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Date : 20130702

Dossier : T-1531-12

Référence : 2013 CF 733

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 2 juillet 2013

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

 

Énergie atomique du Canada limitée

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

JOSEPH WILSON

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Aperçu

 

[1]               En 2009, la demanderesse, Énergie atomique du Canada limitée (EACL), a renvoyé sans motif M. Joseph Wilson et lui a versé six mois de salaire à titre d’indemnité de départ. M. Wilson a porté plainte pour congédiement injuste.

 

[2]               Un arbitre en ressources humaines nommé en vertu du paragraphe 242(1) du Code canadien du travail, LRC 1985, c L-2 (CCT – voir à l’annexe les dispositions auxquelles il est fait référence) a conclu que le CCT ne permet que les congédiements justifiés. Il a donc conclu que la plainte de M. Wilson pour congédiement injuste était fondée. Il restait à régler la question de la réparation appropriée. Il a demandé aux parties d’en discuter, et il a ajourné l’audience jusqu’à ce que la présente demande de contrôle judiciaire soit entendue et tranchée.

 

[3]               EACL soutient que la décision de l’arbitre est déraisonnable parce qu’elle n’est pas conforme à une juste interprétation du CCT ni à la jurisprudence pertinente. Elle me demande d’annuler la décision de l’arbitre et de déclarer ses conclusions erronées.

 

[4]               M. Wilson soutient que la décision de l’arbitre est raisonnable et que je devrais rejeter la demande de contrôle judiciaire d’EACL. En outre, il affirme que ladite demande de contrôle judiciaire est prématurée puisque l’arbitre ne s’est pas encore prononcé sur la réparation appropriée. Donc, EACL demande le contrôle judiciaire d’une décision interlocutoire, ce que décourage fortement la jurisprudence.

 

[5]               Je suis d’avis que la décision de l’arbitre est une décision définitive sur le bien‑fondé de la plainte de M. Wilson et que, par voie de conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire n’est pas prématurée. De plus, je suis d’avis que la conclusion de l’arbitre selon laquelle le CCT ne prévoit des recours que pour les congédiements justifiés est déraisonnable. Je dois donc accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner à l’arbitre de déterminer la réparation appropriée.

 

[6]               Deux questions se posent :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire est-elle prématurée?

2.                  La décision de l’arbitre est-elle déraisonnable?

 

II.        Décision de l’arbitre

 

[7]               L’arbitre fait remarquer qu’il existe deux courants jurisprudentiels en matière de renvoi sans motif. Suivant le premier courant, les mesures de réparation disponibles en vertu du CCT à l’égard de tels renvois sont les préavis ou les indemnités de départ (articles 230 et 235). Suivant le deuxième courant, lorsqu’un employé conteste son congédiement, le large éventail des réparations pour congédiement injuste (article 242) est disponible, peu importe que l’employeur ait versé ou non une indemnité de départ à l’employé.

 

[8]               L’arbitre a déterminé qu’il n’avait pas à se prononcer sur ce point parce qu’il était lié par la décision de la Cour fédérale Redlon Agencies Ltd c Norgren, 2005 CF 804 [Redlon], dans laquelle le juge John O’Keefe dit que les employeurs ne peuvent se soustraire aux mesures de réparation disponibles en vertu du CCT en cas de congédiement injuste simplement en versant une indemnité de départ. Selon l’interprétation qu’en fait l’arbitre, cette décision voudrait dire que les employés congédiés sans motif peuvent se prévaloir des recours prévus en cas de congédiement injuste et qu’en conséquence, EACL ne pouvait pas légalement renvoyer M. Wilson sans motif.

 

[9]               Ainsi, l’arbitre a estimé qu’EACL ne pouvait pas éviter que la question du caractère injuste du congédiement de M. Wilson soit soulevée du simple fait qu’une indemnité de départ lui avait été versée. M. Wilson pouvait valablement intenter un recours pour renvoi injustifié ouvrant droit à une mesure de réparation en vertu du CCT.

 

III.             Première question en litige – La demande de contrôle judiciaire est-elle prématurée?

 

[10]           M. Wilson affirme que la présente demande de contrôle judiciaire est prématurée. L’arbitre ne s’est pas entièrement acquitté de sa tâche. Il a tranché la question de savoir si le congédiement de M. Wilson était injuste  il l’était, de l’avis de l’arbitre, parce qu’EACL n’a pas précisé le motif de son congédiement  et il a laissé ouverte la question de la mesure de réparation appropriée. Selon M. Wilson, EACL aurait par conséquent dû attendre que cette dernière question soit tranchée avant de déposer la présente demande.

