époque. Avant d’entrer au Canada, le demandeur a épousé sa femme en Inde. Il s’est vu refuser l’entrée à Toronto en février 2007 en raison du changement de son état matrimonial. Il a été autorisé à entrer au Canada à titre de visiteur uniquement.

 

[3]               Le 21 juin 2007, le bureau des visas de Buffalo a envoyé au demandeur une lettre dans laquelle il était mentionné que son visa était annulé et que son dossier était clos. Dans la lettre, il lui était conseillé de présenter une nouvelle demande d’immigration.

 

[4]               Le demandeur a par la suite été déclaré interdit de territoire en vertu de l’article 41 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR). Une mesure d’exclusion a été prononcée en avril 2009 parce qu’il n’avait pas déclaré, avant d’arriver, comme l’exigeait son visa, qu’il s’était marié. Il a interjeté appel à la Section d’appel de l’immigration (SAI) en invoquant des motifs d’ordre humanitaire et il a eu gain de cause. La SAI a annulé la mesure d’exclusion dans une décision qu’elle a rendue le 10 mai 2010. À ce moment-là, le demandeur vivait en Inde.

 

[5]               Le demandeur a reçu des renseignements contradictoires de la part de CIC quant à savoir s’il devait présenter une nouvelle demande plutôt que de mettre à jour les documents de demande qu’il avait déjà déposés. Dans un courriel daté du 1er septembre 2011, le Haut-Commissariat du Canada à New Delhi lui a conseillé de soumettre une nouvelle demande. Dans une lettre datée du 17 mai 2012, le Haut-Commissariat du Canada lui a conseillé de présenter une demande au Bureau de réception centralisée en Nouvelle-Écosse.

 

[6]               Le demandeur a soumis une nouvelle demande de visa. Deux jours avant sa réception, les Instructions ministérielles 5 (IM-5) sont entrées en vigueur. Celle-ci a suspendu temporairement l’acceptation des nouvelles demandes dans la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral), sauf celles qui sont présentées par des personnes ayant une offre d’emploi réservé ou celles qui sont présentées dans le cadre d’admissibilité pour les étudiants étrangers faisant des études de doctorat. Le fonctionnement et les effets juridiques des instructions ministérielles ont été examinés dans les décisions que la Cour a rendues dans Liang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 758 et Tabingo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 377.

 

Formulation de la question en litige

[7]               Le 27 août 2012, un agent de CIC a décidé que, selon les IM-5, la demande ne pouvait pas être acceptée-5. Le défendeur affirme que c’est la seule question visée par le contrôle.

 

[8]               Le demandeur qualifie l’affaire autrement. Il prétend que l’appel auprès de la SAI était une interruption ou un contournement de l’entrevue à l’arrivée, qui était en cours le 27 février 2007. Autrement dit, le processus à l’arrivée a bel et bien été suspendu en attendant l’issue de l’appel de la décision d’interdiction. Pour que la décision de la SAI ait un effet ou un objet, il faut que la Cour renvoie l’affaire à l’agent d’immigration pour qu’il poursuive l’entrevue à l’arrivée et accorde la résidence permanente.

 

[9]               Le demandeur a pris de nombreuses mesures afin de relancer le processus d’arrivée. Il a retenu les services d’un avocat. Des lettres ont été écrites. Il a également demandé l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire pour que soit rendue une ordonnance infirmant la décision datée du 21 juin 2007 l’informant que son visa avait été annulé et un mandamus enjoignant que le traitement de sa demande de résidence permanente se poursuive. La demande d’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire a été rejetée le 2 décembre 2008.

 

[10]           Le demandeur a également écrit à la SAI pour lui demander de modifier l’ordonnance de façon à ce qu’elle prévoie que l’affaire soit renvoyée à l’agent des visas pour que le traitement se poursuive en conformité avec la décision de la SAI. Dans une lettre datée du 30 décembre 2011, la SAI reconnaît que la mesure d’exclusion a été annulée. Toutefois, en réponse à sa demande que le traitement de sa demande de résidence permanente reprenne, le demandeur a été avisé que la [traduction] « [l]a compétence de la Section ne va plus loin ».

 

[11]           L’article 67 de la LIPR accorde à la SAI un pouvoir général de renvoyer des affaires pour nouvelle décision. L’avocat a renvoyé à plusieurs décisions de la SAI dans lesquelles la Section a ordonné que le dossier soit renvoyé à un agent pour que celui-ci rende une nouvelle décision ou procède à un nouvel examen en tenant compte de la décision de la SAI : voir, par exemple, Ivanov c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CanLII 52285 (CISR). Je souligne, toutefois, que le pouvoir qu’ont les agents de poursuivre le traitement dépend de l’existence d’une demande. Dans Ivanov, le commissaire a déclaré que le visa du demandeur avait expiré et qu’« on ne savait pas comment », en l’absence d’une nouvelle demande, le demandeur pourrait retourner au Canada.

