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Date : 20130529

Dossier : T-788-11

Référence : 2013 CF 572

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

ENTRE :

 

TELETECH CANADA, INC.

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

            MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE MACTAVISH

 

[1]               TeleTech Canada Inc. (TeleTech Canada) sollicite le contrôle judiciaire de ce qu’elle qualifie de refus persistant de l’Agence du revenu du Canada [l’ARC] de lui éviter une double imposition, ce qui, selon elle, constitue une violation des obligations de l’Agence prévues aux articles IX et XXVI de la Convention entre le Canada et les États-Unis d’Amérique en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, 26 septembre 1980, R.T. Can. 1984 no 15, mise en œuvre par la Loi de 1984 sur la Convention Canada‑États‑Unis en matière d’impôts, L.C. 1984, ch. 20.

 

[2]               TeleTech Canada demande à la Cour de rendre une ordonnance de mandamus enjoignant à l’ARC d’accepter de soumettre le différend à l’examen de l’autorité compétente et de lui éviter la double imposition conformément à l’article IX du Traité en soumettant l’affaire à une procédure d’arbitrage exécutoire, conformément aux dispositions de l’article XXVI du Traité.

 

[3]               Pour les motifs exposés ci‑dessous, je suis arrivée à la conclusion qu’il n’y avait pas eu « refus persistant » de la part de l’ARC. Je constate, au contraire, que cette dernière a rendu deux décisions distinctes relativement aux demandes d’allégement fiscal présentées par TeleTech Canada au titre de la double imposition; or, la société n’a contesté directement aucune d’entre elles. J’ai conclu en outre que TeleTech Canada n’a pas établi son droit à une ordonnance de mandamus, de sorte que la demande sera rejetée.

 

La Convention fiscale Canada‑États‑Unis

[4]               Afin de placer l’affaire dans son contexte, il faut d’abord se faire une idée de la teneur de la Convention fiscale Canada‑États‑Unis [le Traité]. Ce Traité vise à protéger les contribuables des États‑Unis et du Canada du fardeau de la double imposition. À cet effet, les deux pays ont désigné des « autorités compétentes » à qui il revient de traiter les demandes fondées sur les dispositions du Traité. Au Canada, cette autorité compétente est l’ARC, alors qu’aux États-Unis, ce rôle est attribué à l’Internal Revenue Service [l’IRS].

 

[5]               Lorsqu’un ajustement fiscal « est fait, ou est à faire », selon les termes du Traité, par l’ARC ou l’IRS, l’autorité compétente de l’autre État contractant procède à un ajustement correspondant si elle est d’accord avec le premier ajustement et si elle en a été avisée « dans un délai de six ans à compter de la fin de l’année d’imposition à laquelle le premier ajustement est relié », ou en cas d’expiration du délai imparti, si l’ajustement n’est pas autrement prescrit : article IX, paragraphe 3. Les dispositions pertinentes du Traité sont jointes en annexe de la présente décision.

 

[6]               Si l’avis susmentionné n’est pas donné avant l’expiration du délai de six ans imparti pour le faire, l’autorité compétente de l’État qui « a fait, ou va faire » le premier ajustement peut néanmoins éviter la double imposition : article IX, paragraphe 4.

 

[7]               Par ailleurs, le Traité prévoit une Procédure amiable [PA] pour les cas où les mesures prises par le Canada ou les États‑Unis entraînent une imposition non conforme aux dispositions du Traité. Le contribuable touché peut soumettre son cas à l’autorité compétente de l’État dont il est résident. Il s’efforcera alors, avec cette autorité compétente, de résoudre le cas par voie d’accord à l’amiable, si les conditions préalables à l’application de la PA, notamment la remise d’un avis dans le délai imparti, sont respectées : article XXVI, paragraphes 1 à 5.

 

[8]               Si les autorités compétentes ne peuvent parvenir à un « accord complet », le cas sera alors soumis à l’arbitrage : article XXVI, paragraphes 6 et 7. Il sera toutefois impossible d’y recourir si l’ARC ou l’IRS rejette la demande d’assistance présentée par le contribuable ou si l’une des deux autorités cesse de prêter son assistance.

 

Contexte

[9]               TeleTech Canada est une filiale en propriété exclusive d’une société américaine appelée TeleTech Holdings Inc. (TeleTech US). Dans les présents motifs, les deux sociétés seront collectivement désignées par le terme « les sociétés ».

 

[10]           Les sociétés exploitent des centres d’appel. Après avoir procédé à une réorganisation en 2000, les sociétés ont réduit leur clientèle canadienne et TeleTech Canada est devenue sous‑traitante pour TeleTech US, cette dernière fournissant des services d’ordre administratif à la première. La demanderesse et le défendeur ne s’entendent pas sur la nature et la valeur de ces services et c’est cette divergence d’opinions qui est à l’origine de leur différend au sujet du prix de transfert.

 

[11]           Après la réorganisation, le personnel du service de comptabilité de TeleTech US a été chargé de l’établissement des documents comptables des deux sociétés pour les années d’imposition 2000 à 2002. Or, TeleTech Canada affirme qu’en raison d’erreurs comptables commises en interne, les revenus et dépenses ont été incorrectement répartis entre les deux sociétés, et leurs documents comptables ne tenaient pas dûment compte de leur nouvelle structure organisationnelle.

