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Date : 20130712


 

Dossier : IMM-8631-12

 

Référence : 2013 CF 786

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 juillet 2013

En présence de monsieur le juge Phelan

 

ENTRE :

BRAULIA GUADALUPE RANGEL GOMEZ

OMAR ROBERTO QUEVEDO CRUZ

LORENA GEORGETTE CARDENAS RANGEL

KARLA YORDANA CARDENAS RANGEL

 

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.                   INTRODUCTION

[1]               Le présent contrôle judiciaire a trait à la décision défavorable qui a été rendue concernant les demandeurs par l’agent d’ERAR [l’agent]  à l’issue de l’ERAR. Le contrôle judiciaire de la décision défavorable quant au report du renvoi (IMM‑10846-12) a été suspendu en attendant l’issue du présent contrôle judiciaire.


II.        CONTEXTE

[2]               Les demandeurs sont des citoyens du Mexique. Omar Quevedo Cruz est le frère cadet de Brenda Quevedo Cruz (qui n’est pas demanderesse). Brenda attend la tenue de son procès au Mexique relativement à l’enlèvement et au meurtre d’Hugo de Wallace.

 

[3]               Braulia Guadalupe Rangel Gomez est la tante maternelle de Brenda. Lorena Rangel et Karla Rangel sont les filles de Braulia et les cousines d’Omar.

 

[4]               En 2008, Omar, sa tante et les deux filles de cette dernière se sont enfuis au Canada car ils craignaient d’être persécutés par Isabel de Wallace, la mère d’Hugo de Wallace, qui a été assassiné (Isabel est parfois appelée Isabella, Isabelle ou Isabel). Isabel de Wallace serait une personne influente appartenant aux échelons supérieurs de la société mexicaine.

 

[5]               Brenda et d’autres personnes ont été accusées d’avoir enlevé et assassiné Hugo de Wallace. Brenda a dû être extradée des États‑Unis vers le Mexique. Tous les accusés auraient été torturés dans le but d’obtenir des aveux; tous, sauf Brenda, ont admis avoir commis l’enlèvement et le meurtre. L’avocate de Brenda aurait été harcelée, emprisonnée pendant 50 jours sur de fausses accusations et se serait retirée du dossier de Brenda à sa libération en raison de menaces incessantes.

 

[6]               La demande des demandeurs comporte plusieurs volets, des récits confus, et sa thèse centrale est qu’Isabel de Wallace manipule les autorités mexicaines et les tribunaux afin d’effrayer  les accusés et leurs familles dans le but d’obtenir des aveux quant au meurtre de son fils.

 

[7]               Les demandeurs sont des demandeurs d’asile déboutés. La Section de la protection des réfugiés [la SPR] a notamment conclu que ceux-ci pouvaient se réclamer de la protection de l’État. L’agent a conclu qu’il n’y avait aucun nouveau risque ou risque futur qui n’avait pas déjà été analysé par la SPR. Cette conclusion relative à la protection de l’État n’a été contestée dans le présent contrôle judiciaire qu’après que le défendeur eut formulé ses observations – une question qui sera examinée plus tard.

 

[8]               En appréciant le risque des demandeurs, l’agent a souligné que la SPR avait refusé la demande en partie en raison de l’absence d’une preuve claire et convaincante. Les risques allégués  dans l’ERAR étaient fondés sur les risques qui ont été allégués devant la SPR.

 

[9]               L’agent a conclu qu’aucun des demandeurs n’est recherché au Mexique relativement à leur présumée participation au meurtre du fils d’Isabel de Wallace. L’agent a examiné la question de personnes « se trouvant dans une situation semblable » ainsi que la preuve que les demandeurs recevaient des menaces sous forme de lettres et il a accordé une faible valeur probante a été accordée à ces vagues menaces.

 

[10]           L’agent a conclu, relativement aux événements liés à l’avocate mexicaine de Brenda, qu’il n’existe aucune preuve documentaire objective corroborant ce récit et, de plus, qu’à titre d’avocate criminaliste, elle ne se trouve pas dans une situation semblable à celle des demandeurs.

 

[11]           En ce qui concerne de nombreuses autres allégations, l’agent a conclu que l’absence de preuve documentaire objective minait ces dernières.

 

[12]           L’agent n’était pas convaincu, en raison de l’absence d’une preuve documentaire suffisante, qu’Isabel de Wallace jouit de l’impunité dont elle est censée jouir et on ne dispose pas d’une preuve suffisante démontrant qu’il existe un lien entre elle et la torture dont les suspects auraient été victimes en prison.

