Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date: 20130717

Dossier : DES‑5‑08

Référence : 2013 CF 795

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

ENTRE :

 

MOHAMED HARKAT

 

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION ET

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

 

 

défendeurs

 

 

 

 

          MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE S. NOËL

 

I.          Introduction

[1]               M. Mohamed Harkat [M. Harkat ou le demandeur] demande à la Cour de modifier ses conditions de mise en liberté afin de les rendre plus conformes à des conditions « types » conformément au paragraphe 82(4) et à l’alinéa 82(5)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR]. En bref, il demande que soit levée la condition concernant le port à la cheville d’un bracelet GPS, que soit modifiée l’obligation d’aviser les autorités de son intention de voyager à l’extérieur d’Ottawa et que lui soit accordé le droit d’accéder à un téléphone mobile et à un ordinateur portatif.

 

[2]               Tout en se disant ouverts à des accommodements à l’égard de certaines de ces demandes, les ministres soutiennent qu’il y a lieu de maintenir les conditions actuelles afin de neutraliser le danger que représente M. Harkat et qu’il n’est pas nécessaire d’assouplir davantage les conditions de sa mise en liberté.

 

A.  Bref historique de la détention et examen des conditions de mise en liberté

 

[3]               La mise en liberté sous conditions de M. Harkat a eu lieu le 23 mai 2006. Au fil du temps et à la suite des évaluations de la menace effectuées par le Service canadien du renseignement de sécurité [SCRS], les conditions de la mise en liberté ont été adaptées selon l’évolution de la situation de M. Harkat. Par ces conditions, la Cour cherchait à neutraliser le danger que constituait le demandeur. Pour un survol des procédures et de l’évolution des conditions de mise en liberté, le lecteur est invité à consulter les décisions Harkat, 2010 CF 1241, aux paragraphes 14 à 38, 380 FTR 61, et Harkat, 2009 CF 241, aux paragraphes 4 à 31, 339 FTR 104.

 

[4]               L’audience la plus récente touchant l’examen des conditions de mise en liberté a eu lieu à l’automne 2009, et une décision a été rendue le 7 octobre 2009 (voir Harkat, 2009 CF 1008, 351 FTR 313). Depuis lors, dans une décision rendue le 9 décembre 2010 (voir Harkat, 2010 CF 1241, 380 FTR 61), la Cour a estimé que le certificat était raisonnable. La Cour d’appel fédérale a accueilli l’appel de la décision et ordonné que soit rendue une nouvelle décision sur le fondement du dossier modifié par son jugement (voir Harkat, 2012 CAF 122, 429 NR 1). La Cour suprême du Canada a accordé l’autorisation d’appel de l’arrêt de la Cour d’appel fédérale, et l’audience est prévue pour le 10 octobre 2013.

 

[5]               La Cour a rendu son ordonnance la plus récente quant à la révision des conditions de mise en liberté, sans comparution et avec le consentement des parties, le 1er novembre 2011.

 

[6]               Comme je l’ai déjà mentionné, la dernière audience publique sur les conditions de mise en liberté a donné lieu à la décision du 7 octobre 2009. Cette décision repose en partie sur une évaluation de la menace effectuée en septembre 2009 par le SCRS, soit l’évaluation de la menace la plus récente que le ministre a demandé à la Cour d’examiner aux fins de la présente demande.

 

[7]               M. Harkat a ensuite demandé à la Cour de lever la condition relative au port à la cheville du bracelet GPS en raison de son caractère intrusif. Il a proposé également que soit levée son obligation de se rapporter en personne, chaque semaine, à l’Agence des services frontaliers du Canada [ASFC]. De plus, M. Harkat a demandé l’autorisation de posséder un téléphone mobile et d’avoir accès à un ordinateur. Au sujet du téléphone mobile, M. Harkat a proposé qu’il pourrait utiliser un téléphone sans accès Internet et qu’il fournirait son numéro de téléphone à l’ASFC. Pour ce qui est de sa demande d’accès à un ordinateur, M. Harkat a fait valoir qu’il ne l’utiliserait qu’en présence de l’une de ses cautions. M. Harkat a présenté ensuite d’autres demandes d’assouplissement de ses conditions de mise en liberté, comme la levée de l’interdiction de voyager à l’extérieur de la région de la capitale nationale. Les ministres ont consenti à cette dernière demande de M. Harkat, mais se sont opposés au retrait du bracelet GPS, à la possession d’un téléphone mobile et à l’accès à un ordinateur. Les ministres ont donné comme principale raison que les conditions étaient proportionnelles au risque que représentait M. Harkat pour la sécurité nationale.

 

[8]               La Cour a décidé de maintenir ces conditions, les estimant essentielles pour neutraliser le danger tel qu’il était alors évalué. Elle a également examiné les éléments de confiance et de crédibilité et tenu compte de l’évaluation de la menace de septembre 2009, dont la conclusion est que [traduction] « [...] la menace pour la sécurité nationale s’est atténuée avec le temps [...] ».

 

[9]               Dans sa décision rendue le 9 décembre 2010 sur le caractère raisonnable du certificat (Harkat, 2010 CF 1241, aux paragraphes 539 à 547, 380 FTR 61), la Cour s’est également penchée sur le danger pour la sécurité du Canada que représentait M. Harkat. J’ai alors estimé que le risque en date du 9 décembre 2010 était « beaucoup moindre » que celui posé en 1995, époque où M. Harkat présentait un risque élevé pour la sécurité du Canada.

