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Date : 20130621

Dossier : IMM-4243-12

Référence : 2013 CF 698

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 21 juin 2013

En présence de monsieur le juge Scott

 

 

ENTRE :

 

PARTHIPAN BALASUBRAMANIAM

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Introduction

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande présentée par M. Parthipan Balasubramaniam (le demandeur) en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], en vue d’obtenir le contrôle judiciaire de la décision du 5 avril 2012 par laquelle la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que le demandeur n’avait pas raison de craindre d’être persécuté et qu’il n’avait pas qualité de personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la LIPR.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la présente demande est rejetée.

 

II.        Les faits

 

[3]               Âgé de 28 ans, le demandeur est un citoyen sri-lankais d’origine ethnique tamoule. Il a grandi dans la région de Vavuniya, dans le nord du Sri Lanka. Ses parents, qui sont des agriculteurs, habitent toujours dans la résidence familiale, à Poonthoddam, dans le district de Vavuniya, avec les deux frères et la sœur du demandeur.

 

[4]               En juillet 2008, le demandeur a été enlevé par des individus qui, selon ce qu’il allègue, étaient membres du Parti démocratique populaire de l’Eelam [le PDPE]. Ils se sont présentés à la résidence familiale dans une camionnette blanche et l’ont amené à un endroit inconnu où ils l’ont interrogé, battu et torturé pendant cinq ou six jours. Le demandeur a des problèmes de vision depuis cet incident. Il affirme que ses ravisseurs le soupçonnaient d’avoir des liens avec les Tigres de libération de l’Eelam tamoul [les TLET]. Le demandeur a expliqué qu’il n’avait jamais rencontré cet oncle, qui a d’ailleurs été assassiné en 2007.

 

[5]               Les deux frères cadets du demandeur auraient également été enlevés et battus par le PDPE en 2008. Ils n’ont pas été inquiétés depuis.

 

[6]               Le demandeur affirme également que des soldats de l’armée sri-lankaise sont venus le chercher chez lui en avril 2009 pour l’amener dans un camp militaire à Pampaimadu où ils l’ont accusé d’appuyer les TLET et de faire du recrutement pour eux. Lorsqu’il a nié les allégations, ils l’ont torturé. Il a été remis en liberté au bout de cinq jours.

 

[7]               L’armée aurait rendu visite au demandeur chez lui à plusieurs reprises après sa détention. À deux reprises, il a été ramené au camp militaire pour être interrogé. On lui a dit qu’on croyait toujours qu’il appuyait les TLET et on a menacé de le faire disparaître.

 

[8]               En mars 2010, des agents du Département des enquêtes criminelles (le CID) se seraient rendus chez le demandeur pour l’interroger lui et les membres de sa famille sur les raisons pour lesquelles l’armée s’intéressait à lui. On lui aurait dit que, suivant les dispositions sur les mesures d’urgence, on pouvait le détenir pendant dix ans dès lors qu’il était soupçonné d’avoir des liens avec les TLET. La famille n’a eu d’autre choix que de verser 100 000 roupies sri-lankaises pour éviter que le demandeur ne soit détenu.

 

[9]               Le demandeur affirme qu’au début de décembre 2010, la maison familiale a de nouveau été envahie, cette fois‑ci par des membres du groupe Karuna, qui ont accusé le demandeur d’offrir de la nourriture et de l’hébergement aux TLET avec l’aide de membres de sa famille élargie vivant à l’étranger. On a dit au demandeur qu’on le surveillait et qu’il serait tué si l’on découvrait des preuves qu’il appuyait les TLET.

 

[10]           Après ce dernier incident, le demandeur et sa famille ont décidé qu’ils n’étaient plus en sécurité au Sri Lanka. Ils ont vendu une partie de leurs terres pour financer les 30 000 $CAN qu’il leur fallait pour payer le coût du voyage vers le Canada. Le demandeur allègue qu’avec l’aide d’un agent, il a quitté le Sri Lanka le 25 janvier 2011 muni de son propre passeport après avoir versé un pot‑de‑vin à des douaniers. Le demandeur affirme que tous ses documents de voyage lui ont été confisqués par l’agent au Guatemala.

 

[11]           Le demandeur a été détenu au Mexique pendant quatre mois et aux États‑Unis pendant deux mois avant d’arriver au Canada en septembre 2011. Il n’a demandé l’asile dans aucun des pays par lesquels il a transité.

 

[12]           Le demandeur affirme que des membres du groupe Karuna ont rendu visite aux membres de sa famille après son départ pour le Canada. Après avoir découvert que le demandeur s’était enfui du pays, ils ont battu son père devant sa mère puis l’ont détenu dans leur camp. Sa mère a dû prendre des dispositions pour que quelqu’un verse 50 000 roupies en échange de sa remise en liberté. Des membres du groupe Karuna auraient continué à harceler la famille du demandeur et leurs voisins pour savoir où il se trouvait. Le demandeur allègue qu’il serait exposé à un plus grand risque s’il retournait au Sri Lanka maintenant qu’il s’en est enfui et qu’il a demandé l’asile au Canada.

