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Date : 20130618

Dossier : IMM-6964-12

Référence : 2013 CF 679

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 juin 2013

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

 

SIVAGOWRY SITHAMPARANATHAN

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), de la décision datée du 16 février 2012 et réexaminée le 28 juin 2012 (la décision) par laquelle un agent des visas (l’agent) du haut-commissariat du Canada à Colombo, au Sri Lanka, a déterminé que la demanderesse ne correspondait pas à la définition d’« enfant à charge » énoncée à l’alinéa 2b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑27 (le Règlement).

CONTEXTE

[2]               La demanderesse est une citoyenne du Sri Lanka née le 21 février 1982. En 2011, la mère de la demanderesse a présenté une demande de résidence permanente au Canada qui visait aussi la demanderesse à titre d’enfant à charge. La demanderesse avait plus de 22 ans au moment de la demande, mais sa mère a déclaré que la demanderesse étudiait à temps plein à la faculté de médecine de l’Université de Jaffna depuis l’âge de 21 ans.

[3]               Dans une lettre datée du 6 décembre 2011, l’agent a avisé la demanderesse qu’elle ne correspondait pas à la définition d’« enfant à charge » énoncée à l’article 2 du Règlement. Dans une lettre datée du 24 décembre 2011, la mère de la demanderesse a informé l’agent que la demanderesse était inscrite comme étudiante à temps plein depuis le 29 décembre 2003.

[4]               Le 16 février 2012, l’agent a informé la demanderesse par lettre qu’elle ne correspondait pas à la définition d’« enfant à charge ». Le 23 mars 2012, l’avocat de la demanderesse a fourni d’autres documents à l’appui de la demande. Ces documents comprenaient la carte d’étudiante de la demanderesse et une lettre confirmant l’inscription de la demanderesse à la faculté de médecine de l’Université de Jaffna du 29 décembre 2003 au 9 décembre 2010. Une autre lettre certifiait que la demanderesse avait passé le dernier examen pour l’obtention de son diplôme en décembre 2010.

[5]               L’agent a examiné les observations de la demanderesse et l’a informée, dans un courriel daté du 28 juin 2012, qu’elle demeurait exclue de la demande de sa mère.

 

 

DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[6]               Selon la demanderesse, la décision visée par la présente demande de contrôle comprend la lettre d’exclusion datée du 16 février 2012 et les notes consignées par l’agent dans le Système mondial de gestion des cas (SMGC). S’ajoute également le courriel daté du 28 juin 2012 par lequel l’agent a informé la demanderesse que sa demande de réexamen avait été refusée.

[7]               Dans les notes qu’il a consignées le 2 décembre 2011, l’agent déclare que la demanderesse a fourni une lettre de l’Université de Jaffna indiquant qu’elle faisait la dernière année de ses études de médecine en 2010, mais rien pour montrer qu’elle était toujours inscrite. L’agent n’était pas convaincu que la demanderesse n’avait pas cessé d’être inscrite à un établissement d’enseignement reconnu et correspondait donc à la définition d’« enfant à charge », et il mentionne qu’il fallait envoyer une lettre avisant la demanderesse qu’elle avait 30 jours pour dissiper ce doute. Selon les notes, une lettre à cet effet a été envoyée à la demanderesse le 6 décembre 2011.

[8]               L’agent écrit dans ses notes que d’autres documents avaient été reçus le 10 janvier 2012. Il répète que rien n’indique que la demanderesse était toujours étudiante après décembre 2010. Dans ses notes du 7 février 2012, l’agent écrit que la demanderesse [traduction] « a présenté des éléments de preuve montrant qu’elle avait fait des stages cliniques, mais aucun de ces stages n’a été fait après 2008 et il semble s’agir de stages internes ». Selon les notes de l’agent, la demanderesse a soumis une lettre de l’Université de Jaffna indiquant qu’elle faisait la dernière année de ses études de médecine en 2010, mais rien pour montrer qu’elle était toujours inscrite. L’agent n’était pas convaincu que la demanderesse correspondait à la définition d’« enfant à charge ».

[9]               La lettre d’exclusion a été envoyée le 16 février 2012. Selon les notes consignées le 3 avril 2012, une lettre du conseiller de la demanderesse a été reçue le 22 mars 2012. L’agent a encore une fois examiné les documents produits par la demanderesse et a constaté que le dossier d’étudiante de la demanderesse se terminait en décembre 2010. Par conséquent, la demanderesse ne pouvait être considérée comme une enfant à charge. L’agent a aussi inscrit que les motifs d’ordre humanitaire n’étaient pas suffisants pour l’emporter sur l’irrecevabilité. L’agent a conclu qu’il n’avait pas à répondre au représentant de la demanderesse, étant donné que l’exclusion prononcée au départ tenait toujours.

