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Date : 20130604

Dossier : IMM‑6392‑12

Référence : 2013 CF 491

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 4 juin 2013

En présence de monsieur le juge Scott

 

 

ENTRE :

 

S. C.

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS PUBLICS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

(Identiques aux motifs confidentiels du jugement et au jugement rendus le 10 mai 2013)

 

I.          Introduction

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision, datée du 24 mai 2012, par laquelle la Section d’appel de l’immigration [SAI] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a conclu que S. C. (le demandeur) est interdit de territoire au Canada pour s’être livré au passage de clandestins dans le cadre de la criminalité transnationale au sens de l’alinéa 37(1)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR].

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

II.        Faits

 

[3]               Le demandeur est un citoyen du Sri Lanka.

 

[4]               Le 13 août 2010, un navire non immatriculé du nom de « MV Sun Sea » (le navire) transportant 492 migrants (les migrants) a été intercepté par la Gendarmerie royale du Canada [GRC] dans les eaux canadiennes au large des côtes de la Colombie‑Britannique. Le navire avait quitté la Thaïlande le 5 juillet 2010. Aucun des ressortissants étrangers à bord n’était muni des documents qui leur auraient permis d’entrer légalement au Canada, et tous ont déclaré avoir l’intention de demeurer au Canada en permanence et d’y déposer des demandes d’asile. Le demandeur était l’une des personnes qui se trouvaient à bord du navire.

 

[5]               Après enquête, l’Agence des services frontaliers du Canada [ASFC] a établi un rapport intitulé « Enquête sur le passage de clandestins à bord du MV Sun Sea » (le rapport). Le rapport concluait que le navire était utilisé dans le cadre d’une activité organisée de passage de clandestins qui avait nécessité une importante planification et préparation par de nombreux agents (environ 45), installés dans plusieurs pays, qui avaient reçu un paiement des migrants pour s’embarquer à bord du navire en vue de leur passage au Canada. La majorité des migrants interrogés par l’ASFC ont déclaré avoir été obligés de payer entre 20 000 $ et 35 000 $ CAN pour leur passage. Les agents en question ont pris les passeports et les pièces d’identité des migrants avant que ces derniers s’embarquent sur le navire. Les migrants devaient faire un dépôt initial de 25 p. 100 à 50 p. 100 de leurs frais de passage complets avant l’embarquement et signer un engagement écrit de payer le solde à leur arrivée au Canada.

 

[6]               Les conditions de vie des passagers sur le navire étaient mauvaises : pénurie de nourriture et d’eau, espace pour dormir surpeuplé et installations sanitaires inadéquates. Les migrants ont aussi déclaré que des membres d’équipage se sont servis de la distribution de la nourriture et de l’eau pour abuser de leurs pouvoirs.

 

[7]               L’enquête de l’ASFC a révélé que le demandeur était l’un des 12 membres d’équipage du navire qui avaient embarqué en premier (c.‑à‑d. avant les passagers) pour remplacer neuf membres d’équipage thaïlandais qui se trouvaient sur le navire. On n’a pas pu établir clairement les détails de l’arrivée du demandeur en Thaïlande ni comment il avait obtenu un poste au sein de l’équipage du navire. Cependant, on sait que le demandeur a réussi à se rendre en Thaïlande en 2008, en provenance du Sri Lanka, et qu’il y a demandé l’asile auprès du bureau du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés [HCNUR] à Bangkok le lendemain de son arrivée. Comme sa demande a été acceptée, il a reçu du HCNUR une allocation mensuelle d’établissement. Le demandeur a déclaré à la SAI qu’il avait eu vent en Thaïlande de rumeurs au sujet du navire et qu’il avait obtenu un poste au sein de l’équipage après avoir pris des arrangements avec divers agents, dont l’agent principal, Prabha. Le demandeur a déclaré qu’il n’avait rien payé avant d’embarquer sur le navire. Il avait accepté d’y travailler comme cuisinier et il avait négocié une entente selon laquelle son père pourrait payer, après le voyage, le solde des frais de transport après déduction de la valeur de son travail. Le demandeur faisait la cuisine pour les onze autres membres de l’équipage et aidait le chef mécanicien dans la salle des machines.

 

[8]               L’enquête de l’ASFC a en outre révélé que le navire appartenait au frère du demandeur, qui l’avait acheté en mars 2010 au prix de 175 000 $ par l’intermédiaire d’une entreprise dont il avait le contrôle et qui était l’un des organisateurs du projet de passage de clandestins. À l’audience devant la SAI, le demandeur a déclaré ignorer que son frère se trouvait en Thaïlande jusqu’à ce qu’il l’y rencontre par hasard dans un temple. Il a aussi affirmé ignorer que son frère et sa belle‑sœur avaient prévu s’embarquer sur le navire, mais il a dit que leur présence simultanée à eux trois sur le navire n’était qu’une coïncidence. Il a ajouté qu’il n’avait découvert que son frère avait l’intention de s’embarquer que lorsqu’il l’a vu monter à bord du navire en Thaïlande. Il a aussi affirmé que lui‑même et son frère avaient eu peu de contacts à bord du navire et qu’ils échangeaient simplement des politesses lorsqu’ils se croisaient. Le demandeur a nié posséder des renseignements au sujet de la participation de son frère aux activités d’organisation du projet et a dit qu’il ignorait que son frère était propriétaire du navire.

 

[9]               Le demandeur a déposé une demande d’asile peu après son arrivée au Canada. Vers le 16 décembre 2010, un agent d’immigration a établi un rapport sous le régime du paragraphe 44(1) de la LIPR dans lequel il indiquait que le demandeur était un étranger interdit de territoire au Canada parce qu’il était visé par l’alinéa 37(1)b) de la LIPR, car il s’était livré au passage de clandestins. Ayant estimé le rapport fondé, le ministre a déféré l’affaire à la Section de l’immigration [SI] pour que soit tenue une enquête, conformément au paragraphe 44(2) de la LIPR.

 

III.       Les décisions de la SI et de la SAI

 

[10]           La SI a établi que le ministre n’avait pas présenté suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que le demandeur s’était livré au passage de clandestins au sens de l’alinéa 37(1)b) de la LIPR. Elle a estimé que les quatre éléments requis pour prouver la perpétration de l’infraction de passage de clandestins au sens de l’alinéa 37(1)b) étaient les mêmes que ceux qui sont exigés pour établir l’existence d’une violation du paragraphe 117(1) de la LIPR, soit : (i) le migrant clandestin n’avait pas les documents requis pour entrer au Canada; (ii) le migrant se dirigeait au Canada; (iii) l’accusé organisait l’entrée au Canada du migrant ou l’avait incité, aidé ou encouragé à entrer au Canada; et (iv) l’accusé savait que le migrant n’était pas muni des documents requis.

 

[11]           La SI a conclu que le ministre avait démontré l’existence des éléments (ii) et (iii), mais qu’il avait échoué en ce qui concerne les éléments (i) et (iv). Concernant le premier élément, la SI a estimé que le ministre n’avait pas fourni la preuve que les migrants étaient arrivés sans les documents requis. En ce qui concerne le quatrième élément, la SI a conclu que le ministre avait omis soit de déposer des éléments de preuve, soit de faire valoir que le demandeur savait si les migrants possédaient les documents requis ou avait fait preuve d’aveuglement volontaire à cet égard. La SI n’estimait pas que la recherche d’un profit était un élément supplémentaire essentiel pour établir l’existence d’une infraction de passage de clandestins au sens de l’alinéa 37(1)b), mais concluait néanmoins que le demandeur avait obtenu un profit en se livrant à l’activité de passage de clandestins. En effet, selon la SI, le demandeur avait assumé des responsabilités sur le navire afin de profiter d’un tarif réduit et, par conséquent, d’obtenir un avantage matériel.

