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Date : 20130627

Dossier : IMM-11481-12

Référence : 2013 CF 721

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Montréal (Québec), le 27 juin 2013

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

 

ANTONIO PORTO TURIZO

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               M. Porto Turizo est un ingénieur professionnel originaire de la Colombie; il a présenté une demande de résidence permanente au Canada au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral). Afin que sa demande soit accueillie, il devait satisfaire aux critères énoncés dans les instructions du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration publiées dans la Gazette du Canada, le 28 novembre 2008. Il a déclaré qu’il avait de l’expérience professionnelle dans une profession énoncée dans la Classification nationale des professions (CNP), sous le code 0711 – directeur/directrice de la construction. En ce qui concerne cette classification, les documents publiés par Ressources humaines et Développement des compétences Canada indiquent qu’un diplôme d’études universitaires en génie civil ou un diplôme d’études collégiales en technologie du génie civil est habituellement exigé, et, certains employeurs peuvent exiger le statut d’ingénieur professionnel. M. Porto Turizo satisfaisait à ces exigences. Sa demande a été rejetée parce que l’agent n’était pas convaincu que M. Turizo avait exercé les fonctions liées à l’énoncé principal, et qu’il ne ressortait pas clairement de sa lettre d’emploi qu’il avait exercé une partie ou la plupart des fonctions énoncées dans la CNP 0711. Il s’agit du contrôle judiciaire de cette décision.

 

[2]               L’agent est censé être un spécialiste de ces questions et, par conséquent, les cours, en tant que généralistes, lui doivent déférence. La décision ne peut être annulée que si elle est déclarée déraisonnable. Cette décision était déraisonnable.

 

[3]               L’énoncé principal de la CNP 0711 est rédigé de la façon suivante :

Les directeurs de la construction planifient, organisent, dirigent, contrôlent et évaluent les activités des entreprises de construction ou des divisions opérationnelles de ces compagnies, sous la direction d’un directeur général ou d’un autre cadre supérieur. Ils travaillent pour des entreprises de construction domiciliaire, commerciale et industrielle ou dans des divisions opérationnelles d’entreprises à l’extérieur de l’industrie de la construction.

 

[4]               La CNP 0711 énonce ensuite les fonctions principales de la façon suivante :

                      Les directeurs de la construction exercent une partie ou l’ensemble des fonctions suivantes :

                      planifier, organiser, diriger, contrôler et évaluer les projets de construction du début à la fin conformément au calendrier d’exécution des travaux, au cahier des charges et au budget prévu;

                      préparer et soumettre les prévisions budgétaires concernant le projet de construction;

                      planifier et préparer les calendriers d’exécution et les étapes à suivre, et vérifier les progrès en regard de ces données;

                      préparer les contrats et négocier les révisions, les changements et les ajouts aux ententes contractuelles avec les architectes, les experts-conseils, les clients, les fournisseurs et les sous-traitants;

                      élaborer et mettre en œuvre les programmes de contrôle de la qualité;

                      représenter l’entreprise sur des questions, telles que les services professionnels et la négociation des conventions collectives;

                      préparer des rapports sur l’avancement des travaux et fournir aux clients le programme de construction;

                      diriger l’achat de tous les matériaux de construction et l’acquisition des terrains;

                      embaucher le personnel et superviser le travail des sous‑traitants et des employés subalternes.

 

[5]               M. Porto Turizo a travaillé pendant de nombreuses années comme fonctionnaire pour le gouvernement du Bolivar, qui a son siège à Cartagena. Selon la lettre du 23 juillet 2010 émanant de son employeur, il a exercé, depuis 2006, les fonctions suivantes :

 

[traduction]

a.       Concevoir et élaborer des projets d’investissement en travaux d’infrastructure qui doivent avoir lieu dans la province de Bolivar.

b.      Évaluer les projets d’infrastructure pour déterminer leur faisabilité.

c.       Étudier de façon sélective les propositions présentées au gouvernement du Bolivar pour les contrats de génie civil.

d.      Analyser et budgétiser les travaux (initiaux) de génie civil qui doivent être effectués dans la province de Bolivar.

e.       Superviser les travaux pour la province.

f.       Accuser réception des travaux effectués et liquider les contrats en conformité avec les dispositions juridiques en vigueur.

g.      Établir les modifications des dessins pour la construction des propriétés du gouvernement du Bolivar.

h.      Faire des recommandations ou des objections aux travaux en cours d’exécution.

i.        Prévoir les règlements administratifs requis pendant le processus contractuel.

j.        Faire des rapports périodiques à son supérieur immédiat sur l’avancement des travaux qu’il supervise.

k.      Préparer des réponses concernant le projet ou les rapports requis par la gestion et les organismes de contrôle.

l.        Exercer un autocontrôle pour toutes les fonctions qui lui sont assignées.

 

[6]               Il ressort de ma lecture comparée de la CNP 0711 et des fonctions que le demandeur a exercées que ce dernier a satisfait aux exigences de l’énoncé principal et a effectué la plupart des fonctions principales.

 

[7]               La lettre de rejet est formulée ainsi : Vous ne m’avez pas fourni de preuves suffisantes pour que je sois convaincu que vous avez accompli les actions décrites dans l’énoncé principal pour l’emploi – ou que vous avez exercé l’ensemble des fonctions essentielles et un nombre important des fonctions principales --.

 

[8]               Que faudrait‑il pour convaincre l’agent? Il ne le dit pas, et je ne le sais pas. Il n’a pas donné de motifs.

 

[9]               Les avocats ont invité la Cour à fouiller le dossier. Dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et Labrador(Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708, la Cour suprême a déclaré qu’une cour de révision pouvait examiner le dossier en vue de déterminer si la décision était raisonnable, même si les motifs donnés n’étaient pas aussi complets qu’on aurait souhaité. Je l’ai fait. Je conclus que tous les documents démentent la décision rendue et ainsi, conformément à l’arrêt Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1998) 157 FTR 35, il faudrait donner des motifs pour expliquer pourquoi la lettre d’emploi du gouvernement du Bolivar, en Colombie, n’était pas suffisante.

 

[10]           La norme de contrôle de la décision raisonnable a été examinée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c Pâtes & Papier Irving, Ltée, 2013 CSC 34, [2013] ACS no 34 (QL). Tous les juges de la Cour suprême ont convenu que la norme de contrôle applicable à l’interprétation de la clause de la convention collective prévoyant les droits de la direction est celle de la décision raisonnable. Il y avait des divergences en ce qui a trait à l’application de cette norme de contrôle étant donné les faits de l’espèce. Bien qu’ils aient été dissidents, il ne peut y avoir aucun désaccord avec les propos des juges Rothstein et Moldaver, auxquels la juge en chef McLachlin a concouru. Au paragraphe 117, ils ont déclaré :

Il est entendu que les décisions des conseils d’arbitrage commandent la déférence judiciaire.  Mais, à notre humble avis, « la déférence s’arrête là où commence la déraisonnabilité » (Khosa, paragraphe 160, le juge Fish).

 

 

Khosa est une référence à l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, [2009] ACs no 12.

 

 

ORDONNANCE

 

Pour les motifs exposés ci‑dessus,

LA COUR ORDONNE : la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La demande est renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision. Il n’y a pas de question à certifier.

 

 

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                              IMM-11481-12

 

INTITULÉ :                                            ANTONIO PORTO TURIZO

c

MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                    Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                   Le 25 juin 2013

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                            Le juge Harrington

 

DATE DES MOTIFS                      

ET DE L’ORDONNANCE :                 Le 27 juin 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jacques Beauchemin

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Pavol Janura

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Beauchemin, Brisson

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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