Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 


Dossier : 20130712

Dossier : IMM-12495-12

Référence : 2013 CF 784

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 juillet 2013

En présence de madame la juge Tremblay-Lamer

 

 

ENTRE :

 

GZIM BELA

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

      MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch. 27 [la Loi], visant la décision du 18 novembre 2012 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la Commission] a statué que le demandeur n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

 

LES FAITS

[2]               Le demandeur est un citoyen du Kosovo de 25 ans, d’ethnie albanaise. Il fait valoir au soutien de sa demande les faits que je vais maintenant exposer.

 

[3]               Durant une campagne électorale, en 2004, le demandeur et son cousin ont appuyé la Ligue démocratique du Kosovo (LDK). Une bagarre a éclaté entre son cousin et M. Hasan Zharku, un partisan du Parti démocratique du Kosovo (PDK), et le demandeur a tenté de mettre fin à la bagarre.

 

[4]               En janvier 2005, le demandeur a été violemment battu par cinq hommes. Il croit avoir été attaqué par des membres de la famille Zharku ou par des hommes engagés par eux, car avant de perdre connaissance, il a entendu quelqu’un dire ce qui suit : [traduction] « C’est un message pour lui. » Il s’est ensuite rendu au poste de police où il a fait une déposition au sujet de l’attaque. La police a indiqué qu’elle ne pouvait rien faire.

 

[5]               En mai 2005, le demandeur a été suivi par un groupe de jeunes hommes qu’il a reconnus comme étant des partisans du PDK. Après cet incident, il a constamment changé de trajet pour rentrer chez lui et il quittait parfois l’école plus tard qu’à l’habitude. Vers la même époque, son cousin lui a dit avoir été menacé et attaqué par des membres de la famille Zharku, et que ceux‑ci lui avaient tiré dessus. En mai 2005, craignant d’être lui aussi attaqué, le demandeur a cessé de fréquenter l’école pendant trois semaines. En mai ou juin 2005, la famille de son cousin a déménagé en Allemagne.

[6]               En septembre 2007, le cousin du demandeur est revenu en visite au Kosovo. Le même mois, alors que le demandeur et son cousin retournaient à la résidence d’un ami (dans deux voitures distinctes), des coups de feu ont été tirés en direction des véhicules. Quatre personnes ont été touchées et deux d’entre elles sont mortes. Convaincu que la famille Zharku était responsable de la fusillade, le cousin du demandeur a quitté le Kosovo et est retourné en Allemagne le jour même. Le demandeur ne s’est pas adressé à la police après cet incident.

 

[7]               En 2009, le demandeur a quitté sa ville natale pour fréquenter l’Université de Pristina, une ville située à environ 60 km de Kaçanik, sa ville natale. Il est retourné à Kaçanik presque chaque week-end.

 

[8]               Le demandeur affirme qu’en 2010, il a été élu à un poste de direction au sein de la section jeunesse de la LDK à Kaçanik. Durant l’élection du 12 décembre 2010, à l’aide de son téléphone cellulaire, le demandeur a filmé trois hommes du PDK tentant de falsifier des bulletins de vote. Les hommes l’ont vu, ont pris son cellulaire, ont effacé la vidéo et lui ont remis le téléphone. Après l’élection, remportée par le PDK, le demandeur a reçu un appel d’un homme qui menaçait de le tuer s’il n’apportait pas ses enregistrements et ses photos de l’élection au PDK. Au cours des cinq jours qui ont suivi l’élection, il a reçu de 30 à 40 autres appels d’inconnus.

 

[9]               Le 20 décembre 2010, alors que, tout juste arrivé de Pristina à Kaçanik, il rentrait à pied de la gare, il a entendu derrière lui des coups de feu et une voiture qui s’éloignait à toute vitesse. Il ne s’est pas adressé à la police en raison de l’influence que la famille Zharku exerçait sur les autorités locales et de sa conviction que la police était corrompue et inefficace.

[10]           Le demandeur a décidé de quitter le Kosovo. Il a présenté une demande de visa aux États‑Unis le 30 décembre 2010. Pendant qu’il attendait le visa, il est resté à Pristina, sans retourner à sa ville d’origine. Il a limité la durée de ses sorties et modifié l’horaire et le trajet de ses allées et venues. Il a reçu plusieurs appels d’inconnus, mais lorsqu’il décrochait le téléphone, personne ne lui parlait.