 

[12]           Le ministre a interjeté appel de la décision de la SI et, le 24 mai 2012, la SAI a décidé d’accueillir l’appel, d’annuler la décision de la SI et de prendre une mesure d’expulsion contre le demandeur. La SAI a estimé que le ministre avait démontré qu’il avait été satisfait aux quatre éléments énumérés précédemment, qui permettaient de juger le demandeur interdit de territoire en vertu de l’alinéa 37(1)b) pour passage de clandestins. La SAI a souligné que le ministre avait déposé des éléments de preuve documentaires établissant que les migrants étaient venus au Canada sans être munis des documents requis. En ce qui concerne la connaissance qu’avait le demandeur du fait que les migrants étaient dépourvus des documents pertinents, la SAI a conclu ceci :

... il y a des motifs raisonnables de croire que l’intimé le savait. Ce dernier a déclaré qu’il a remis son propre passeport à l’agent avant de monter à bord du navire, mais il a déclaré plus généralement qu’il ne savait pas si les autres avaient fait de même et qu’il ne savait pas quels documents ces personnes possédaient ni ce qui serait nécessaire. La jurisprudence appuie une analyse de [traduction] « l’aveuglement volontaire » plutôt que la nécessité de conclure à la [traduction] « connaissance réelle », et cette analyse peut tenir compte du défaut de se renseigner de façon raisonnable. Le tribunal conclut qu’il serait raisonnablement apparent pour un observateur que, y compris pour l’intimé, un groupe de migrants qui ont payé généreusement pour un passage dans l’entreprise à haut risque de voyager à bord du MS Sun Sea n’étaient pas dans une position où ils pouvaient utiliser un moyen légitime, moins dispendieux et moins risqué pour leur vie afin d’entrer au Canada. On peut raisonnablement supposer que la raison pour laquelle les migrants n’ont pas simplement acheté un billet d’avion pour le Canada, pour une fraction du prix, est qu’ils n’avaient pas les documents appropriés pour le faire. (Motifs de la SAI, au paragraphe 35).

 

[13]           La SAI a confirmé la conclusion de la SI selon laquelle un profit ou un avantage financier n’était pas un élément nécessaire de la preuve de l’existence d’une infraction de passage de clandestins au sens de l’alinéa 37(1)b). La SAI a aussi tiré un certain nombre de conclusions en matière de crédibilité. Elle a estimé non crédibles tant l’allégation du demandeur selon laquelle il ne savait rien de la participation de son frère au projet que son explication concernant la façon dont il avait payé son transport ou l’existence même d’un paiement.

 

IV.       Dispositions législatives

 

[14]                Les dispositions applicables de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, du Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer et de la Convention relative au statut des réfugiés sont annexées à la présente décision.

 

 

V.        Questions en litige et norme de contrôle

 

A.        Questions en litige

 

[15]           La présente demande soulève les questions suivantes :

 

1.                  La SAI a‑t‑elle commis une erreur dans son interprétation du terme « passage de clandestins » figurant à l’alinéa 37(1)b) de la LIPR?

 

2.                  La SAI a‑t‑elle commis une erreur dans son interprétation ou son application du concept d’aveuglement volontaire?

 

3.                  La SAI a‑t‑elle commis une erreur dans ses conclusions en matière de crédibilité?

 

B.        Norme de contrôle

 

[16]           Quelle est la norme de contrôle pertinente à l’égard de l’interprétation par la SAI (ou la SI) de l’alinéa 37(1)b) de la LIPR? La Cour d’appel fédérale a répondu récemment à cette question dans l’arrêt B010 c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CAF 87, au paragraphe 66 [B010 (CAF)]. La Cour d’appel a rappelé le principe selon lequel c’est la norme de la décision raisonnable qui s’applique lorsqu’un tribunal interprète sa loi constitutive et a estimé qu’aucune des exceptions à ce principe ne s’appliquait à l’affaire dont elle était saisie.

66. Les commissaires exercent leur mission dans le cadre d’un régime administratif distinct et particulier. Ils possèdent une expertise pour ce qui est de l’interprétation et de l’application de la Loi. La nature de la question de droit en l’espèce est l’interprétation des mots  « passage de clandestins ». Cette question d’interprétation de la loi constitutive de la Commission ne soulève pas de question constitutionnelle ou de question de droit qui revêt une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble. Elle ne soulève pas non plus de question portant sur la délimitation des compétences respectives de tribunaux spécialisés concurrents ou de question touchant véritablement à la compétence (dans la mesure où ces questions continuent à se poser) (Alberta Teachers, aux paragraphes 33 à 43).

 

[17]           La Cour appliquera donc la norme de la décision raisonnable à cette question.

 

[18]           Au paragraphe 32 de la décision B010 c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 569 [B010 (CF)], le juge Noël a traité de la norme de contrôle qui s’applique à la deuxième question :

[32]  Je suis d’accord pour dire que la question que le demandeur soulève en ce qui concerne l’interprétation que la SI a faite du concept d’ignorance volontaire et la question de savoir si elle a abordé correctement les éléments du critère juridique sont des questions de droit qui doivent être tranchées en fonction de la norme de la décision correcte (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 44, [2009] ACS 12 [Khosa]; Mugesera, précité, au paragraphe 37; Belalcazar c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2011 CF 1013, au paragraphe 14, [2011] ACF 1332). Toutefois l’application que la SI a faite du concept de l’ignorance volontaire aux faits de l’espèce demeure assujettie à la norme de contrôle de la décision raisonnable (Onyenwe c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 604, aux paragraphes 9 et 10, [2011] ACF 807).

 

[19]           La Cour est d’accord avec l’analyse du juge Noël sur cette question. Par conséquent, elle examinera la compréhension par la SAI du critère juridique pertinent qui s’applique à l’aveuglement volontaire selon la norme de la décision correcte et évaluera l’application de ce concept selon la norme de la décision raisonnable.

 

[20]           Enfin, en ce qui concerne la troisième question, il est bien établi dans la jurisprudence qu’une conclusion relative à la crédibilité est une question de fait qui doit faire l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable (voir Lawal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 558, au paragraphe 11).

 

VI.       Positions des parties

 

[21]           Le demandeur soutient que la SAI a interprété incorrectement le terme « passage de clandestins » qui figure à l’alinéa 37(1)b) de la LIPR et a confondu cette activité avec le crime qui consiste à « organiser l’entrée au Canada » d’une ou de plusieurs personnes, visé à l’article 117 de la LIPR. Le demandeur soutient que si l’on applique les principes généraux d’interprétation législative et l’on prend en compte 1) le sens courant de la version française de l’alinéa 37(1)b), qui comprend les mots « se livrer » et « le passage de clandestins », 2) les objectifs de la LIPR et 3) les obligations du Canada en vertu du droit international, l’expression « passage de clandestins » entraîne nécessairement l’action de faire entrer clandestinement au Canada des étrangers en situation irrégulière en contrepartie d’un avantage financier ou matériel. Étant donné que le demandeur n’a pas obtenu un profit ou un avantage matériel et que le navire et ses passagers ne sont pas entrés au Canada clandestinement, la SAI a commis une erreur en le déclarant interdit de territoire pour « passage de clandestins » en vertu de l’alinéa 37(1)b).