 

[11]           À mon avis, la demande n’est pas prématurée.

 

[12]           De façon générale, les tribunaux ne sont pas favorables au fractionnement des procédures et elles encouragent les parties à mener à terme le processus devant la juridiction inférieure avant de s’adresser à la Cour : Canada (Agence des services frontaliers) c CB Powell Ltd, 2010 CAF 61, aux paragraphes 31-32.

 

[13]           Cependant, les tribunaux ont aussi reconnu qu’il existe des exceptions. Des circonstances exceptionnelles peuvent justifier la présentation d’une demande de contrôle judiciaire même si le tribunal administratif n’a pas terminé son travail : Powell, précitée, au paragraphe 33.

 

[14]           En l’espèce, l’arbitre a scindé la demande dont il était saisi. Il a rendu une décision définitive sur le bien-fondé de la plainte de M. Wilson et laissé ouverte la question de la réparation. Il espérait que les parties règlent la question à l’amiable, ce qui aurait rendu inutile la poursuite de l’instance.

 

[15]           En l’espèce, je crois qu’EACL avait raison de présenter sa demande de contrôle judiciaire de la décision de l’arbitre selon laquelle le congédiement de M. Wilson était injuste. L’arbitre a rendu une décision définitive sur le fond de l’affaire dont il était saisi. En outre, si EACL avait attendu que l’arbitre se prononce sur la réparation, la question de droit qu’elle soulève aurait pu devenir sans objet (p. ex. si l’arbitre avait conclu que l’indemnité de départ qu’EACL avait déjà versée à M. Wilson représentait une juste compensation). Dans un tel scénario, EACL n’aurait probablement pas pu contester la conclusion de l’arbitre selon laquelle le CCT ne reconnaît que les congédiements justifiés.

 

[16]           L’audition de la présente demande de contrôle judiciaire à ce stade n’engendre ni délai ni coûts supplémentaires, des conséquences que cherche à éviter la règle générale contre le fractionnement des procédures administratives. L’arbitre a expressément reporté sa décision sur la question de la réparation en attendant l’audition de la présente instance. Par ailleurs, il ne s’agit pas d’une situation où la demanderesse aurait dû attendre de voir si le tribunal allait au bout du compte trancher en sa faveur puisque celui‑ci avait déjà rendu sur le fond de la plainte une décision qui lui était défavorable.

 

[17]           Par conséquent, je suis d’avis que la présente demande de contrôle judiciaire n’est pas prématurée.

 

IV.             Deuxième question – La décision de l’arbitre est-elle déraisonnable?

 

[18]           M. Wilson soutient que l’arbitre a conclu avec raison qu’il était lié par la décision Redlon.

 

[19]           Je ne suis pas d’accord. La décision Redlon n’appuie pas la proposition selon laquelle le CCT ne permet que les congédiements justifiés, contrairement à ce que l’arbitre cherchait à établir en s’y référant.

 

[20]           Dans l’affaire Redlon, l’employeur avait congédié un employé, croyant que celui-ci avait atteint l’âge de la retraite selon les lois de la province. L’employeur entretenait aussi certaines préoccupations concernant la capacité de l’employé de continuer d’occuper son poste.

 

[21]           L’employé a porté plainte en soutenant que son emploi était régi par le CCT et non par les lois de la province. En outre, il a fait valoir que l’employeur n’avait pas établi qu’il était incapable d’accomplir les tâches de l’emploi.

 

[22]           L’arbitre a convenu que l’employeur était régi par le CCT, a conclu que l’employeur n’avait pas réussi à justifier le congédiement de son employé, et lui a accordé des dommages‑intérêts de 5 500 $ pour congédiement injuste.

 

[23]           Lors du contrôle judiciaire, l’employeur a fait valoir que l’arbitre avait commis une erreur en lui ordonnant de verser une indemnité pour congédiement injuste puisqu’il n’était pas tenu de payer une indemnité de départ. À l’époque, le CCT prévoyait qu’un employeur qui congédiait un employé ayant droit à une pension était réputé ne pas avoir mis fin à son emploi (alinéa 235(2)b abrogé depuis). Il n’avait donc pas droit à une indemnité de départ.