 

[12]           C’est exactement cette question qui est soulevée dans la présente demande. Le demandeur prétend que sa première demande, présentée dans la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral), qui a été acceptée, existe toujours et constitue un fondement sur lequel on peut s’appuyer pour ordonner une mesure corrective.

 

Analyse

[13]           Selon moi, la date d’expiration du visa du demandeur n’a pas été suspendue ou modifiée par le succès de l’appel interjeté à la SAI. Le demandeur n’avait aucun droit acquis au statut de résident permanent; le droit du demandeur dépendait de son respect de toutes les modalités de son visa. Si le non-respect des conditions devient une question en litige, comme c’est le cas en l’espèce, le règlement de cette question n’arrête pas la marche du temps. Si ce n’est pas le cas, le régime juridique applicable au demandeur serait figé à la date à laquelle la mesure d’exclusion a été prise.

 

[14]           Le demandeur prétend de plus que la décision de la SAI avait pour effet que, en raison de son mariage, son visa de 2006 n’était pas devenu invalide. C’est faux. La SAI a accueilli, pour des motifs d’ordre humanitaire, l’appel interjeté à l’encontre de la mesure d’exclusion prise contre lui. Sa décision ne modifie pas et ne proroge pas la durée du visa. Le visa avait une durée limitée. Il expirait le 3 mars 2007, trois ans avant qu’il obtienne gain de cause dans l’appel qu’il avait interjeté. Cette chronologie indique en outre qu’il était nécessaire de présenter une nouvelle demande.

 

[15]           En conséquence, la seule décision dont est saisie la Cour est la décision de retourner la deuxième demande de visa du demandeur sans la traiter, en conformité avec les IM-5. Il n’y a aucune erreur susceptible de révision dans l’application des instructions ministérielles au demandeur.

 

[16]           Le pouvoir du ministre de délivrer des instructions découle de l’article 87.3 de la LIPR.  Les IM-5 ont été publiées dans la Gazette du Canada, vol. 146, no 26, le 30 juin 2012, et sont entrées en vigueur le 1er juillet 2012.

 

[17]           Comme le ministre a fondé l’un de ses deux principaux arguments sur le refus de la Cour de lui donner l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision du 21 juin 2007, l’audience a été ajournée afin de permettre aux parties d’examiner le dossier des procédures relatif à ce contrôle judiciaire et de soumettre à la Cour la lettre contenant la décision ainsi que les motifs à l’appui.

 

[18]           Le ministre a maintenant fourni ces documents.

 

[19]           La lettre du 21 juin 2007 est ainsi libellée :

[traduction]

 

Nous tenons à vous informer que votre visa a été annulé. La demande que vous avez soumise à notre bureau est maintenant close. Vous devrez présenter une nouvelle demande d’immigration au Canada et satisfaire aux exigences qui seront en vigueur au moment où vous soumettrez votre demande.

 

[20]           Le 8 juillet 2008, un juge de la Cour a ordonné que le consulat général du Canada à New York fournisse par écrit les motifs de cette décision.

 

[21]           CIC a répondu dans une lettre datée du 21 juillet 2008 et a déclaré que la lettre du 21 juin 2007 n’« annulait » pas le visa du demandeur, car le dossier avait été clos bien avant que la lettre fut envoyée. CIC a également joint les notes du système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (STIDI) qui avaient trait au demandeur. Les notes du STIDI confirment que, le 22 février 2007, le bureau des visas de New York a déclaré ce qui suit : [traduction] « Nous ne pouvons pas inclure son épouse à son dossier d’immigration, car son dossier s’est terminé par la délivrance d’un visa de résident permanent. Il devra soumettre une nouvelle demande et acquitter des frais de traitement pour lui-même et pour son épouse au bureau compétent ».

 

[22]            Comme je l’ai déjà mentionné, la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de cette décision a été rejetée par la Cour le 2 décembre 2008. Le demandeur ne peut pas contester cette décision à nouveau dans le présent contrôle judiciaire.

 

[23]           Comme son dossier était clos et que son visa était expiré, le demandeur a dû soumettre une nouvelle demande. Les IM-5 s’appliquent explicitement afin de mettre fin temporairement à l’acceptation de nouvelles demandes, sauf dans deux cas, lesquels ne s’appliquent pas au demandeur. Par conséquent, j’estime que la décision de retourner la demande sans l’avoir traitée ne comporte aucune erreur.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande est rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-11198-12

 

INTITULÉ :                                      MOHAMMED SAMIULLAH c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 25 juin 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :           LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 31 juillet 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Brian Doherty

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Camille Audain

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Doherty Schuldhaus LLP

Edmonton (Alberta)

 

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney,

Sous-procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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