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Date : 20130618

Dossier : IMM-11191-12

Référence : 2013 CF 675

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Ottawa (Ontario), le 18 juin 2013

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

 

KIFLEMARYAM ENDEMIKAEL

 

 

 

demandeur

 

                                      et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision d’un commissaire de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada [le commissaire] qui a conclu que le demandeur n’avait pas qualité de réfugié ni celle de personne à protéger [la décision].

 

II.        CONTEXTE

[2]               Le demandeur d’asile est né en Érythrée et il a produit un acte de naissance pour appuyer sa demande d’asile. Il a également utilisé le nom de Seife Gemechu Aboye sur un faux passeport éthiopien qu’il a acheté.

 

[3]               Le présent contrôle judiciaire ne porte pas tant sur les faits à l’appui de la demande d’asile que sur des questions de procédure et de fond relatives à son audience. Il suffit de noter qu’il a fui l’Érythrée et qu’il a été renvoyé en Éthiopie. La décision du commissaire donne les renseignements détaillés relatifs à sa demande d’asile et à ses déplacements.

 

[4]               Le demandeur d’asile s’est par la suite rendu au Royaume-Uni, où il a présenté une demande d’asile qui a été rejetée. Il a ensuite gagné la Norvège, où sa demande d’asile a également été rejetée. Il s’est finalement rendu au Canada, où il a aussi demandé l’asile.

 

[5]               Pour préparer son formulaire de renseignements personnels (FRP) canadien, le demandeur a collaboré avec un traducteur éthiopien qui lui aurait conseillé de ne pas faire mention de ses précédentes demandes d’asile rejetées.

 

[6]               L’audience relative à la demande d’asile a duré trois jours. Avant l’audience, le demandeur d’asile a fait une première demande d’ajournement, car son conseil devait comparaître à une autre audience. La demande a été rejetée. Cependant, au premier jour d’audience, le conseil du demandeur a renouvelé sa demande de report. Les deux conseils ont présenté des observations sur la question, et le commissaire, d’après la transcription, a rédigé des motifs afin de les inclure dans la décision écrite.  

 

[7]               Au deuxième jour, le conseil du demandeur a relevé le fait que le traducteur présent au premier jour de l’audience était le même que celui aurait conseillé au demandeur d’asile de mentir sur son FRP. Informé de la situation, le conseil a demandé de faire vérifier la traduction du premier jour d’audience et de ne plus faire appel au traducteur. Aucun problème important n’a été décelé dans la traduction.

 

[8]               Pour éviter d’éventuels problèmes de traduction, le commissaire a décidé qu’il tiendrait une nouvelle audience et qu’il ne tiendrait pas compte de la première journée d’audience. Le demandeur d’asile a demandé que l’affaire soit ajournée et fixée à une autre date en raison d’un manquement au principe de justice naturelle relativement à la traduction. Le commissaire a poursuivi l’audience.

 

[9]               Au troisième jour, le conseil du demandeur d’asile a fait une autre demande d’ajournement relative à la traduction, qui a été refusée. Le demandeur d’asile a également allégué que le commissaire se montrait partial parce qu’il faisait de fréquentes interruptions.

 

[10]           Dans sa décision, le commissaire donne quatre raisons de poursuivre l’audience : l’efficacité administrative, l’absence de fondement de l’allégation contre le traducteur, le fait que le commissaire pouvait faire abstraction des éléments de preuve présentés le premier jour, et le fait que le conseil du demandeur d’asile avait souscrit au processus en premier lieu. Le commissaire a également évoqué la nécessité d’accélérer le processus parce que le demandeur d’asile était derrière les barreaux.

S’agissant du principe de justice naturelle, le commissaire a conclu qu’il n’y avait pas eu manquement, car la traduction n’était pas compromise ou inexacte. La décision de tenir une nouvelle audience avait été prise par mesure de précaution.

 

[11]           En ce qui concerne le bien‑fondé de la demande d’asile, le commissaire a conclu que le demandeur d’asile n’avait pas qualité de réfugié ni celle de personne à protéger principalement à cause du manque de documents d’identité. Plus précisément, le commissaire n’a pas admis la photocopie de l’acte de naissance parce que celui‑ci présentait des anomalies et parce que l’origine de la photocopie du document soulevait des doutes.

 

[12]           L’affaire soulève les quatre questions en litige suivantes :

                     l’admissibilité de l’affidavit du demandeur d’asile au dossier certifié du tribunal;

                     le manquement au principe d’équité procédurale allégué relativement à la demande d’ajournement;

                     l’existence d’une crainte raisonnable de partialité;

                     le caractère raisonnable de la conclusion selon laquelle la copie de l’acte de naissance est invalide.

 

III.       ANALYSE

A.        Norme de contrôle

[13]           Les questions de l’équité procédurale et de partialité sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte, tandis que la question de preuve est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190).

 

B.        Affidavit

[14]           À la lumière de la disposition du présent contrôle judiciaire, je n’ai pas besoin de supprimer l’affidavit du demandeur du dossier du tribunal. Il est très peu pertinent et essentiellement argumentatif, et il aurait été radié au besoin.