 

III.       La décision contestée

 

[13]           La Commission a estimé que le demandeur n’avait ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la LIPR. Les questions déterminantes étaient celles de la crédibilité des éléments de preuve présentés et du fondement objectif de la crainte future du demandeur.

 

A.        Conclusions défavorables au sujet de la crédibilité

 

[14]           La Commission a fondé ses conclusions défavorables au sujet de la crédibilité sur plusieurs observations :

a)         La Commission a conclu que les renseignements fournis par le juge de paix au sujet de la lettre relative à l’enlèvement du 6 juillet 2008 et sur le mobile et la date du départ du demandeur contredisaient l’exposé circonstancié de son Formulaire de renseignements personnels [FPR];

(i)         Suivant la lettre du juge de paix, l’incident était survenu le 6 juillet 2008 et était le fait d’[traduction] « inconnus » tandis que le FPR ne fournissait aucune date précise et indiquait que les auteurs en étaient des membres du PDPE;

(ii)               Bien que le demandeur ait déclaré que le juge de paix connaissait personnellement sa famille, et qu’il était notamment au courant de tout ce que le demandeur avait vécu, la lettre ne fournissait aucun détail au sujet des incidents concernant l’armée, le CID ou les membres du groupe Karuna;

(iii)             La lettre du juge de paix ne mentionnait pas les deux ans et demi qui s’étaient écoulés entre l’enlèvement du 6 juillet 2008 et la décision du demandeur de s’enfuir à l’étranger, mais elle pouvait laisser entendre que le demandeur avait pris sa décision de se rendre à l’étranger peu de temps après l’incident du 6 juillet 2008;

(iv)             Contrairement au FRP du demandeur, la lettre du juge de paix précisait que le demandeur s’était enfui après avoir eu d’autres démêlés avec le même groupe d’inconnus qui l’avaient enlevé le 6 juillet 2008.

b)            Le certificat médical indiquait également que l’enlèvement avait eu lieu le 6 juillet 2008 et avait été perpétré par des « inconnus »;

c)                  Le demandeur n’avait pas expliqué convenablement les contradictions constatées entre son FRP, la lettre du juge de paix et le certificat médical;

d)                 Les explications données par le demandeur au sujet des raisons pour lesquelles le juge de paix n’avait mentionné que l’incident de juillet 2008 dans sa lettre n’étaient pas convaincantes. La Commission a conclu que le juge de paix aurait pu écrire au sujet d’autres incidents sans impliquer l’armée;

e)                  Le demandeur a expliqué que les membres de sa famille s’adressaient au juge de paix pour tous leurs besoins, mais il n’a pas réussi à citer d’autres exemples où ils avaient demandé l’aide du juge de paix;

f)                   Même s’il a affirmé que les membres de sa famille aient pu être soupçonnés d’avoir des liens avec les TLET parce que son oncle avait été forcé d’en devenir membre, le demandeur n’a pas expliqué convenablement pourquoi il était le seul membre de sa famille qui avait été forcé de s’enfuir;

g)                  La Commission a conclu que, s’il avait été arrêté parce qu’il était soupçonné d’aider les TLET, le demandeur n’aurait été remis en liberté après sa détention que si l’armée était convaincue qu’il n’avait aucun lien avec les TLET;

h)                  Le demandeur n’a pas été en mesure de fournir d’éléments de preuve objectifs corroborants au sujet de sa détention et de la torture dont il affirmait avoir été victime de la part de l’armée, le CID ou le groupe Karuna qui se seraient produits après l’incident de juillet 2008. La Commission a accordé peu de valeur probante à la lettre de la mère du demandeur :

(i)         en raison de ses réserves au sujet de la crédibilité du demandeur;

(ii)        à cause de l’absence de détails et de documents médicaux ou d’autres documents corroborants au sujet de l’agression dont le père du demandeur avait été victime.

i)                    On n’a soumis à la Commission aucun passeport ou document concernant les mesures que le demandeur aurait prises pour se rendre au Canada ou de preuves concernant les opérations foncières faites par son père pour financer son voyage;

j)                    Le demandeur n’a fourni aucune preuve objective pour démontrer qu’il avait vécu au Sri Lanka jusqu’en janvier 2011;

k)                  Le demandeur a été détenu pendant quatre mois au Mexique et deux mois aux États‑Unis sans y demander l’asile.

