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Date : 20130604

Dossier : T-164-12

Référence : 2013 CF 600

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 4 juin 2013

En présence de madame la juge Gleason

 

 

ENTRE :

 

TRUNG TRAN

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur, M. Trung Tran, dit avoir décidé de faire un voyage au Vietnam pour visiter sa famille et ses amis en janvier 2011. Alors qu’il s’apprêtait à monter à bord d’un vol international à l’aéroport de Vancouver, il avait sur lui une somme supérieure à 10 000 $ en espèces, mais il n’a pas déclaré ce fait comme le prescrit la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, LC 2000, c 17 [la Loi]. Il a été arrêté par des agents de l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC] et vu qu’il a donné plusieurs explications contradictoires sur la façon dont il était entré en possession de tout cet argent, les agents de l’ASFC ont saisi et retenu l’argent à titre de confiscation au profit de Sa Majesté du chef du Canada, en application de l’article 18 de la Loi.

 

[2]               En vertu de l’article 25 de la Loi, M. Tran a déposé une demande auprès du ministre défendeur en vue d’obtenir la mainlevée de la confiscation. Dans une décision du 20 décembre 2011, la déléguée du ministre, la gestionnaire, Section d’appel, Direction des recours de l’ASFC, a rejeté la demande de M. Tran. Elle a estimé que les explications fournies par M. Tran à l’appui de sa demande de restitution [traduction] « n’ont aucun rapport » avec les explications qu’il a données aux agents de l’ASFC à l’aéroport de Vancouver. Elle a également estimé que M. Tran [traduction] « n’avait pas fourni d’éléments de preuve suffisants permettant d’établir l’origine légitime de toutes les espèces saisies, et la preuve documentaire produite ne pouvait être directement liée aux espèces » (la décision, à la page 3). Par conséquent, elle a conclu qu’il n’y avait pas lieu d’exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui permet d’accorder la mainlevée de la confiscation.

 

[3]               Dans la présente demande de contrôle judiciaire, M. Tran sollicite l’annulation de la décision de la déléguée. Dans son mémoire, M. Tran a présenté trois arguments : premièrement, il prétend que la Loi est inconstitutionnelle, apparemment parce qu’elle serait d’une imprécision inacceptable (quoiqu’il soit difficile d’établir de manière précise une distinction entre le fondement de cet argument et l’observation même, laquelle est plutôt sommaire); deuxièmement, la décision du ministre concernant le non-respect de l’obligation de déclaration prévue à l’article 12 de la Loi est déraisonnable; enfin, le refus d’accorder la mainlevée de la confiscation est également déraisonnable.

 

[4]               À l’audience, l’avocat s’est borné à présenter le dernier argument, et il a bien fait puisque je n’ai été saisie valablement d’aucun des deux autres arguments.

 

[5]               En ce qui a trait à la contestation constitutionnelle, le demandeur n’a pas signifié un avis de question constitutionnelle au procureur général du Canada et à ceux des provinces, comme le prescrit l’article 57 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7 [la LCF]. La jurisprudence portant sur les avis constitutionnels prévoit que lorsqu’un demandeur conteste la constitutionnalité d’une disposition législative, un tel avis est obligatoire et la Cour ne peut accorder de dispense, à moins qu’il y ait consentement des procureurs généraux ou un avis de facto (Eaton c Conseil scolaire du comté de Brant, [1997] 1 RCS 241, à la page 267; Première nation crie Mikisew c Canada (Ministre du Patrimoine canadien), 2004 CAF 66, au paragraphe 76, inf. pour d’autres motifs, 2005 CSC 69). La question constitutionnelle ne pouvait donc être débattue. Or, même si elle l’avait été, l’argument n’aurait probablement pas été retenu, car la Cour d’appel fédérale a confirmé la validité de la Loi, et ce, pour des motifs d’ordre constitutionnel (Tourki c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CAF 186 [Tourki]).

 

[6]               De même, je n’ai pas été valablement saisie de la contestation formée à l’égard de la conclusion du ministre selon laquelle l’obligation de déclaration prévue à l’article 12 de la Loi n’avait pas été remplie. À cet égard, il est bien établi que quiconque souhaite contester une décision ministérielle concluant au non-respect de l’obligation de déclaration prévue à l’article 12 de la Loi doit instituer un appel, conformément à l’article 30 de la Loi, et non présenter une demande de contrôle judiciaire. Par conséquent, dans le cadre d’une demande comme celle dont je suis saisie en l’espèce, je dois me limiter à apprécier le caractère raisonnable du refus d’accorder la restitution des espèces confisquées (voir l’arrêt Tourki, au paragraphe 18; Kang c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2011 CF 798, aux paragraphes 25 à 30 [Kang]; Dokaj c Canada (Ministre du Revenu national), 2005 CF 1437, aux paragraphes 33 à 51). Quoi qu’il en soit, cet argument n’avait que peu de chance d’être retenu, car M. Tran a admis dans une lettre au défendeur (datée du 8 mars 2011) qu’il n’avait pas déclaré être en possession d’une somme de plus de 10 000 $ en espèces alors qu’il était en transit vers le Vietnam, et a admis la même chose à un agent de l’ASFC à l’aéroport de Vancouver le jour de l’incident, reconnaissant ainsi qu’il n’avait pas respecté l’obligation de déclaration prévue à l’article 12 de la Loi.