[10]           L’agent a avisé la demanderesse que sa demande de réexamen avait été rejetée le 28 juin 2012.

QUESTION EN LITIGE

[11]           La demanderesse soulève la question suivante dans la présente demande :

a.                   L’agent a‑t‑il enfreint les règles de justice naturelle et d’équité procédurale en n’examinant pas et en ne répondant pas aux observations présentées le 23 mars 2012 par la demanderesse sur son statut d’enfant à charge dans la demande de résidence permanente de sa mère?

 

NORME DE CONTRÔLE

[12]           Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a statué qu’il n’était pas toujours nécessaire de procéder à une analyse de la norme de contrôle. Lorsque la norme de contrôle applicable à une question précise est bien établie par la jurisprudence, la cour de révision peut l’appliquer. Ce n’est que lorsque cette démarche se révèle infructueuse que la cour de révision doit examiner les quatre facteurs qui entrent en jeu dans l’analyse de la norme de contrôle.

[13]           La demanderesse soulève une question d’équité procédurale. Comme l’a statué la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.) c Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 RCS 539, au paragraphe 100, « [i]l appartient aux tribunaux judiciaires et non au ministre de donner une réponse juridique aux questions d’équité procédurale ». Par conséquent, la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte.

 

[14]           Le défendeur soutient que c’est la décision sur la demande de réexamen qui est visée par la présente demande de contrôle, et que cette décision est un exercice du pouvoir discrétionnaire susceptible de contrôle selon la norme de la raisonnabilité (Rashed c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 175).

[15]           Dans ses arguments, la demanderesse conteste aussi le caractère suffisant des motifs de l’agent. Dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, la Cour suprême du Canada a statué, au paragraphe 14, que l’insuffisance des motifs ne permet pas à elle seule de casser une décision. Plutôt, « les motifs doivent être examinés en corrélation avec le résultat et ils doivent permettre de savoir si ce dernier fait partie des issues possibles ». Ainsi, toute question que pourrait soulever le caractère suffisant des motifs sera examinée sous l’angle de la raisonnabilité de la décision.

[16]           Lorsqu’une décision est soumise au contrôle judiciaire selon la norme de la décision raisonnable, l’analyse s’intéresse « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59. En d’autres termes, la Cour ne devrait intervenir que si la décision est déraisonnable en ce sens qu’elle n’appartient pas aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[17]           Les dispositions suivantes du Règlement s’appliquent en l’espèce :

Définitions

 

2. Les définitions qui suivent s’appliquent au présent règlement.

 

[…]

 

« enfant à charge » L’enfant qui :

 

a) d’une part, par rapport à l’un ou l’autre de ses parents :

 

 

(i) soit en est l’enfant biologique et n’a pas été adopté par une personne autre que son époux ou conjoint de fait,

 

 

(ii) soit en est l’enfant adoptif;

 

b) d’autre part, remplit l’une des conditions suivantes :

 

 

(i) il est âgé de moins de vingt-deux ans et n’est pas un époux ou conjoint de fait,

 

(ii) il est un étudiant âgé qui n’a pas cessé de dépendre, pour l’essentiel, du soutien financier de l’un ou l’autre de ses parents à compter du moment où il a atteint l’âge de vingt-deux ans ou est devenu, avant cet âge, un époux ou conjoint de fait et qui, à la fois :

 

 

 

 

 

(A) n’a pas cessé d’être inscrit à un établissement d’enseignement postsecondaire accrédité par les autorités gouvernementales compétentes et de fréquenter celui-ci,

 

(B) y suit activement à temps plein des cours de formation générale, théorique ou professionnelle,

 

(iii) il est âgé de vingt-deux ans ou plus, n’a pas cessé de dépendre, pour l’essentiel, du soutien financier de l’un ou l’autre de ses parents à compter du moment où il a atteint l’âge de vingt-deux ans et ne peut subvenir à ses besoins du fait de son état physique ou mental.

 

[…]

 

Exigences

 

121. Les exigences applicables à l’égard de la personne appartenant à la catégorie du regroupement familial ou des membres de sa famille qui présentent une demande au titre de la section 6 de la partie 5 sont les suivantes :

 

a) l’intéressé doit être un membre de la famille du demandeur ou du répondant au moment où la demande est faite et, qu’il ait atteint l’âge de vingt-deux ans ou non, au moment où il est statué sur la demande.