 

[24]           Le juge O’Keefe a conclu que l’indemnisation accordée par l’arbitre ne constituait pas une indemnité de départ. Il s’agissait d’une indemnisation pour congédiement injuste. Il a aussi accepté les conclusions de fait de l’arbitre selon lesquelles l’employeur n’avait pas démontré le bien-fondé de sa décision de congédier son employé. En conséquence, l’octroi de dommages‑intérêts n’était pas déraisonnable. Le juge O’Keefe a conclu que l’employeur n’était pas tenu de verser une indemnité de départ en vertu du CCT, mais qu’il était quand même tenu de verser une indemnisation pour congédiement injuste. Dans ce contexte, il a ajouté que l’employeur « ne peut éviter l’application des dispositions sur le congédiement injuste en ayant recours aux dispositions sur le versement d’indemnités » (au paragraphe 39).

 

[25]           Le juge O’Keefe n’a pas dit que le CCT ne reconnaît que les congédiements justifiés. Son affirmation générale selon laquelle le versement d’une indemnité de départ n’est pas une défense contre l’octroi de dommages-intérêts pour congédiement injuste n’est pas matière à controverse. Elle signifie simplement que lorsqu’un arbitre conclut que la raison invoquée par l’employeur pour congédier un employé ne résiste pas à l’examen, l’employé peut avoir droit à une indemnisation plus élevée que l’indemnité de départ que l’employeur peut avoir versée. Cependant, cette affirmation ne signifie pas que les employeurs régis par le CCT ne peuvent renvoyer des employés sans motif. Le juge O’Keefe ne s’est simplement pas penché sur cette question et il n’avait pas à le faire, étant donné les faits de l’espèce. Comme l’employeur n’avait pas versé d’indemnité de départ, rien ne permettait d’avancer que l’employeur avait cherché à éviter le paiement d’une indemnisation pour congédiement injuste en versant une indemnité de départ. Le fait que l’employé n’avait pas droit à une indemnité de départ ne signifiait pas qu’il ne pourrait pas obtenir d’indemnisation pour congédiement injuste.

 

[26]           Dans le cas qui nous occupe, l’arbitre s’est appuyé à tort sur la décision Redlon pour étayer la proposition selon laquelle les employeurs régis par le CCT ont l’obligation de justifier leur décision de congédier un employé. L’arbitre a aussi fait mention de deux décisions arbitrales à l’appui de sa conclusion que le CCT ne reconnaît que les congédiements justifiés, mais ces deux décisions n’étayent pas cette proposition non plus.

 

[27]           Dans la première (Chan c Okanagan Indian Band, [2010] CLAD no 192 [Chan]), le plaignant alléguait qu’il avait été congédié injustement lorsque son contrat de trois ans avait été résilié après deux ans, en dépit du fait que son employeur avait accepté de lui verser l’indemnité de départ prévue au contrat. Devant l’arbitre, l’employeur a tenté de retirer sa première allégation portant qu’il avait un motif valable de congédier le plaignant. L’arbitre a estimé que ni la résiliation du contrat accompagné d’une indemnité de départ ni le retrait par l’employeur de son allégation relative à l’existence d’un motif de congédiement ne faisaient pas obstacle à l’examen de la question de savoir si le congédiement de l’employé était injuste. Selon l’arbitre, [traduction] « le paiement de l’indemnité minimale prévue au Code ne fait pas automatiquement obstacle à l’examen du caractère injuste d’un renvoi sous le régime de la Section XIV, même si un employé a accepté de procéder de cette façon dans son contrat d’emploi » (au paragraphe 33). En termes simples, dans une affaire où l’employeur avait allégué qu’il avait un motif valable de congédier l’employé, l’arbitre a conclu que le versement d’une indemnité de départ n’empêchait pas forcément d’examiner la question de savoir si l’employé avait été congédié injustement. Il n’a pas dit que seuls les congédiements justifiés sont permis en vertu du CCT.