 

[11]           Le visa d’entrée du demandeur aux États-Unis a été approuvé le 5 mai 2011. Il a quitté le Kosovo le 24 mai 2011, et il est arrivé aux États-Unis le 27 mai 2011. Le demandeur prétend ne pas avoir demandé l’asile aux États-Unis parce qu’à l’agence qui s’était occupée de la délivrance de son visa on lui avait dit qu’il n’était pas en droit de le faire. Il craignait d’être renvoyé au Kosovo s’il demandait l’asile aux États-Unis.

 

[12]           Le visa du demandeur devait échoir le 25 septembre 2011. Il a décidé de se rendre au Canada pour y demander asile, ce qu’il a fait le 18 septembre 2011.

 

LA DÉCISION CONTESTÉE

[13]           La Commission a reconnu qu’il y avait un lien entre la revendication du demandeur et le motif des opinions politiques prévu à la Convention, mais a rejeté la demande en application de l’article 96 de la Loi en raison de l’absence d’une crainte subjective d’être persécuté. La Commission a relevé que le demandeur avait indiqué dans son témoignage que sa famille était mêlée depuis au moins 2005 à une vendetta avec la famille Zharku, qui était très influente sur le plan politique, mais que malgré cela il n’avait pas pris soin d’éviter les membres de cette famille. Il a affirmé qu’après être demeuré chez lui pendant quelques semaines en mai 2005, il avait cessé de se cacher. Il a poursuivi ses études, travaillé dans des endroits publics comme serveur et opérateur de machinerie, et s’est consacré à nouveau à la politique en s’alliant de façon constante au parti ayant des vues politiques adverses à celles de la famille Zharku. Il a continué de mener une vie publique. En dépit des menaces qu’il a reçues en décembre 2010, il a continué de suivre ses cours à l’université. De plus, même après avoir obtenu son visa aux États-Unis, il a attendu 19 jours pour fuir le pays et, pendant qu’il était aux États-Unis, il n’a fait aucune démarche pour éviter de retourner au Kosovo, se contentant de demander l’asile au Canada en septembre 2011.

 

[14]           La Commission a en outre jugé que la demande du demandeur n’était pas crédible en raison des nombreuses et importantes omissions et contradictions que comportait la preuve. Le demandeur n’a pas adéquatement expliqué ces contradictions et omissions importantes.

 

[15]           Par exemple, la Commission a relevé le fait qu’une lettre du père du demandeur, déposée après l’audience, fait état de tentatives qui auraient été faites pour mettre fin à la vendetta, mais ces allégations ne figurent ni dans le témoignage, ni dans le formulaire de renseignements personnels [FRP] du demandeur, ni dans la première lettre du père du demandeur présentée à la Commission. Le demandeur a aussi affirmé dans son témoignage qu’après la fusillade de septembre 2007, il s’était caché chez sa tante pendant quelques semaines, mais ce fait n’est pas mentionné dans son FRP.

 

[16]           De plus, la Commission a tiré une conclusion défavorable du fait que le père du demandeur a affirmé dans sa lettre que jusqu’en 2007-2008, l’année où le demandeur a mis fin à ses études secondaires, celui-ci n’a presque pas fréquenté l’école, alors que ce fait n’était pas mentionné dans le FRP du demandeur. Par ailleurs, le demandeur a déclaré que la famille Zharku avait fait savoir, par l’entremise du Comité de réconciliation nationale [CRN], que si elle trouvait le demandeur et son cousin, elle garantirait la sécurité de la famille du demandeur pendant deux ans. Or, ce fait n’est pas mentionné dans la lettre datée du 27 mars 2012 fournie par la CRN.

 

[17]           Lorsque le demandeur a présenté sa demande d’asile initiale, il a affirmé que sa vie était en danger à cause de la vendetta à laquelle lui et son cousin étaient mêlés, mais il n’a pas indiqué que c’était la famille Zharku qu’il craignait, ni mentionné qu’il était exposé à d’autres dangers au Kosovo, dont le fait que sa vie était menacée par les membres d’un parti politique adverse.