 

 

[…]

Interpretation

 

2. The definitions in this section apply in these Regulation.

 

[…]

 

“dependent child”, in respect of a parent, means a child who

 

(a) has one of the following relationships with the parent, namely,

 

(i) is the biological child of the parent, if the child has not been adopted by a person other than the spouse or common-law partner of the parent, or

 

(ii) is the adopted child of the parent; and

 

(b) is in one of the following situations of dependency, namely,

 

(i) is less than 22 years of age and not a spouse or common-law partner,

 

(ii) has depended substantially on the financial support of the parent since before the age of 22 — or if the child became a spouse or common-law partner before the age of 22, since becoming a spouse or common-law partner — and, since before the age of 22 or since becoming a spouse or common-law partner, as the case may be, has been a student

 

(A) continuously enrolled in and attending a post-secondary institution that is accredited by the relevant government authority, and

 

 

 

(B) actively pursuing a course of academic, professional or vocational training on a full-time basis, or

 

(iii) is 22 years of age or older and has depended substantially on the financial support of the parent since before the age of 22 and is unable to be financially self-supporting due to a physical or mental condition.

 

 

 

[…]

 

Requirements

 

121. The requirements with respect to a person who is a member of the family class or a family member of a member of the family class who makes an application under Division 6 of Part 5 are the following:

 

 

(a) the person is a family member of the applicant or of the sponsor both at the time the application is made and, without taking into account whether the person has attained 22 years of age, at the time of the determination of the application;

 

[…]

 

ARGUMENTS

La demanderesse

[18]           La demanderesse souligne que sa mère avait répondu aux préoccupations de l’agent en envoyant des observations additionnelles le 24 décembre 2011. Dans ses notes du 10 janvier 2012, l’agent écrit que la mère de la demanderesse a bel et bien envoyé d’autres documents, mais rien n’indique si l’agent a répondu à ces observations. Les notes du 7 février 2012 disent simplement que les éléments de preuve n’ont toujours pas convaincu l’agent.

[19]           La demanderesse affirme que l’agent soulève, dans ses notes du 7 février 2012, bon nombre de questions sur son éducation et les dates de ses études, mais que ces questions ne lui ont jamais été posées. Si ces questions lui avaient été posées, elle aurait pu donner une explication. La demanderesse avait indiqué que les stages cliniques faisaient partie du programme de la faculté de médecine, mais l’agent a simplement déclaré qu’il semblait s’agir de stages internes. C’était, soutient la demanderesse, une pure hypothèse de la part de l’agent, qui ne lui a jamais fait part de ses doutes, comme le prescrit la décision Liao c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 1926.

[20]           En outre, le 23 mars 2012, l’avocat de la demanderesse à Toronto a préparé d’autres documents à envoyer à Colombo, dont la réception a été confirmée. Les notes indiquent simplement qu’un courriel du conseiller de la demanderesse a été reçu le 3 avril 2012, ce qui est erroné, car l’avocat de la demanderesse n’a envoyé aucun courriel en avril 2012. Il a envoyé seulement une lettre et des observations le 23 mars 2012, et transmis, le 12 juin 2012, un courriel dans lequel il demandait une réponse aux observations envoyées le 23 mars 2012.

[21]           La demanderesse affirme que l’agent a essentiellement omis de communiquer avec sa mère ou avec son avocat à propos des observations envoyées en décembre 2011 et en mars 2012. L’obligation d’équité exige que les agents informent les demandeurs de leurs préoccupations, pour que ceux‑ci aient la chance d’« apaiser » ces préoccupations (Rukmangathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 284; Gedeon c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1245). Lorsque la question de l’admissibilité d’un étranger au Canada est en jeu, de même que la séparation d’une famille, le demandeur doit avoir une possibilité réelle et équitable de répondre (Ma c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CF 1042, au paragraphe 13; Ha c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 49).

[22]           Le guide opérationnel ENF2/OP18 de Citoyenneté et Immigration Canada, Évaluation de l’interdiction de territoire, présente la façon dont les agents des visas doivent traiter les demandes quand la question de l’interdiction de territoire se pose. En ce qui concerne l’équité procédurale, ce document précise que le demandeur doit pouvoir répondre aux allégations, que l’information fournie par le demandeur doit être soigneusement et équitablement examinée, et que le demandeur doit recevoir et pouvoir commenter tout document pertinent, être avisé des doutes et avoir la possibilité de répondre. Selon la demanderesse, l’agent n’a pas respecté ces lignes directrices.

