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Date : 20130611

Dossier : IMM-8543-12

Référence : 2013 CF 625

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 11 juin 2013

En présence de monsieur le juge Mosley

 

 

ENTRE :

 

Ünzile Burcu BİLGÜTAY

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA cITOYENNETÉ ET DE L’Immigration

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’Immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], d’une décision portant que la demanderesse ne satisfaisait pas aux exigences de la catégorie des travailleurs qualifiés.

 

[2]               Mme Bilgütay est une citoyenne turque. Elle a obtenu une offre d’emploi réservé approuvée (OEA) de Service Canada pour un emploi de coordonnateur d’événements en Colombie‑Britannique. Elle s’est présentée à l’examen de l’International English Language Testing System (IELTS) le 9 mai 2009, et elle a présenté une demande de résidence permanente le 27 février 2011.

 

[3]               Dans sa demande, Mme Bilgütay a demandé que si elle n’obtenait pas le nombre de points exigés, l’agent d’immigration envisage de procéder à une substitution d’appréciation en conformité avec les lignes directrices de CIC.

 

[4]               Une lettre d’équité a été délivrée par un agent d’immigration le 25 novembre 2011 et le représentant de Mme Bilgütay a répondu le 3 janvier 2011. Néanmoins, l’agent des visas a conclu, le 15 juin 2012, que Mme Bilgütay ne maîtrisait pas suffisamment l’anglais et a rejeté sa demande.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE :

[5]               Les questions soumises à la Cour sont les suivantes :

a.       Quelle norme de contrôle convient-il d’appliquer?

b.      L’agent a-t-il commis une erreur en concluant que les points obtenus à l’examen de l’IELTS indiquaient une connaissance [traduction] « limitée » de l’anglais?

c.       L’agent a-t-il commis une erreur en évaluant les compétences linguistiques de la demanderesse en fonction du site Web de l’IELTS et en n’expliquant pas pourquoi son évaluation selon les Niveaux de compétence linguistique canadiens (NCLC) indiquait qu’elle ne pouvait pas exécuter les tâches du poste?

 

[6]               Les dispositions applicables sont les articles 76 et 79 du Règlement sur l’Immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [RIPR] :

 

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés

DORS/2002-227

Immigration and Refugee Protection Regulations

SOR/2002-227

Critères de sélection

 

76. (1) Les critères ci-après indiquent que le travailleur qualifié peut réussir son établissement économique au Canada à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) :

 

 

 

*   a) le travailleur qualifié accumule le nombre minimum de points visé au paragraphe (2), au titre des facteurs suivants :

 

 

 

(i) les études, aux termes de l’article 78,

 

 

(ii) la compétence dans les langues officielles du Canada, aux termes de l’article 79,

 

(iii) l’expérience, aux termes de l’article 80,

 

 

*  (iv) l’âge, aux termes de l’article 81,

*   

*  (v) l’exercice d’un emploi réservé, aux termes de l’article 82,

 

 

*  (vi) la capacité d’adaptation, aux termes de l’article 83;

*   

      b) le travailleur qualifié :

 

*  (i) soit dispose de fonds transférables — non grevés de dettes ou d’autres obligations financières — d’un montant égal à la moitié du revenu vital minimum qui lui permettrait de subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille,

*   

*  (ii) soit s’est vu attribuer le nombre de points prévu au paragraphe 82(2) pour un emploi réservé au Canada au sens du paragraphe 82(1).

 

Nombre de points

 

(2) Le ministre établit le nombre minimum de points que doit obtenir le travailleur qualifié en se fondant sur les éléments ci-après et en informe le public :

 

a)      le nombre de demandes, au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral), déjà en cours de traitement;

 

b) le nombre de travailleurs qualifiés qui devraient devenir résidents permanents selon le rapport présenté au Parlement conformément à l’article 94 de la Loi;

 

c) les perspectives d’établissement des travailleurs qualifiés au Canada, compte tenu des facteurs économiques et autres facteurs pertinents.