 

[22]           Le défendeur soutient que la SAI a invoqué à bon droit le crime d’« organisation d’entrée illégale » (« human smuggling ») prévu à l’article 117 de la LIPR pour établir l’existence des éléments constitutifs du « passage de clandestins » (« people smuggling ») au sens de l’alinéa 37(1)b). Selon le défendeur, une interprétation plus étroite du terme « people smuggling » mènerait à un résultat absurde. Le défendeur affirme aussi que la définition habituelle et juridique du terme anglais « smuggling » n’exige pas que le passage lui‑même soit clandestin, mais il souligne que même si c’était le cas, les faits en l’espèce révèlent que le navire et les migrants sont entrés au Canada à la fois illégalement et clandestinement. En ce qui concerne le profit ou l’avantage matériel, le défendeur maintient qu’il ne s’agit pas d’une condition essentielle du passage de clandestins, mais souligne que même si c’était le cas, le demandeur lui‑même a reconnu devant la SAI avoir obtenu un avantage, sous la forme d’une réduction de ses frais de transport.

 

[23]           En ce qui concerne la deuxième question soulevée par la présente demande, le demandeur souligne que la SAI a mal compris la notion juridique de l’aveuglement volontaire en l’assimilant à un simple soupçon, alors qu’elle devait se demander si le demandeur savait vraiment qu’il devait chercher à savoir si les autres migrants détenaient les documents nécessaires. Le demandeur affirme qu’il n’avait pas de raisons de s’informer auprès des autres migrants au sujet des documents que ces derniers avaient en leur possession parce qu’il n’avait aucunement le sentiment de faciliter leur voyage au Canada.

 

[24]           De son côté, le défendeur soutient que la SAI a conclu à bon droit qu’il existait des motifs raisonnables de croire que le demandeur savait que d’autres migrants ne possédaient pas la documentation nécessaire, ou a fait preuve d’aveuglement volontaire à cet égard. Le défendeur souligne que le demandeur a déclaré savoir qu’il avait au moins besoin d’un passeport pour entrer au Canada et qu’il s’en était départi avant d’embarquer sur le navire. Selon le défendeur, le demandeur a aussi reconnu avoir choisi de venir au Canada de cette façon parce qu’il était incapable d’y entrer légalement. Vu ces circonstances, le défendeur tient le raisonnement suivant :

[traduction] C’est un comble que le demandeur affirme maintenant qu’il était déraisonnable que la [SAI] tire la conclusion de fait que le demandeur savait ou aurait dû savoir que, comme lui‑même, les autres migrants sont venus au Canada dans le cadre d’une opération coûteuse, cachée et risquée de passage de clandestins parce qu’ils n’avaient pas en leur possession les documents requis leur permettant d’entrer au Canada légalement (exposé des arguments du défendeur, au paragraphe 55).

 

[25]           Enfin, en ce qui concerne la troisième question, le demandeur soutient que la SAI a omis de fournir dans ses motifs les détails requis qui auraient permis de justifier ses conclusions en matière de crédibilité. Par exemple, la SAI a allégué que les descriptions faites par le demandeur à l’audience étaient incompatibles avec le contenu du rapport de l’ASFC, mais elle n’a pas précisé de quelles descriptions il s’agissait. De la même façon, la SAI a affirmé que certains renseignements fournis par le demandeur étaient incompatibles avec son  témoignage, mais elle n’a pas donné de détails sur ces renseignements. Le demandeur allègue aussi que la déclaration de la SAI selon laquelle le témoignage du demandeur à l’audience n’était pas plus fiable que ce que les déclarations qu’il avait faites auparavant ne tient pas compte du fait que la SI n’a pas mis en doute la validité du témoignage du demandeur. Le demandeur conclut qu’aucun élément de preuve ne permettait de faire un lien quelconque entre lui et le rôle de son frère dans le voyage.

 

[26]           Le défendeur affirme que les conclusions de la SAI en matière de crédibilité étaient raisonnables, suffisamment expliquées et étayées par la preuve. De plus, l’allégation du demandeur selon laquelle la SI l’avait jugé crédible est contraire aux motifs de ce tribunal. En effet, la seule conclusion que la SI avait tirée dans ses motifs au sujet de la fiabilité du témoignage du demandeur était qu’il était vague.

 

VII.     Analyse

 

1.         La SAI a‑t‑elle commis une erreur dans son interprétation du terme « passage de clandestins » figurant à l’alinéa 37(1)b) de la LIPR?

 

[27]           Comme nous l’avons déjà mentionné, le terme « passage de clandestins » n’est pas défini dans la LIPR ou dans un de ses règlements. Tant la SI que la SAI ont choisi d’assimiler cette notion à l’infraction « d’organiser l’entrée au Canada » d’une ou de plusieurs personnes décrite au paragraphe 117(1) de la LIPR. Les tribunaux ont sûrement été influencés par l’expression « human smuggling » qui coiffe la version anglaise de l’article 117 (« organisation d’entrée illégale au Canada » dans la version française). Or, une lecture attentive de l’article 117 révèle de toute évidence que le terme « human smuggling » désigne l’infraction décrite au paragraphe 117(1). La Cour estime raisonnable et conforme aux principes de l’interprétation législative la conclusion de la SAI selon laquelle le paragraphe 117(1) permet de criminaliser l’activité qui rend toute personne qui s’y est livrée interdite de territoire pour « passage de clandestins » (« people smuggling ») en vertu de l’alinéa 37(1)b). En tentant d’interpréter le sens d’une expression, il faut [traduction] « examiner d’autres dispositions qui peuvent avoir un lien significatif avec la disposition à interpréter. En interprétant conjointement des dispositions connexes, le tribunal en apprend un peu plus sur la volonté du législateur » (Ruth Sullivan, Statutory Interpretation, 2e éd. (Toronto, Irwin Law Inc., 2007), à la page 132 [Statutory Interpretation]).

 

[28]           Même si les termes « people smuggling » et « human smuggling » dans la version anglaise de la LIPR ne sont pas identiques, selon la technique d’analyse textuelle bien connue de la Cour, des termes différents figurant dans la même loi doivent se voir donner des significations différentes, et la Cour est d’accord avec l’affirmation du juge Noël, dans la décision B010 (CF), précitée, selon laquelle il n’existe « aucune raison sérieuse ou valable d’établir, dans le cas qui nous occupe, une distinction entre les expressions "people smuggling" et "human smuggling" que l’on trouve dans la version anglaise de la loi » (B010 (CF), au paragraphe 40). En effet, les deux expressions visent de toute évidence la même activité criminelle : le passage de clandestins.

 

[29]           Le demandeur soutient qu’un profit ou un avantage matériel constitue un élément nécessaire du passage de clandestins et que les gens qui effectuent cette activité à des fins humanitaires ne doivent pas être interdits de territoire en vertu de l’alinéa 37(1)b).

 

[30]           L’alinéa 121(1)c) de la LIPR indique très clairement que le passage de clandestins effectué en vue de tirer un profit est une circonstance aggravante plutôt qu’un élément constitutif de l’infraction. L’ajout de l’élément supplémentaire de recherche de profit comme condition de l’existence de l’infraction de passage de clandestins créerait une situation dans le cadre de laquelle une personne pourrait être trouvée coupable de passage de clandestins (et passible d’une amende maximale d’un million de dollars et de l’emprisonnement à perpétuité dans le cas où l’infraction vise un groupe de 10 personnes et plus) mais ne serait pas jugée interdite de territoire en vertu de l’alinéa 37(1)b). Dans la décision B010 (CF), précitée, le juge Noël a souligné qu’un résultat aussi absurde serait là « une autre indication qu’on doit interpréter l’alinéa 37(1)b) conformément à l’article 117 » (voir B010 (CF), au paragraphe 44).