 

[7]               S’agissant de l’argument qu’il a fait valoir à l’audience, M. Tran soutient que la décision de la déléguée de ne pas restituer les espèces confisquées était déraisonnable pour trois raisons. Premièrement, il affirme que rien ne prouvait qu’il se livrait au recyclage d’argent ou qu’il acheminait des fonds à des terroristes. Deuxièmement, il estime avoir fourni une explication raisonnable et légitime des raisons pour lesquelles il transportait autant d’argent liquide. Troisièmement, il est convaincu d’avoir établi de façon définitive que les sommes en question prélevées sur sa marge de crédit – et peut-être obtenues de sa belle-mère – provenaient de sources légitimes. Il soutient qu’il est déraisonnable de refuser la restitution des espèces confisquées (ou de ne pas imposer une pénalité moindre) lorsqu’il est démontré qu’une certaine partie de la somme provient de sources légitimes. Il ajoute que ce qui, à son avis, constitue un exercice [traduction] « intransigeant » du pouvoir discrétionnaire sous le régime de la Loi est déraisonnable.

 

[8]               Pour les motifs plus amplement détaillés ci-dessous, j’en arrive à la conclusion qu’aucun de ces arguments n’est fondé et que, par conséquent, la décision de la déléguée sera maintenue. L’examen des dispositions législatives pertinentes et des faits à l’origine de la demande de M. Tran est utile pour comprendre ma conclusion.

 

Les dispositions législatives

[9]               La Loi a pour objet de contrer le blanchiment d’argent et les infractions liées au financement des activités terroristes par l’imposition d’un certain nombre de mesures, notamment l’imposition de l’obligation de déclaration. Ces mesures sont énoncées à l’article 3 de la Loi, dont la partie pertinente dispose :

 

La présente loi a pour objet :

 

a) de mettre en œuvre des mesures visant à détecter et décourager le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes et à faciliter les enquêtes et les poursuites relatives aux infractions de recyclage des produits de la criminalité et aux infractions de financement des activités terroristes, notamment :

 

[…]

(ii) établir un régime de déclaration obligatoire des opérations financières douteuses et des mouvements transfrontaliers d’espèces et d’effets,

The object of this Act is

 

(a) to implement specific measures to detect and deter money laundering and the financing of terrorist activities and to facilitate the investigation and prosecution of money laundering offences and terrorist activity financing offences, including

 

[…]

 



(ii) requiring the reporting of suspicious financial transactions and of cross-border movements of currency and monetary instruments, and

 

 

[10]           L’une des opérations qui doivent être déclarées est l’importation ou l’exportation d’espèces ou d’effets d’une valeur égale ou supérieure à 10 000 $ canadiens. L’article 12 de la Loi et l’article 2 du Règlement sur la déclaration des mouvements transfrontaliers d’espèces et d’effets, DORS/2002-412 le prévoient clairement. Les passages pertinents de ces dispositions sont les suivants :

Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, LC 2000, c 17

 

12. (1) Les personnes ou entités visées au paragraphe (3) sont tenues de déclarer à l’agent, conformément aux règlements, l’importation ou l’exportation des espèces ou effets d’une valeur égale ou supérieure au montant réglementaire.

 

Exception

(2) Une personne ou une entité n’est pas tenue de faire une déclaration en vertu du paragraphe (1) à l’égard d’une importation ou d’une exportation si les conditions réglementaires sont réunies à l’égard de la personne, de l’entité, de l’importation ou de l’exportation et si la personne ou l’entité convainc un agent de ce fait.

 

 

Déclarant

(3) Le déclarant est, selon le cas :

 

 

a) la personne ayant en sa possession effective ou parmi ses bagages les espèces ou effets se trouvant à bord du moyen de transport par lequel elle arrive au Canada ou quitte le pays ou la personne qui, dans les circonstances réglementaires, est responsable du moyen de transport;

 

[…]

 

 

Obligation du déclarant

 

(4) Une fois la déclaration faite, la personne qui entre au Canada ou quitte le pays avec les espèces ou effets doit :

 

 

 

a) répondre véridiquement aux questions que lui pose l’agent à l’égard des renseignements à déclarer en application du paragraphe (1);

 

b) à la demande de l’agent, lui présenter les espèces ou effets qu’elle transporte, décharger les moyens de transport et en ouvrir les parties et ouvrir ou défaire les colis et autres contenants que l’agent veut examiner.