Substitution de l’appréciation de l’agent à la grille

*        

(3) Si le nombre de points obtenu par un travailleur qualifié — que celui-ci obtienne ou non le nombre minimum de points visé au paragraphe (2) — n’est pas un indicateur suffisant de l’aptitude de ce travailleur qualifié à réussir son établissement économique au Canada, l’agent peut substituer son appréciation aux critères prévus à l’alinéa (1)a).

 

 

 

 

 

Confirmation

 

(4) Toute décision de l’agent au titre du paragraphe (3) doit être confirmée par un autre agent.

Selection criteria

 

76. (1) For the purpose of determining whether a skilled worker, as a member of the federal skilled worker class, will be able to become economically established in Canada, they must be assessed on the basis of the following criteria:

 

*   (a) the skilled worker must be awarded not less than the minimum number of required points referred to in subsection (2) on the basis of the following factors, namely,

*    

*  (i) education, in accordance with section 78,

*   

*  (ii) proficiency in the official languages of Canada, in accordance with section 79,

*   

*  (iii) experience, in accordance with section 80,

*   

*  (iv) age, in accordance with section 81,

*   

*  (v) arranged employment, in accordance with section 82, and

*   

*  (vi) adaptability, in accordance with section 83; and

 

      (b) the skilled worker must

*    

(i) have in the form of transferable and available funds, unencumbered by debts or other obligations, an amount equal to half the minimum necessary income applicable in respect of the group of persons consisting of the skilled worker and their family members, or

 

*  (ii) be awarded the number of points referred to in subsection 82(2) for arranged employment in Canada within the meaning of subsection 82(1).

*   

*       Number of points

*        

(2) The Minister shall fix and make available to the public the minimum number of points required of a skilled worker, on the basis of

 

(a) the number of applications by skilled workers as members of the federal skilled worker class currently being processed;

 

(b) the number of skilled workers projected to become permanent residents according to the report to Parliament referred to in section 94 of the Act; and

 

 

(c) the potential, taking into account economic and other relevant factors, for the establishment of skilled workers in Canada.

 

Circumstances for officer's substituted evaluation

*        

(3) Whether or not the skilled worker has been awarded the minimum number of required points referred to in subsection (2), an officer may substitute for the criteria set out in paragraph (1)(a) their evaluation of the likelihood of the ability of the skilled worker to become economically established in Canada if the number of points awarded is not a sufficient indicator of whether the skilled worker may become economically established in Canada.

 

Concurrence

 

(4) An evaluation made under subsection (3) requires the concurrence of a second officer.

 

Langues officielles

 

79. (1) Le travailleur qualifié indique dans sa demande de visa de résident permanent la langue — français ou anglais — qui doit être considérée comme sa première langue officielle au Canada et celle qui doit être considérée comme sa deuxième langue officielle au Canada et fait évaluer ses compétences dans ces langues par une institution ou organisation désignée aux termes du paragraphe (3).

 

 

 

Compétence en français et en anglais (24 points)

 

      (2) Le maximum de points d’appréciation attribués pour la compétence du travailleur qualifié dans les langues officielles du Canada est de 24, calculés d’après les standards prévus dans les Niveaux de compétence linguistique canadiens 2006, pour le français, et dans le Canadian Language Benchmarks 2000, pour l’anglais, et selon la grille suivante :

 

*   a) pour l’aptitude à parler, à écouter, à lire ou à écrire à un niveau de compétence élevé :

*    

*  (i) dans la première langue officielle, 4 points pour chaque aptitude si les compétences du travailleur qualifié correspondent au moins à un niveau 8,

 

(ii) dans la seconde langue officielle, 2 points pour chaque aptitude si les compétences du travailleur qualifié correspondent au moins à un niveau 8;

 

*   b) pour l’aptitude à parler, à écouter, à lire ou à écrire à un niveau de compétence moyen :

 

 

*  (i) dans la première langue officielle, 2 points pour chaque aptitude si les compétences du travailleur qualifié correspondent aux niveaux 6 ou 7,

*   

*  (ii) dans la seconde langue officielle, 2 points si les compétences du travailleur qualifié correspondent aux niveaux 6 ou 7;

*   

*   c) pour l’aptitude à parler, à écouter, à lire ou à écrire chacune des langues officielles :

 

(i) à un niveau de compétence de base faible, 1 point par aptitude, à concurrence de 2 points, si les compétences du travailleur qualifié correspondent aux niveaux 4 ou 5,

 

*  (ii) à un niveau de compétence de base nul, 0 point si les compétences du travailleur qualifié correspondent à un niveau 3 ou à un niveau inférieur.