 

[15]           La Commission a conclu que le demandeur « a omis de fournir suffisamment d’éléments de preuve crédibles et dignes de foi pour établir qu’il avait vécu ce qu’il a allégué concernant l’armée, le CID et le groupe Karuna » (Dossier du demandeur, motifs de la Commission, au paragraphe 42). La Commission n’a pas conclu que le demandeur était soupçonné d’avoir eu des liens avec les TLET par le passé ou qu’il serait soupçonné d’avoir de tels liens s’il devait retourner au Sri Lanka.

 

B.        Absence de fondement objectif d’une crainte future

 

[16]           Malgré ses réserves quant à la crédibilité du demandeur, et plus particulièrement de son allégation qu’il était ciblé par d’autres groupes progouvernementaux, la Commission s’est ensuite demandé si le demandeur, en tant que jeune Tamoul originaire du nord, serait exposé à « une possibilité raisonnable de persécution pour un motif visé par la Convention s’il est renvoyé » au Sri Lanka (Dossier du demandeur, motifs de la Commission, au paragraphe 53).

 

[17]           Citant un rapport de 2010 du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés [le UNHCR], la Commission a fait observer que depuis la fin de la guerre civile « les […] conditions générales au Sri Lanka ne justifient plus les demandes de protection fondées essentiellement sur l’origine ethnique tamoule » (Dossier du demandeur, motifs de la Commission, au paragraphe 52).

 

[18]           En ce qui concerne la situation à laquelle sont exposés les demandeurs d’asile qui sont refoulés, la Commission a fait observer qu’« il existe des rapports au sujet du traitement des rapatriés » (Dossier du demandeur, motifs de la Commission, au paragraphe 56). Après avoir examiné la preuve documentaire, la Commission a finalement conclu que les rapatriés ne sont pas spécifiquement ciblés. Bien que la preuve démontre effectivement que certains rapatriés qui se lancent en affaires ont fait l’objet de harcèlement et sont pris pour cible à des fins d’extorsion, la Commission a estimé que le demandeur serait en mesure de reprendre son ancienne profession de tuteur sans être exposé à davantage qu’une simple possibilité de persécution. La Commission a également signalé que le demandeur ne serait pas, selon la prépondérance des probabilités, soupçonné d’avoir des liens avec les TLET s’il devait retourner au Sri Lanka.

 

[19]           La Commission a également relevé que certains éléments de la preuve documentaire indiquaient que le nombre de rapports d’enlèvement effectués en vue d’extorsions avait augmenté dans le nord du Sri Lanka, mais a estimé que ces incidents étaient d’ordre criminel et non politique et que c’étaient les citoyens que l’on croyait fortunés qui étaient exposés à ce type de risque. La Commission a conclu que le risque était généralisé et qu’il était partagé par un grand nombre de citoyens. La Commission a par conséquent conclu que le demandeur ne pouvait pas être considéré comme une personne à protéger au sens du paragraphe 97(1) de la LIPR sur le fondement de cette menace.

 

[20]           La Commission a finalement conclu que le demandeur n’avait pas raison de craindre d’être persécuté et qu’il n’avait pas qualité de personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la LIPR.

 

IV.       Dispositions législatives applicables

 

[21]           L’article 96 et le paragraphe 97(1) de la LIPR disposent :

 

Définition de « réfugié »

Convention refugee

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

 A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

Personne à protéger

 

Person in need of protection

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

 (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

V.        Questions en litige et norme de contrôle

 

A.        Questions en litige

 

1.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur en n’appliquant pas la bonne norme de preuve dans son analyse de la composante objective de la crainte de persécution invoquée par le demandeur en vertu de l’article 96 de la LIPR?

2.         L’appréciation de la crédibilité de la Commission était‑elle raisonnable?

3.         La Commission a‑t‑elle fait défaut d’examiner des éléments de preuve pertinents dont elle disposait?

4.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur dans sa compréhension du risque généralisé?

 

B.        Normes de contrôle

 

[22]           La norme de contrôle applicable à la première question est celle de la décision correcte (Nageem c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 867, au paragraphe 14 [Nageem]; Paramsothy c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1000, au paragraphe 19).

 

[23]           Les conclusions relatives à la crédibilité sont des questions de fait qui sont assujetties à la norme de contrôle de la décision raisonnable (Lawal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 558, au paragraphe 11).

 

[24]           La troisième question porte sur l’appréciation que la Commission a faite de la preuve dont elle disposait et cette question est assujettie à la norme de contrôle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Gondara, 2011 CF 352, au paragraphe 38).

 

[25]           La quatrième question est assujettie à la norme de contrôle de la décision correcte (Innocent c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1019, au paragraphe 36).