 

            B. La preuve à l’appui de la requête

[10]           Aux fins de la présente requête visant à obtenir une ordonnance révisant les conditions de sa mise en liberté conformément au paragraphe 82(4) de la LIPR, M. Harkat a déposé des affidavits souscrits par lui et d’autres personnes à l’appui de la requête, et aucune des parties n’a procédé à un interrogatoire des déposants.

 

[11]           Dans son affidavit, M. Harkat soutient qu’il s’est conformé scrupuleusement aux conditions, que celles‑ci nuisent sérieusement à sa santé et qu’elles ont des répercussions négatives sur sa qualité de vie et sur sa famille. Même si M. Harkat reconnaît que les conditions actuelles représentent une amélioration importante par rapport aux conditions précédentes, elles demeurent invasives. C’est pourquoi M. Harkat souhaite que les conditions touchant le port à la cheville du bracelet GPS, le préavis exigé pour voyager et l’utilisation d’ordinateurs soient levées ou modifiées.

[12]           Mme Sophie Harkat dit apprécier et reconnaître les changements apportés aux conditions, mais elle déclare que celles qui sont maintenues nuisent sérieusement à la santé de son mari et à sa propre santé. Elle explique les raisons pour lesquelles M. Harkat demande des changements et décrit l’influence de ces conditions sur leur vie matrimoniale et familiale. Elle affirme que le respect des conditions est de la plus haute importance pour elle et son mari et qu’ils se considèrent tenus de s’y conformer.

 

[13]           M. William Baldwin, un prêtre qui s’est porté garant de M. Harkat et s’est également engagé à verser une caution de 5 000 $, dit avoir été témoin des répercussions qu’ont les conditions de mise en liberté sur la santé de M. Harkat et de son épouse. Il ajoute que le respect des conditions est une obligation pour les Harkat. Il appuie aussi la demande de modification des conditions.

 

[14]           Mme Pierrette Brunette, mère de Sophie Harkat, fait un appel passionné à la Cour en faveur des modifications des conditions demandées. Elle décrit les répercussions négatives des conditions sur sa fille et son gendre de même que sur sa propre vie. Elle considère intrusive et inacceptable la supervision de l’ASFC. À son avis, M. Harkat n’est pas un terroriste, les conditions de mise en liberté imposées sont inutiles et il y a lieu d’y apporter d’importantes modifications.

 

[15]           M. Philippe Parent fait une déclaration similaire à celle de sa partenaire, Mme Brunette. M. Parent observe que les conditions de mise en liberté ont eu des répercussions négatives sur le demandeur et son épouse. L’ASFC, dans son rôle de supervision, est omniprésente. M. Parent, Mme Brunette et les Harkat n’ont aucune liberté de mouvement. M. Parent appuie la demande de modification des conditions.

 

[16]           Les autres souscripteurs d’affidavit sont des membres du « Comité justice pour Mohamed Harkat », des personnes qui se sont portées garantes, des enseignants ou des amis de la famille. Tous attestent les répercussions négatives qu’ont les conditions de mise en liberté et le respect constant manifesté par les Harkat à leur endroit. Ils expriment leur soutien à la demande de modification des conditions de mise en liberté.

 

[17]           Le dossier renferme aussi une mise à jour, datée du 25 janvier 2013, de l’évaluation médicale de M. Harkat effectuée antérieurement, soit le 21 août 2009, par le Dr Colin Cameron, MDCN, FRCPS, des Services de santé Royal Ottawa. Le médecin a reçu M. Harkat en consultation soixante‑cinq (65) fois, cinquante (50) minutes chaque fois, de 2009 au 25 janvier 2013, et effectué un certain nombre de tests (HAM‑D17, HAM‑A, BDI‑II, BAI et PCL‑C). Selon l’opinion médicale du Dr Cameron, M. Harkat continue de présenter d’importants symptômes de troubles anxieux, de dépression et de stress post‑traumatique. Son état de santé varie selon l’évolution de sa cause devant les tribunaux et selon ses perceptions face à la rigidité et l’iniquité des conditions de sa liberté sous caution et à l’imminence de son éventuelle expulsion du Canada. Dans son opinion médicale, le Dr Cameron explique que M. Harkat est en désaccord avec les conclusions de la Cour dans sa décision sur le caractère raisonnable du certificat (voir la décision Harkat, précitée) et s’estime maltraité par le système de justice canadien. Il critique également les conditions de mise en liberté, leur actualisation et leurs répercussions sur M. Harkat et son épouse.

 

[18]           J’ai comparé ce rapport médical avec celui qui avait été présenté à l’automne 2009 dans le cadre d’un autre examen des conditions de mise en liberté, et j’ai noté que l’état de santé de M. Harkat demeure, de façon générale, stable. Je constate aussi que depuis, cet état ne s’est pas amélioré.

 

            C. Les réponses des ministres présentées en preuve

[19]           À l’appui de leur réponse, les ministres ont, eux aussi, déposé un affidavit; ils invoquent à la fois une évaluation de l’ASFC datée de janvier 2012 et l’évaluation de la menace réalisée par le SCRS en septembre 2009, mentionnée précédemment.

 

[20]           L’affidavit des ministres, signé par le superviseur intérimaire de l’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs de l’ASFC, M. Michel Connelly [M. Connelly], peut se résumer comme suit :

 

1.            La surveillance par l’ASFC du respect des conditions de mise en liberté s’est effectuée sans incident depuis le dernier examen.

 

2.            Des neuf demandes de déplacement à l’extérieur d’Ottawa, deux (2) ont été refusées au motif qu’il était impossible de superviser les déplacements.