 

[12]           Selon TeleTech Canada, du fait de ces erreurs, les bénéfices indiqués dans ses états financiers pour les années d’imposition 2000, 2001 et 2002 ont été [traduction] « largement exagérés », tandis que ceux indiqués pour TeleTech US étaient [traduction] « bien en dessous de la réalité ». Ces erreurs comptables ont ensuite été reportées dans les déclarations de revenus des sociétés produites respectivement pour l’ARC et l’IRC pour les années d’imposition en question.

 

[13]           En 2003, TeleTech US a confié à un cabinet comptable (KPMG) le mandat de procéder à une étude en vue de déterminer comment les sociétés devaient déclarer les sommes gagnées dans le cadre des contrats portant sur leurs services (l’étude sur l’établissement du prix de transfert). Selon TeleTech Canada, cette étude aurait révélé qu’elle avait déclaré des revenus beaucoup trop importants aux fins du régime fiscal canadien et qu’à l’inverse, TeleTech US avait déclaré aux autorités fiscales américaines des revenus sous-évalués d’autant. Les sociétés ont alors pris des mesures visant à rendre leurs déclarations passées conformes aux lois fiscales canadiennes et américaines.

 

[14]           Avant d’examiner les mesures prises par les sociétés pour corriger leurs déclarations de revenus, il est bon de souligner que le défendeur n’accepte pas les conclusions de l’étude sur l’établissement du prix de transfert, ni la thèse voulant que les déclarations de revenus déposées au départ par les sociétés pour les années 2000 à 2002 ne soient pas conformes aux lois fiscales applicables.

 

[15]           Dans un premier temps, pour corriger la situation, les sociétés se sont adressées à l’ARC, dans une lettre rédigée en date du 5 mai 2004 par KPMG au nom de TeleTech Canada, afin de demander un rajustement à la baisse des bénéfices d’exploitation de cette dernière pour les années d’imposition 2000 à 2002. De la même façon, TeleTech US a déposé à l’IRS des déclarations de revenus modifiées dans lesquelles elle avait ajouté à ses revenus pour les années d’imposition en cause des montants correspondant à ceux des diminutions de revenus demandées par TeleTech Canada.

 

[16]           En mars 2006, TeleTech Canada a retiré sa demande de rajustement à la baisse. Elle dit avoir agi ainsi parce qu’elle croyait qu’elle ne réussirait pas à éviter la double imposition en vertu du Traité tant et aussi longtemps que sa demande de rajustement n’aurait pas été tranchée.

 

[17]           Au même moment, TeleTech US a présenté à l’IRS, en vertu du Traité, une demande visant à éviter la soi-disant double imposition pour les années d’imposition 2000 à 2002 : l’allégement demandé représentait 38,3 millions de dollars américains. Elle a invoqué, au soutien de sa demande, les déclarations de revenus modifiées qu’elle avait produites. Bien que le dossier ne révèle pas clairement la position de l’IRS à l’égard de cette demande, il semble, pour le moment, que celle-ci n’ait pas accueilli la demande présentée par TeleTech US en vue d’obtenir l’aide de l’autorité compétente.

 

Première demande de TeleTech Canada et première lettre de refus

[18]           Dans une lettre datée du 11 mai 2006, TeleTech Canada a présenté à l’ARC une demande d’aide de l’autorité compétente dans le but d’éviter une double imposition en application du Traité (la première demande). Les sommes et les années d’imposition indiquées dans cette première demande correspondaient à celles auxquelles renvoyait la demande adressée à l’IRS par TeleTech US en mars 2006. TeleTech Canada prétend que si sa demande avait été acceptée, l’ARC lui aurait remboursé environ 10 à 12 millions de dollars américains.

 

[19]           Le défendeur soutient qu’en 2006, les sociétés n’avaient pas été assujetties à la double imposition, car ni l’ARC, ni l’IRS n’avaient pris quelque mesure ayant entraîné une double imposition. Il souligne que dans sa demande à l’IRS, TeleTech US avait elle-même déclaré ne pas savoir si ses déclarations de revenus modifiées avaient été traitées et ne pas avoir reçu de communication de l’IRS l’informant d’un contrôle des déclarations modifiées.

 

[20]           Dans une lettre datée du 10 novembre 2006 (la première lettre de refus), l’ARC a informé TeleTech Canada du fait qu’elle [traduction] « ne [pouvait] accéder à [sa] demande d’examen par l’autorité compétente ». Se référant à la circulaire d’information 71-17R5, l’ARC rappelait que [traduction] « l’une des conditions préalables essentielles à la présentation d’une demande d’examen à l’autorité compétente est la prise, par les deux gouvernements ou l’un d’entre eux, de mesures qui entraîneront […] une imposition non conforme aux dispositions du [Traité] ». Puis elle ajoutait que [traduction] « [d]ans la plupart des cas, de telles mesures consistent en un rajustement du revenu se rapportant à une opération à laquelle le contribuable est partie, ou en une proposition écrite en bonne et due forme visant à rajuster ce revenu ».

 

[21]           S’agissant de la situation de TeleTech Canada, l’ARC constatait que [traduction] « les autorités fiscales du Canada et des États‑Unis n’avaient prise aucune mesure ayant entraîné une imposition non conforme aux dispositions du [Traité] », soulignant que [traduction] « [l]es seules mesures [ayant] été prises avaient été initiées par TeleTech Canada Inc. et TeleTech Holdings, Inc. » Par conséquent, l’ARC disait ne pas pouvoir accepter la demande d’examen adressée par TeleTech Canada à l’autorité compétente.