 

[31]           Dans la décision Hernandez c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2012 CF 1417 [Hernandez], au paragraphe 64, le juge Zinn a conclu que l’exigence de la présence de l’élément de profit dans l’infraction de passage de clandestins n’entraînerait pas nécessairement un résultat absurde. En effet, tout en reconnaissant qu’une personne trouvée coupable de passage de clandestins pourrait quand même ne pas être jugée interdite de territoire en vertu de l’alinéa 37(1)b) de la LIPR, elle le demeurerait quand même en vertu du paragraphe 36(1) :

[64]      Il est vrai que si le « passage de clandestins » requiert l’élément de profit, alors le passeur motivé par des considérations humanitaires reconnu coupable d’une infraction au sens de l’article 117 ne serait pas interdit de territoire aux termes de l’alinéa 37(1)b); toutefois, ce passeur serait néanmoins interdit de territoire pour « grande criminalité » par la simple application du paragraphe 36(1), et serait exposé aux conséquences qui résultent d’un tel prononcé. En d’autres mots, malgré l’alinéa 37(1)b), le passeur de clandestins motivé par des considérations humanitaires est déjà interdit de territoire de la même façon que ceux qui sont reconnus coupables de crimes graves.

 

[32]           Dans quel but la motivation du profit est‑elle incorporée à l’infraction de passage de clandestins? Selon la Cour dans la décision Hernandez, précitée, il s’agit de punir plus durement le passage de clandestins dans ce genre de situation ou de traiter encore plus sévèrement les passeurs motivés par le profit. Cette intention est attestée par le fait que le législateur a ajouté à l’alinéa 121(1)c) la motivation du profit comme circonstance aggravante dans les cas de passage de clandestins :

De surcroît, dans les mots de Sullivan, j’estime qu’il existe une raison plausible de faire la distinction entre les deux groupes. Les passeurs motivés par le profit, pourrait‑on soutenir, devraient bénéficier de moins de protection que les autres. En effet, le législateur a indiqué le profit parmi les facteurs aggravants à prendre en considération au moment de l’infliction de la peine pour l’infraction d’organisation d’entrée illégale au Canada visée à l’article 117 : voir l’alinéa 121(1)c).  Le législateur voulait donc manifestement que le passage de clandestins motivé par le profit soit plus durement traité que le passage de clandestins motivé par des considérations humanitaires. Exiger que l’élément de profit soit présent dans l’infraction de passage de clandestins visée à l’alinéa 37(1)b) concorde avec cette intention (Hernandez, au paragraphe 66).

 

[33]           La Cour n’est pas d’accord avec ce raisonnement. La Cour reconnaît qu’en mentionnant la motivation du profit comme circonstance aggravante, le législateur avait l’intention de traiter plus durement les passeurs animés par ce motif; cependant, il ne prévoyait pas pour autant protéger contre l’application de l’alinéa 37(1)b) les passeurs qui n’agissent pas dans un but lucratif. En effet, si le législateur avait eu l’intention de criminaliser le passage de clandestins non motivé par le profit, il n’aurait pas prévu un critère de preuve moins exigeant (les « motifs raisonnables de croire » à l’article 33 de la LIPR). Un passeur non motivé par le profit pourrait être interdit de territoire en vertu du paragraphe 36(1), mais uniquement après avoir été jugé coupable hors de tout doute raisonnable en vertu du paragraphe 117(1).

 

[34]           La Cour reconnaît que, selon les éléments de preuve présentés par le demandeur lors des audiences du comité parlementaire, même si le législateur avait l’intention de soumettre les passeurs agissant pour des motifs d’ordre humanitaire à l’application du paragraphe 117(1), il avait aussi prévu que le paragraphe 117(4) (c.‑à‑d., aucune poursuite pour une infraction prévue à l’article 117(1) sans le consentement du procureur général) servirait de filet de sécurité qui pourrait empêcher que ces derniers soient poursuivis. Le législateur visait sans aucun doute une application très large du paragraphe 117(1). Il n’est que logique de supposer qu’il avait la même intention en ce qui concerne l’application de l’alinéa 37(1)b) au passage de clandestins. L’interprétation large des dispositions sur le passage de clandestins est conforme au principe de précaution qu’applique le législateur dans sa lutte contre ce crime sous toutes ses formes. De plus, tout comme le paragraphe 117(4), l’alinéa 37(2)a) fait aussi fonction de filet de sécurité et empêche les personnes visées à l’alinéa 37(1)b) d’être interdites de territoire si elles peuvent convaincre le ministre que leur présence au Canada ne serait nullement préjudiciable à l’intérêt national.

 

[35]           Le demandeur soutient aussi que l’interprétation de l’infraction de passage de clandestins sans composante de recherche de profit contreviendrait à l’alinéa 3(3)f) de la LIPR, qui exige que ses dispositions soient interprétées et mises en œuvre de façon à avoir pour effet « de se conformer aux instruments internationaux portant sur les droits de l’homme dont le Canada est signataire ». Plus précisément, le demandeur attire l’attention de la Cour sur l’alinéa 1a) de l’article 6 du Protocole contre le trafic illicite des migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (le Protocole) :

1.  Chaque État Partie adopte les mesures législatives et autres nécessaires pour conférer le caractère d’infraction pénale, lorsque les actes ont été commis intentionnellement et pour en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou autre avantage matériel :

 

a)  Au trafic illicite de migrants ; . . .

 

[36]           Dans la décision Hernandez, précitée, la Cour a abordé cette question et a estimé que l’alinéa 37(1)b), sans élément de profit, ne serait « pas vraiment incompatible avec le Protocole [Protocole relatif au statut des réfugiés] ni avec la Convention sur les réfugiés [Convention relative au statut des réfugiés] » (Hernandez, au paragraphe 55). En ce qui concerne le Protocole, voici ce que la Cour avait conclu :

[48]      Contrairement au Protocole, qui confère le caractère d’infraction pénale, l’alinéa 37(1)b) de la Loi est une disposition sur l’interdiction de territoire qui se répercute sur la possibilité d’un étranger de demander l’asile et sur la possibilité d’un résident permanent ou d’un étranger de rester au Canada.

 

[49]      L’engagement international qu’a pris le Canada de criminaliser le trafic illicite de migrants à l’échelle transnationale n’a aucune incidence sur la question de savoir quand le Canada doit permettre à des personnes de demander le statut de réfugié au sens de la Convention ou quand les exceptions au principe de non‑refoulement sont satisfaites. . .  (décision Hernandez, précitée, aux paragraphes 48‑49)

 

[37]           La Cour est d’accord. L’obligation qui figure dans le Protocole s’applique aux dispositions législatives dans le domaine criminel et elle devrait simplement éclairer l’interprétation de l’article 117. De plus, le Protocole pose un seuil en deçà duquel le Canada ne peut descendre, mais il n’empêche pas ce dernier d’appliquer une sanction plus exigeante ou plus dure afin de punir une infraction.

 

[38]           Le demandeur ajoute que l’interprétation par la SAI de l’expression « passage de clandestins » contreviendrait aussi au principe du non‑refoulement des réfugiés. Voici le libellé de l’article 33 de la Convention sur les réfugiés :

Article 33 Défense d’expulsion et de refoulement

 

1.  Aucun des États contractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques.

 

2.  Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu’il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l’objet d’une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays.

 

[39]           Le demandeur allègue que l’interprétation que fait la SAI de l’expression « passage de clandestins » contrevient au principe du non‑refoulement des réfugiés. La Cour n’est pas d’accord.