 

 

12. (1) Every person or entity referred to in subsection (3) shall report to an officer, in accordance with the regulations, the importation or exportation of currency or monetary instruments of a value equal to or greater than the prescribed amount.

 

Limitation

(2) A person or entity is not required to make a report under subsection (1) in respect of an activity if the prescribed conditions are met in respect of the person, entity or activity, and if the person or entity satisfies an officer that those conditions have been met.

 

 

 

 

Who must report

(3) Currency or monetary instruments shall be reported under subsection (1)

 

(a) in the case of currency or monetary instruments in the actual possession of a person arriving in or departing from Canada, or that form part of their baggage if they and their baggage are being carried on board the same conveyance, by that person or, in prescribed circumstances, by the person in charge of the conveyance;

 

[…]

 

Duty to answer and comply with the request of an officer

(4) If a report is made in respect of currency or monetary instruments, the person arriving in or departing from Canada with the currency or monetary instruments shall

 

(a) answer truthfully any questions that the officer asks with respect to the information required to be contained in the report; and

 

(b) on request of an officer, present the currency or monetary instruments that they are carrying or transporting, unload any conveyance or part of a conveyance or baggage and open or unpack any package or container that the officer wishes to examine.

 

            Règlement sur la déclaration des mouvements transfrontaliers d’espèces et d’effets, DORS/2002-412

 (1) Pour l’application du paragraphe 12(1) de la Loi, les espèces ou effets dont l’importation ou l’exportation doit être déclarée doivent avoir une valeur égale ou supérieure à 10 000 $.

2. (1) For the purposes of reporting the importation or exportation of currency or monetary instruments of a certain value under paragraphe 12(1) de la Loi, the prescribed amount is $10,000.

 

 

[11]           Une personne en possession d’espèces ou d’effets négociables d’une valeur supérieure à la limite de 10 000 $ qui quitte le Canada ou y entre est tenue de les déclarer à l’ASFC, généralement au moyen d’un formulaire remis en quittant le pays ou en y entrant. En vertu du paragraphe 18(1) de la Loi, un agent de l’ASFC à un point d’entrée ou de sortie au Canada peut saisir à titre de confiscation des espèces ou des effets s’il « a des motifs raisonnables de croire qu’il y a eu contravention au paragraphe 12(1) » de la Loi. Le paragraphe 18(2) énonce que les espèces ou les effets ainsi saisis à titre de confiscation peuvent être retenus si l’agent « soupçonne, pour des motifs raisonnables, qu’il s’agit de produits de la criminalité au sens du [paragraphe pertinent] du Code criminel ou de fonds destinés au financement des activités terroristes ».

 

[12]           Le processus de révision applicable une fois que les fonds ont été saisis et retenus est énoncé aux articles 24 à 30 de la Loi. Les parties de ces dispositions qui sont pertinentes pour la présente demande de contrôle judiciaire prévoient ce qui suit :

Conditions de révision

 

24. La saisie-confiscation d’espèces ou d’effets effectuée en vertu de la présente partie est définitive et n’est susceptible de révision, de rejet ou de toute autre forme d’intervention que dans la mesure et selon les modalités prévues aux articles 24.1 et 25.

 

Mesures de redressement

 

24.1 (1) Le ministre ou l’agent que le président délègue pour l’application du présent article peut, dans les trente jours suivant la saisie effectuée en vertu du paragraphe 18(1) ou

établissement de la pénalité réglementaire visée au paragraphe 18(2) :

a) si le ministre est convaincu qu’aucune infraction n’a été commise, annuler la saisie, ou annuler ou rembourser la pénalité;

b) s’il y a eu infraction mais que le ministre est d’avis qu’une erreur a été commise concernant la somme établie ou versée et que celle-ci doit être réduite, réduire la pénalité ou rembourser le trop-perçu.

 

 

 

Intérêt

 

(2) La somme qui est remboursée à une personne ou entité en vertu de l’alinéa(1)a) est majorée des intérêts au taux réglementaire, calculés à compter du lendemain du jour du paiement de la somme par celle-ci jusqu’à celui de son remboursement.

 

 

Demande de révision

 

25. La personne entre les mains de qui ont été saisis des espèces ou effets en vertu de l’article 18 ou leur propriétaire légitime peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la saisie, demander au ministre de décider s’il y a eu contravention au paragraphe 12(1) en donnant un avis écrit à l’agent qui les a saisis ou à un agent du bureau de douane le plus proche du lieu de la saisie.

 

[…]

 

 

 

 

Décision du ministre

 

27. (1) Dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent l’expiration du délai mentionné au paragraphe 26(2), le ministre décide s’il y a eu contravention au paragraphe 12(1).