 

VI.       Prétentions et moyens des parties

 

A.        Prétentions et moyens du demandeur

 

            1.         Erreur quant au critère applicable

 

[26]           Le demandeur soutient tout d’abord que la Commission n’a pas appliqué le bon critère en ce qui concerne les probabilités de persécution. Le bon critère est celui de savoir s’il existe une possibilité sérieuse (c.‑à‑d. plus qu’une simple possibilité, mais pas nécessairement plus que 50 p. 100 des chances) que le demandeur d’asile soit persécuté s’il retourne dans son pays d’origine au sens de Adjei c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 2 CF 680 [Adjei]. Le demandeur cite plusieurs passages de la décision de la Commission où celle-ci a mal évalué les risques de persécution du demandeur selon la norme de la prépondérance des probabilités, en l’occurrence, les paragraphes 20, 53 et 57 de la décision de la Commission.

 

[27]           Le demandeur soutient que cette erreur est fatale et ne peut être remédiée par le fait que la Commission a appliqué le bon critère ailleurs dans sa décision. Le demandeur se fonde à cet égard sur l’arrêt Naredo c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1981] ACF no 1130 (CAF) [Naredo] de la Cour d’appel fédérale. Dans l’arrêt Naredo, la Cour a jugé que, lorsque le tribunal a confondu deux critères en matière de reconnaissance du statut de réfugié – un correct et l’autre incorrect – la décision ne peut être confirmée parce qu’il est impossible de savoir lequel des deux critères le tribunal a appliqué aux faits.

 

            2.         Conclusions quant à la crédibilité

 

[28]           Le demandeur affirme que la Commission a interprété la preuve de manière [traduction] « abusive et déraisonnable » et il présente ses arguments en fonction de chacun des éléments de preuve évalués.

 

a.         La lettre du juge de paix

 

[29]           Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur en tirant une conclusion défavorable au sujet de la crédibilité en fonction de ce que la lettre du juge de paix ne disait pas tout en ignorant ce qu’elle affirmait (Bagri c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] ACF no 784, 168 FTR 283, au paragraphe 11 [Bagri]; N.N.N. c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 281, au paragraphe 73)). Qui plus est, après avoir remis en question la crédibilité du juge de paix en affirmant que le père du demandeur lui avait indiqué ce qu’il devait écrire dans la lettre, la Commission a préféré le témoignage du juge de paix à celui du demandeur.

 

[30]           Le demandeur affirme également que la Commission n’a pas motivé son rejet des raisons données par le demandeur pour expliquer pourquoi la lettre du juge de paix ne mentionnait pas les exactions dont il avait été l’objet de la part de l’armée, du CID et du groupe Karuna (en l’occurrence le fait que le juge de paix craignait des mesures de représailles).

 

[31]           Enfin, le fait que la lettre du juge de paix mentionnait que des [traduction] « inconnus » se trouvant à bord d’une camionnette blanche l’avaient enlevé ne contredit pas sa prétention que des membres du PDPE étaient impliqués; les renseignements sont tout simplement moins précis.

 

[32]           En somme, le demandeur soutient que la Commission a ignoré à tort son propre témoignage parce qu’elle s’en est prise à la lettre du juge de paix produite à l’appui de sa demande.

 

b.         Le certificat médical

 

[33]           Le demandeur affirme également que la Commission n’a pas motivé son rejet des raisons données par le demandeur pour expliquer pourquoi le médecin n’avait pas mentionné le PDPE dans sa lettre. Le demandeur soutient que la Commission a commis la même erreur lorsqu’elle a jugé que le demandeur n’était pas crédible en raison de ce que le certificat médical ne disait pas tout comme elle l’avait fait dans le cas de la lettre du juge de paix.

 

c.         Moment choisi par le demandeur pour quitter le Sri Lanka

 

[34]           Le demandeur affirme que la Commission a commis une erreur en concluant que le demandeur n’avait pas démontré qu’il était demeuré au Sri Lanka jusqu’en janvier 2011. La Commission n’a pas suffisamment motivé son refus de la déclaration non contredite que le demandeur avait faite sous serment suivant laquelle il avait quitté le Sri Lanka en janvier 2011. Le demandeur affirme que [traduction] « l’absence de preuve ne constitue pas une raison suffisante pour rejeter un témoignage non contredit qui n’est pas intrinsèquement invraisemblable (Dossier du demandeur, motifs de la Commission, page 332, au paragraphe 31).

 

d.                  La lettre de la mère

 

[35]           Le demandeur maintient que la Commission a déclaré à tort qu’il avait négligé de soumettre des éléments de preuve objectifs pour corroborer sa demande. La lettre de sa mère corroborait sa version des faits, mais la Commission lui a accordé à tort peu de valeur probante parce qu’elle n’avait pas jugé le demandeur crédible. Ce faisant, la Commission a commis une erreur en considérant la lettre de la mère comme un témoignage « intéressé » (Ugalde c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2011 CF 458, aux paragraphes 25 à 28).