 

[28]           Dans la deuxième affaire (Connors c H&R Transport Ltd, [2011] CLAD no 355 [Connors]), le plaignant alléguait qu’il avait été congédié injustement après que son employeur eut conclu qu’il n’avait pas observé les politiques et les pratiques de l’entreprise. L’employeur lui a versé environ un mois de salaire à titre d’indemnité de départ. Devant l’arbitre, l’employeur a tenté de soutenir que le renvoi était en réalité un renvoi sans motif et que, par conséquent, le plaignant n’avait droit qu’à l’indemnité de départ et non à une indemnisation ni à d’autres réparations. L’arbitre a conclu que l’employeur ne pouvait revenir sur sa première affirmation selon laquelle l’employé avait été congédié pour un motif valable. La question à trancher était donc de savoir si le motif pour lequel l’employeur avait congédié le plaignant était un motif valable. L’arbitre a estimé que le motif invoqué par l’employeur n’était pas étayé par la preuve et que, par conséquent, le congédiement était injuste. Il a ordonné le paiement d’un mois de salaire de plus à titre d’indemnisation. L’arbitre a souligné que [traduction] « l’expression “congédiement injuste” exclut le droit d’un employeur de congédier en tout temps un employé sans motif en lui versant une indemnité de départ ou des dommages-intérêts tenant lieu de préavis » (au paragraphe 42). Hors contexte, cette affirmation semble appuyer la position de l’arbitre dans le dossier de M. Wilson. Toutefois, dans la décision Connors, l’arbitre explique plus loin qu’il faut analyser la question du caractère juste du congédiement du plaignant même lorsque l’employeur lui a versé une indemnité de départ. Là encore, comme dans la décision Chan, l’arbitre a simplement fait remarquer que le paiement d’une indemnité de départ ne fait pas obstacle à l’examen du caractère juste du renvoi d’un employé dans les causes où cette question se pose. Il n’a pas dit qu’il ne peut y avoir de congédiement sans motif sous le régime du CCT.

 

[29]           Ni l’une ni l’autre de ces décisions n’appuie la thèse selon laquelle le CCT ne reconnaît que les congédiements justifiés. La décision Chan nous enseigne que le paiement d’une indemnité de départ n’empêche pas d’examiner la question de savoir si l’employé a été injustement congédié. La décision Connors établit qu’un employeur qui dit avoir congédié un employé pour motif valable ne peut éviter de l’indemniser s’il n’est pas démontré que le congédiement était justifié, et ce, même dans les cas où l’employé a touché une indemnité de départ.

 

[30]           En conséquence, rien ne me permet de conclure à l’existence des deux camps divergents dont l’arbitre fait mention dans sa décision. Ni l’une ni l’autre des décisions arbitrales qu’il a invoquées pour étayer l’argument selon lequel le CCT ne permet que des congédiements justifiés ne reconnaît effectivement cette thèse.

 

[31]           Je constate aussi que la seule décision arbitrale dont le juge O’Keefe fait mention dans la décision Redlon, à savoir la décision Goodwin c Conair Aviation Ltd, [2002] CLAD no 602, était aussi mentionnée dans l’affaire Connors. Dans l’affaire Goodwin, l’employeur avait tenté de présenter le congédiement du plaignant comme un congédiement sans motif, mais avait néanmoins invoqué plusieurs raisons pour justifier sa décision de mettre fin à l’emploi du plaignant. L’arbitre a fait une distinction entre les renvois économiques et administratifs, d’une part, et ceux fondés sur un motif, d’autre part. Il a conclu que les employeurs ne pouvaient se soustraire par contrat aux dispositions du CCT qui prévoient des recours en cas de congédiement injuste, ni les éviter purement et simplement en versant une indemnité de départ. L’arbitre a donc conclu que les motifs invoqués par l’employeur pour congédier le plaignant étaient insuffisants et, par conséquent, non valables. Une fois encore, la décision n’étaye pas la thèse selon laquelle les employeurs régis par le CCT peuvent uniquement renvoyer leurs employés pour un motif valable.

 

[32]           M. Wilson s’est fortement appuyé sur la décision du juge Marc Nadon dans l’affaire Wolf Lake First Nation c Young, [1997] ACJ no 514 (CF 1re inst.) (QL), pour étayer sa thèse selon laquelle le CCT ne permet que les renvois justifiés. Je ferais d’abord remarquer que le juge Nadon a discuté de ce point de façon purement incidente. Il a conclu que la demande de contrôle judiciaire qui lui était soumise était prescrite (aux paragraphes 11-12). Toutefois, il s’est permis de faire « quelques brèves remarques » sur le bien-fondé de la cause. Dans le passage cité par M. Wilson, le juge Nadon mentionne qu’une personne ayant été injustement congédiée doit être indemnisée au-delà d’une simple indemnité de départ. Cette personne a subi un tort et devrait être « indemnisée pour avoir été traitée de façon incorrecte » (au paragraphe 47).