 

[…]

 

Cas de contravention

 

29. (1) S’il décide qu’il y a eu contravention au paragraphe 12(1), le ministre peut, aux conditions qu’il fixe :

 

 

 

a) soit restituer les espèces ou effets ou, sous réserve du paragraphe (2), la valeur de ceux-ci à la date où le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux est informé de la décision, sur réception de la pénalité réglementaire ou sans pénalité;

 

 

b) soit restituer tout ou partie de la pénalité versée en application du paragraphe 18(2);

c) soit confirmer la confiscation des espèces ou effets au profit de Sa Majesté du chef du Canada, sous réserve de toute ordonnance rendue en application des articles 33 ou 34.

 

Le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, dès qu’il en est informé, prend les mesures nécessaires à l’application des alinéas a) ou b).

 

[…]

Review of forfeiture

 

24. The forfeiture of currency or monetary instruments seized under this Part is final and is not subject to review or to be set aside or otherwise dealt with except to the extent and in the manner provided by sections 24.1 and 25.

 

 

Corrective measures

 

24.1 (1) The Minister, or any officer delegated by the President for the purposes of this section, may, within 30 days after a seizure made under subsection 18(1) or an assessment of a penalty referred to in subsection 18(2),

 

 

(a) cancel the seizure, or cancel or refund the penalty, if the Minister is satisfied that there was no contravention; or

 

(b) reduce the penalty or refund the excess amount of the penalty collected if there was a contravention but the Minister considers that there was an error with respect to the penalty assessed or collected, and that the penalty should be reduced.

 

Interest

 

(2) If an amount is refunded to a person or entity under paragraph (1)(a), the person or entity shall be given interest on that amount at the prescribed rate for the period beginning on the day after the day on which the amount was paid by that person or entity and ending on the day on which it was refunded.

Request for Minister’s décision

 

25. A person from whom currency or monetary instruments were seized under section 18, or the lawful owner of the currency or monetary instruments, may within 90 days after the date of the seizure request a décision of the Minister as to whether paragraphe 12(1) was contravened, by giving notice in writing to the officer who seized the currency or monetary instruments or to an officer at the customs office closest to the place where the seizure took place.

 

[…]

 

Decision of the Minister

 

27. (1) Within 90 days after the expiry of the period referred to in subsection 26(2), the Minister shall decide whether paragraphe 12(1) was contravened.

 

[…]

 

 

If there is a contravention

 

 29. (1) If the Minister decides that paragraphe 12(1) was contravened, the Minister may, subject to the terms and conditions that the Minister may determine,

 

(a) decide that the currency or monetary instruments or, subject to subsection (2), an amount of money equal to their value on the day the Minister of Public Works and Government Services is informed of the décision, be returned, on payment of a penalty in the prescribed amount or without penalty;

(b) decide that any penalty or portion of any penalty that was paid under subsection 18(2) be remitted; or

(c) subject to any order made under section 33 or 34, confirm that the currency or monetary instruments are forfeited to Her Majesty in right of Canada.

 

 

The Minister of Public Works and Government Services shall give effect to a décision of the Minister under paragraph (a) or (b) on being informed of it.

 

[…]

           

[13]           En l’espèce, le ministre a été appelé à rendre, par l’entremise de sa déléguée, une décision discrétionnaire en application du paragraphe 29(1) de la Loi. Les options dont disposait la déléguée étaient soit de restituer l’argent, soit d’imposer une certaine forme de pénalité, soit de retenir les espèces saisies à titre de confiscation au profit de Sa Majesté du chef du Canada. La déléguée a choisi la dernière option.

 

Les faits à l’origine du litige

[14]           Gardant ce cadre législatif à l’esprit, je peux maintenant examiner ce qui s’est passé dans le cas de M. Tran. Comme je l’ai souligné, il a donné plusieurs explications différentes aux agents de l’ASFC qui l’ont interrogé à l’aéroport de Vancouver. Un agent a fouillé M. Tran et l’a trouvé en possession de 6 700 $ en devises canadiennes et de 10 946 $ en devises américaines. Interrogé sur la façon dont il était venu en possession d’autant d’argent liquide et sur les raisons pour lesquelles il ne l’avait pas déclaré, M. Tran a fourni les explications suivantes :