 

3.            L’interdiction faite à M. Harkat d’accéder à Internet n’a pas retardé la délivrance de son permis de travail. On lui a fourni une copie papier des formulaires et on lui a accordé par la suite un permis de travail valide jusqu’en février 2015.

 

4.            Le fonctionnement du bracelet GPS porté à la cheville était généralement acceptable et chaque fois que l’ASFC a fait une demande au sujet du bracelet, M. Harkat a coopéré.

 

5.      L’ASFC est d’avis que le bracelet GPS devrait rester en place, car sans lui, il ne serait pas possible d’assurer une surveillance permanente des allées et venues de M. Harkat, à l’intérieur comme à l’extérieur de la région de la capitale nationale.

 

6.      M. Connelly considère que, vu le respect par M. Harkat des conditions de sa mise en liberté et l’écoulement du temps, la levée de certaines restrictions sur ses déplacements à l’extérieur de la région de la capitale nationale serait envisageable si on lui demandait de fournir par télécopieur un préavis de sept (7) jours contenant l’itinéraire du déplacement et si on l’obligeait à informer l’ASFC de tout changement à l’itinéraire dans les meilleurs délais. M. Harkat demande un préavis de deux (2) jours.

 

7.      De plus, l’ASFC consent à ce que M. Harkat possède et utilise un (1) téléphone mobile de base, pourvu que lui soient fournis le numéro de téléphone et le nom du fournisseur de service en vue de surveiller l’utilisation du téléphone et d’en obtenir les relevés. M. Harkat devra consentir à ce que l’ASFC obtienne cet accès. Le téléphone mobile ne servirait qu’à faire ou recevoir des appels et ne comporterait que des fonctions de renvoi automatique à partir du téléphone mobile de M. Harkat et à partir de son téléphone conventionnel, mais pas à partir d’autres téléphones conventionnels. Selon l’ASFC, le téléphone mobile devrait être limité aux communications vocales et à la messagerie vocale.

 

            8.      L’ASFC est d’avis que le téléphone mobile pourrait aussi servir à recevoir des messages textes, à condition que l’ASFC consente aux modalités d’utilisation et assure la supervision que cela implique.

 

            9.      Pour ce qui est de Mme Harkat, l’ASFC considère qu’elle pourrait avoir accès à un téléphone mobile pour son usage personnel, mais qu’il doit être protégé par un mot de passe. Elle pourrait aussi disposer d’un ordinateur portatif, aussi protégé par un mot de passe. Elle doit en avoir le contrôle en tout temps, et M. Harkat ne doit pas y avoir accès.

 

            10.    De l’avis de M. Connelly, les Harkat pourraient disposer d’un télécopieur.

 

[21]           Les ministres ont déposé une évaluation du risque, en date de janvier 2012, effectuée par l’ASFC. Selon ce document, le risque associé à M. Harkat est faible tant que les conditions existantes demeurent en place. Jusqu’à janvier 2012, on ne constate aucun incident significatif de non‑conformité à l’une ou l’autre des conditions de mise en liberté. M. Harkat a bien eu des comportements au volant inhabituels ou erratiques associés aux techniques de contre‑surveillance mais, comme le note l’ASFC dans l’évaluation du risque, cela ne constitue pas un manquement aux conditions de sa mise en liberté. Dans son affidavit, M. Connelly note que, d’après les renseignements les plus récents, à savoir du 8 mai 2013, la surveillance des conditions de mise en liberté se déroule normalement et aucun manquement n’a été rapporté.

 

[22]           J’ai examiné l’évaluation du risque faite par l’ASFC en mai 2009 et j’ai noté une amélioration appréciable, d’une part, du respect par M. Harkat des conditions de sa mise en liberté et, d’autre part, du rôle de surveillance de l’ASFC. J’ose espérer que ce nouveau climat facilitera les relations entre les parties concernées.

 

[23]           Un résumé public de la dernière évaluation de la menace publiée en septembre 2009 effectuée par le SCRS, où une évaluation précédente datée de juillet 2009 est citée, explique ce qui suit :

[traduction]

Selon l’évaluation de juillet, le SCRS ne dispose d’aucun nouveau renseignement indiquant que M. Harkat a participé à des activités constituant des menaces. À la connaissance de la Cour, M. Harkat n’a pas commis d’acte de violence. Son rôle dans le mouvement de l’extrémisme islamiste international avant son arrivée au Canada semble avoir été lié principalement à la logistique et au soutien, ce qui est confirmé par ses contacts immédiats au sein du réseau d’extrémistes canadien. En raison de son profil public, il est difficile de savoir s’il serait en mesure de rétablir des liens dans l’éventualité où toutes les conditions seraient retirées. On considère que la menace que représente M. Harkat a été atténuée par les conditions de sa mise en liberté.

 

En septembre 2009, le SCRS a préparé une autre évaluation de la menace posée par M. Harkat aux fins du prochain examen par la Cour fédérale de ses conditions de mise en liberté. Dans cette évaluation, il a été tenu compte de l’évaluation de juillet 2009 faite par le SCRS et les mêmes conclusions ont été tirées. En ce qui concerne M. Harkat, la menace à la sécurité nationale s’est atténuée avec le temps, mais demeure une préoccupation pour les ministres.

 

[24]           Cette dernière déclaration fait partie de la plus récente évaluation faite par le SCRS et a été déposée devant la Cour aux fins de la présente procédure. Presque quatre (4) ans se sont écoulés sans incidents ou nouvelles activités susceptibles de modifier l’évaluation du SCRS concernant la menace à la sécurité nationale associée à M. Harkat. Il reste l’appréciation du danger associé à M. Harkat faite par la Cour dans sa décision du 9 décembre 2010 (au paragraphe 9). Le danger a été évalué comme étant « beaucoup moindre »que celui posé en 1995. L’écoulement du temps ne peut que l’atténuer encore.