 

[33]           Le juge Nadon a formulé ses remarques sous la rubrique « Le montant des dommages‑intérêts ». Il y était question des dommages‑intérêts qu’il convient d’accorder à un employé dont le congédiement pour cause est jugé injuste. Il ne faisait que souligner qu’une indemnisation plus élevée que l’indemnité de départ prévue constituerait une réparation appropriée dans une telle situation. Il a explicitement fait la distinction entre les congédiements administratifs, à l’égard desquels l’indemnité de départ est la réparation appropriée, et d’autres formes de congédiement injustes, à l’égard desquelles il y aurait lieu d’accorder une indemnisation supplémentaire. Il ne dit nulle part que le CCT ne permet que les congédiements justifiés.

 

[34]           Voici selon moi ce en quoi consiste le régime établi par le CCT en matière de congédiement.

 

[35]           Un employeur peut congédier un employé sans motif pourvu qu’il lui donne un préavis ou une indemnité de départ (articles 230 et 235). Si un employé croit que les conditions de son congédiement sont injustes, il peut porter plainte (article 240). Les seules exceptions reconnues au droit général de porter plainte sont les cas de licenciement découlant d’un manque de travail ou de la suppression d’un poste ou les cas où la loi confère un autre recours à l’employé (paragraphe 242(3.1)).

 

[36]           Par ailleurs, un employé peut porter plainte s’il croit que le motif invoqué par l’employeur pour le renvoyer était injustifié ou si le congédiement était autrement injuste (p. ex. congédiement fondé sur un motif discriminatoire ou fait par représailles) (paragraphe 240(1)). Si l’arbitre saisi de la plainte conclut pour quelque raison que ce soit que le congédiement était injuste, il jouit de larges pouvoirs de réparation lui permettant d’indemniser l’employé, de le réintégrer dans son emploi ou de prendre toute autre mesure qu’il juge équitable (paragraphe 242(4)).

 

[37]           Le fait qu’un employeur ait versé à l’employé une indemnité de départ n’empêche pas un arbitre d’accorder d’autres mesures de réparation lorsqu’il conclut que le congédiement était injuste. De même, rien n’étaye la conclusion selon laquelle le CCT ne permet que les congédiements justifiés. Une conclusion en ce sens ferait fi des mesures de réparation prévues aux articles 230 et 235 (c.-à-d. le préavis et l’indemnité de départ) pour les personnes congédiées sans motif.

 

[38]           Mon interprétation du CCT trouve appui dans les décisions arbitrales suivantes : Halkovich c Fairford First Nation, [1998] CLAD no 486, aux paragraphes 99-110; D McCool Transport Ltd c Bosma, [1998] CLAD no 315, au paragraphe 15; et Chalifoux c Driftpile First Nation‑Driftpile River Band No 450, [2000] CLAD no 368, aux paragraphes 12‑13, confirmée pour d’autres motifs par Chalifoux c Première Nation de Driftpile, 2001, CFPI 785, et Chalifoux c Première Nation de Driftpile, 2002 CAF 521; et Prosper c PPADC Management Co, [2010] CLAD no 430, au paragraphe 16.

 

[39]           Il importe aussi de souligner que, si l’intention du législateur avait été de créer dans la Partie III du CCT un régime dans lequel les employeurs ne pourraient procéder qu’à des congédiements justifiés, il n’aurait manifestement pas introduit les articles 230 et 235. Par ailleurs, le désir de créer un tel régime aurait facilement pu être énoncé dans le Code, comme le législateur l’a fait dans la Loi sur la gestion des finances publiques, LRC 1985, c F-11, paragraphe 12(3), et la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, LC 2000, c 17, alinéa 49(3)b).

 

[40]           Par conséquent, je dois conclure que la décision de l’arbitre était déraisonnable. Dans les circonstances, il est inutile d’ordonner une nouvelle audience devant un arbitre différent. Comme la question de la réparation n’est pas réglée, il reste simplement à l’arbitre de déterminer si les conditions du congédiement de M. Wilson étaient justes.

 

[41]           Par conséquent, je renvoie cette affaire à l’arbitre pour qu’il détermine la réparation appropriée.