  • Il ne savait pas pourquoi il n’avait pas déclaré les espèces et a dit qu’il était pressé.
  • L’argent lui appartenait en totalité et provenait de ses économies.
  • Interrogé sur le fait qu’il n’avait pas de revenu, il a modifié son explication et affirmé que quelqu’un d’autre lui avait donné une partie de l’argent.
  • Interrogé sur l’identité de cette personne, il a répondu qu’une partie de l’argent provenait de sa belle-sœur et n’a pu expliquer pourquoi il avait dit que l’argent lui appartenait en propre.
  • Interrogé sur le montant que sa belle-sœur lui avait donné, il a répondu 2 000 $.
  • Lorsqu’on lui a demandé ensuite si quelqu’un d’autre lui avait donné de l’argent, il a répondu : [traduction] « Non. »
  • Il a ensuite été emmené dans une salle pour y être encore interrogé et on l’y a laissé seul pendant quelques minutes. Lorsque deux agents de l’ASFC sont revenus, M. Tran les a informés qu’il emportait l’argent au Vietnam pour le donner à des gens là-bas.
  • En réponse à d’autres questions, il a déclaré que l’argent ne provenait ni de sa marge de crédit ni de son compte bancaire, mais plutôt de ses économies.
  • Lorsqu’on lui a demandé où il conservait l’argent, il a indiqué qu’il le cachait au-dessus d’un panneau de plafond dans le sous-sol non aménagé de sa résidence et que l’argent provenait de pourboires qu’il avait gagnés en tant que serveur dans le restaurant de sa famille et d’économies qu’il avait accumulées [traduction] « ici et là ».
  • Lorsque les agents de l’ASFC ont fait remarquer que la majeure partie de l’argent liquide était constituée de coupures de 100 $ (et ne pouvait donc pas provenir de pourboires), M. Tran a modifié sa version des événements et déclaré qu’il transportait l’argent pour le compte de sa belle-mère, de sa belle-sœur et de quelques amis. Il a prétendu avoir obtenu 1 400 $ de sa belle-sœur, 3 000 $ d’un ami (dont tout ce qu’il savait de son nom était qu’il s’appelait « Long ») et 2 000 $ de sa belle-mère. Il a expliqué que 9 000 $ américains et 1 000 $ canadiens ont été retirés du plafond de son sous-sol.
  • Les agents de l’ASFC lui ont alors fait remarquer que les montants mentionnés n’équivalaient pas au total de l’argent liquide que M. Tran avait sur lui. La seule autre explication que M. Tran a donnée était qu’il transportait une somme supplémentaire de 500 $ pour acheter des bijoux pour un ami.

 

[15]           L’un des agents de l’ASFC qui a mené l’interrogatoire a indiqué dans son rapport que M. Tran était devenu de plus en plus nerveux à mesure que l’interrogatoire progressait. Les agents ont aussi appris que M. Tran avait acheté son billet d’avion pour le Vietnam quelques jours plus tôt, en argent liquide. Étant donné l’incapacité de M. Tran de fournir une explication cohérente sur la provenance des espèces et les différentes versions qu’il a données, les agents ont saisi les fonds et les ont retenus à titre de confiscation, estimant qu’il y avait des motifs raisonnables de soupçonner qu’il s’agissait de produits de la criminalité ou qu’ils étaient destinés à financer des activités terroristes.

 

[16]           Dans le contexte de sa demande de restitution des espèces saisies, M. Tran a donné encore une autre explication de la provenance des fonds. Il a affirmé que la source des 6 700 $ en devises canadiennes qu’il avait sur lui était la suivante :

  • 2 000 $ de sa belle-mère, retirés du compte bancaire de celle-ci, à même ses chèques de pension de la sécurité de la vieillesse;
  • 3 000 $ de son ami Long Nguyen, dont 2 800 $ retirés du compte bancaire de Long et 200 $ en argent liquide;
  • 500 $ d’un autre ami, Vinh Le, que celui-ci a retiré de son compte bancaire;
  • 460 $ d’une collègue de travail, qui lui avait demandé d’acheter un souvenir;
  • 300 $ de son beau-frère;
  • 200 $ d’un autre ami, Dai Nguyen;
  • 240 $ de son argent propre.

 

[17]           Pour ce qui est de l’argent en devises américaines, il a affirmé qu’il provenait des sources suivantes :

  • 1 600 $ de sa belle-sœur;
  • 1 800 $ de la tante de son épouse, qui avait envoyé une traite bancaire;
  • 2 760 $ qu’il avait demandé à son fils d’acheter pour lui en raison du taux préférentiel d’employé dont son fils pouvait se prévaloir en tant qu’employé de banque;
  • 4 000 $ qu’il avait retirés de sa marge de crédit hypothécaire à la Banque TD, somme qu’il avait transférée dans son compte bancaire pour acheter des espèces en devises américaines;
  • 840 $ de son propre argent.

 

[18]           Dans ses observations présentées à la déléguée du ministre, M. Tran a allégué que la plus grande partie de l’argent liquide était destinée à être donnée en cadeau à la famille et à des amis au Vietnam dans le cadre des célébrations du Nouvel An. Il a expliqué qu’il avait pris de l’argent liquide afin que ceux et celles qui les recevraient en cadeau évitent les frais imposés par les banques ou les bureaux de change. Il a joint des photocopies de divers relevés bancaires à ses observations. Toutefois, comme je l’explique plus en détail ci-dessous, ces relevés n’établissent pas la source des fonds et, dans certains cas, ne correspondent même pas aux assertions de M. Tran au sujet de leur source.