 

[22]           La première lettre de refus se conclut sur ces mots : [traduction] « Nous reverrons notre position si l’Agence du revenu du Canada ou l’Internal Revenue Service procède à un contrôle de l’observation. »

 

[23]           TeleTech Canada n’a pas demandé le contrôle judiciaire de la décision et, si l’on s’en remet au dossier, il n’y aurait pas eu, à l’époque, d’autres communications entre la société et l’ARC.

 

[24]           Le 13 décembre 2006, l’ARC a reçu une lettre (datée du 7 novembre 2006) d’un commissaire adjoint de l’IRS l’informant que son organisation avait [traduction] « procédé à un examen définitif » des déclarations de revenus modifiés produites par TeleTech US pour les années d’imposition 2000 à 2002 et qu’elle avait conclu que [traduction] « les mesures prises à la fois par [l’IRS et l’ARC] [avaient] entraîné une imposition non conforme […] au Traité ». L’auteur de la lettre invitait l’ARC à prendre part à une PA conformément à l’article XXVI du Traité.

 

[25]           Les sociétés n’avaient pas connaissance de cette lettre au moment de son envoi et elles n’ont appris son existence que lorsqu’elle a été produite dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[26]           On n’a produit aucune preuve d’une réponse de l’ARC à la lettre que lui a fait parvenir l’IRS en date du 7 novembre 2006; la demande d’aide adressée par TeleTech Canada à l’autorité compétente ne semble pas non plus avoir fait l’objet d’un examen plus poussé à la même époque. En fait, il semble que l’ARC ait clos le dossier relatif à cette affaire.

 

[27]           En juillet 2008, après avoir fait la vérification des déclarations de revenus modifiées de TeleTech US, l’IRS a rajusté certains montants inscrits dans ses déclarations de 2001 et 2002. Le revenu net de la société a été augmenté de 6 682 092 dollars américains pour 2001 et de 4 557 138 dollars américains pour 2002, soit de 11 239 230 dollars américains au total. En revanche, l’IRS a rejeté la réclamation de TeleTech US se rapportant à un revenu brut non déclaré de 19 772 389  dollars américains pour 2001, ainsi que l’ensemble de ses réclamations pour l’année d’imposition 2000. Précisons que l’année d’imposition 2000 n’est pas en cause en l’espèce.

 

[28]           Au lendemain de la conclusion de la vérification, TeleTech US a présenté à l’IRS une autre demande d’aide de l’autorité compétence, sous la forme d’une lettre datée du 27 août 2009.

 

[29]           Toutefois, ni TeleTech US ni TeleTech Canada n’a informé l’ARC des résultats de la vérification de l’IRS au moment en cause; TeleTech Canada n’a pas non plus réitéré sa demande d’aide à l’autorité compétente. En fait, ce n’est qu’au terme de quelque 18 mois que TeleTech Canada a finalement avisé l’ARC des résultats de cette vérification,  en lui présentant des observations quant aux implications que ces résultats avaient, selon elle, relativement à la question d’une possible double imposition.

 

[30]           Le défendeur affirme que même si TeleTech Canada avait prestement informé l’ARC des résultats de la vérification de l’ARC, il était, à l’été 2008, déjà trop tard pour le faire relativement à l’année d’imposition 2001 selon les termes du Traité : en effet, le délai de six ans prévu au paragraphe (3)b) de l’article IX du Traité pour la remise de l’avis était expiré. Le défendeur souligne également que TeleTech Canada n’avait fourni aucune explication valable pour son défaut de donner avis de la double imposition dont elle prétendait avoir fait l’objet pour l’année d’imposition 2002 au cours de l’été 2008.

 

Deuxième demande de TeleTech Canada et deuxième lettre de refus

[31]           Dans une lettre datée du 17 décembre 2009, les sociétés ont adressé à l’ARC une [traduction] « demande supplémentaire d’aide de l’autorité compétente en vertu du Traité Canada‑États‑Unis en matière d’impôts sur le revenu » (la deuxième demande). Dans ce document, elles informaient l’ARC de l’issue de la vérification des déclarations de revenus de TeleTech US effectuée en 2008 par l’IRS et demandaient un allégement pour éviter la double imposition résultant selon elles des rajustements apportés par l’IRS aux revenus de TeleTech US pour les années d’imposition 2001 et 2002. Il s’agissait de la première communication adressée à l’ARC par les deux sociétés depuis la vérification de 2008 de l’IRS, bien qu’il semble que l’IRS soit lui-même entré en contact avec l’ARC à ce sujet en octobre 2009.

 

[32]           Après avoir reçu la deuxième demande de TeleTech Canada, l’ARC a ouvert un nouveau dossier, qu’elle a confié à un nouvel analyste.

 

[33]           Le 11 mai 2011, après que plusieurs mois se soient écoulés sans qu'il n’y ait de réponse à sa lettre du 17 décembre 2009, TeleTech Canada, croyant que l’ARC refusait d’examiner sa deuxième demande, a introduit la présente demande de contrôle judiciaire en vue d’obtenir une ordonnance de mandamus visant à enjoindre à l’ARC d’examiner sa demande d’aide de l’autorité compétente suivant l’article IX du Traité. Toutefois, du consentement des parties, la demande a été mise en suspens pour permettre à l’ARC de trancher sur la deuxième demande.