 

[18]           En outre, le 18 septembre 2011, le demandeur a dit à un agent de l’Agence canadienne des services frontaliers qu’au Kosovo, quelqu’un [traduction] « cherch[ait] à se venger [de lui] en raison des problèmes familiaux d’un ami ». La Commission a jugé que ces propos indiquaient que le demandeur ne comprenait pas sa propre thèse, puisqu’il n’était pas question dans sa demande de vengeance due aux problèmes familiaux d’un ami. Le demandeur a aussi déclaré à l’agent qu’au Kosovo, il était [traduction] « suivi partout » en raison de son affiliation politique, mais il n’a fourni aucun détail sur sa situation personnelle, tels le fait qu’on ait tiré sur lui et les menaces qu’il avait reçues en raison de ses actions politiques.

 

[19]           De plus, la Commission a estimé que le demandeur n’avait pas le profil d’une personne qui se consacre à la politique dans son pays, puisqu’il ignorait l’âge auquel une personne a le droit de vote au Kosovo et qu’il a exercé son droit de vote pour la première fois aux élections de 2010, à l’âge de 23 ans. Par conséquent, selon la Commission, il n’était pas plausible que le demandeur ait risqué sa vie pour surveiller les élections de 2010 et photographié des personnes en train de falsifier des bulletins de vote, étant lui‑même mêlé à une vendetta avec des membres d’un parti politique adverse.

 

[20]           Enfin, la Commission a constaté que les lettres, provenant de son père et d’autres personnes, que le demandeur a déposées en preuve contiennent des affirmations qui contredisent les allégations du demandeur ou contiennent des allégations significatives et importantes qui ne figurent pas dans son FRP. D’autres documents ne fournissent tout simplement pas de renseignements suffisants pour remédier aux nombreux problèmes de crédibilité et de vraisemblance que soulève sa demande. Qui plus est, la Commission n’a accordé aucune valeur aux lettres de la CRN déposées par le demandeur parce que, selon la preuve documentaire, la CRN a, à une occasion, délivré des lettres d’attestation sans mener une enquête appropriée et que les deux lettres déposées, l’une avant l’audience, l’autre après celle‑ci, étaient significativement différentes.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[21]           La présente demande soulève les questions suivantes :

  1. La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant à l’absence d’une crainte subjective?
  2. La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur n’était pas crédible?

 

L’ANALYSE

1.         La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant à l’absence d’une crainte subjective?

[22]           Il est bien établi dans la jurisprudence que sous le régime de l’article 96 de la Loi, l’absence de crainte subjective emporte forcément le rejet d’une demande d’asile (Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689, au paragraphe 47; Oltime c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 535, au paragraphe 5).

 

[23]           Le demandeur soutient que la Commission a mal interprété la preuve en affirmant qu’il avait allégué qu’on lui avait dit en janvier 2005 qu’il était la cible d’une vendetta lorsque ses agresseurs ont dit : [traduction] « C’est un message pour lui. » Selon le demandeur, « lui » voulait dire son cousin.

 

[24]           Je ne puis lui donner raison. Le FRP du demandeur ne fait pas état du fait qu’il croyait qu’avant décembre 2010, son cousin était le seul ciblé. Le demandeur a plutôt déclaré dans son FRP qu’il croyait que l’attaque de janvier 2005 avait eu lieu [traduction] « en guise de représailles relativement à l’agression commise par son cousin à l’endroit de Hasan Zharku » et qu’en mai 2005, après avoir été suivi par un groupe de jeunes hommes, il avait [traduction] « peur d’être attaqué de nouveau ». De plus, le demandeur mentionne dans son FRP que dès que son cousin et sa famille ont quitté le Kosovo pour l’Allemagne en mai ou juin 2005, le demandeur a craint d’être [traduction] « la principale cible d’attaques par la famille Zharku ». Ainsi donc, la Commission n’a pas mal interprété la preuve.

 

[25]           De plus, le demandeur soutient que la Commission a de nouveau mal interprété la preuve en affirmant qu’aux dires du demandeur, on aurait fait feu sur lui en mai 2005, alors qu’il alléguait qu’on avait tiré sur lui en décembre 2010. C’est son cousin qui avait été la cible de tirs en mai 2005.