 

D. Le paramètre juridique dans le cadre duquel le danger associé à M. Harkat est évalué et la détermination des conditions requises pour le neutraliser

 

[25]           Comme le prescrivent le paragraphe 84(2) et l’alinéa 92(5)b) de la LIPR et le note la Cour suprême du Canada, la Cour doit se demander si la mise en liberté de M. Harkat constitue un danger pour la sécurité du Canada et, le cas échéant, si les conditions de sa mise en liberté peuvent neutraliser le danger (voir Charkaoui c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9, au paragraphe 119, 59 Imm LR (3d) 1 [Charkaoui 1]). Comme nous l’avons vu, la mise en liberté sous conditions de M. Harkat depuis 2005 n’a pas constitué un danger pour le Canada, et la situation n’a toujours pas changé aujourd’hui.

 

[26]           À ce stade‑ci, en mettant en balance le danger pour la sécurité du Canada associé à M. Harkat par rapport aux conditions de mise en liberté censées neutraliser ce danger, un juge désigné pourrait prendre en compte les facteurs suivants :

 

1.      l’appréciation par la Cour du danger pour la sécurité du Canada associé au demandeur, à la lumière des éléments de preuve présentés;

 

2.            les décisions antérieures relatives au danger et l’historique des procédures, à savoir les contrôles de la détention, la mise en liberté sous conditions et les décisions déjà rendues;

 

3.            le cas échéant, la décision relative au caractère raisonnable du certificat;

 

4.            l’incertitude quant à la fin éventuelle des procédures;

 

5.            les éléments de confiance et de crédibilité touchant le comportement du demandeur après sa mise en liberté sous conditions et son respect de celles‑ci;

 

6.            l’écoulement du temps;

 

7.            l’incidence des conditions de mise en liberté sur le demandeur et sur sa famille et la proportionnalité entre le danger que constitue M. Harkat et les conditions de sa mise en liberté (voir l’arrêt Charkaoui 1, précité, aux paragraphes 108 et 109; Harkat c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 416, au paragraphe 9, 312 FTR 50).

 

[27]           Il incombe aux ministres d’établir que le danger justifie l’imposition et le maintien de conditions de mise en liberté (voir la décision Mahjoub, 2013 CF 10, au paragraphe 14, 225 ACWS (3d) 122). Afin de démontrer ce danger, les ministres doivent présenter des éléments de preuve qui révèlent le danger, de même qu’une évaluation établissant si le danger est minimal ou grave et la justification de cette évaluation. Il revient ensuite au ministre de fixer les conditions. Pour statuer sur ces conditions, le juge désigné tient compte de l’ensemble de la preuve présentée par les deux parties lors des audiences publiques ou à huis clos lors des réexamens précédents ainsi que des observations faites par les avocats, y compris les avocats spéciaux.

 

[28]           Compte tenu du fait que le danger que représente M. Harkat pour la sécurité du Canada était considéré comme étant faible il y a trente (30) mois et qu’on l’estime beaucoup moindre aujourd’hui, la question à laquelle je devrai répondre est la suivante : quelles sont les conditions appropriées dans les circonstances actuelles?

 

[29]           Les facteurs mentionnés précédemment sont utiles pour fixer les conditions de mise en liberté susceptibles de neutraliser ce moindre danger pour la sécurité du Canada que représente M. Harkat.

 

[30]           À la suite de l’audience publique tenue le 11 juin 2013, les parties ont été invitées à présenter une ébauche des conditions qu’elles considèrent comme raisonnables et qui seraient, selon elles, susceptibles de contrer la menace que pose M. Harkat. De plus, les différentes options ont été examinées au cours d’une audience ex parte qui s’est tenue depuis et dont un résumé public a été publié. Il y a eu aussi des communications par correspondance entre tous les avocats, y compris les avocats spéciaux et la Cour. J’ai également accueilli une requête présentée par les avocats spéciaux visant à communiquer avec les avocats publics au sujet des options envisagées. Compte tenu de tous ces éléments, j’ai tiré les conclusions suivantes.

 

II.        L’évaluation de la menace à la sécurité du Canada que représente M. Harkat à la lumière de l’ensemble des éléments de preuve présentés

 

[31]           Le danger est considéré comme faible; compte tenu de l’écoulement du temps et du comportement du demandeur au regard du respect des conditions de sa mise en liberté, il est même encore plus faible qu’avant.

 

[32]           En comparant les circonstances actuelles aux événements entourant la délivrance du premier certificat, je conclus que la situation actuelle se situe à l’extrémité opposée du spectre. Au moment où le premier certificat a été délivré, le danger était considéré comme élevé. Or, le danger actuel se situe dans la portion inférieure du spectre. Cette situation milite en faveur d’un assouplissement supplémentaire des conditions de mise en liberté.

 

III.       Les décisions antérieures relatives au danger et l’historique des procédures, à savoir les contrôles de la détention et la mise en liberté sous conditions

 

[33]           M. Harkat a été détenu du 10 décembre 2002 (à la suite d’un renvoi à la Cour du certificat de sécurité de 2002) au 1er juin 2006, date de sa mise en liberté sous conditions. Durant cette période de détention, M. Harkat a demandé à être libéré, mais sans succès.