 

3.         La Commission a ignoré des éléments de preuve pertinents

 

[36]           Le demandeur affirme qu’en concluant que la situation des Tamouls au Sri Lanka s’était améliorée depuis la fin de la guerre, la Commission s’est fiée de façon sélective aux éléments de preuve documentaire qui n’étaient plus à jour et qui ne s’appliquaient plus tout en ignorant les rapports plus récents sur la situation au pays soumis par le demandeur. Par exemple, la Commission a accepté les renseignements fournis par une source affirmant que la réglementation sur les mesures d’urgence avait été assouplie en mai 2010, mais elle a ignoré un rapport plus récent indiquant que ces règlements avaient été remplacés par [traduction] « des lois tout aussi draconiennes [...] visant à maintenir le même type de détention et de mauvais traitements arbitraires » (Dossier du demandeur, page 333, au paragraphe 35).

 

            4.         Risque généralisé

 

[37]           Enfin, le demandeur affirme que la Commission a mal compris le concept de « risque généralisé », s’agissant des demandes d’asile, parce qu’elle n’a pas fait la différence entre le risque auquel les Tamouls sont exposés et celui avec lequel l’ensemble des Sri Lankais doit composer. Le demandeur maintient que [traduction] « le tribunal ne disposait d’aucun élément de preuve permettant de penser que tous les Sri Lankais sont susceptibles d’être victimes d’extorsions ». En fait, le demandeur allègue que les seuls éléments dont disposait la Commission concernaient le fait que des groupes militants qui appuyaient le gouvernement ciblaient les Tamouls (Dossier du demandeur, page 333, au paragraphe 36). Selon le demandeur, la Commission a conclu à tort que le risque d’extorsion auquel il pourrait être exposé à son retour serait attribuable au fait qu’il serait considéré comme riche, étant donné qu’il reviendrait du Canada et qu’il s’agissait du même risque que celui auquel tout autre citoyen était exposé. Il devrait par conséquent être exclu de la protection.

 

B.        Prétentions et moyens du défendeur

 

[38]           Le défendeur affirme que la Commission a tiré, au sujet de la crédibilité et de la vraisemblance de la preuve, des conclusions qu’il lui était raisonnable loisible de tirer, compte tenu du dossier et que [traduction] « la thèse du demandeur se résume simplement à un désaccord avec la façon dont la preuve a été évaluée et appréciée » (Mémoire du défendeur, au paragraphe 2).

 

1.         Bon critère

 

[39]           Le défendeur maintient que la Commission a appliqué le bon critère en matière de droit d’asile. Après avoir cité plusieurs passages de sa décision dans lesquels la Commission a bien articulé le critère, à savoir les paragraphes 17, 18, 19, 59 et 62, le défendeur affirme que lorsqu’on examine la décision dans son ensemble, il est évident que la Commission a appliqué la bonne norme de preuve, en l’occurrence celle de la « possibilité raisonnable » ou celle qui exige « plus qu’une simple possibilité ». Le défendeur cite l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 R.C.S. 708, au paragraphe 16, à l’appui de cette méthode d’appréciation globale.

 

[40]           Le défendeur signale également que, lorsque la Commission déclare, au paragraphe 53 de sa décision, qu’elle « estime, selon la prépondérance des probabilités, que les autorités n’auraient pas avantage à pourchasser [le demandeur] et est d’avis, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’est pas une personne qui attirerait trop d’attention ou qui serait victime de représailles de la part d’organisations militaires ou des forces de sécurité s’il retournait auprès de sa famille », elle tire une conclusion au sujet de la crédibilité et ne définissait pas le critère légal applicable.

 

2.         Conclusions au sujet de la crédibilité

 

[41]           Bien que le demandeur affirme que la Commission a tiré une conclusion au sujet de la crédibilité en se fondant sur ce que la lettre du juge de paix ne disait pas, le défendeur insiste pour dire que c’est inexact. La Commission a examiné la lettre du juge de paix, les documents médicaux ainsi que la lettre de la mère et a conclu qu’ils contredisaient la version des faits du demandeur ou du moins qu’ils ne corroboraient pas ses affirmations qu’il était constamment ciblé. Le défendeur maintient que, comme la [traduction] « Commission ne croyait pas le demandeur, elle a exigé de façon raisonnable des documents corroborants que le demandeur ne lui a pas fournis » (Mémoire du défendeur, au paragraphe 25).

 

[42]           En ce qui concerne la question de savoir à quel moment le demandeur a quitté le Sri Lanka, la Commission a fait observer que M. Balasubramaniam n’avait fourni aucun élément de preuve objectif qu’il était demeuré au Sri Lanka jusqu’en janvier 2011. Le défendeur affirme que, contrairement à ce que le demandeur prétend, [traduction] « la Commission n’avait pas à accepter le témoignage non contredit [du demandeur] [sur cette question] si ce témoignage n’est pas compatibl[e] avec les probabilités propres à l’affaire prise dans son ensemble » (Mémoire du défendeur, au paragraphe 28).