[23]           La demanderesse ajoute que ses observations n’ont pas été réellement analysées ni prises en considération. Par exemple, l’agent n’a pas tenu compte de la lettre dans laquelle T. Thusyanthan déclarait que la demanderesse était inscrite à temps plein à l’Université de Jaffna. L’agent demeurait simplement non convaincu du statut de la demanderesse, sans dire pourquoi. Si les motifs d’une décision ne sont pas suffisants pour permettre à un demandeur de comprendre le fondement de cette décision, la décision est déraisonnable (Nintawat c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 66, au paragraphe 27). Bien que l’obligation de fournir des motifs détaillés soit moindre dans le cas de l’agent des visas, il doit quand même fournir des motifs réels et indiquer le fondement probatoire sur lequel reposaient sa décision finale et ses conclusions essentielles (Varga c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 394, au paragraphe 16).

[24]           La demanderesse souligne que l’agent ne s’est même pas donné la peine d’enregistrer les observations transmises le 23 mars 2012, qu’il n’y avait pas répondu ni n’avait avisé son avocat qu’une décision avait été prise des mois auparavant. Comme dans l’affaire Wong c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF no 1791, l’agent n’a pas informé la demanderesse des facteurs qu’il avait jugés pertinents, ce qui constitue un manquement à la justice naturelle.

Le défendeur

[25]           Le défendeur souligne que, selon l’avis de demande, la demanderesse souhaitait obtenir l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision du 28 juin 2012, à savoir la décision sur la demande de réexamen. La décision sur une demande de réexamen se distingue du refus initial de l’agent (Medina c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 504.

[26]           La Cour d’appel fédérale a clairement établi que, lorsqu’une décision sur une demande de réexamen est contestée, il n’est pas loisible à la Cour d’aller au-delà de cette décision et de procéder au contrôle judiciaire de la décision initiale (Remstar Corp. c Syndicat des employé-es de TQS Inc., 2011 CAF 183, au paragraphe 3). Comme la Cour d’appel l’a statué au paragraphe 3 de l’arrêt Williams c Section locale 938 de la Fraternité internationale des Teamsters, 2005 CAF 302 :

Pour une raison ou pour une autre, M. Williams n’a pas demandé le contrôle judiciaire de la décision initiale et le délai qui sapplique aux demandes de contrôle judiciaire a expiré en mai 2004. En conséquence, compte tenu de la jurisprudence, la Cour n’est pas habilitée, dans le cadre du contrôle judiciaire d’une décision sur une demande de réexamen, à réviser une décision initiale du Conseil. (Voir Lamoureux c. Association canadienne des pilotes de ligne et al., [1993] A.C.F. n1128 (C.A.); Sim c. Canada, [1997] A.C.F. no 1382 (C.A.)).

 

 

[27]           Le défendeur soutient que la demanderesse a présenté une demande d’autorisation qui concernait seulement la décision sur la demande de réexamen datée du 28 juin 2012, et qu’elle ne devrait donc pas avoir la possibilité de contester la décision initiale.

[28]           Le défendeur ajoute que l’affirmation de la demanderesse selon laquelle l’agent n’avait pas répondu à sa demande de mars 2012 n’est pas fondée. Comme le montre la réponse transmise par courriel le 28 juin 2012 (dossier certifié du tribunal, page 25), la demanderesse a été informée que la décision de février 2012 ne changerait pas. La réception de la réponse est aussi attestée par le fait que la demanderesse n’a pas présenté de demande de mandamus, et l’avis de demande déposé par la demanderesse indique que le 28 juin 2012 est la date où la décision a été rendue.

[29]           La demande de réexamen a été étudiée le 11 avril 2012, et la demanderesse a été avisée du résultat le 28 juin 2012. La demanderesse n’a subi aucun préjudice pour ne pas avoir été avisée sitôt la décision prise. L’argument de la demanderesse selon lequel la décision comporte une lacune sur le plan de l’analyse n’est pas fondé; il est établi que les notes consignées par l’agent dans le SMGC font partie de la décision (Pinto c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 349, au paragraphe 3).