 

La norme de contrôle applicable à la décision de la déléguée

[19]           La norme de contrôle applicable à la décision de la déléguée est celle de la décision raisonnable (Kang, au paragraphe 24). La norme de la décision raisonnable se caractérise par la retenue et oblige la cour de révision à ne pas substituer ses opinions à celles du décideur administratif lorsque les motifs avancés sont transparents, intelligibles et justifiés et que l’issue « appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47; voir aussi Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, aux paragraphes 11 à 13).

[20]           Selon la jurisprudence, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire sous le régime de l’article 29 de la Loi, le ministre, ou son délégué, doit décider s’il est convaincu que les fonds ne sont pas le produit de la criminalité ou destinés à financer des activités terroristes. Généralement, pour convaincre le ministre, ou son délégué, que ce n’est pas le cas, le requérant doit prouver que les fonds proviennent uniquement de sources légitimes. Si le requérant parvient à faire cette preuve, il y a lieu d’annuler la confiscation. À l’inverse, si le requérant n’en fait pas la preuve, la confiscation pourrait être maintenue (voir, par exemple, la décision Kang, au paragraphe 34; Sellathurai c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CAF 255, au paragraphe 49 [Sellathurai]). Dans le cadre contrôle judiciaire, il incombe à la Cour de décider si les conclusions tirées à l’égard de la source des fonds sont raisonnables.

 

La décision est-elle déraisonnable?

[21]           En l’espèce, comme je l’ai déjà observé, M. Tran a présenté trois arguments à l’appui de son assertion selon laquelle la décision de la déléguée est déraisonnable. Dans un premier temps, il soutient qu’il n’y avait aucune preuve qu’il se livrait au blanchiment d’argent ou qu’il acheminait l’argent à des terroristes et que, par conséquent, la décision de maintenir la confiscation des fonds saisis était déraisonnable. Dans un deuxième temps, il allègue qu’il a expliqué, de manière raisonnable et légitime, pourquoi il transportait autant d’argent liquide et que la déléguée a ignoré cette explication de façon déraisonnable. Enfin, il estime avoir établi de façon définitive que les sommes prélevées sur sa marge de crédit et celles reçues de sa belle-mère provenaient de sources légitimes et qu’il était déraisonnable d’inclure ces sommes dans le montant confisqué. Il soutient à cet égard que cette manière [traduction] « intransigeante », à son avis, d’interpréter la Loi va au-delà de ce qui est nécessaire, car la loi ne peut avoir pour objet de permettre la confiscation d’espèces canadiennes provenant de sources légitimes pour le simple motif que ces espèces étaient mêlées à d’autres dont la source également légitime ne peut être établie par le saisi.

 

La décision doit-elle être annulée si aucun élément de preuve n’établit que les fonds étaient destinés à des activités terroristes ou au blanchiment d’argent?

 

[22]           Le premier argument de M. Tran peut être sommairement écarté, car il contredit la jurisprudence bien établie de notre Cour et de la Cour d’appel fédérale. Selon cette jurisprudence, il n’est pas nécessaire que le ministre, ou son délégué, soit convaincu que les fonds proviennent d’une source illégitime pour refuser à bon droit la restitution des fonds saisis. En fait, il suffit que le ministre, ou son délégué, ne soit pas convaincu que les fonds proviennent d’une source légitime. S’exprimant au nom de la majorité de la Cour d’appel fédérale, le juge Pelletier a fait les observations suivantes au paragraphe 50 de l’arrêt Sellathurai :

[…] La question à trancher n’est pas celle de savoir si le ministre peut démontrer qu’il existe des motifs raisonnables de soupçonner que les fonds saisis sont des produits de la criminalité, mais uniquement celle de savoir si le demandeur est en mesure de convaincre le ministre d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour annuler la confiscation en lui démontrant que les fonds saisis ne sont pas des produits de la criminalité. Sans exclure la possibilité de convaincre par d’autres moyens le ministre à cet égard, la démarche qui s’impose consiste à démontrer la légitimité de la provenance des fonds. C’est bien ce que le ministre a réclamé en l’espèce et, vu l’incapacité de M. Sellathurai de lui faire cette démonstration, le ministre avait le droit de refuser d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour annuler la confiscation.

 

[23]           En conséquence, le premier argument de M. Tran est mal fondé.

 

Le refus de restituer les espèces confisquées est-il déraisonnable compte tenu de l’explication fournie par M. Tran?