[34]           Au moment de sa mise en liberté, les conditions imposées pour neutraliser le danger associé à M. Harkat étaient comparables à une détention à domicile assortie d’une surveillance constante par l’ASFC. Pour quitter son domicile, le demandeur devait obtenir la permission de l’ASFC et porter à la cheville un bracelet GPS. La supervision assurée par son épouse et d’autres personnes accréditées était permanente. L’accès à la résidence était restreint à un petit nombre de personnes, dont les personnes qui avaient déposé une caution et les avocats du demandeur. Aux termes de ces conditions, l’ASFC était autorisée à intercepter toutes les conversations téléphoniques. Il était interdit à M. Harkat d’utiliser un téléphone mobile ou un ordinateur. Tout manquement entraînerait une nouvelle arrestation. La Cour avait estimé à l’époque que ces conditions neutralisaient le danger pour la sécurité du Canada.

 

[35]           Depuis que le second certificat a fait l’objet d’un renvoi à la Cour le 22 février 2008, la situation a évolué. La Cour a évalué régulièrement le danger et modifié ou assoupli en conséquence les conditions de mise en liberté. La Cour a progressivement autorisé des sorties. M. Harkat a demandé de réduire la supervision et, avec le temps, il a été autorisé à rendre des visites à l’intérieur et à l’extérieur de la région de la capitale nationale. Le demandeur et son épouse ont dû s’adapter à ces conditions strictes et, parfois, s’y sont opposés. Cela dit, ils se sont tous les deux adaptés de manière exemplaire et, comme il a été mentionné, ils se sont conformés aux conditions. L’ASFC a aussi appris à comprendre ses obligations en matière de supervision et elle s’en acquitte en manifestant de plus en plus d’attention et de compréhension envers la vie des Harkat. Cet environnement a amélioré le climat de coopération entre les parties concernées et favorisé une compréhension mutuelle de leurs rôles respectifs.

 

[36]           Les deux juges (la juge Dawson pour la procédure du premier certificat et le soussigné pour la procédure du second certificat) ont eu pour approche de suivre et d’analyser le fil des événements. Hormis quelques incidents qui se sont produits et qui ont soulevé des questions quant au respect des conditions par M. Harkat ou à l’attitude de l’ASFC dans l’exercice de son rôle de supervision, j’ai conclu que le danger diminuait et, en conséquence, j’ai assoupli les conditions de la mise en liberté. Je ne voyais pas la nécessité d’imposer des conditions plus strictes pour neutraliser le danger.

 

IV.       La décision sur le caractère raisonnable du certificat, le cas échéant

[37]           Sur le fondement des éléments de preuve présentés par les parties et admis par la Cour, celle‑ci a tiré des conclusions qui l’ont amenée à statuer que le certificat était raisonnable. La Cour a aussi conclu que le danger associé à M. Harkat existait encore, mais à un degré moindre. Comme je l’ai mentionné précédemment, la Cour d’appel fédérale a autorisé l’appel de cette décision, et la Cour suprême du Canada examinera à nouveau la procédure de certificat et d’autres questions au début d’octobre 2013.

 

[38]           Les conclusions tirées à l’époque reposaient sur les explications données par M. Harkat sur les événements entourant sa vie avant son arrivée au Canada et sa vie au Canada jusqu’au moment de son arrestation. Ces conclusions n’avaient trait ni à sa mise en liberté sous conditions, ni à son comportement ou à son respect des conditions pendant qu’il y était assujetti. J’aborderai plus loin ces éléments relatifs au comportement et au respect.

 

V.        L’incertitude quant à la fin éventuelle des procédures

[39]           Il n’y a pas de certitude quant à l’achèvement de ces procédures à moyen ou même à long terme. La Cour suprême du Canada va probablement rendre sa décision au cours de l’année 2014. Il serait inapproprié de la part de la Cour de présumer de l’issue de ces procédures; l’avenir à cet égard demeure donc incertain. Cela doit être pris en compte. Comme le note la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Charkaoui 1, précité, aux paragraphes 112 et 115, il s’agit d’un facteur important à considérer pour déterminer s’il y a lieu de mettre en liberté la personne désignée. À mon avis, ce facteur est également important lorsqu’on évalue les conditions d’une mise en liberté. Dans le contexte de la détention, la Cour suprême du Canada a estimé que l’incertitude quant à la durée de la détention milite en faveur de la remise en liberté. De même, l’incertitude quant à la durée future des procédures milite en faveur d’une plus grande ouverture à l’égard de l’assouplissement des conditions de mise en liberté.

 

VI.       Les éléments de confiance et de crédibilité liés au comportement du demandeur après avoir été mis en liberté sous conditions et son respect de celles‑ci

 

[40]           Comme il a déjà été mentionné dans la décision Harkat, 2009 CF 241, aux paragraphes 88 à 92, la confiance et la crédibilité sont des considérations essentielles dans le cadre d’un contrôle judiciaire du caractère approprié de conditions de mise en liberté, et des éléments clés pour la Cour qui examine ces conditions, et ce, encore aujourd’hui.

 

[41]           Dans cette même décision, aux paragraphes 67 et 68, la Cour a traité des conditions nécessaires quant à savoir si on peut faire confiance à M. Harkat et le considérer comme crédible. Elle a aussi déclaré que l’engagement et la fiabilité de Mme Harkat contribuent également au respect des conditions de mise en liberté (voir aussi les paragraphes 78 et 79).

 

[42]           Comme nous l’avons vu, M. Harkat se conforme depuis 2009 à toutes les conditions de sa mise en liberté, et il n’y a eu aucun problème. Comme le superviseur de l’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs de l’ASFC l’a dit clairement, [traduction] « il n’y a eu aucun manquement aux conditions » (voir le paragraphe 3 de son affidavit).