 

IV.       Conclusion et dispositif

 

[42]           La demande de contrôle judiciaire n’a pas été présentée de façon prématurée étant donné que l’arbitre a rendu une décision définitive sur le bien-fondé de la plainte de M. Wilson. Cependant, j’estime que l’arbitre a décidé de façon déraisonnable qu’il devait, en raison de la décision Redlon, conclure que le CCT ne permet que les congédiements justifiés. Cette décision n’étaye aucunement cette affirmation générale.

 

[43]           Par conséquent, je dois accueillir la présente demande. Je renvoie l’affaire à l’arbitre pour qu’il détermine si les conditions de la cessation d’emploi de M. Wilson étaient injustes. Toutefois, aucuns dépens ne sont adjugés contre M. Wilson étant donné que la présente demande a permis de régler un point de droit important applicable bien au-delà du litige entre les parties.


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE :

1.                  que la demande de contrôle judiciaire est accueillie;

2.                  que l’affaire est renvoyée à l’arbitre pour qu’il détermine la réparation appropriée; et

3.                  qu’aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 


ANNEXE

0

Code canadien du travail, LRC (1985), ch L-2

 

Section X : Licenciements individuels

 

 

Préavis ou indemnité

 

  230. (1) Sauf cas prévu au paragraphe (2) et sauf s’il s’agit d’un congédiement justifié, l’employeur qui licencie un employé qui travaille pour lui sans interruption depuis au moins trois mois est tenu :

 

 

a) soit de donner à l’employé un préavis de licenciement écrit d’au moins deux semaines;

 

b) soit de verser, en guise et lieu de préavis, une indemnité égale à deux semaines de salaire au taux régulier pour le nombre d’heures de travail normal.

 

 

 

[…]

 

Section XI : Indemnité de départ

 

Minimum

 

  235. (1) L’employeur qui licencie un employé qui travaille pour lui sans interruption depuis au moins douze mois est tenu, sauf en cas de congédiement justifié, de verser à celui-ci le plus élevé des montants suivants :

 

 

 

a) deux jours de salaire, au taux régulier et pour le nombre d’heures de travail normal, pour chaque année de service;

 

 

 

 

b) cinq jours de salaire, au taux régulier et pour le nombre d’heures de travail normal.

 

 

[…]

 

 

Section XIV : Congédiement injuste

 

 

Plainte

 

  240. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et 242(3.1), toute personne qui se croit injustement congédiée peut déposer une plainte écrite auprès d’un inspecteur si :

 

a) d’une part, elle travaille sans interruption depuis au moins douze mois pour le même employeur;

 

b) d’autre part, elle ne fait pas partie d’un groupe d’employés régis par une convention collective.

 

 

 

[…]

 

Renvoi à un arbitre

 

  242. (1) Sur réception du rapport visé au paragraphe 241(3), le ministre peut désigner en qualité d’arbitre la personne qu’il juge qualifiée pour entendre et trancher l’affaire et lui transmettre la plainte ainsi que l’éventuelle déclaration de l’employeur sur les motifs du congédiement.

 

 

 

Pouvoirs de l’arbitre

 

(2) Pour l’examen du cas dont il est saisi, l’arbitre :

 

a) dispose du délai fixé par règlement du gouverneur en conseil;

 

b) fixe lui-même sa procédure, sous réserve de la double obligation de donner à chaque partie toute possibilité de lui présenter des éléments de preuve et des observations, d’une part, et de tenir compte de l’information contenue dans le dossier, d’autre part;

 

c) est investi des pouvoirs conférés au Conseil canadien des relations industrielles par les alinéas 16a), b) et c).

 

 

 

 

Décision de l’arbitre

 

(3) Sous réserve du paragraphe (3.1), l’arbitre :

 

a) décide si le congédiement était injuste;

 

b) transmet une copie de sa décision, motifs à l’appui, à chaque partie ainsi qu’au ministre.

 

 

 

 

 

Restriction

 

(3.1) L’arbitre ne peut procéder à l’instruction de la plainte dans l’un ou l’autre des cas suivants :

 

a) le plaignant a été licencié en raison du manque de travail ou de la suppression d’un poste;

 

b) la présente loi ou une autre loi fédérale prévoit un autre recours.