Official languages

 

79. (1) A skilled worker must specify in their application for a permanent resident visa which language — English or French — is to be considered their first official language in Canada and which is to be considered their second official language in Canada and must have their proficiency in those languages assessed by an organization or institution designated under subsection (3).

 

 

 

 

*       Proficiency in English and French (24 points)

 

      (2) Assessment points for proficiency in the official languages of Canada shall be awarded up to a maximum of 24 points based on the benchmarks referred to in Canadian Language Benchmarks 2000 for the English language and Niveaux de compétence linguistique canadiens 2006 for the French language, as follows:

 

 

*   (a) for the ability to speak, listen, read or write with high proficiency

 

 

*  (i) in the first official language, 4 points for each of those abilities if the skilled worker’s proficiency corresponds to a benchmark of 8 or higher, and

 

 

*  (ii) in the second official language, 2 points for each of those abilities if the skilled worker’s proficiency corresponds to a benchmark of 8 or higher;

*   

*   (b) for the ability to speak, listen, read or write with moderate proficiency

 

 

*    

*  (i) in the first official language, 2 points for each of those abilities if the skilled worker’s proficiency corresponds to a benchmark of 6 or 7, and

*   

*  (ii) in the second official language, 2 points for each of those abilities if the skilled worker’s proficiency corresponds to a benchmark of 6 or 7; and

*   

*   (c) for the ability to speak, listen, read or write

*    

*  (i) with basic proficiency in either official language, 1 point for each of those abilities, up to a maximum of 2 points, if the skilled worker’s proficiency corresponds to a benchmark of 4 or 5, and

*   

*   

*  (ii) with no proficiency in either official language, 0 points if the skilled worker’s proficiency corresponds to a benchmark of 3 or lower.

 

 

 

 

A.     La norme de contrôle

 

[7]               Selon la jurisprudence, la norme de contrôle applicable à la décision d’un agent quant à l’admissibilité à la résidence permanente dans la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) est celle de la raisonnabilité (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 57; Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59; Tan c Canada (MCI), 2012 CF 1079, aux paragraphes 32-33).

 

B. L’agent a-t-il commis une erreur en concluant que les résultats obtenus à l’examen de l’IELTS indiquaient une connaissance « limitée » de l’anglais?

 

[8]               Les Niveaux de compétence linguistique canadiens (NCLC) sont les normes nationales utilisées pour décrire, mesurer et reconnaître la maîtrise de l’anglais des immigrants adultes ou des immigrants potentiels désireux de venir vivre et travailler au Canada. L’IELTS est l’un des nombreux tests linguistiques qui ont été désignés comme étant capables d’évaluer un demandeur en fonction des NCLC. 

 

[9]               La demanderesse a prétendu que l’agent a commis une erreur en appréciant les résultats qu’elle avait obtenus à l’examen de l’IELTS, à savoir un résultat global de 4,5 ce qui la situe dans l’échelon 4, « utilisateur limité », plutôt que l’échelon 5, « utilisateur modeste ». Elle prétend que, en conséquence, l’agent a évalué son aptitude à écouter comme s’il avait obtenu un résultat de 4.0 aux NCLC, plutôt que 4,5.

 

[10]           La demanderesse a obtenu les résultats suivants à l’examen de l’IELTS :

 

Écoute             Lecture                        Expression écrite         Expression orale          Note totale

4.5                   5.0                   6.5                               6.5                               5.5

 

 

[11]           Le site Web de l’IELTS donne les descriptions suivantes des échelons en question (http://www.ielts.org/test_takers_information/getting_my_results/my_test_score.aspx) :

 

Échelon 4 – Utilisateur limité : Un utilisateur limité est une personne dont les compétences de base se limitent à des situations connues, qui a fréquemment des problèmes à comprendre et à s’exprimer et qui ne peut utiliser un langage complexe.