 

[43]           Les derniers affidavits déposés par M. et Mme Harkat démontrent aussi leur respect des conditions de mise en liberté et indiquent les raisons pour lesquelles il est important pour eux de faire en sorte qu’ils respectent ces conditions (voir l’affidavit de M. Harkat, aux paragraphes 25 à 27, et l’affidavit de Mme Harkat, au paragraphe 19). Nous n’avons aucun motif de mettre en doute ces déclarations. De fait, ils les ont déjà concrétisées sur une période relativement longue.

 

[44]           Cela dit, bien que M. Harkat ait démontré son respect des conditions de sa mise en liberté, j’entretiens encore certaines préoccupations (à leur degré le plus faible) quant au danger qu’il pose. Mes préoccupations justifient de maintenir un certain nombre de conditions pour neutraliser le danger, malgré le fait qu’il s’est atténué avec le temps.

 

VII.     L’écoulement du temps

[45]           Comme le note la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Charkaoui 1, précité, au paragraphe 113, l’écoulement du temps, lorsqu’on l’examine au regard des circonstances, peut indiquer que l’imminence du danger posé par la personne désignée décline.

 

[46]           Dans la décision de 2009, précitée, au paragraphe 77, la Cour note que la période d’incarcération a considérablement réduit le danger. Comme il est mentionné dans les plus récentes évaluations de la menace préparées par le SCRS et dans la dernière évaluation du risque faite par l’ASFC, depuis la mise en liberté de M. Harkat, de 2006 à 2013, soit depuis sept (7) ans, il ne s’est produit aucun événement, de quelque nature que ce soit, qui justifierait une évaluation à la hausse du danger posé par M. Harkat. Par conséquent, le danger évalué par la Cour n’a cessé de diminuer et se situe maintenant dans la portion inférieure du spectre. Le temps a exercé son influence positive.

 

VIII.    L’incidence des conditions de mise en liberté sur le demandeur et sa famille et la proportionnalité entre le danger que constitue M. Harkat et les conditions de sa mise en liberté

 

[47]           On demande aujourd’hui à la Cour d’examiner les conditions de mise en liberté, de juger si elles sont propres à neutraliser le danger et d’évaluer si elles sont disproportionnées par rapport au danger, eu égard à l’évaluation actuelle qu’en fait la Cour (voir l’arrêt Charkaoui 1, précité, aux paragraphes 116 et 119, ainsi que la décision de 2009 de la présente Cour, précitée, aux paragraphes 72 à 87).

 

[48]           Bien que les conditions aient été assouplies au fil du temps, elles sont encore aujourd’hui exigeantes et intrusives, et elles restreignent sérieusement la liberté de M. Harkat de même que celle de sa famille et de ses amis.

 

[49]           Les affidavits de M. et Mme Harkat décrivent leur vie telle qu’elle est dictée par l’exigence de respecter les conditions de mise en liberté. Il n’est pas surprenant de constater que ces conditions ont une influence considérable sur la vie des Harkat. Elles nuisent à la santé de M. Harkat, comme l’explique le dernier rapport médical. Le carcan des conditions de mise en liberté pèse de tout son poids sur la vie de Mme Harkat. Les conditions ont aussi des répercussions sur les relations familiales, notamment sur la famille immédiate de Mme Harkat. Que ce soit le bracelet GPS porté à la cheville, les contacts avec le personnel de l’ASFC, les exigences supplémentaires imposées à Mme Harkat pour coordonner le respect des conditions avec l’ASFC, ou l’interdiction faite à M. Harkat d’accéder à un téléphone mobile (sauf en cas d’urgence) ou à un ordinateur avec accès Internet, toutes ces conditions entraînent des inconvénients majeurs avec lesquels il est difficile de composer.

 

A. La décision

[50]           Les ministres se sont appuyés sur une évaluation de la menace préparée en septembre 2009 par le SCRS, évaluation qui n’a jamais été actualisée. La Cour, dans sa décision sur le caractère raisonnable du certificat, a conclu qu’en décembre 2010, le danger pour la sécurité du Canada associé à M. Harkat était « beaucoup moindre » qu’au moment de la signature du premier certificat. Depuis, selon l’évaluation du risque faite en janvier 2012 par l’ASFC, M. Harkat s’est conformé aux conditions de sa mise en liberté. L’affidavit du 8 mai 2013 du superviseur de l’exécution de la loi des bureaux intérieurs de l’ASFC, M. Connelly, confirme qu’il n’y a eu aucun manquement depuis janvier 2012 et que la surveillance des conditions de mise en liberté se déroule au mieux. M. Connelly estime aussi que certains assouplissements des conditions de mise en liberté sont nécessaires, mais qu’elles doivent être limitées aux modifications suivantes : un préavis de sept (7) jours à l’ASFC pour un déplacement à l’intérieur du Canada, pourvu que M. Harkat en fournisse l’itinéraire; le droit d’utiliser une ligne téléphonique terrestre pour les communications vocales et les transmissions par télécopieur; l’accès à un téléphone mobile de base sans accès Internet, pourvu que l’ASFC dispose du numéro de téléphone et supervise l’appareil en ayant un accès approprié au fournisseur du service. De plus, Mme Harkat pourra utiliser un téléphone mobile muni d’un accès à Internet qu’elle seule pourra utiliser. Les ministres estiment indiqué de maintenir la surveillance par GPS afin d’être en mesure de suivre les allées et venues de M. Harkat à l’intérieur du Canada.