 

C.        Équité procédurale

[15]           La question de l’équité procédurale s’articule autour de l’argument du demandeur selon lequel il n’avait pas été informé des raisons pour lesquelles l’audience n’avait pas été ajournée comme il en avait fait la demande au premier jour. L’argument du demandeur à cet égard ne m’apparaît pas fondé pour les raisons qui suivent.

 

[16]           La demande d’ajournement ne visait pas uniquement à reporter l’audience à un autre jour, mais bien à mettre fin à l’instance en raison des préoccupations soulevées par la traduction. Premièrement, le commissaire a justifié sa décision de poursuivre l’audience, ses raisons étant exposées au paragraphe 10 ci‑haut. Deuxièmement, si les raisons du refus d’ajourner n’ont pas été communiquées au demandeur dans les motifs de la décision, le demandeur n’a pas non plus cherché à les connaître.

 

[17]           Les circonstances entourant ce deuxième point ont entraîné une certaine confusion (le défendeur n’a pas traité de cette question dans ses observations écrites, ayant fort raisonnablement pensé que les raisons avaient été données). La confusion découle d’un commentaire fait par le commissaire selon lequel une ébauche des raisons du refus d’ajourner avait été rédigée, mais que les raisons figureraient dans la décision elle‑même, pour gagner du temps. 

 

[18]           Aucune de ces raisons n’apparaissait dans la décision. Le demandeur affirme qu’il s’agit d’un manquement au principe d’équité procédurale. Le demandeur n’a jamais demandé à connaître les raisons, même s’il connaissait la teneur de la décision du commissaire. L’équité n’est pas qu’une question de forme; toute demande d’asile doit être justifiée. Si l’absence de raisons avait entraîné un manquement à l’équité démontrable, le contrôle judiciaire aurait pu être justifié. Toutefois, en l’espèce, la demande d’asile présentée par le demandeur est infondée, d’autant plus qu’il savait que le commissaire avait rédigé des raisons qu’il inclurait dans sa décision; or, il n’a rien fait pour obtenir ces raisons.

 

[19]           Dans Tran c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CF 1078, 181 ACWS (3d) 981, la Cour a déclaré que, dans de telles circonstances, un demandeur doit demander une copie des motifs avant de déposer une plainte. Dans le meilleur des cas, pour le demandeur, il ne s’agit pas d’une décision qui n’est pas motivée, mais d’une erreur, soit l’omission de faire connaître les raisons. Elle n’a entraîné aucun manquement au principe de justice naturelle ou à l’équité procédurale.

 

D.        Partialité/Crainte raisonnable

[20]           Le demandeur se plaint en premier lieu du fait que l’interaction entre son conseil et le commissaire, qui a interrompu l’exposé final, révèle qu’il y a eu partialité. Les échanges ont peut‑être été incisifs, mais ils visaient à clarifier les observations du conseil. Il n’y avait rien d’anormal dans le fait que le commissaire a questionné et mis en doute les observations; cela se voit dans de nombreuses affaires. Le commissaire n’a rien fait qui pourrait soulever une réserve chez une personne raisonnable informée des faits et des circonstances.

 

[21]           La crainte de partialité repose en deuxième lieu sur l’argument selon lequel le commissaire, ayant entendu les témoignages de la première journée d’audience, n’aurait pas dû tenir une nouvelle audience. Selon l’argument avancé, le commissaire n’était plus en mesure de traiter la preuve de manière équitable, conclusion à laquelle serait parvenue une personne raisonnable, et il était en quelque sorte entaché de partialité.

 

[22]           Il s’agit d’une simple allégation, et rien au dossier ne laisse même penser que le commissaire n’aurait pas fait abstraction des éléments de preuve présentés lors de la première journée. Il est courant qu’un décideur entende des témoignages ou voie des éléments de preuve desquels il doit ensuite faire abstraction, plus particulièrement en ce qui concerne les questions d’admissibilité. En l’absence de « preuve concluante » de partialité, comme il est exigé dans Horne c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CAF 337, 414 NR 97, le demandeur ne peut obtenir gain de cause.

 

E.         Acte de naissance

[23]           De nombreux éléments de preuve relatifs à l’identité et à la copie de l’acte de naissance ont amené le commissaire à conclure que le document n’était pas fiable. La conclusion du commissaire ne reposait pas seulement sur une simple observation du document.

 

[24]           La Cour n’a donc aucune raison de modifier la décision du commissaire.

 

IV.       CONCLUSION

[25]           Pour les raisons susmentionnées, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Myra‑Belle Béala De Guise


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-11191-12

 

INTITULÉ :                                      KIFLEMARYAM ENDEMIKAEL

 

                                                            et

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 6 juin 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT :
                            Le juge Phelan

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 18 juin 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Nico Breed

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Rick Garvin

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

STEWART SHARMA HARSANYI

Barristers & Solicitors

Calgary (Alberta)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

WILLIAM F. PENTNEY

Sous-procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 


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