 

[40]           Le paragraphe 2 de l’article 33 précise clairement que les réfugiés ne bénéficieront pas de l’application du principe de non‑refoulement s’il existe des raisons sérieuses de considérer qu’ils constituent un danger pour la sécurité du pays où ils se trouvent. Néanmoins, un réfugié qui est visé par l’application des alinéas 37(1)b) et 37(2)a) ne sera pas interdit de territoire s’il convainc le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile que sa présence au Canada ne contrevient pas aux intérêts nationaux du pays. L’interprétation que fait la SAI de l’article 37 n’est pas incompatible avec le libellé de l’article 33 de la Convention sur les réfugiés. De plus, il ne faut pas confondre le principe du non‑refoulement avec les questions d’admissibilité.

 

[41]           La Cour rejette aussi l’argument du demandeur fondé sur l’article 31 de la Convention sur les réfugiés. Cette disposition interdit l’imposition de sanctions pénales à un réfugié du fait de son entrée illégale, mais non pour avoir organisé l’entrée au Canada d’une ou de plusieurs personnes ou de les avoir incitées, aidées ou encouragées à y entrer en contravention de la loi. L’alinéa 37(1)b) n’est pas incompatible avec l’obligation imposée au Canada par l’article 31. De plus, l’alinéa 37(2)b) exempte expressément une personne qui a eu recours aux services d’un passeur : « les faits visés […] n’emportent pas interdiction de territoire pour la seule raison que le résident permanent ou l’étranger est entré au Canada en ayant recours à une personne [un passeur] qui se livre aux activités qui y sont visées ».

 

[42]           Enfin, la Cour souligne que le demandeur a bel et bien tiré un avantage matériel en contrepartie de son travail dans le cadre du voyage à bord du navire.

 

[43]           Le demandeur allègue aussi que la SAI a commis une erreur en ne concluant pas que le passage de clandestins comporte nécessairement une entrée clandestine. Mais comme le souligne le défendeur, cette question a justement été abordée dans la décision B010 (CF), précitée, et confirmée par le juge Hughes dans la décision B072 c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 899. Au paragraphe 61 de la décision B010 (CF), précitée, le juge Noël a répondu comme suit à cette question :

[61] . . . Bien que le demandeur ait cherché à ajouter un élément de secret ou de clandestinité, le tribunal a souligné à juste titre que, lorsqu’un migrant clandestin se présentait à un point d’entrée pour demander l’asile, la personne qui l’avait aidé à entrer au Canada pouvait quand même être reconnue coupable de l’infraction prévue à l’article 117 (Godoy, précité, au paragraphe 35, et Mossavat, précité aux paragraphes 1 et 2). Le ministre a également signalé à juste titre devant notre Cour que l’on ne pouvait conclure à l’existence d’un tel critère à la lecture de l’alinéa 37(1)b), de l’article 117 ou même du Protocole et ce, peu importe que l’on considère la version anglaise ou la version française. Le ministre a également renvoyé notre Cour à l’article 159 de la Loi sur les douanes, LRC 1985, c 1 (2e suppl.), qui définit comme suit la contrebande (« smuggling » dans la version anglaise) : « constitue une infraction le fait d’introduire ou de tenter d’introduire en fraude au Canada, par contrebande ou non clandestinement, des marchandises passibles de droits ou dont l’importation est prohibée, contrôlée ou réglementée en vertu de la présente loi ou de toute autre loi fédérale » [Non souligné dans l’original]. Je suis d’accord avec le ministre pour dire que les paragraphes 37(1) et 117(1) n’exigent aucun élément de « secret ou de clandestinité », mais qu’ils ne visent que l’« organisation d’entrée illégale au Canada », et ce, que la personne qui entre au Canada se présente ou non à un point d’entrée, dès lors que cette personne n’est pas munie « des documents – passeport, visa ou autre – requis par la présente loi » (paragraphe 117(1) de la LIPR). La preuve soumise à la SI démontrait que la majorité des passagers se trouvant à bord du MV Sun Sea n’étaient effectivement pas munis des passeports et des visas requis par la LIPR.

 

[44]           La Cour est d’accord avec l’analyse du juge Noël sur cette question et conclut qu’elle répond entièrement aux questions soulevées par le demandeur. La Cour souligne aussi que, comme le défendeur l’a fait valoir à juste titre dans ses observations, le navire est entré au Canada clandestinement. Après avoir [traduction] « quitté illégalement le golfe de Thaïlande et […] navigué secrètement, sans être immatriculé et portant de façon tout à fait irrégulière le nom de MV Sun Sea, [il] n’a pas respecté la réglementation internationale en matière de communication de l’information et de sécurité […] » et a été intercepté dans les eaux canadiennes par les autorités du Canada (exposé des arguments du défendeur, au paragraphe 42).

 

[45]           Vu les motifs présentés précédemment, la Cour conclut que l’interprétation qu’a effectuée la SAI de l’activité de « passage de clandestins » à l’alinéa 37(1)b) de la LIPR est raisonnable et qu’elle appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190).

 

2.         La SAI a‑t‑elle commis une erreur dans son interprétation ou son application du concept d’aveuglement volontaire?

 

[46]           Ayant conclu que les éléments qui composent « l’organisation d’entrée illégale » au paragraphe 117(1) et le « passage de clandestins » à l’alinéa 37(1)b) étaient les mêmes, la SAI a été invitée à établir s’il existait des motifs raisonnables de croire que le demandeur avait sciemment organisé l’entrée au Canada d’une ou de plusieurs personnes non munie(s) d’un visa, d’un passeport ou d’un autre document exigé par la LIPR ou qu’il les avaient incitées, aidées ou encouragées à y entrer.

 

[47]           Le demandeur soutient que la SAI a commis une erreur en concluant qu’il savait que les autres migrants qu’il aidait à entrer au Canada ne possédaient pas la documentation requise. La SAI a conclu que le demandeur savait que les migrants ne possédaient pas les documents nécessaires ou a fait preuve d’aveuglement volontaire à cet égard. Le demandeur affirme que la SAI a commis une erreur dans sa compréhension de la notion de l’aveuglement volontaire [traduction] « en l’assimilant à un simple soupçon et en n’essayant pas de savoir si le demandeur devait vraiment chercher à savoir si les autres demandeurs d’asile avaient en leur possession les documents requis pour entrer au Canada » (exposé des faits et des arguments du demandeur, au paragraphe 68). Le demandeur allègue aussi que la preuve ne permettait de conclure qu’il avait délibérément omis de s’informer pour rester dans l’ignorance.

 

[48]           Le demandeur a raison d’affirmer que, pour établir qu’il a fait preuve d’aveuglement volontaire, la SAI devait démontrer qu’il savait qu’il y avait des raisons de s’informer. Cette exigence a été décrite dans Sansregret c La Reine, [1985] 1 RCS 570, au paragraphe 22, [1985] ACS n23 :

 

22     L’ignorance volontaire diffère de l’insouciance parce qu’[elle] se produit lorsqu’une personne qui a ressenti le besoin de se renseigner refuse de le faire parce qu’elle ne veut pas connaître la vérité. Elle préfère rester dans l’ignorance. La culpabilité dans le cas […] de l’ignorance volontaire […] se justifie par la faute que commet l’accusé en omettant délibérément de se renseigner lorsqu’il sait qu’il y a des motifs de le faire […]

 

[49]           La Cour note que même si la SAI n’a pas mentionné explicitement cet aspect du critère, elle a souligné que le demandeur avait déclaré avoir été obligé de remettre son propre passeport avant d’embarquer sur le navire et savoir par ailleurs qu’il avait besoin d’au moins un passeport pour entrer légalement au Canada. Dans ce sens, le demandeur avait un motif de s’informer. Voici ce que concluait le juge Noël en présence d’arguments et de faits très semblables :

En ce qui concerne toute [sic] d’abord la question de la mens rea, je suis d’accord pour dire que la SI n’a pas explicitement énoncé cet élément du concept d’ignorance volontaire. La Cour suprême a toutefois récemment confirmé que « [l]e décideur n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit‑il, qui a mené à sa conclusion finale » (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16, [2011] ACS 62). Je relève par ailleurs que la SI a effectivement conclu que le demandeur avait une raison de se renseigner. Plus précisément, la SI a conclu, au paragraphe 48 de ses motifs, que le demandeur savait qu’en tant que Sri‑Lankais, il avait besoin d’un visa pour entrer au Canada, ce qui suffisait pour savoir qu’il devait se renseigner pour satisfaire aux exigences de l’article 117 et démontre que le tribunal n’a pas mal interprété le critère de l’ignorance volontaire (voir la décision B010 (CF), au paragraphe 67).