 

[13]           La conclusion la plus révélatrice est celle qui concerne les personnes se trouvant dans une situation semblable. Les demandeurs ont prétendu que les familles des suspects ont reçu des menaces. Toutefois, l’agent souligne que les membres de la famille des demandeurs qui sont toujours au Mexique, y compris quatre des sœurs de Braulia et les parents et les grands-parents d’Omar, n’ont pas reçu de menaces. L’agent fait remarquer qu’il serait raisonnable de présumer, si ces risques étaient crédibles, qu’au cours des quatre années pendants lesquelles les demandeurs ont vécu au Canada, les membres de la famille ont reçu des menaces semblables. Ce ne fut pas le cas.

 

III.       ANALYSE

A.        Norme de contrôle

[14]           Selon Da Moto c Canada, 2008 CF 386, aux paragraphes 13 et 15, 166 ACWS (3d) 552, la norme de contrôle applicable à la décision d’un agent d’ERAR est celle de la raisonnabilité.

 

B.        Nouvelles questions

[15]           En ce qui concerne la protection de l’État, les demandeurs ont déposé un mémoire des arguments supplémentaires dans lequel ils soulèvent la nouvelle question – la raisonnabilité de la conclusion tirée par l’agent quant à la protection de l’État.

 

[16]           Le défendeur s’oppose à ce que cette nouvelle question soit soulevée après la fin de la présentation des observations et prétend subir un préjudice du fait de devoir examiner une question qui n’a pas déjà été soulevée.

 

[17]           La question de savoir si on doit permettre qu’une nouvelle question soit soulevée relève du pouvoir discrétionnaire de la Cour (Al Mansuri c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) 2007 CF 22, 60 Admin LR (4th) 228). Il ne s’agit pas d’un cas où la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire en faveur des demandeurs.

 

[18]           Tous les faits et toutes les questions qui sont pertinents pour les besoins de l’analyse relative à la protection de l’État étaient connus des demandeurs. En fait, la question de la protection de l’État et les faits essentiels soulevés dans l’ERAR avaient déjà été soulevés et traités dans la décision de la SPR. Par leurs conclusions, on subodore de la part des demandeurs une tentative de plaider à nouveau la question de la protection accordée par l'État, sur laquelle s'est prononcée la SPR – une manière répréhensible d'avancer sa cause.

 

[19]           L’excuse invoquée par les demandeurs pour tenter de soulever tardivement la question de la protection de l’État est que le défendeur a fait mention de la « situation régnant dans le pays » dans ses observations écrites. Après avoir examiné ces observations, je conclus qu’elles ne rouvraient pas la question de la protection de l’État. Même si ce fut le cas, la procédure qu’il convenait d’appliquer était de traiter la question dans la réponse. Les demandeurs n’ont pas procédé de cette façon. Ils ont déposé leur réponse, puis ils ont déposé un mémoire des arguments supplémentaire.

 

[20]           Le mémoire supplémentaire est radié et la question de la protection de l’État ne fait pas partie du présent contrôle judiciaire.

 

C.        Raisonnabilité de la décision

[21]           Je conclus que l’argument voulant que l’agent n’ait pas tenu compte d’éléments de preuve est sans fondement. L’agent a examiné la question des personnes se trouvant dans la même situation, y compris la question de la situation de l’avocate criminaliste, et il a conclu que la situation dans laquelle se trouvait l’avocate était différente de celle dans laquelle se trouvaient les demandeurs (et leurs familles). Il était loisible à l’agent de faire cela.

 

[22]           Les préoccupations de l’agent quant à la preuve non corroborée étaient raisonnables dans ces circonstances. Le récit est complexe et embrouillé et comporte des allégations lancées à tort et à travers. L’agent voulait une preuve objective émanant de sources fiables. Il s’agissait d’une exigence raisonnable. Lorsqu’il apprécie des éléments de preuve, l’agent peut, comme ce fut le cas, raisonnablement favorisé certains éléments de preuve.

 

[23]           L’agent n’a pas écarté les témoignages et les allégations voulant que d’autres personnes reçoivent des menaces et que l’accusé ait été torturé. Toutefois, l’agent a privilégié le fait avéré que,  compte tenu de ce risque auquel seraient exposés les membres des diverses familles, la famille des demandeurs n’a en somme pas été importunée pendant quatre ans.

 

[24]           Après avoir examiné la décision dans son ensemble, je ne relève rien de déraisonnable dans l’appréciation faite par l’agent de la preuve ou dans les conclusions qu’il a tirées, individuellement ou ensemble.

 

IV.       DISPOSITIF

[25]           La présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :                                                                             IMM-8631-12

 

 

 

INTITULÉ :

BRAULIA GUADALUPE RANGEL GOMEZ et autres

c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          TORONTO (ONTARIO)      

 

DATE DE L’AUDIENCE :             LE 4 JUILLET 2013

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE 12 JUILLET 2013

 

 

Comparutions :

 

Jeremiah Eastman                                                                   POUR LES DEMANDEURS

 

Nadine Silverman                                                                   POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cabinet d’avocats Eastman                                                    POUR LES DEMANDEURS

Avocats

Brampton (Ontario)

 

William F. Pentney                                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

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