 

[34]           Dans une lettre datée du 9 juin 2011 (la deuxième lettre de refus), l’ARC a fait remarquer que [traduction] « l’une des conditions préalables » essentielles à l’examen de la demande d’aide de l’autorité compétente présentée par un contribuable était la prise d’une mesure gouvernementale qui avait entraîné ou entraînerait une double imposition. La lettre précisait ensuite qu’en raison de l’absence d’une telle mesure, l’ARC avait dû informer TeleTech Canada, en 2006, du rejet de sa première demande d’aide de l’autorité compétente, qu’elle n’avait pas reçu la demande adressée à l’autorité compétente et qu’elle n’avait pas non plus reçu l’avis exigé par le Traité.

 

[35]           On pouvait également lire, dans cette deuxième lettre de refus, que c’était par l’entremise d’une lettre de l’IRS datée du 5 octobre 2009 que l’ARC avait eu connaissance de la mesure gouvernementale en cause. Par conséquent, l’ARC disait ne pouvoir accorder à TeleTech Canada aucun [traduction] « allègement réciproque » puisqu’elle n’avait pas été avisée des [traduction] « rajustements effectués par l’administration américaine » dans le délai de six ans prévu aux articles XI ou XXVI du Traité (c’est‑à‑dire, dans un délai de six ans à compter de la fin des années d’imposition en cause, à savoir 2001 et 2002).

 

[36]           Enfin, la deuxième lettre de refus mentionnait que les déclarations de revenus de TeleTech Canada [traduction] « ne pouvaient faire l’objet d’une nouvelle cotisation pour cause de prescription ».

 

[37]           L’ARC concluait la lettre en avisant TeleTech Canada qu’elle considérait l’affaire comme étant close. Après avoir pris connaissance de la lettre, TeleTech Canada a réactivé la présente demande de contrôle judiciaire.

 

L’objet de la présente demande

[38]           Il y a lieu de préciser que dans son avis de demande, TeleTech Canada ne sollicite pas le contrôle judiciaire de la première ou de la deuxième lettre de refus. Elle mentionne plutôt le [traduction] « refus persistant » de l’ARC d’accepter sa demande d’examen par l’autorité compétente et de lui éviter la double imposition suivant l’article IX du Traité.

 

[39]           Ainsi, dans son avis de demande, TeleTech Canada sollicite une ordonnance de mandamus en vue de forcer l’ARC à accepter sa demande d’examen par l’autorité compétente suivant l’article IX du Traité. Elle sollicite en outre une ordonnance enjoignant à l’ARC de lui éviter la double imposition en soumettant l’affaire à une procédure d’arbitrage liant les parties, conformément aux dispositions de l’article XXVI du Traité.

 

Questions en litige

[40]           TeleTech Canada et le défendeur ont des points de vue différents quant à la façon de formuler les questions que soulève la demande de contrôle judiciaire. À mon sens, on peut résumer ainsi les questions qui permettront de trancher l’affaire :

1.      L’ARC s’est-elle engagée dans une même série d’actes ou, à l’inverse, la demande de contrôle judiciaire porte‑t‑elle sur des décisions distinctes?

 

2.      TeleTech Canada peut‑elle maintenant prétendre que l’ARC a commis une erreur en posant comme condition préalable à l’octroi d’un allégement la prise d’une mesure gouvernementale entraînant une imposition non conforme au Traité, puis en concluant qu’aucune mesure de cette espèce n’avait été prise?

 

3.      TeleTech Canada peut-elle demander un mandamus en l’espèce?

 

4.      Quelle est la conséquence de la lettre de l’IRS datée du 7 novembre 2006?

 

1.         L’ARC s’est-elle engagée dans une même série d’actes ou, à l’inverse, la demande de contrôle judiciaire porte‑t‑elle sur des décisions distinctes?

 

[41]           L’examen de la demande de contrôle judiciaire de TeleTech Canada requiert dans un premier temps de se pencher sur une affirmation du défendeur, à savoir qu’il n’est pas question, en l’espèce, d’une même série d’actes de la part de l’ARC. Aux dires du défendeur, l’affaire porte sur deux décisions distinctes, dont aucune n’a été contestée, et ces deux décisions tombaient sous le coup du paragraphe 18.1 (2) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, qui prévoit un délai de 30 jours pour la présentation d’une demande de contrôle judiciaire.

 

[42]           TeleTech Canada n’est pas d’avis que l’ARC a rendu deux décisions (l’une en 2006, l’autre en 2011) en rejetant les demandes d’aide qu’elle a adressées en vertu du Traité. Elle qualifie plutôt les actes de l’ARC comme un [traduction] « refus persistant d’examiner » sa demande. À ce titre, elle demande à la Cour de rendre une ordonnance de mandamus en vue de forcer l’ARC à accepter sa demande d’examen par l’autorité compétente et à lui éviter une double imposition en soumettant l’affaire à un arbitrage exécutoire.

 

[43]           TeleTech Canada fait valoir qu’elle ne cherche pas à attaquer une « décision » de l’ARC en particulier, mais plutôt à forcer, par voie de mandamus, l’exécution d’une obligation publique qui lui est due. Je ne souscris pas à cet argument.

 

[44]           Dans Krause c. Canada, [1999] 2 C.F. 476, [1999] A.C.F. no 179, la Cour d’appel fédérale était appelée à décider si les mesures gouvernementales en cause dans cette affaire étaient des « décisions » au sens de la Loi sur les Cours fédérales et si elles étaient, de ce fait, assujetties au délai de 30 jours ou si, au contraire, elles formaient une même série d’actes excluant l’application de la règle des 30 jours.