[30]           Le défendeur souligne que, contrairement à l’âge de l’enfant à charge, le statut d’étudiant n’est pas « gelé » à la date de la demande de résidence permanente. La demanderesse est tenue de montrer qu’elle est un membre admissible de la catégorie du regroupement familial à la date où la demande est présentée et à la date où la demande est tranchée (Hamid c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 217). Aucun élément de preuve ne montrait à l’agent que la demanderesse était inscrite à une formation universitaire à temps plein après décembre 2010.

[31]           En réponse à la lettre envoyée à la mère de la demanderesse en décembre 2011, une lettre écrite sous serment disant que la demanderesse s’était inscrite à la faculté de médecine le 20 décembre 2003 et qu’elle dépendait financièrement de sa mère a été transmise à l’agent. Cette lettre n’indique pas que la demanderesse suivait une formation universitaire à temps plein au moment où la demande a été évaluée. La lettre de l’Université de Jaffna dit que la demanderesse était étudiante de janvier 2004 jusqu’à décembre 2010. Si la demanderesse était toujours inscrite, le défendeur soutient qu’il était raisonnable de s’attendre à ce que la lettre de l’Université l’indique. Les autres documents fournis par la demanderesse ne confirment pas non plus que celle‑ci a poursuivi ses études après décembre 2010.

[32]           D’après la preuve produite, l’agent a raisonnablement conclu que la demanderesse ne fréquentait pas d’établissement d’enseignement postsecondaire après décembre 2010 et que, pour cette raison, elle ne correspondait pas à la définition d’« enfant à charge ». Selon le défendeur, la demanderesse allègue sans fondement que l’agent a manqué à l’équité procédurale.

[33]           Il incombait à la demanderesse de présenter toute l’information nécessaire et la documentation à l’appui. Comme la Cour l’a statué dans la décision Madan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] ACF no 1198, au paragraphe 6 :

Il est bien établi qu’un demandeur de visa a l’entière responsabilité de présenter à l’agent des visas toute la documentation qui pourrait permettre à ce dernier de rendre une décision favorable. Les agents des visas n’ont par conséquent aucune obligation générale en droit de demander des détails ou des renseignements additionnels avant de rejeter une demande de visa au motif que la documentation soumise ne suffisait pas à les convaincre que le demandeur répondait aux critères de sélection pertinents.

 

Voir aussi Prasad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] ACF no 453, au paragraphe 7.

[34]           L’agent n’avait nulle obligation d’informer la demanderesse du caractère déficient de la documentation qu’elle avait présentée ni de lui donner l’occasion de dissiper les doutes qu’il pouvait avoir (Bharaj c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1462; Asghar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] ACF no 1091, au paragraphe 21). La demanderesse avait l’obligation de présenter à l’agent toute la documentation pertinente. L’agent des visas n’est pas tenu de chercher d’autres éléments de preuve ni de mener une entrevue quand le demandeur n’a pas fourni suffisamment de documents à l’appui de sa demande (Silva c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 733, au paragraphe 20). Le fardeau de la preuve n’est pas transféré à l’agent, et le demandeur n’a pas droit à une entrevue personnelle (Pan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 838, aux paragraphes 27 et 28).

[35]           En outre, le défendeur affirme que l’agent a raisonnablement apprécié la question de la réunification de la famille. L’agent a tenu compte du fait que la demanderesse avait de la famille au Sri Lanka, ainsi qu’au Canada, en France et en Australie.

ANALYSE

[36]           Le dossier révèle clairement que le bureau des visas avait des doutes sur le statut d’enfant à charge de la demanderesse et a préparé à cet égard une lettre d’équité datée du 6 décembre 2011. La mère de la demanderesse a répondu à la lettre d’équité le 16 décembre 2011. Les notes consignées dans le SMGC le 4 janvier 2012 indiquent que la lettre a été reçue et qu’elle sera examinée par le bureau des visas.

[37]           Les notes consignées dans le SMGC le 10 janvier 2012 révèlent que la demanderesse et sa mère ont présenté d’autres observations. Toutefois, rien dans les observations et les documents présentés par la demanderesse et par sa mère n’établissait que la demanderesse était inscrite dans un établissement postsecondaire et qu’elle y suivait des cours. Selon les notes du SMGC, quand les documents ont été examinés le 7 février 2012, le bureau des visas n’était toujours pas convaincu, d’après la preuve présentée, que la demanderesse était bien une enfant à charge au sens du Règlement, et l’examen de la preuve montre clairement pourquoi.