 

[50]           Le demandeur ne peut pas soutenir qu’il ignorait que le fait d’aider des migrants non munis des documents appropriés à entrer au Canada était illégal parce qu’« il est bien établi que l’ignorance de la loi ne constitue pas un moyen de défense » (R c Jorgensen, [1995] 4 RCS 55, au paragraphe 97, [1995] ACS no 92). Le demandeur ne peut pas non plus soutenir qu’il ne considérait pas qu’il « aidait » les migrants à venir au Canada illégalement en faisant la cuisine pour les membres de l’équipage et en aidant le mécanicien du navire.

 

[51]           La Cour tient compte de la conclusion tirée par la juge Gagné au paragraphe 34 de la décision B306 c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2012 CF 1282 [B306] :

[34] . . . c’est interpréter de manière déraisonnablement large le paragraphe 117(1) que de laisser entendre que tout service fourni au profit de passeurs peut être considéré comme une aide et un encouragement à la venue au Canada d’étrangers clandestins. En ce sens, je conviens avec le demandeur que l’analyse du tribunal ne tenait pas compte du contexte de dépendance et de vulnérabilité complètes et d’inégalité des forces en présence dans lequel se trouvait le demandeur au cours du voyage de trois mois jusqu’au Canada.

 

[52]           Cependant, la juge Gagné établit, au paragraphe suivant, une distinction entre les faits dont elle était saisie et les faits de l’espèce. Voici ce qu’elle y souligne :

[35] . . . les faits de la présente affaire devraient être distingués de ceux qui ont été établis dans l’affaire B010, précitée, où le tribunal avait conclu que le demandeur « était monté à bord du navire tout en sachant qu’il ferait partie de l’équipage ». Dans cette affaire, le ministre avait produit trois photos qui montraient le demandeur posant avec trois membres de l’équipage (dont le capitaine) alors qu’ils étaient encore à Bangkok. Ce demandeur faisait partie de l’équipe qui avait volontairement remplacé l’équipage qui avait démissionné avant le départ. . . (décision B306, précitée, au paragraphe 35)

 

[53]           Il est important de souligner que, tout comme dans l’affaire B010 (CF), le demandeur était membre de l’équipage du navire. En effet, en contrepartie d’un tarif réduit qu’il avait négocié avant d’embarquer sur le navire, le demandeur avait accepté d’y travailler.

 

[54]           Enfin, l’argument du demandeur selon lequel il n’avait pas cherché à savoir si les migrants possédaient les documents nécessaires parce que [traduction] « ses soupçons n’avaient pas été éveillés » est indéfendable compte tenu des faits de l’espèce. En effet, le demandeur a reconnu avoir remis son propre passeport avant d’embarquer sur le navire; ce seul fait constitue un motif raisonnable de supposer que les autres migrants n’avaient pas été traités différemment. La SAI a conclu avec raison qu’un « groupe de migrants qui ont payé généreusement pour un passage dans l’entreprise à haut risque de voyager à bord du MS Sun Sea n’étaient pas dans une position où ils pouvaient utiliser un moyen légitime, moins dispendieux et moins risqué pour leur vie afin d’entrer au Canada » parce qu’ils ne disposaient pas des documents requis (motifs de la SAI, au paragraphe 35).

 

[55]           La Cour conclut que la SAI avait des motifs raisonnables de supposer que le demandeur savait que les migrants qu’il aidait à venir au Canada ne possédaient pas les documents nécessaires, ou avait fait preuve d’aveuglement volontaire à cet égard, et qu’il était par conséquent interdit de territoire parce qu’il effectuait un passage de clandestins au sens de l’alinéa 37(1)b) de la LIPR.

 

3.         La SAI a‑t‑elle commis une erreur dans ses conclusions en matière de crédibilité?

 

[56]           Les conclusions de la SAI en matière de crédibilité étaient raisonnables en l’espèce. Comme le soutient le défendeur, les conclusions de la SAI étaient [traduction] « claires, bien exposées et suffisamment étayées par la preuve » (exposé des arguments du défendeur, au paragraphe 62). Le témoignage du demandeur à l’audience relatif à ses contacts avec son frère, pendant et avant le voyage, a été à bon droit jugé non crédible. En effet, la version du demandeur selon laquelle il avait rencontré par hasard son frère dans un temple à Bangkok, qu’ils n’avaient pas parlé du voyage et que, par une simple coïncidence, ils ont découvert qu’ils participaient tous les deux à ce projet « déborde [grandement] le cadre de ce à quoi on peut logiquement s’attendre » (voir Valtchev c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2001), 208 FTR 267, au paragraphe 7).

 

[57]           La conclusion de la SAI selon laquelle « [l]es efforts de l’intimé pour se distancier de son frère, eu égard à ce qu’il savait et à son association avec celui‑ci, manquai[e] de crédibilité et offr[e] des motifs raisonnables de croire que l’intimé tente de cacher une plus grande association entre eux » est raisonnable et appartient aux issues possibles acceptables (motifs de la SAI, au paragraphe 31).

 

[58]           La SAI a aussi fourni des exemples évidents de témoignages contradictoires du demandeur sur la façon dont il avait payé ses frais de transport. Il ne s’agit pas d’une question secondaire, mais bien d’une question qui touche l’essence même de la participation du demandeur au projet parce qu’il était plus qu’un simple passager du navire. Au cours de l’audience devant la SI, le demandeur a déclaré qu’aucun arrangement relatif à un paiement postérieur au voyage n’avait été conclu par son père avant que lui‑même s’embarque sur le navire. Par ailleurs, à l’audience devant la SAI, le demandeur a déclaré qu’un tel arrangement avait été effectué avant son embarquement et que l’agent avait confiance en la capacité de payer de son père.

 

[59]           En résumé, la Cour rejette la demande parce que la SAI a conclu à bon droit que le demandeur est une personne visée par l’alinéa 37(1)b) de la LIPR et qu’il est interdit de territoire pour activités de criminalité organisée pour s’être livré, dans le cadre de la criminalité transnationale, au passage de clandestins.

 

VIII.    Certification

 

[60]           L’avocat du demandeur a exprimé le souhait que la Cour certifie les questions suivantes : La commissaire de la SAI a‑t‑elle commis une erreur dans sa décision en adoptant la définition du crime d’« organisation d’entrée illégale au Canada » au paragraphe 117(1) de la LIPR comme définition complète du passage de clandestins visé à l’article 37 parce que cette définition ne tient pas compte de la composante de recherche d’un avantage matériel définie dans la Convention et le Protocole et empêche les personnes ainsi désignées de jouir de la protection normalement offerte aux réfugiés? Cette définition entraîne‑t‑elle pour le Canada un manquement à son obligation de ne pas appliquer de sanctions pénales aux demandeurs d’asile qui entrent illégalement dans un pays et y présentent une demande d’asile?