 

[45]           Dans l’affaire Krause, les demandeurs reprochaient aux ministres responsables d’avoir omis, lors de certains exercices financiers, de porter au crédit des comptes de pension de retraite de la fonction publique et des Forces canadiennes les sommes qui devaient selon eux y être créditées en application des lois sur les régimes de pension.

 

[46]           La Cour d’appel fédérale a statué que le délai de 30 jours ne s’appliquait qu’aux recours en contrôle judiciaire visant une « décision » ou une « ordonnance ». Le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale (loi qui a précédé l’actuelle Loi sur les Cours fédérales) autorisait « quiconque est directement touché par l’objet de la demande » à déposer une demande de contrôle judiciaire (non souligné dans l’original). Or, le concept « d’objet de la demande », selon la Cour, « embrasse non seulement les "décisions" mais encore toute question à l’égard de laquelle il est possible d’obtenir réparation en application de l’article 18 de la Loi sur la Cour fédérale ».

 

[47]           Ainsi, la Cour a reconnu que les demandeurs, dans Krause, ne cherchaient pas à attaquer une « décision » quelconque, mais bien à « forcer l’accomplissement d’obligations publiques [et] à prévenir le défaut continu d’accomplir ces obligations ». Ainsi, même si on avait bel et bien pris la décision, des années auparavant, de ne pas suivre certaines recommandations de l’Institut Canadien des Comptables Agréés pour des raisons stratégiques, c’était la mise en œuvre continue de cette décision dans les exercices financiers suivants que contestaient les demandeurs. Par conséquent, la Cour a statué que l’expiration du délai de 30 jours ne les empêchait pas de présenter leur demande.

 

[48]           Dans l’affaire qui nous concerne, il ne fait pas de doute que la première lettre de refus envoyée le 10 novembre 2006 constituait une « décision », compte tenu des faits tels qu’ils existaient en 2006, et qu’il faut distinguer de ceux de Truehope Nutritional Support c. Canada (Procureur général), 2004 CF 658, [2004] A.C.F. no 806; voir également Servier Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2007 CF 196, [2007] A.C.F. no 277, au paragraphe 17. Il s’ensuit que le délai de 30 jours prévu au paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales pour l’introduction d’une demande de contrôle judiciaire s’appliquait à elle.

 

[49]           Même si la première lettre de refus se conclut par les mots [traduction] « [n]ous reverrons notre position si l’Agence du revenu du Canada ou l’Internal Revenue Service procède à un contrôle de l’observation », il n’en demeure pas moins qu’elle constitue une « décision » à laquelle s’applique le délai de 30 jours.

 

[50]           En fait, il ressort clairement de la jurisprudence que lorsqu’une décision est réexaminée à la lumière d’observations et de faits nouveaux et dans le cadre d’un nouvel exercice du pouvoir discrétionnaire, il en résultera une nouvelle décision qui sera elle-même assujettie au délai imparti pour demander un contrôle judiciaire : Dumbrava c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 1238, 101 F.T.R. 230, au paragraphe 15. Toutefois, la possibilité de procéder à un réexamen n’a pas pour effet de proroger le délai prévu pour contester la décision initiale : Didone c. Sakno, 2003 CF 1530, [2003] A.C.F. no 1945, conf. par 2005 CAF 62, [2005] A.C.F. no 296; Pomfret c. Canada (Procureur général), 2008 CF 1219, [2008] A.C.F. no 1535; Moresby Explorers Ltd. c. Réserve du parc national de Gwaii Haanas, [2000] A.C.F. no 1944, 101 A.C.W.S. (3d) 664.

 

[51]           Il est clair que l’ARC a examiné la première demande de TeleTech Canada, qu’elle a rejetée. Par conséquent, je suis d’avis que la première lettre de refus de l’ARC constituait une décision finale touchant la première demande plutôt qu’une simple étape dans une même série d’actes. Si TeleTech Canada n’était pas satisfaite de la décision, elle avait la faculté d’en demander le contrôle judiciaire. Elle a choisi de ne pas le faire.

 

2.         TeleTech Canada peut‑elle maintenant prétendre que l’ARC a commis une erreur en posant comme condition préalable la prise d’une mesure gouvernementale entraînant une imposition non conforme au Traité, puis en concluant qu’aucune mesure de cette espèce n’avait été prise?

 

[52]            TeleTech Canada soutient que c’est à tort que l’ARC a fait de la prise d’une mesure gouvernementale entraînant une imposition non conforme au Traité, une condition préalable à un examen par l’autorité compétente.

 

[53]           TeleTech Canada prétend que l’ARC a également commis une erreur en concluant qu’il n’y avait pas eu de mesure gouvernementale ayant entraîné une imposition non conforme au traité au moment où la société a présenté sa demande d’examen par l’autorité compétente, soit en mai 2006. Selon elle, les démarches entreprises par le contribuable en vue d’effectuer des rajustements, notamment la production de déclarations de revenus modifiées aux États‑Unis, devraient suffire pour obliger l’ARC à accepter une demande d’examen par l’autorité compétente.

 

[54]           Toutefois, comme TeleTech Canada s’est abstenue de demander le contrôle judiciaire de la première lettre de refus de l’ARC en temps opportun, cette décision revêt désormais un caractère définitif et on ne saurait permettre une attaque indirecte contre la conclusion tirée en 2006 par l’ARC, à savoir que la prise d’une mesure entraînant une imposition non conforme au Traité, que ce soit de la part des deux gouvernements ou de l’un d’eux, est une condition préalable à la présentation d’une demande d’examen à l’autorité compétente.