 

[43]           Enfin, le défendeur affirme que la Commission n’a pas commis d’erreur en accordant peu de poids à la lettre de la mère du demandeur, compte tenu de l’absence générale de crédibilité du demandeur. Le défendeur se fonde à cet égard notamment sur les jugements Nasim c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 1199 (CanLII), et Waheed c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 329 (CanLII), à l’appui de sa thèse.

 

            3.         La Commission n’a pas ignoré d’éléments de preuve pertinents

 

[44]           Le défendeur affirme que la Commission n’a pas ignoré les éléments de preuve présentés par le demandeur au sujet de la situation au pays. La Commission a reconnu qu’il existe toujours des problèmes et a fait remarquer que la situation n’était pas parfaite. Il appartient à la Commission de décider du poids qu’elle accorde aux éléments de preuve qui lui sont présentés. En outre, selon le défendeur, comme [traduction] « la Commission ne disposait pas d’éléments de preuve crédibles propres au demandeur d’asile lui permettant de conclure que celui‑ci craignait d’être persécuté [...] la Commission n’était pas obligée de se livrer à l’exercice futile consistant à examiner l’aspect objectif de la demande d’asile [du demandeur] en examinant en détail la preuve documentaire » (Mémoire du défendeur, au paragraphe 33). Le défendeur cite notamment l’arrêt Rahaman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 89 [Rahaman], à l’appui du principe qu’à eux seuls les rapports sur les pays ne suffisent pas normalement pour faire droit à une demande d’asile.

 

            4.         Risque généralisé

 

[45]           Le défendeur maintient que la Commission a bien compris le concept de risque généralisé et n’a pas confondu les Sri Lankais avec les Tamouls. La Commission a également pris acte du fait qu’il existe encore des cas d’extorsion, particulièrement dans le nord, mais a souligné que ce ne sont pas seulement les Tamouls qui sont pris pour cible, mais toute personne fortunée. Elle a par conséquent conclu que même si le risque était bien réel dans le cas du demandeur, il existerait également pour d’autres personnes en général. Le défendeur conclut que cette conclusion était bien fondée et qu’elle était correcte.

 

VII.     Analyse

 

 

1.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur en n’appliquant pas la bonne norme de preuve dans son analyse de la composante objective de la crainte de persécution invoquée par le demandeur en vertu de l’article 96 de la LIPR?

 

[46]           La Cour est d’accord avec le défendeur pour dire que la Commission n’a pas appliqué une norme de preuve incorrecte dans son analyse de l’article 96 en ce qui concerne la « crainte justifiée de persécution ». Premièrement, ainsi que les deux parties l’ont signalé, la Commission a correctement énoncé le critère à diverses reprises dans sa décision. Par exemple, au paragraphe 21 de sa décision, la Commission déclare qu’elle estime « selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur ne serait pas exposé à plus qu’une simple possibilité de persécution s’il retournait au Sri Lanka ». Deuxièmement, les deux cas où la norme de preuve semble avoir été énoncée par erreur comme étant celle de la prépondérance des probabilités sont des passages où la Commission mentionne la charge de la preuve lorsqu’il s’agit d’établir les possibilités raisonnables de persécution (voir Nageem, précité, au paragraphe 24 et Adjei, précité, au paragraphe 5). Autrement dit, lorsque la Commission déclare, aux paragraphes 53, 57 et 62 de sa décision que « le demandeur n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’il serait exposé au risque d’être persécuté s’il retournait au Sri Lanka » ou qu’il attirerait trop d’attention, elle a fort probablement tout simplement omis les mots « d’une sérieuse possibilité de » devant les mots « d’être persécuté ». Après avoir examiné attentivement la décision dans son ensemble comme la Cour suprême du Canada nous y invite dans l’arrêt Newfoundland Nurses, précité, la Cour est convaincue que la Commission a appliqué le bon critère.

 

            2.         L’appréciation de la crédibilité de la Commission était‑elle raisonnable?

 

[47]           La Cour conclut que l’évaluation que la Commission a faite de la crédibilité était raisonnable en l’espèce, et ce, pour les raisons suivantes.

 

[48]           L’appréciation de la crédibilité d’un demandeur est une question de fait. « Il ressort clairement de la jurisprudence que l’analyse que fait la Commission quant à la crédibilité d’un demandeur d’asile et à la vraisemblance de son récit est intimement liée à son rôle d’arbitre des faits et que, en conséquence, ses conclusions en la matière devraient bénéficier d’une retenue appréciable » (Lin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1052, [2008] ACF no 1329, au paragraphe 13).