 

Échelon 5 – Utilisateur modeste : Un utilisateur modeste est une personne qui possède une maîtrise partielle de la langue, qui comprend le sens général dans la plupart des situations, mais qui risque de commettre de nombreuses erreurs. Il est en principe capable d'assurer une communication de base pour tout ce qui relève de son propre domaine.

 

[12]           Le défendeur a prétendu que le sous-alinéa 79(2)c)(i) prévoit expressément que 1 point devrait être accordé pour un niveau de compétence de base faible si les compétences du travailleur qualifié correspondent aux niveaux 4 ou 5. L’agent des visas a accordé 1 point à la demanderesse pour son aptitude à écouter. 

 

[13]           Je conclus qu’il s’agissait d’une décision raisonnable relevant du pouvoir discrétionnaire de l’agent.

 

C. L’agent a-t-il commis une erreur en évaluant les compétences linguistiques de la demanderesse en fonction du site Web de l’IELTS et en n’expliquant pas pourquoi son évaluation selon les Niveaux de compétence linguistique canadiens (NCLC) indiquait qu’elle ne pouvait pas exécuter les tâches du poste?

 

[14]           La demanderesse a prétendu que l’agent des visas a commis une erreur en concluant que son profil linguistique démontrait qu’elle était incapable d’exécuter les tâches du poste offert. Elle a déclaré qu’elle avait obtenu, en écoute, un résultat la situant entre l’utilisateur limité et l’utilisateur modeste, et qu’elle avait obtenu de meilleurs résultats dans les autres catégories qui ont été vérifiées. Comme un utilisateur modeste peut comprendre le sens général dans la plupart des situations et est capable d'assurer une communication de base pour tout ce qui relève de son propre domaine, la demanderesse serait capable de travailler dans son domaine.

 

[15]           Le défendeur a prétendu que l’avis relatif au marché du travail (AMT) exigeait des compétences en anglais oral et écrit. Compte tenu de la faible compétence en ce qui a trait à l’aspect écoute de l’anglais oral, il était loisible à l’agent des visas de conclure que le degré d’aptitude de la demanderesse ne lui permettait pas d’exécuter les tâches de l’emploi. L’agent des visas a tiré une conclusion de fait selon laquelle le poste exigeait une meilleure connaissance de l’anglais que celle que possédait Mme Bilgütay, et cette conclusion était raisonnable.

 

[16]           J’aurais pu tirer une conclusion différente sur ce point compte tenu des résultats plus élevés obtenus pour le parler et l’écrit si j’avais rendu la décision de l’instance inférieure, mais l’agent semble avoir exercé son pouvoir discrétionnaire de façon raisonnable. Comme le défendeur l’a prétendu, l’agent était tenu d’apprécier si le degré d’aptitude de la demanderesse lui permettait vraiment d’exécuter les tâches de l’emploi. La Cour ne peut modifier cette appréciation que s’il a été faite de façon déraisonnable. 

 

Question certifiée

 

[17]           La demanderesse a proposé que la question suivante soit certifiée à titre de question grave de portée générale :

Lorsqu’un agent a des doutes quant à savoir si un demandeur est capable d’exécuter les tâches prévues dans une offre d’emploi, quelles sont les normes, le cas échéant, dont il doit se servir pour déterminer les exigences linguistiques du poste?

 

[18]           Le défendeur s’oppose à la certification de ces questions parce qu’il n’y a pas de désaccord véritable quant à la norme et parce qu’une réponse ne règlerait pas la présente affaire. Je suis d’accord avec le défendeur et je ne certifierai donc aucune question.


JUGEMENT

La cour rejette la demande. Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Richard G. Mosley »,

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-8543-12

 

INTITULÉ :                                      Ünzile Burcu BİLGÜTAY

                                                            et

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L'AUDIENCE :             Le 30 mai 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE MOSLEY.

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L'ORDONNANCE :           Le 11 juin 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Steven Meurrens

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Kim Sutcliffe

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

STEVEN MEURRENS

Larlee Rosenberg

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE

MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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