 

 

Cas de congédiement injuste

 

(4) S’il décide que le congédiement était injuste, l’arbitre peut, par ordonnance, enjoindre à l’employeur :

 

 

a) de payer au plaignant une indemnité équivalant, au maximum, au salaire qu’il aurait normalement gagné s’il n’avait pas été congédié;

 

 

b) de réintégrer le plaignant dans son emploi;

 

c) de prendre toute autre mesure qu’il juge équitable de lui imposer et de nature à contrebalancer les effets du congédiement ou à y remédier.

Canada Labour Code, RSC, 1985, c L-2

 

Division X : Individual Terminations of Employment

 

Notice or wages in lieu of notice

 

  230. (1) Except where subsection (2) applies, an employer who terminates the employment of an employee who has completed three consecutive months of continuous employment by the employer shall, except where the termination is by way of dismissal for just cause, give the employee either

 

(a) notice in writing, at least two weeks before a date specified in the notice, of the employer’s intention to terminate his employment on that date, or

 

(b) two weeks wages at his regular rate of wages for his regular hours of work, in lieu of the notice.

 

 

 

Division XI : Severance Pay

 

Minimum rate

 

  235. (1) An employer who terminates the employment of an employee who has completed twelve consecutive months of continuous employment by the employer shall, except where the termination is by way of dismissal for just cause, pay to the employee the greater of

 

(a) two days wages at the employee’s regular rate of wages for his regular hours of work in respect of each completed year of employment that is within the term of the employee’s continuous employment by the employer, and

 

(b) five days wages at the employee’s regular rate of wages for his regular hours of work.

 

 

 

Division XIV : Unjust Dismissal

 

 

Complaint to inspector for unjust dismissal

 

  240. (1) Subject to subsections (2) and 242(3.1), any person

 

(a) who has completed twelve consecutive months of continuous employment by an employer, and

 

(b) who is not a member of a group of employees subject to a collective agreement,

 

may make a complaint in writing to an inspector if the employee has been dismissed and considers the dismissal to be unjust.

 

 

Reference to adjudicator

 

  242. (1) The Minister may, on receipt of a report pursuant to subsection 241(3), appoint any person that the Minister considers appropriate as an adjudicator to hear and adjudicate on the complaint in respect of which the report was made, and refer the complaint to the adjudicator along with any statement provided pursuant to subsection 241(1).

 

 

Powers of adjudicator

 

(2) An adjudicator to whom a complaint has been referred under subsection (1)

 

(a) shall consider the complaint within such time as the Governor in Council may by regulation prescribe;

 

(b) shall determine the procedure to be followed, but shall give full opportunity to the parties to the complaint to present evidence and make submissions to the adjudicator and shall consider the information relating to the complaint; and

 

(c) has, in relation to any complaint before the adjudicator, the powers conferred on the Canada Industrial Relations Board, in relation to any proceeding before the Board, under paragraphs 16(a), (b) and (c).

 

 

Decision of adjudicator

 

(3) Subject to subsection (3.1), an adjudicator to whom a complaint has been referred under subsection (1) shall

 

(a) consider whether the dismissal of the person who made the complaint was unjust and render a decision thereon; and

 

(b) send a copy of the decision with the reasons therefor to each party to the complaint and to the Minister.

 

Limitation on complaints

 

(3.1) No complaint shall be considered by an adjudicator under subsection (3) in respect of a person where

 

(a) that person has been laid off because of lack of work or because of the discontinuance of a function; or

 

(b) a procedure for redress has been provided elsewhere in or under this or any other Act of Parliament.

 

Where unjust dismissal

 

(4) Where an adjudicator decides pursuant to subsection (3) that a person has been unjustly dismissed, the adjudicator may, by order, require the employer who dismissed the person to

 

(a) pay the person compensation not exceeding the amount of money that is equivalent to the remuneration that would, but for the dismissal, have been paid by the employer to the person;

 

(b) reinstate the person in his employ; and

 

(c) do any other like thing that it is equitable to require the employer to do in order to remedy or counteract any consequence of the dismissal.

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

Dossier :                                        T-1531-12

 

INTITULÉ :                                      Énergie atomique du Canada LIMITÉE

                                                            c

                                                            JOSEPH WILSON

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 18 juin 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET

JUGEMENT :                                   Monsieur le juge O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 2 juillet 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ronald Snyder

 

POUR LA DEMANDERESSE

James LeNoury

Bois Wilson

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Fogler Rubinoff LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

LeNoury Law

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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