 

[49]           Bien que la Commission ait accepté que l’histoire du demandeur était intrinsèquement cohérente, sa conclusion défavorable en ce qui concerne la crédibilité reposait principalement sur les contradictions qu’elle avait relevées avec les éléments de preuve corroborants que le demandeur lui avait soumis.

 

[50]           Le demandeur affirme que la conclusion défavorable tirée par la Commission au sujet de la crédibilité est déraisonnable parce qu’elle reposait sur ce que la lettre du juge de paix et le certificat médical omettaient de dire (Bagri, précité, au paragraphe 11). La Cour n’est pas de cet avis. La Commission a nettement relevé certaines contradictions en se fondant sur des renseignements qui se trouvaient bien dans la lettre du juge de paix. Par exemple, la Cour a signalé que la lettre du juge de paix indiquait qu’à la suite de l’enlèvement du demandeur par des inconnus, le 6 juillet 2008, le demandeur avait décidé de quitter le Sri Lanka après que [traduction] « le même groupe est revenu chez lui, a posé des questions et a proféré des menaces, puis s’est volatilisé » (Motifs de la Commission, au paragraphe 26). Il était certainement loisible à la Commission de conclure que cette déclaration contredisait la version des faits du demandeur suivant laquelle il avait quitté le Sri Lanka après une visite des membres du groupe Karuna.

 

[51]           Compte tenu de la conclusion qu’elle a tirée au sujet de la crédibilité, la Commission a estimé que le demandeur n’avait pas présenté suffisamment d’éléments de preuve corroborants pour appuyer son affirmation qu’il avait été torturé et harcelé par l’armée, le CID et le groupe Karuna en raison de ses liens soupçonnés avec les TLET. « Selon la jurisprudence, lorsque le récit d’un demandeur d’asile est jugé incohérent à cause de conclusions sur la crédibilité, l’absence de preuve documentaire est une considération valide aux fins d’appréciation de la crédibilité » (Matsko c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 691, au paragraphe 14). 

 

[52]           La Commission a décidé d’accorder peu de valeur à un autre élément de preuve documentaire qui corroborait la demande d’asile du demandeur, en l’occurrence, la lettre de sa mère. La Commission a conclu que cette lettre ne fournissait pas suffisamment de détails au sujet du passage à tabac du père du demandeur par des membres du groupe Karuna, ajoutant que cette lettre n’était accompagnée d’aucun élément de preuve corroborant, notamment d’aucun élément de preuve médical. Le demandeur affirme que la Commission a commis une erreur en préférant la lettre du juge de paix à celle de sa mère, simplement parce que cette dernière provenait d’un membre de sa famille. La Cour n’est pas de cet avis. Il appartenait à la Commission d’apprécier la preuve et la Cour refusera d’intervenir à moins que les conclusions de la Commission ne soient entachées d’erreurs graves. En l’espèce, la Commission a raisonnablement motivé sa décision d’accorder peu de valeur probante à la lettre de la mère. Il n’appartient pas à notre Cour de réévaluer la preuve; son rôle consiste plutôt à s’assurer que la conclusion tirée par la Commission faisait partie de celles qu’elle pouvait raisonnablement tirer.

 

3.         La Commission a‑t‑elle fait défaut d’examiner des éléments de preuve pertinents dont elle disposait?

 

[53]           Le demandeur affirme que la Commission s’est fondée sur des renseignements qui n’étaient plus à jour pour évaluer la situation actuelle dans le nord du Sri Lanka tout en ignorant des rapports plus récents. Selon le défendeur, il est faux de prétendre que la Commission s’est fondée de façon sélective sur des renseignements plus anciens, et il souligne que la Commission a reconnu que la situation au Sri Lanka n’était pas parfaite et qu’elle continuait d’évoluer. Le défendeur affirme en outre que, compte tenu des conclusions qu’elle a tirées au sujet de la crédibilité, la Commission n’était pas même obligée de se livrer à une analyse sérieuse des rapports objectifs présentés au sujet de la situation au pays, étant donné qu’ils ne constituent pas en eux-mêmes un fondement suffisant pour permettre à la Commission de faire droit à une demande d’asile (voir Rahaman, précité).

 

[54]           Le défendeur a raison de dire que l’absence d’éléments de preuve crédibles au sujet de l’élément subjectif de la demande fondée sur l’article 96 entraîne le rejet de la demande d’asile (Rodriguez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 292, au paragraphe 33; Tabet-Zatla c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] ACF no 1778, au paragraphe 6 (C.F. 1re inst.)). La présente espèce se distingue de l’affaire Yaliniz c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1988] ACF no 248, 7 Imm LR (2d) 163, citée par le demandeur, parce qu’en l’espèce, la Commission a conclu que le demandeur avait inventé de toutes pièces la majeure partie de sa demande d’asile (Motifs de la Commission, au paragraphe 30).