 

[55]           L’« attaque indirecte » est « une attaque dans le cadre de procédures autres que celles visant précisément à obtenir l’infirmation, la modification ou l’annulation de l’ordonnance ou du jugement » : R. c. Wilson, [1983] 2 R.C.S. 594, [1983] A.C.S. no 88, à la page 599. Conformément au principe interdisant ce genre d’attaques, les parties ne seront pas autorisées à remettre en question l’ordonnance rendue par une cour compétente par un moyen autre que la procédure d’appel applicable à l’égard de cette ordonnance : Wilson, à la page 599. Voir également Danyluk c Ainsworth Technologies Inc., 2001 CSC 44, au paragraphe 20; Workers’ Compensation Board de la Colombie‑Britannique c Colombie‑Britannique (Human Rights Tribunal), 2011 CSC 52, au paragraphe 28.

 

[56]           Pour ces mêmes raisons, du fait qu’elle a omis de contester la première lettre de refus, TeleTech Canada ne devrait pas être autorisée à remettre en question la conclusion de l’ARC selon laquelle, en novembre 2006, ni les autorités fiscales canadiennes ni celles des États‑Unis n’avaient pris de mesure ayant entraîné une imposition non conforme au Traité, une situation qui faisait en sorte que l’ARC ne pouvait accepter la demande que lui adressait TeleTech Canada pour l’obtention d’un examen par l’autorité compétente.

 

3.         TeleTech Canada peut-elle demander un mandamus en l’espèce?

[57]           Pour décider s’il est indiqué que la Cour rende une ordonnance de mandamus enjoignant à l’ARC d’accepter la demande présentée par TeleTech Canada pour l’obtention d’un examen par l’autorité compétente et de soumettre l’affaire à une procédure d’arbitrage exécutoire, il est important de se rappeler la chronologie des événements qui ont précédé et suivi l’introduction de la présente demande.

 

[58]           La demande de contrôle judiciaire qui nous occupe a été déposée le 5 mai 2011, après la présentation de la seconde demande de TeleTech Canada, le 17 décembre 2009, et avant la production de la deuxième lettre de refus de l’ARC, le 9 juin 2011.

 

[59]           Dans la mesure où TeleTech Canada cherche à forcer l’ARC à rendre une décision quant à sa deuxième demande, il est clair que la procédure de contrôle judiciaire n’a plus aucun intérêt pratique. TeleTech Canada a reçu, relativement à cette deuxième demande, une décision de l’ARC qu’il lui était loisible de contester par voie de contrôle judiciaire si elle en était insatisfaite. Elle ne l’a pas fait, pas plus qu’elle n’a demandé la modification de l’avis de demande déposée en l’instance en vue de solliciter le contrôle judiciaire de la deuxième lettre de refus.

 

[60]           Cela dit, dans son avis de demande, TeleTech Canada ne sollicitait pas une décision quelconque quant à sa deuxième demande, mais une décision précise. En d’autres termes, TeleTech Canada demandait une ordonnance enjoignant à l’ARC d’accepter sa demande d’examen par l’autorité compétente et de soumettre l’affaire à l’arbitrage.

 

[61]           D’abord, précisons qu’en règle générale, les tribunaux ne délivrent pas d’ordonnance de mandamus pour forcer un décideur à prendre une décision en particulier si le pouvoir de décision en cause est de nature discrétionnaire : Re O’Grady and Whyte, [1983] 1 C.F. 719; 138 D.L.R. (3d) 167, à la page 169 (CAF); Herzig c. Canada (Industrie), 2002 CAF 36, [2002] A.C.F. no 127, au paragraphe 17; Schwarz Hospitality Group Ltd. c. Canada (Minister of Canadian Heritage), 2001 CFPI 112, [2001] A.C.F. no 263, aux paragraphes 33 et 34. C’est le cas en l’espèce : voir les paragraphes 1 et 3 de l’article IX du Traité ainsi que le paragraphe 64 de la circulaire d’information de l’ARC, qui prévoit que « [c]’est à l’autorité compétente qu’il revient de décider si un allégement sera accordé ».

 

[62]           En outre, il est évident que TeleTech Canada ne dispose d’aucun droit clair d’obtenir le renvoi de son dossier en arbitrage en vertu de l’article XXVI du Traité, puisqu’elle ne satisfait pas à un certain nombre de conditions préalables à cette procédure.

 

[63]           Il s’ensuit que la demande d’ordonnance de mandamus de TeleTech Canada est rejetée.

 

4.         Quelle est la conséquence de la lettre de l’IRS datée du 7 novembre 2006?

[64]           Il ne reste plus qu’une question à trancher, soit celle de savoir quelle conséquence il faut d’attribuer, le cas échéant, à la lettre envoyée par l’IRS le 7 novembre 2006. Dans son avis de demande, TeleTech Canada n’a pas soulevé cette question, car elle n’était pas au courant de l’existence de la lettre au moment d’introduire le présent recours. Par contre, elle en a traité dans son mémoire des faits et du droit et les deux parties en ont débattu assez longuement à l’audience. Par conséquent, je suis disposée à exercer mon pouvoir discrétionnaire et à me prononcer sur ce point.