 

[26]           Bien que je reconnaisse que la Commission a affirmé par erreur que le demandeur avait été la cible de tirs en 2005, il reste que celui-ci a néanmoins été battu et hospitalisé en 2005. De plus, il ressort de l’énumération détaillée par la Commission des allégations du demandeur au début de sa décision que la Commission a bien compris que le demandeur alléguait qu’on avait fait feu sur lui en 2010 et non pas en 2005. Comme l’a soutenu mon collègue le juge James Russell dans la décision Petrova c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 506, au paragraphe 51, la Cour ne doit pas modifier la décision si l’erreur ne semble pas être le résultat d’une incompréhension de la preuve.

 

[27]           Même si, comme il l’allègue, ce n’est qu’à compter de décembre 2010 que le demandeur a été aux prises avec une crainte subjective, son comportement subséquent concernant cet incident ne correspond pas à celui d’une personne qui craint pour sa vie. Le demandeur affirme qu’il ne devait pas s’éloigner de sa ville natale pendant qu’il attendait son visa des États-Unis, mais sa seule explication pour avoir continué à fréquenter l’université à Pristina après l’incident de décembre 2010 est qu’il n’avait jamais été attaqué à cet endroit. Il était raisonnable pour la Commission de conclure que cette explication n’était pas suffisante.

 

[28]           La Commission n’a pas non plus commis d’erreur en concluant que le fait que le demandeur n’ait fait aucune démarche pour résoudre le problème qu’il prétendait avoir au Kosovo, sauf se rendre au Canada, témoigne de l’absence de crainte subjective. Selon son propre témoignage, le demandeur n’avait pas fait de demande d’asile aux États‑Unis au motif qu’à l’agence qui l’a aidé à obtenir son visa dans ce pays on lui avait dit qu’il n’était pas en droit de le faire; il croyait que s’il demandait l’asile aux États-Unis, il serait renvoyé au Kosovo. Le demandeur a indiqué qu’un ami lui avait dit qu’il pouvait demander l’asile au Canada. Rien dans la preuve ne démontre que le demandeur ait cherché une solution pour ne pas retourner au Kosovo, par exemple en s’adressant à des avocats ou en s’informant sur Internet.

 

[29]           Au bout du compte, d’après les éléments de preuve devant elle, il était loisible à la Commission de conclure que le demandeur n’avait aucune crainte subjective. Comme l’a noté la Commission, en dépit du témoignage du demandeur selon lequel sa famille était mêlée à une vendetta avec la famille Zharku depuis au moins 2005 et du fait que les membres de la famille Zharku occupaient des postes influents sur le plan politique dans sa ville d’origine, le demandeur a cessé de se cacher à peine quelques semaines après l’incident de mai 2005. Il affirme avoir poursuivi ses études, travaillé dans des endroits publics en tant que serveur et opérateur de machinerie, et continué de se présenter comme un partisan de la LDK, bien que la famille Zharku soit associée au PDK.

 

[30]           En résumé, la décision de la Commission repose sur plusieurs éléments et considérations, certains ayant plus de poids que d’autres. Ensemble, ils suffisent à justifier la conclusion de la Commission. La décision appartient aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47 [Dunsmuir]). Étant donné que le processus décisionnel de la Commission cadre avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité, la Cour ne peut substituer à la solution retenue l’issue qui serait à son avis préférable (Khosa c Canada (Citoyenneté et Immigration), [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 59).

 

2. La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur n’était pas crédible?

[31]           Notre Cour a reconnu que la Commission peut tirer une conclusion défavorable quant à la crédibilité en se fondant sur des aspects cumulatifs de crédibilité :

[L]a Commission peut conclure à juste titre que la crédibilité d’un demandeur est irrémédiablement minée en raison notamment d’une accumulation d’incohérences et de contradictions qu’elle a considérées dans leur ensemble.

 

(Asashi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 102, au paragraphe 8; voir aussi Lawal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 558, aux paragraphes 18 à 20)

 

 

 

[32]           En l’espèce, la Commission a correctement relevé diverses contradictions et incohérences dans le témoignage du demandeur et dans la preuve documentaire.

 

[33]           Le demandeur soutient qu’en appréciant la crédibilité et la vraisemblance de son récit, la Commission a ignoré et mal interprété des éléments de preuve à sa disposition et a fait montre d’un trop grand empressement à rechercher les incohérences. Bon nombre des omissions qu’elle a relevées n’étaient pas importantes, et elle n’aurait pas dû en tirer des conclusions défavorables.