 

[61]           Le conseil du défendeur s’est opposé à la certification de ces questions parce que la première question contient un énoncé plutôt qu’une véritable interrogation et, ce qui est plus important en l’espèce, que l’existence d’un avantage matériel est évidente. De plus, la Cour suprême a répondu à la deuxième question dans l’arrêt Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c Chiarelli [1992] 1 RCS 711 [Chiarelli].

 

[62]           La Cour ne certifiera aucune des questions proposées parce que la Cour d’appel fédérale y a déjà répondu dans l’arrêt B010 (CAF), précité.

 

[63]           Par ailleurs, la première question ne permet pas de trancher l’affaire; par conséquent, elle ne satisfait pas au critère énoncé dans les arrêts Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Lyanagamage, [1994] ACF no 1637; Zazai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 89; et Varela c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 145 (CanLII), [2010] 1 RCF 129. En l’espèce, la question de savoir si le terme « passage de clandestins » à l’alinéa 37(1)b) exige la présence d’un élément de recherche de profit ne permet pas de trancher l’affaire parce que la Cour a déjà conclu que le demandeur avait de toute façon reçu un avantage matériel en travaillant sur le navire (soit un tarif réduit).

 

[64]           En ce qui concerne la seconde question, à caractère conditionnel, la Cour estime qu’elle n’est pas grave, c’est‑à‑dire qu’elle ne soulève pas un doute important. Comme il a été mentionné précédemment, l’article 31 de la Convention sur les réfugiés interdit l’application de sanctions pénales aux réfugiés entrés de façon irrégulière mais non à ceux qui ont organisé l’entrée illégale d’une ou de plusieurs personnes ou de les avoir incitées, aidées ou encouragées à le faire. De plus, comme le défendeur l’a souligné à bon droit, la Cour suprême a déjà établi au paragraphe 31 de l’arrêt Chiarelli, précité, qu’une conclusion d’interdiction de territoire n’est pas prononcée à titre de peine.


JUGEMENT

LA COUR STATUE :

1.                   La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                   Il n’y a pas de question de portée générale à certifier.

 

 

« André F.J. Scott »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL. B.

 


ANNEXE

 

Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

Immigration and Refugee Protection Act, S.C. 2001, c. 27

 

Interprétation et mise en œuvre

 

3(3) L’interprétation et la mise en œuvre de la présente loi doivent avoir pour effet :

 

[…]

 

f) de se conformer aux instruments internationaux portant sur les droits de l’homme dont le Canada est signataire.

Application

 

3(3) This Act is to be construed and applied in a manner that

 

 

(f) complies with international human rights instruments to which Canada is signatory.

 

 

Section 4

 

Interdictions de territoire

 

Interprétation

 

33. Les faits — actes ou omissions — mentionnés aux articles 34 à 37 sont, sauf disposition contraire, appréciés sur la base de motifs raisonnables de croire qu’ils sont survenus, surviennent ou peuvent survenir.

 

 

 

Division 4

 

Inadmissibility

 

Rules of interpretation

 

33. The facts that constitute inadmissibility under sections 34 to 37 include facts arising from omissions and, unless otherwise provided, include facts for which there are reasonable grounds to believe that they have occurred, are occurring or may occur.

 

 

Grande criminalité

 

36. (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants :

 

 

a) être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans ou d’une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé;

 

 

b) être déclaré coupable, à l’extérieur du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans;

 

c) commettre, à l’extérieur du Canada, une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans.

 

Serious criminality

 

36. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of serious criminality for

 

(a) having been convicted in Canada of an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years, or of an offence under an Act of Parliament for which a term of imprisonment of more than six months has been imposed;

 

(b) having been convicted of an offence outside Canada that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years; or

 

(c) committing an act outside Canada that is an offence in the place where it was committed and that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years.

 

 

Activités de criminalité organisée

 

37. (1) Emportent interdiction de territoire pour criminalité organisée les faits suivants :

 

[…]

 

b) se livrer, dans le cadre de la criminalité transnationale, à des activités telles le passage de clandestins, le trafic de personnes ou le recyclage des produits de la criminalité.

 

 

 

Organized criminality

 

37. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of organized criminality for

 

. . .

 

(b) engaging, in the context of transnational crime, in activities such as people smuggling, trafficking in persons or money laundering.

 

Application

 

(2) Les dispositions suivantes régissent l’application du paragraphe (1) :

 

a) les faits visés n’emportent pas interdiction de territoire pour le résident permanent ou l’étranger qui convainc le ministre que sa présence au Canada ne serait nullement préjudiciable à l’intérêt national;

 

b) les faits visés à l’alinéa (1)a) n’emportent pas interdiction de territoire pour la seule raison que le résident permanent ou l’étranger est entré au Canada en ayant recours à une personne qui se livre aux activités qui y sont visées.

 

Application

 

(2) The following provisions govern subsection (1):

 

(a) subsection (1) does not apply in the case of a permanent resident or a foreign national who satisfies the Minister that their presence in Canada would not be detrimental to the national interest; and

 

(b) paragraph (1)(a) does not lead to a determination of inadmissibility by reason only of the fact that the permanent resident or foreign national entered Canada with the assistance of a person who is involved in organized criminal activity.

 

PARTIE 3

 

EXÉCUTION

 

Organisation d’entrée illégale au Canada

 

Entrée illégale

 

117. (1) Il est interdit à quiconque d’organiser l’entrée au Canada d’une ou de plusieurs personnes ou de les inciter, aider ou encourager à y entrer en sachant que leur entrée est ou serait en contravention avec la présente loi ou en ne se souciant pas de ce fait.

 

Peines

 

(2) Quiconque contrevient au paragraphe (1) relativement à moins de dix personnes commet une infraction et est passible, sur déclaration de culpabilité :

 

a) par mise en accusation :

 

(i) pour une première infraction, d’une amende maximale de cinq cent mille dollars et d’un emprisonnement maximal de dix ans, ou de l’une de ces peines,

 

(ii) en cas de récidive, d’une amende maximale de un million de dollars et d’un emprisonnement maximal de quatorze ans, ou de l’une de ces peines;

 

b) par procédure sommaire, d’une amende maximale de cent mille dollars et d’un emprisonnement maximal de deux ans, ou de l’une de ces peines.

 

Peines

 

(3) Quiconque contrevient au paragraphe (1) relativement à un groupe de dix personnes et plus commet une infraction et est passible, sur déclaration de culpabilité par mise en accusation, d’une amende maximale de un million de dollars et de l’emprisonnement à perpétuité, ou de l’une de ces peines.

 

Peine minimale — moins de cinquante personnes

 

(3.1) Quiconque est déclaré coupable, par mise en accusation, de l’infraction prévue aux paragraphes (2) ou (3) visant moins de cinquante personnes est aussi passible des peines minimales suivantes :

 

a) trois ans si, selon le cas :

 

(i) l’auteur, en commettant l’infraction, a entraîné la mort de toute personne visée par l’infraction ou des blessures à celle‑ci ou a mis en danger sa vie ou sa sécurité,

 

 

(ii) l’infraction a été commise au profit ou sous la direction d’une organisation criminelle ou d’un groupe terroriste ou en association avec l’un ou l’autre de ceux‑ci ou en vue de tirer un profit;

 

b) cinq ans si, à la fois :

 

(i) l’auteur, en commettant l’infraction, a entraîné la mort de toute personne visée par l’infraction ou des blessures à celle‑ci ou a mis en danger sa vie ou sa sécurité,

 

(ii) l’infraction a été commise au profit ou sous la direction d’une organisation criminelle ou d’un groupe terroriste ou en association avec l’un ou l’autre de ceux‑ci ou en vue de tirer un profit.