 

[65]           Rappelons que dans la première lettre de refus qu’elle a adressée à TeleTech Canada en date du 10 novembre 2006, l’ARC écrivait, en guise de conclusion : [ traduction] « Nous reverrons notre position si l’Agence du revenu du Canada ou l’Internal Revenue Service procède à un contrôle de l’observation ». Fait intéressant, l’ARC ne précise pas de quelle façon elle serait avisée d’un éventuel « contrôle de l’observation » de la part de l’Internal Revenue Service, ni qui serait chargé de l’en aviser.

 

[66]           Rappelons également qu’environ un mois après l’envoi de sa première lettre de refus, l’ARC a reçu une lettre d’un commissaire adjoint de l’IRS (lettre portant la date du 7 novembre 2006, mais reçue seulement le 13 décembre 2006). Dans cette lettre, l’ARC était informée du fait que l’IRS avait [traduction] « procédé à un examen définitif » des déclarations de revenus modifiées produites par TeleTech US pour les années d’imposition 2000 à 2002 et qu’elle avait conclu que [traduction] « les mesures prises à la fois par [l’IRS et l’ARC] [avaient] entraîné une imposition non conforme […] au Traité ». L’ARC était par ailleurs invitée à prendre part à une PA conformément à l’article XXVI du Traité.

 

[67]           Aucune des deux sociétés ne s’est vu remettre copie de la lettre de l’IRS et, apparemment, ni l’une ni l’autre ne savait que l’IRS avait fait parvenir cette lettre à l’ARC. En fait, elles n’ont pris connaissance du contenu de la lettre qu’au moment où le dossier relatif à la demande a été communiqué.

 

[68]           En dépit du fait que l’ARC avait informé TeleTech Canada de son intention de réexaminer sa position dans l’éventualité d’un contrôle d’observation de la part de l’IRS, elle semble ne s’être livrée à aucun examen plus poussé de la demande d’aide de l’autorité compétente présentée par la société au moment indiqué. Aucun document faisant office de réponse à la lettre du 7 novembre 2006 de l’IRS n’a été produit dans l’instance et, selon toute apparence, l’ARC se serait contentée de fermer le dossier relatif à cette affaire.

 

[69]           L’avocate du défendeur a émis des hypothèses quant aux raisons susceptibles d’expliquer pourquoi l’ARC n’avait pas donné suite aux renseignements reçus de l’IRS en 2006, s’appuyant en cela sur certains passages de la lettre qui, selon elle, renfermaient des erreurs de fait. Cela dit, elle a reconnu, en toute honnêteté, qu’aucun élément de preuve n’avait été présenté pour tenter d’expliquer pourquoi l’ARC n’avait pas réexaminé sa position à la lumière des nouveaux renseignements portés à sa connaissance par l’IRS.

 

[70]           TeleTech Canada n’a pas fait valoir qu’il y avait eu manquement à l’équité procédurale en l’espèce, ni que la première lettre de refus signifiée par l’ARC en date du 6 novembre 2006 avait créé chez elle une attente légitime quant à la procédure qui serait suivie relativement à sa demande d’examen par l’autorité compétente.

 

[71]           L’argument que fait valoir TeleTech Canada est autre : elle soutient que même si elle n’avait pas droit à un examen de la part de l’autorité compétente à l’époque où l’ARC lui a signifié sa première lettre de refus, en novembre 2006, il ne fait aucun doute que l’ARC a appris qu’une mesure gouvernementale avait entraîné une imposition non conforme au Traité lorsqu’elle a reçu la lettre de l’IRS en décembre de la même année. Par conséquent, il était tout à fait déraisonnable de conclure, comme elle le fait dans sa deuxième lettre de refus, datée du 9 juin 2011, qu’elle n’a pas été informée de ce fait en temps opportun.

 

[72]           Quoi qu’il en soit, une fois encore, TeleTech Canada tente d’attaquer indirectement une décision de l’ARC qu’elle a omis de contester directement par voie de contrôle judiciaire. Je ne suis donc pas disposée à accepter cet argument.

 

[73]           Avant de conclure, j’aimerais souligner que les sociétés ne sont pas pour autant privées de toute forme de recours à l’encontre de la double imposition dont elles affirment avoir fait l’objet en l’espèce. TeleTech US peut toujours s’adresser à l’IRS pour obtenir un allégement en vertu du paragraphe 4 de l’article IX du Traité, qui prévoit que « [s]i l’avis susmentionné n’est pas donné avant l’expiration du délai de six ans imparti pour le faire, l’autorité compétente de l’État qui "a fait, ou va faire" le premier ajustement peut néanmoins éviter la double imposition ».

 

Conclusion

[74]           Pour les motifs qui précèdent, la demande de TeleTech Canada est rejetée. Conformément à ce que les avocats ont convenu, les parties ont trente jours pour présenter de brèves observations écrites quant à la question des dépens, par suite de quoi une ordonnance sera rendue.

 

 

 

« Anne L. Mactavish »

juge

 

Ottawa (Ontario)

29 mai 2013

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


ANNEXE

 

Convention entre le Canada et les États‑Unis d’Amérique en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, 26 septembre 1980, R.T. Can. 1984 no 15

 

ARTICLE III

 

Définitions générales

 

1. Au sens de la présente Convention, à moins que le contexte n’exige une interprétation différente: […]

 

g) L’expression « autorité compétente » désigne:

 

(i) en ce qui concerne le Canada, le ministre du Revenu national ou son représentant autorisé; et

 

(ii) en ce qui concerne les États-Unis, le secrétaire au Trésor ou son représentant;

 

[…]

 

ARTICLE IX

 

Personnes liées

 

1. Lorsqu’une personne dans un État contractant et une personne dans l’autre État contractant sont liées et lorsque les arrangements entre elles diffèrent de ceux qui seraient convenus entre des personnes non liées, chaque État peut ajuster le montant des revenus, pertes ou impôts exigibles de façon à refléter les revenus, déductions, crédits ou allégements qui, sans ces arrangements, auraient été pris en considération dans le calcul de ces revenus, pertes ou impôts.