 

[34]           Le demandeur estime qu’il était inapproprié pour la Commission de tirer une conclusion défavorable des lettres de son père. Je ne puis lui donner raison. La Commission était fondée à tirer des conclusions défavorables, compte tenu des faits suivants :

1.         dans sa première lettre, le père du demandeur ne mentionne aucune tentative visant à mettre fin à la vendetta, ce qu’il fait pourtant dans la seconde;

2.         la seconde lettre émanant de la CRN mentionne que pendant deux ans les membres de la famille du demandeur ont cessé de faire l’objet de menaces, fait pourtant omis dans la première lettre de la CRN.

Il était aussi loisible à la Commission de n’accorder aucune valeur aux lettres d’attestation de la CRN, compte tenu des nombreux problèmes entourant la légitimité de la CRN qui ont été relevés dans la preuve documentaire.

 

[35]           Pour ce qui est de la conclusion de la Commission selon laquelle le demandeur n’avait pas le profil d’une personne qui se consacre à la politique dans son pays, le demandeur soutient que la Commission a ignoré des éléments de preuve, dont une lettre de la LDK et sa carte d’adhésion à la LDK ainsi que les diverses lettres corroborantes émanant d’amis, de la famille ou de connaissances. La Commission n’a pas non plus tenu compte des réponses que le demandeur avait données aux questions posées à l’audience, réponses qui démontrent un certain degré de connaissance de la politique.

 

[36]           Encore une fois, je ne suis pas d’accord. La Commission était fondée à douter de la vraisemblance du témoignage du demandeur visant à établir qu’il était très engagé politiquement au Kosovo, puisqu’il n’avait pas voté avant 2010, qu’il n’avait pas voté à plusieurs élections et qu’il ignorait l’âge électoral. Le fait d’avoir déposé en preuve une carte d’adhésion à la LDK et des lettres en vue de corroborer son engagement politique et d’avoir réussi à répondre à certaines questions détaillées portant sur la politique au Kosovo dans son témoignage n’établit pas que le demandeur a effectivement participé de façon active à la vie politique de son pays, pas plus qu’il ne confirme l’allégation selon laquelle il a photographié des personnes en train de falsifier des bulletins de vote pendant qu’il surveillait l’élection de 2010. Ainsi donc, la Commission a apprécié les éléments de preuve ayant trait au profil politique du demandeur, et il était raisonnable qu’elle rejette ses explications (Markauskas c Canada (Citoyenneté et l’Immigration), 2012 CF 902, au paragraphe 25).

 

[37]           En outre, comme l’a souligné le défendeur, certains éléments de la preuve documentaire que le demandeur a fournis étaient incompatibles avec son témoignage, comme les lettres d’amis du demandeur décrivant des événements que le demandeur n’avait pas mentionnés dans son FRP. Les lettres des locateurs du demandeur indiquent qu’il payait un loyer à deux endroits à Pristina en 2009, malgré le fait qu’il a déclaré n’avoir aucun problème avec M. Zharku cette année-là.

 

[38]           La cour de justice qui se demande si la décision qu’elle est en train d’examiner est raisonnable du point de vue du résultat et des motifs doit faire preuve de « respect à l’égard du processus décisionnel au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, au paragraphe 48). Pour déterminer si une décision est raisonnable, la cour de justice ne doit pas substituer ses propres motifs à ceux de la décision sous examen mais peut toutefois, si elle le juge nécessaire, examiner le dossier pour apprécier le caractère raisonnable du résultat (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 15).

[39]           En l’espèce, la Commission a fourni des raisons plus que suffisantes pour étayer une conclusion défavorable quant à la crédibilité. Elle a pris bonne note d’un certain nombre d’omissions et d’incohérences et estimé que la plupart des éléments de preuve documentaires du demandeur ne corroboraient pas son témoignage. Les motifs sont détaillés et clairs. La décision de la Commission est donc raisonnable.

 

[40]           Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

1.                  La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

 

 

« Danièle Tremblay-Lamer »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-12495-12

 

INTITULÉ :                                      Gzim Bela c Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 3 juillet 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LA JUGE TREMBLAY-LAMER

 

DATE DU JUGEMENT :               Le 12 juillet 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Warren Puddicombe

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Sarah-Dawn Norris

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Elgin, Cannon & Associates

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney,

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.