 

[24]           En ce qui a trait au deuxième argument de M. Tran, l’appréciation du caractère raisonnable de la décision d’accorder la restitution d’effets confisqués dépend de la question de savoir si la déléguée avait un fondement raisonnable pour conclure qu’elle n’était pas convaincue que M. Tran eût établi la provenance légitime de l’argent confisqué. Cette interrogation est de nature factuelle. L’alinéa 18.1(4)d) de la LCF prescrit le critère d’application de la norme de la décision raisonnable aux questions de fait; pour paraphraser la LCF, une conclusion de fait d’un tribunal administratif ne peut être écartée que si elle a été tirée de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments dont le tribunal administratif dispose, et si la décision repose sur ces éléments (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, aux paragraphes 3 et 36).

 

[25]           Dans le contexte des demandes de restitution de biens confisqués sous le régime de la Loi, la jurisprudence établit que le refus de restituer les biens confisqués est une décision prise sur un fondement factuel raisonnable si tout ce que le saisi démontre est que les fonds ont été tirés d’un compte bancaire, puisque ce retrait ne prouve aucunement l’origine de l’argent (Kang, au paragraphe 40; Satheesan c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CF 346, aux paragraphes 50 à 52; Sidhu c Canada (Sécurité publique et de la Protection civile), 2010 CF 911, au paragraphe 41; Dupre c Canada (Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 1177, au paragraphe 31). Le juge Mosley a récemment fait les observations suivantes aux paragraphes 40 et 41 de la décision Kang :

Je n’accepte pas l’argument du demandeur qui affirme se voir imposer une norme de preuve impossible à atteindre. La preuve produite par le demandeur n’établit pas l’origine licite des fonds. Les retraits bancaires effectués par l’oncle et le cousin du demandeur étaient des sommes qui théoriquement pouvaient représenter des prêts consentis au demandeur, mais, hormis leurs déclarations, il n’y a dans le dossier rien qui permette de rattacher ces sommes d’argent à celle qui a finalement été saisie à l’aéroport de Calgary. Des faits qui ne sont pas aptes à établir l’origine licite des fonds ne sauraient valoir comme preuve de cette origine licite […]

 

Globalement, l’absence de preuve, les récits contradictoires qui jettent le doute sur la crédibilité du demandeur, enfin les mesures coercitives prises auparavant contre le demandeur pour l’introduction de substances réglementées, font qu’il était raisonnable pour le ministre de ne pas être persuadé que les espèces ne représentaient pas des produits de la criminalité. Il s’ensuit qu’il était raisonnable pour le ministre de dire que les espèces étaient confisquées.

 

[Citation omise.]

 

 

[26]           Les éléments de preuve présentés par M. Tran à la déléguée au sujet des fonds qu’il allègue avoir reçus de tiers consistent entièrement en des photocopies de relevés bancaires ou de bordereaux de retrait censés confirmer la source des retraits, mais ne donnent aucun détail sur la source des fonds. Selon la jurisprudence précitée, ces documents ne suffisent pas à établir le caractère légitime de la source des fonds. Il est possible de verser des produits de la criminalité dans un compte bancaire et de les en retirer. C’est pourquoi le fait que des espèces retirées d’un compte bancaire soient remises à un saisi n’établit pas que cet argent provient d’une source légitime. Par conséquent, les pièces que M. Tran a déposées en preuve n’établissent pas que les sommes qu’il dit avoir reçues d’autres personnes provenaient de sources légitimes.

 

[27]           De plus, pour ce qui est des sommes dont M. Tran affirme que sa belle-mère les lui a données à même ses chèques de pension et de sécurité de la vieillesse, la preuve présentée à la déléguée, comme l’a fait justement remarquer l’avocat du défendeur, n’établit pas que les espèces retirées du compte de la belle-mère provenaient réellement de chèques de prestations sociales du gouvernement. Le compte bancaire de la belle-mère indique que deux dépôts directs ont été faits le 24 novembre 2012 pour des prestations de vieillesse [Senior’s Benefit MSP/DIV] au montant de 181,82 $ chacun, laissant un solde de 375,28 $ (dossier du défendeur, à la page 57). Le relevé indique aussi que le 2 décembre 2012, un dépôt de 2 069,93 $ a été effectué ainsi qu’un retrait pour un montant identique le même jour, laissant un solde de 383,98 $ (dossier du défendeur, à la page 58). La preuve ne démontre donc pas que les 2 000 $ que M. Tran dit avoir reçus de sa belle-mère proviennent de chèques de prestations sociales du gouvernement.

 

[28]           Quant à la somme que M. Tran dit avoir retirée de sa marge de crédit hypothécaire, un examen minutieux de la preuve indique, comme l’a fait également remarquer l’avocat du défendeur, qu’il n’y a aucune preuve que M. Tran a prélevé 4 000 $ de sa marge de crédit hypothécaire. La preuve qu’il a présentée à la déléguée, un reçu établi au nom de « Tran Thai », indique plutôt un retrait de 4 000 $ sur marge de crédit hypothécaire effectué le 2 mars 2010, quelque dix mois avant le voyage de M. Tran au Vietnam. Par conséquent, M. Tran n’a pas non plus établi une source légitime pour cette somme.