 

[51]           Aux fins des présents motifs, j’ai pris connaissance de la décision de mon collègue le juge Blanchard dans la décision Mahjoub, précitée, et je souscris à son approche et à son analyse. Je sais qu’il a considérablement assoupli les conditions de mise en liberté et qu’il a, par exemple, levé les conditions exigeant le port à la cheville d’un bracelet GPS. Toutefois, chaque affaire doit être examinée en fonction des faits qui lui sont propres. De plus, une décision a été rendue en l’espèce par la Cour fédérale sur le caractère raisonnable du certificat, décision qui a été infirmée par la Cour d’appel fédérale et sur laquelle se prononcera la Cour suprême du Canada en octobre 2013.

 

[52]           Après avoir examiné l’ensemble des conditions actuelles, je suis parvenu à la conclusion qu’elles sont disproportionnées par rapport à l’évaluation du danger pour la sécurité du Canada, danger qui se situe maintenant dans la portion inférieure du spectre. À cet égard, voici quelques‑uns des motifs qui m’ont amené à cette conclusion :

 

 

1.            M. Harkat est placé sous la surveillance vigilante des autorités canadiennes depuis son arrivée au Canada en 1995. Il a été détenu de 2002 à 2006 et a depuis fait l’objet d’une mise en liberté sous conditions qui l’assujettit à une supervision complète.

 

2.            M. Harkat n’a contacté, du moins depuis 2002, aucun individu indésirable qui pourrait l’associer directement ou indirectement au terrorisme.

 

3.            Les conditions de sa mise en liberté fixées à l’origine et celles qui ont fait l’objet d’adaptations au fil du temps ont neutralisé le danger pour la sécurité du Canada, celle‑ci ayant été périodiquement évaluée.

 

4.            Selon la dernière évaluation de la menace, qui remonte à septembre 2009, le niveau de menace est faible. Aucune mise à jour n’a été versée au dossier récemment. J’estime que le risque de danger est toujours présent aujourd’hui, mais qu’il se situe dans la portion inférieure du spectre.

 

5.            Au moins depuis 2008, M. Harkat a respecté les conditions de sa mise en liberté et s’y est conformé. Compte tenu de son comportement irréprochable, il s’est mérité un niveau de confiance accru de la part de la Cour.

 

6.            Mme Harkat a constamment veillé à ce que M. Harkat respecte les conditions de sa mise en liberté, et le soutien qu’elle lui a apporté a aussi renforcé le facteur de confiance dont la Cour entend tenir compte.

 

7.            Des preuves médicales indiquent que M. Harkat souffre des répercussions des conditions de sa mise en liberté et du fait d’être visé par un certificat de sécurité.

 

[53]           Il convient donc d’examiner la demande de M. Harkat de lever certaines des conditions de sa mise en liberté afin de les adapter à cette nouvelle situation.

 

[54]           Il ne s’agit pas de permettre à M. Harkat de s’adonner à des activités quotidiennes comme c’était le cas dans le passé, mais plutôt d’assurer une supervision appropriée de ces activités. Il y a un temps pour chaque chose, et le temps est venu de passer à d’autres considérations.

 

[55]           Il y a eu le régime de la détention à domicile, de la supervision stricte des sorties, puis des sorties seul muni d’un GPS et de l’interdiction d’accès à un ordinateur. Comme il a été constaté, les circonstances ont changé. Le danger initial s’est considérablement atténué. Au fil du temps, M. Harkat s’est conformé aux conditions strictes. Les conditions de sa mise en liberté doivent donc être adaptées à cette nouvelle réalité favorable à M. Harkat.

[56]           J’estime que le temps de la surveillance au moyen d’un GPS est révolu. Depuis son mariage, M. Harkat s’est adapté à son nouveau milieu. Il est une personne connue, qui a développé une relation stable et qui s’est fait de nouveaux amis. Il doit beaucoup à sa famille et à ses amis, et il ne peut se permettre de les décevoir en manquant à l’une ou l’autre des conditions de sa mise en liberté qui sont toujours en vigueur. Les conséquences pour lui sont trop importantes.

 

[57]           J’estime également que M. Harkat peut utiliser un téléphone mobile doté de fonctions de composition et de réception d’appels et de messagerie texte, pourvu qu’il consente à ce que l’ASFC exerce une supervision en détenant le numéro du téléphone et l’information relative au fournisseur du service. De plus, à sa résidence, il pourra avoir accès à un ordinateur de bureau doté d’un accès Internet. Chaque mois, à un moment choisi par l’ASFC, M. Harkat donnera à l’ASFC l’accès à son ordinateur afin qu’elle puisse en faire l’inspection dans ses bureaux. À tout autre moment, l’ASFC pourra, en vertu d’une requête justifiée auprès d’un juge désigné, accéder à l’ordinateur de M. Harkat. Il va sans dire qu’il sera interdit à M. Harkat d’utiliser son ordinateur pour accéder à des sites sur le jihad ou à tout autre site de cette nature et de communiquer avec quiconque est susceptible d’avoir des liens directs ou indirects avec le jihad ou le terrorisme.

 

[58]      M. Harkat pourra continuer d’utiliser une ligne téléphonique terrestre familiale avec des fonctions de télécopie.

 

[59]      Pour ce qui est du préavis de déplacement à l’extérieur de la région de la capitale nationale, M. Harkat sera tenu de donner un préavis de cinq (5) jours ouvrables à l’ASFC concernant son déplacement ainsi que l’itinéraire de celui‑ci, et il devra communiquer à l’ASFC tout changement à l’itinéraire dans les plus brefs délais.