[38]           La mère de la demanderesse a été informée de la décision défavorable dans une lettre datée du 16 février 2012. Dans une lettre datée du 23 mars 2012, difficile à catégoriser, l’avocat de la demanderesse a présenté d’autres observations. Il affirme que la décision défavorable du 16 février 2011 était incorrecte, mais aucune demande de révision de cette décision n’a été faite. Lue dans son intégralité, la lettre du 23 mars 2012 semble être une demande de réexamen.

[39]           La décision visée par le présent contrôle est le refus de la demande de réexamen daté du 28 juin 2012. La décision a été transmise par courriel à l’avocat de la demanderesse, en réponse au courriel du 12 juin 2012 dans lequel l’avocat demandait une réponse aux observations présentées le 23 mars 2012 :

[traduction] Veuillez prendre note que la décision transmise par lettre en février 2012 quant à la fille exclue de la demandeure est maintenue.

 

 

[40]           Selon les notes du SMGC qui accompagnaient la lettre, l’agent a étudié la demande de réexamen et a fait une analyse transparente et intelligible afin de déterminer si la demanderesse était une enfant à charge au moment pertinent. Comme le défendeur le souligne, le statut d’étudiant n’est pas « gelé » à la date de la demande, et la demanderesse ne conteste pas le fait que l’agent a apprécié son statut d’étudiante au moment où il a rendu sa décision comme telle. Voir la décision Hamid, précitée, aux paragraphes 55 à 60.

[41]           Les motifs pour lesquels la demande de réexamen a été refusée ressortent nettement du dossier : aucun des documents soumis par l’avocat le 23 mars 2012 n’établissait que la demanderesse était une enfant à charge au moment pertinent, ni ne surmontait la difficulté relevée dans les observations précédentes. Comme le révèlent les notes du SMGC, la difficulté découlait du fait que, selon la preuve, la demanderesse avait étudié à l’Université de Jaffna de janvier 2004 à décembre 2010. Le dossier universitaire de la demanderesse se terminait en décembre 2010, et aucun élément de preuve n’établissait que la demanderesse poursuivait ses études, comme le veut le Règlement, ou était encore inscrite en 2011. Par conséquent, l’agent n’était pas convaincu que la demanderesse n’avait pas cessé d’être inscrite à un établissement d’enseignement reconnu et correspondait donc en ce sens à la définition d’« enfant à charge », de manière à pouvoir être incluse comme personne à charge dans la demande de sa mère.

[42]           La demanderesse a soulevé divers motifs à l’appui de sa demande de contrôle, mais aucun d’entre eux ne résiste à l’examen. Compte tenu de la preuve soumise à l’agent, la décision de ne pas modifier la décision initiale n’était pas déraisonnable. De plus, aucun manquement à l’équité procédurale n’a été commis. Il incombait à la demanderesse de produire la preuve requise pour établir la relation de dépendance. Voir la décision Pan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 838, aux paragraphes 27 et 28.

[43]           De même, il ressort nettement des notes du SMGC que l’agent a tenu compte du facteur d’ordre humanitaire de la réunification de la famille, mais a conclu que ce facteur ne l’emportait pas sur l’irrecevabilité de la demande parce que deux des membres de la fratrie de la demanderesse demeuraient au Sri Lanka, un autre résidait en France et encore un autre, en Australie. La demanderesse se plaint de ne pas avoir eu l’occasion de traiter de ces questions, mais elle aurait pu le faire dans la demande de réexamen datée du 23 mars 2012 déposée par son avocat, et elle ne m’a présenté aucun élément donnant à penser que l’agent avait apprécié la situation d’une quelconque façon inexacte ou inappropriée. À l’appui de sa demande de réexamen, la demanderesse a présenté les mêmes éléments de preuve que ceux qui avaient été soumis dans le cadre de la décision initiale, de sorte qu’il était hautement improbable que la demande de réexamen soit accueillie en l’absence de détails pouvant être pris en considération pour des motifs d’ordre humanitaire.

[44]           Les avocats s’entendent pour dire qu’il n’y a aucune question à certifier, et la Cour en convient.

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.                  La demande est rejetée.

2.                  Aucune question n’est certifiée.

 

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Johanne Brassard, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6964-12

 

INTITULÉ :                                      SIVAGOWRY SITHAMPARANATHAN

 

                                                            -   et   -

 

                                                            MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 29 avril 2013

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 18 juin 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Robert I. Blanshay                                                                  POUR LA DEMANDERESSE

 

Rafeena Rashid                                                                       POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Blanshay & Lewis                                                                   POUR LA DEMANDERESSE

Avocats

Toronto (Ontario)                                                                               

 

William F. Pentney                                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur général du Canada

 

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