 

[29]           La déléguée disposait donc d’un fondement juridique plus que suffisant pour conclure que M. Tran n’avait pas prouvé le caractère légitime de la source des espèces saisies et retenues à titre de confiscation; par conséquent, la décision de la déléguée est raisonnable. En résumé, on ne saurait prétendre que la conclusion de la déléguée selon laquelle elle n’était pas convaincue que les fonds n’étaient pas le produit de la criminalité ou destinés au terrorisme était déraisonnable étant donné que M. Tran n’a pas prouvé le caractère légitime de la source des fonds. Du reste, les éléments de preuve présentés soulèvent plus de doutes qu’autre chose sur la provenance des sommes en question. Ces doutes et les différentes versions des événements que M. Tran a données donnent à la déléguée une base solide pour refuser d’exercer son pouvoir discrétionnaire et d’annuler la confiscation. On ne peut pas dire que cette conclusion factuelle soit « abusive ou arbitraire » ni que la déléguée y arrive « sans tenir compte des éléments dont [elle] dispose ».

 

La déléguée a-t-elle commis une erreur en imposant une appréciation [traduction] « intransigeante » de la preuve en vue d’accorder ou non la mainlevée de la confiscation?

 

[30]           Comme il ressort de ce qui précède, la troisième question soumise par M. Tran au sujet du caractère déraisonnable de l’exercice [traduction] « intransigeant » du pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 29(1) de la Loi ne se pose pas en l’espèce compte tenu des faits constatés, car, contrairement à ce qu’il avance, il n’a démontré ni que l’argent reçu de sa belle-mère provenait de ses chèques de prestations sociales du gouvernement, ni qu’il avait retiré une somme de sa marge de crédit hypothécaire comme il prétend l’avoir fait. Il n’est donc pas nécessaire de répondre à la question de savoir si le refus d’accorder la mainlevée de la confiscation est déraisonnable lorsque la preuve indique qu’une partie des fonds saisis provient de sources légitimes. Toutefois, je ferai remarquer que dans la décision Admasu c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2012 CF 451, aux paragraphes 12 et 13, mon collègue le juge Rennie a récemment jugé qu’une décision ministérielle refusant la levée de la confiscation dans de telles circonstances n’est pas déraisonnable au regard des dispositions de la Loi : cette décision indique clairement que le ministre ne peut accorder une restitution partielle des biens confisqués.

 

[31]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

Les dépens

[32]           Le défendeur sollicite les dépens, mais dans l’éventualité où la demande serait rejetée, le demandeur prie la Cour de n’accorder aucuns dépens vu que lui-même et les personnes qui lui ont avancé l’argent ont des moyens modestes et qu’ils ne devraient pas subir d’autres désagréments que la confiscation des fonds saisis.

 

[33]           Aucun élément de preuve ne m’a été présenté concernant les moyens dont disposent le demandeur ou les personnes dont il dit avoir reçu de l’argent. Je tiens également à souligner que dans la plupart des décisions dans lesquelles des demandes semblables à celle-ci ont été rejetées, les dépens ont été adjugés au défendeur (voir Sellathurai; Dupre; Sidhu; Yang c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2008 CAF 281; Dag c Canada (Sécurité publique et Protection civile, 2008 CAF 95). (Une rare exception semble être la décision Kang, dans laquelle il a été jugé que le défendeur avait commis un certain nombre d’erreurs dans son administration des sommes : le juge Mosley a exercé son pouvoir discrétionnaire sur ce fondement et n’a adjugé aucuns dépens.)

 

[34]           Je ne vois aucune raison en l’espèce de m’écarter de l’issue habituelle quant aux dépens puisque le défendeur n’a commis aucune erreur dans son administration des sommes et qu’il a obtenu entièrement gain de cause dans la présente demande. En conséquence, j’estime qu’il y a lieu d’accorder les dépens au défendeur. Si les avocats des parties ne peuvent s’entendre sur le montant, ils pourront me présenter des observations écrites d’au plus cinq pages au plus tard le 17 juin 2013.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.      La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

2.      Si les avocats des parties ne peuvent s’entendre sur le montant des dépens à verser au défendeur, ils pourront me présenter des observations écrites d’au plus cinq pages au plus tard le 17 juin 2013.

 

« Mary J.L. Gleason »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-164-12

 

INTITULÉ :                                      Trung Tran c Le Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 18 avril 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LA JUGE GLEASON

 

DATE DU JUGEMENT :               Le 4 juin 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Austin Nguyen

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Angela Fritze

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Austin Nguyen

Avocat

AG Law Offices

Calgary (Alberta)

 

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Calgary (Alberta)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

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