 

[60]      En ce qui concerne Mme Harkat, elle peut avoir accès à toute technologie de communication dont elle a besoin, à condition que l’accès lui soit réservé en exclusivité.

 

[61]      J’estime que ces modifications aux conditions de mise en liberté, en plus du reste des conditions, suffiront à neutraliser le danger évalué dans les présents motifs.

 

[62]      Les autres conditions de mise en liberté se résument comme suit :

 

1.            La somme de 35 000 $ qui a été consignée à la Cour en application de l’article 149 des Règles des Cours fédérales, à la suite de la mise en liberté de M. Harkat, demeure consignée à la Cour. En cas de manquement à l’une ou l’autre des conditions de l’ordonnance, les ministres pourront solliciter une ordonnance portant que le montant total, plus les intérêts courus, soit versé au procureur général du Canada.

 

2.            Les cautionnements de bonne exécution actuels demeurent une condition de mise en liberté.

 

3.            M. Harkat doit continuer de résider au                               , dans la ville d’Ottawa (Ontario) (résidence) avec Mme Sophie Harkat. Afin que soit protégée la vie privée de ces personnes, l’adresse de la résidence ne figurera pas dans le dossier public de la présente instance.

 

4.            M. Harkat doit faire connaître tout changement d’adresse à la Cour, aux ministres et à l’Agence des services frontaliers du Canada avec un préavis d’au moins soixante‑douze (72) heures avant la prise d’effet du changement. Aucune autre personne ne pourra occuper le domicile avant d’y être autorisée par l’ASFC.

 

5.            M. Harkat doit se rapporter à l’ASFC une fois par semaine, au jour et à l’heure fixés par un représentant de l’ASFC.

 

 

6.            M. Harkat ne doit, en aucun temps ni d’aucune manière, s’associer ou communiquer directement ou indirectement avec :

                                                                          i)      une personne dont M. Harkat sait ou devrait savoir qu’elle soutient le terrorisme ou le jihad violent ou qui a fréquenté un camp d’entraînement ou une installation d’accueil géré par une entité qui soutient le terrorisme ou le jihad violent; il ne peut accéder d’aucune manière à quelque site que ce soit qui milite en faveur du jihad;

                                                                        ii)      toute personne dont M. Harkat sait ou devrait savoir qu’elle a un casier judiciaire, ou qu’elle représente une menace pour la sécurité nationale;

                                                                      iii)      les personnes que la Cour pourrait éventuellement désigner dans une ordonnance modifiant la présente ordonnance.

 

7.            Sous réserve d’une autorisation judiciaire, l’ASFC peut uniquement  accéder à la résidence de M. Harkat aux fins de vérifier le respect des conditions de sa mise en liberté.

 

8.            Le passeport et les documents de voyage de M. Harkat demeurent en la possession de l’ASFC.

 

9.            Si son renvoi du Canada est ordonné, M. Harkat devra se présenter aux autorités selon les consignes qui lui seront données en vue de son renvoi.

 

10.        M. Harkat est tenu de comparaître en Cour à toutes les audiences et pour toutes les instances ou procédures en vertu de la LIPR.

 

11.        Il est interdit à M. Harkat de posséder une arme, des substances nocives ou des explosifs, ou de tout élément entrant dans la composition d’armes, de substances nocives ou d’explosifs.

 

12.        M. Harkat doit avoir une bonne conduite et s’abstenir de troubler l’ordre public.

 

13.        S’il a des motifs raisonnables de croire qu’une condition de la présente ordonnance n’a pas été respectée, tout agent de l’ASFC ou agent de la paix peut procéder à l’arrestation sans mandat de M. Harkat et le placer en détention. Dans les 48 heures qui suivent, un juge de la Cour, désigné par le juge en chef, devra décider s’il y a eu manquement à une condition de la présente ordonnance, s’il y a lieu de modifier les conditions de la présente ordonnance et s’il y a lieu de poursuivre la détention M. Harkat.

 

14.        Tout manquement à la présente ordonnance constitue une infraction au sens de l’article 127 du Code criminel, LRC 1985, c C‑46, ainsi qu’une infraction visée à l’alinéa 124(1)a) de la LIPR.

 

[63]      Il est demandé aux parties de discuter des modalités relatives à la mise en œuvre des nouvelles conditions et des modifications aux conditions existantes, et de rédiger de nouvelles conditions de mise en liberté. Celles‑ci deviendront, sous réserve de l’approbation de la Cour, l’annexe d’une ordonnance signée et rendue par la Cour. Si les parties ne peuvent arriver à un accord, elles devront faire rapport à la Cour, qui devra trancher la ou les questions en litige. Le bracelet GPS porté à la cheville peut être retiré dès aujourd’hui.

 

 

« Simon Noël »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    DES‑5‑08

 

INTITULÉ :                                                  MOHAMED HARKAT c
LE MINISTRE DE LA
CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Ottawa (Ontario)

 

DATES DE L’AUDIENCE :                      Audience publique :    le 11 juin 2013

 

                                                                        Audience à huis clos : le 18 juin 2013

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :             LE JUGE NOËL

 

DATE DE L’ORDONNANCE :                 Le 17 juillet 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Tyndale

Philippe Lacasse (audience à huis clos)

 

POUR LES MINISTRES

 

M. Webber

L. Russomanno

 

POUR LES DÉFENDEURS

P. Copeland

 

AVOCAT SPÉCIAL

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES MINISTRES

 

Webber Schroeder Goldstein

Ottawa (Ontario)

 

POUR MOHAMED HARKAT

 

Paul Copeland

Toronto (Ontario)

AVOCAT SPÉCIAL

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.