 

[55]           La Commission avait quand même l’obligation d’examiner les éléments de preuve objectifs lors de son analyse de l’article 97. Ainsi que le juge Phelan l’a écrit dans le jugement Balakumar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 20, au paragraphe 13 :

Il n’est pas nécessaire qu’il y ait une séparation stricte entre l’examen des articles 96 et 97. Une conclusion selon laquelle l’élément objectif de l’article 96 n’a pas été satisfait pourrait, selon la situation, également régler la question de l’article 97. Cependant, une conclusion d’absence de l’élément subjectif requis à l’article 96 ne permet pas à la Commission d’omettre de tenir compte de l’élément objectif de crainte, particulièrement à l’égard de l’article 97. La façon dont l’examen est effectué ne devrait pas être établie par la Cour. Il importe seulement que l’examen soit effectué et qu’il paraisse l’avoir été.

 

[56]           La Cour est d’avis que la Commission a adéquatement évalué les éléments de preuve objectifs lorsqu’elle s’est livrée à son analyse de l’article 97. La Commission a reconnu que les enlèvements à des fins d’extorsion sont un problème dans le nord et l’est du Sri Lanka et a fait observer que les personnes prises pour cible de ces attaques sont celles qui sont considérées comme étant fortunées. La Commission a accepté que le demandeur avait été victime d’enlèvement et d’extorsion en 2008 et qu’il pourrait fort bien l’être à nouveau à l’avenir, mais elle a conclu que ce risque était un risque généralisé et qu’il ne satisfaisait donc pas à l’une des conditions prévues au sous‑alinéa 97(1)b)(ii) de la LIPR. La Commission a examiné de façon appropriée ces éléments de preuve.

 

[57]           Se fondant sur le principe énoncé dans le jugement Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF no 1425, 157 FTR 35, le demandeur a également affirmé que la Commission avait commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu’elle n’a pas expliqué la raison pour laquelle elle préférait deux rapports de 2010, l’un de l’UNHCR et l’autre des services d’immigration danois, aux documents qu’il avait soumis et qui remontaient à 2011 et qui démontraient que les Tamouls qui retournaient au Sri Lanka sont davantage exposés au risque d’être torturés et d’être victimes d’extorsion. Il est de jurisprudence constante que la Commission n’est pas obligée de commenter chaque élément de preuve présenté par le demandeur d’asile dès lors qu’elle a bien examiné la preuve (Florea c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), (CAF), [1993] ACF no 598 (disponible sur QL)). En l’espèce, la Cour est convaincue que la Commission a tout d’abord reconnu qu’il existait toujours des problèmes au Sri Lanka sur la foi de rapports contradictoires, mais surtout qu’elle a conclu, compte tenu de l’absence d’éléments de preuve propres au demandeur d’asile, que ce dernier avait raison de craindre d’être persécuté.

 

4.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur dans sa compréhension du risque généralisé?

 

[58]           La Commission n’a pas commis d’erreur dans la façon dont elle a interprété le risque généralisé. Elle a cité des éléments de preuve suivant lesquels les extorsions étaient à la hausse dans le nord et l’est du Sri Lanka et que les personnes ciblées étaient habituellement celles qui étaient considérées comme étant fortunées. La Commission a invoqué le jugement Prophète c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 331, pour affirmer qu’un risque est généralisé lorsqu’une partie d’une population plus large, mais pas nécessairement toute la population, est confrontée avec le problème. En l’espèce, la partie plus large en question englobait toutes les personnes considérées comme riches qui vivent dans le nord et l’est. La Commission a par conséquent conclu que, dans la mesure où le demandeur appartenait effectivement au groupe ciblé, il n’était pas personnellement exposé à un risque qui n’était pas également celui auquel d’autres personnes du nord et de l’est du Sri Lanka étaient également exposées de façon générale (Carias c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 602, au paragraphe 25). La Commission n’a pas commis d’erreur, étant donné que cette conclusion reposait en partie sur la preuve documentaire versée au dossier et qu’elle était, par conséquent, l’une des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47).

 

[59]           La Cour juge par conséquent que la demande doit être rejetée étant donné que la décision de la Commission est raisonnable.


JUGEMENT

LA COUR REJETTE la présente demande de contrôle judiciaire et DÉCLARE qu’il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

 

 

« André F.J. Scott »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4243-12

 

INTITULÉ :                                      PARTHIPAN BALASUBRAMANIAM

                                                            c

                                                            MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 13 mai 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE SCOTT

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 21 juin 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Barbara Jackman

Meghan Wilson

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Monmi Goswami

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jackman, Nazami & Associates

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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