 

Peine minimale — groupe de cinquante personnes et plus

 

(3.2) Quiconque est déclaré coupable de l’infraction prévue au paragraphe (3) visant un groupe de cinquante personnes et plus est aussi passible des peines minimales suivantes :

 

a) cinq ans si, selon le cas :

 

(i) l’auteur, en commettant l’infraction, a entraîné la mort de toute personne visée par l’infraction ou des blessures à celle‑ci ou a mis en danger sa vie ou sa sécurité,

 

(ii) l’infraction a été commise au profit ou sous la direction d’une organisation criminelle ou d’un groupe terroriste ou en association avec l’un ou l’autre de ceux‑ci ou en vue de tirer un profit;

 

b) dix ans si, à la fois :

 

(i) l’auteur, en commettant l’infraction, a entraîné la mort de toute personne visée par l’infraction ou des blessures à celle‑ci ou a mis en danger sa vie ou sa sécurité,

 

 

(ii) l’infraction a été commise au profit ou sous la direction d’une organisation criminelle ou d’un groupe terroriste ou en association avec l’un ou l’autre de ceux‑ci ou en vue de tirer un profit.

 

 

Consentement du procureur général du Canada

 

(4) Il n’est engagé aucune poursuite pour une infraction prévue au présent article sans le consentement du procureur général du Canada.

 

 

PART 3

 

ENFORCEMENT

 

Human Smuggling and Trafficking

 

Organizing entry into Canada

 

117. (1) No person shall organize, induce, aid or abet the coming into Canada of one or more persons knowing that, or being reckless as to whether, their coming into Canada is or would be in contravention of this Act.

 

 

Penalties — fewer than 10 persons

 

(2) A person who contravenes subsection (1) with respect to fewer than 10 persons is guilty of an offence and liable

 

 

(a) on conviction on indictment

 

(i) for a first offence, to a fine of not more than $500,000 or to a term of imprisonment of not more than 10 years, or to both, or

 

 

(ii) for a subsequent offence, to a fine of not more than $1,000,000 or to a term of imprisonment of not more than 14 years, or to both; and

 

 

(b) on summary conviction, to a fine of not more than $100,000 or to a term of imprisonment of not more than two years, or to both.

 

Penalty — 10 persons or more

 

(3) A person who contravenes subsection (1) with respect to a group of 10 persons or more is guilty of an offence and liable on conviction by way of indictment to a fine of not more than $1,000,000 or to life imprisonment, or to both.

 

 

Minimum penalty — fewer than 50 persons

 

(3.1) A person who is convicted on indictment of an offence under subsection (2) or (3) with respect to fewer than 50 persons is also liable to a minimum punishment of imprisonment for a term of

 

(a) three years, if either

 

(i) the person, in committing the offence, endangered the life or safety of, or caused bodily harm or death to, any of the persons with respect to whom the offence was committed, or

 

(ii) the commission of the offence was for profit, or was for the benefit of, at the direction of or in association with a criminal organization or terrorist group; or

 

(b) five years, if both

 

(i) the person, in committing the offence, endangered the life or safety of, or caused bodily harm or death to, any of the persons with respect to whom the offence was committed, and

 

(ii) the commission of the offence was for profit, or was for the benefit of, at the direction of or in association with a criminal organization or terrorist group.

 

 

 

Minimum penalty — 50 persons or more

 

 

(3.2) A person who is convicted of an offence under subsection (3) with respect to a group of 50 persons or more is also liable to a minimum punishment of imprisonment for a term of

 

(a) five years, if either

 

(i) the person, in committing the offence, endangered the life or safety of, or caused bodily harm or death to, any of the persons with respect to whom the offence was committed, or

 

(ii) the commission of the offence was for profit, or was for the benefit of, at the direction of or in association with a criminal organization or terrorist group; or

 

(b) 10 years, if both

 

(i) the person, in committing the offence, endangered the life or safety of, or caused bodily harm or death to, any of the persons with respect to whom the offence was committed, and

 

(ii) the commission of the offence was for profit, or was for the benefit of, at the direction of or in association with a criminal organization or terrorist group.

 

 

 

No proceedings without consent

 

 

(4) No proceedings for an offence under this section may be instituted except by or with the consent of the Attorney General of Canada.

 

Circonstances aggravantes

 

121. (1) Le tribunal tient compte, dans l’infliction de la peine visée à l’article 120, des circonstances suivantes :

 

[…]

 

c) l’infraction a été commise en vue de tirer un profit, que celui‑ci ait été ou non réalisé;

 

[…]

 

Aggravating factors

 

121. (1) The court, in determining the penalty to be imposed under section 120, shall take into account whether

 

 

(c) the commission of the offence was for profit, whether or not any profit was realized;

 

 

Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer

 

Protocol against the Smuggling of Migrants by Land, Sea and Air

 

Aux fins du présent Protocole:

 

Article 3a) L'expression "trafic illicite de migrants" désigne le fait d'assurer, afin d'en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel, l'entrée illégale dans un État Partie d'une personne qui n'est ni un ressortissant ni un résident permanent de cet État;

 

For the purposes of this Protocol:

 

Article 3(a) "Smuggling of migrants" shall mean the procurement, in order to obtain, directly or indirectly, a financial or other material benefit, of the illegal entry of a person into a State Party of which the person is not a national or a permanent resident;

Article 6

 

1. Chaque État Partie adopte les mesures législatives et autres nécessaires pour conférer le caractère d'infraction pénale, lorsque les actes ont été commis intentionnellement et pour en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou autre avantage matériel:

 

a) Au trafic illicite de migrants;

 

4. Aucune disposition du présent Protocole n'empêche un État Partie de prendre des mesures contre une personne dont les actes constituent, dans son droit interne, une infraction.

Article 6

 

1. Each State Party shall adopt such legislative and other measures as may be necessary to establish as criminal offences, when committed intentionally and in order to obtain, directly or indirectly, a financial or other material benefit:

 

(a) The smuggling of migrants;

 

4. Nothing in this Protocol shall prevent a State Party from taking measures against a person whose conduct constitutes an offence under its domestic law.

 

 

 

 

Convention relative au statut des réfugiés

Convention relating to the Status of Refugees,

 

Article 33. ‑‑ Défense d'expulsion et de refoulement

 

1. Aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques.

 

2. Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu'il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l'objet d'une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays.

 

Article 33 [Prohibition of expulsion or return ("refoulement")] 

 

1. No Contracting State shall expel or return ("refouler") a refugee in any manner whatsoever to the frontiers of territories where his life or freedom would be threatened on account of his race, religion, nationality, membership of a particular social group or political opinion. 

 

2. The benefit of the present provision may not, however, be claimed by a refugee whom there are reasonable grounds for regarding as a danger to the security of the country in which he is, or who, having been convicted by a final judgement of a particularly serious crime, constitutes a danger to the community of that country.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        IMM‑6392‑12

 

INTITULÉ :                                      S. C.

                                                            c

                                                            LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

                                                            ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 7 mars 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE SCOTT

 

Motifs confidentiels

du jugement et

jugement :                                   Le 10 mai 2013

 

MOTIFS PUBLICS DU

JUGEMENT ET JUGEMENT

(IDENTIQUES AUX MOTIFS

CONFIDENTIELS DU

JUGEMENT ET AU

JUGEMENT) :                                 Le 4 juin 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Roland Luo

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Banafsheh Sokhansanj

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

GOWLING LAFLEUR HENDERSON LLP

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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