 

2. Au sens du présent article, une personne est considérée comme liée à une autre personne si elle participe directement ou indirectement à la direction ou au contrôle de l’autre ou si une ou plusieurs tierces personnes participent directement ou indirectement à la direction ou au contrôle des deux personnes.

 

3. Lorsqu’un ajustement est fait, ou est à faire, par un État contractant conformément au paragraphe 1, l’autre État contractant procède (nonobstant toute restriction relative aux délais ou à la procédure du droit interne de cet autre État) à un ajustement correspondant des revenus, pertes ou impôts de la personne liée dans cet autre État si:

 

a) Il est d’accord avec le premier ajustement; et

 

b) L’autorité compétente de l’autre État a été avisée du premier ajustement dans un délai de six ans à compter de la fin de l’année d’imposition à laquelle le premier ajustement est relié. Toutefois, l’autorité compétente peut accepter d’examiner les cas où l’ajustement correspondant ne serait pas autrement prescrit en vertu des délais ou empêché par la procédure du droit interne dans l’autre État, même si l’avis n’a pas été donné dans le délai de six ans.

 

 

4. Si l’avis visé au paragraphe 3 n’est pas donné dans les délais visés audit paragraphe et si l’autorité compétente n’a pas accepté d’examiner le cas conformément au paragraphe 3b), l’autorité compétente de l’État contractant qui a fait, ou va faire, le premier ajustement peut éviter la double imposition lorsque le cas s’y prête.

 

 

 

5. Les dispositions des paragraphes 3 et 4 ne s’appliquent pas en cas de fraude, d’omission volontaire ou de négligence ou de faute lourde.

 

[…]

 

ARTICLE XXVI

 

Procédure amiable

 

1. Lorsqu’une personne estime que les mesures prises par un État contractant ou par les deux États contractants entraînent ou entraîneront pour elle une imposition non conforme aux dispositions de la présente Convention, elle peut, indépendamment des recours prévus par le droit interne de ces États, soumettre son cas par écrit à l’autorité compétente de l’État contractant dont elle est un résident ou, si elle n’est pas un résident d’aucun des États contractants, à celle de l’État contractant dont elle possède la nationalité.

 

2. L’autorité compétente de l’État contractant à qui le cas a été soumis s’efforce, si la réclamation lui paraît fondée et si elle n’est pas elle-même en mesure d’y apporter une solution satisfaisante, de résoudre le cas par voie d’accord amiable avec l’autorité compétente de l’autre État contractant, en vue d’éviter une imposition non conforme à la Convention. Sauf lorsque les dispositions de l’article IX (Personnes liées) s’appliquent, l’accord est appliqué quels que soient les restrictions relatives au temps ou à la procédure prévues par le droit interne des États contractants pourvu que l’autorité compétente de l’autre État contractant ait reçu, dans un délai de six ans à compter de la fin de l’année d’imposition à laquelle le cas s’applique, avis q’un tel cas existe.

 

 

 

3. Les autorités compétentes des États contractants s’efforcent, par voie d’accord amiable, de résoudre les difficultés ou de dissiper les doutes auxquels peuvent donner lieu l’interprétation ou l’application de la Convention. En particulier, les autorités compétentes des États contractants peuvent parvenir à un accord :

a) Pour que les bénéfices revenant à un résident d’un État contractant et à son établissement stable situé dans l’autre État contractant soient imputés d’une manière identique;

 

b) Pour que les revenus, déductions, crédits ou allocations revenant à des personnes soient attribués d’une manière identique;

 

c) Pour que la source d’éléments spécifiques de revenu et la nature de ces éléments soient déterminées d’une manière identique;

 

d) Pour que tout terme utilisé dans la Convention ait un sens commun;

 

e) Pour l’élimination de la double imposition à l’égard des revenus distribués par une succession ou une fiducie;

 

f) Pour l’élimination de la double imposition à l’égard d’une société de personnes;

 

g) Pour l’élimination de la double imposition résultant de l’application de l’impôt sur les successions perçu par les États-Unis ou de l’impôt canadien en raison d’une distribution ou disposition de biens par une fiducie qui est une fiducie américaine admissible (qualified domestic trust) au sens de l’article 2056A de l’Internal Revenue Code ou une fiducie visée par le paragraphe 70(6) de la Loi de l’impôt sur le revenu, ou qui est traitée comme telle en vertu du paragraphe 5 de l’article XXIX B (Impôts perçus en cas de décès), dans le cas où aucun allégement n’est par ailleurs disponible; ou

 

h) Pour augmenter tout montant exprimé en dollars visé dans la Convention de façon à refléter l’évolution économique ou monétaire.

 

Elles peuvent aussi se concerter en vue d’éliminer la double imposition dans les cas non prévus par la Convention.

 

4. Chacun des États contractants s’efforcera de percevoir pour le compte de l’autre État contractant les montants nécessaires afin d’assurer que les allégements d’impôt accordés dans cet autre État conformément à la Convention ne s’appliquent pas au bénéfice de personnes qui n’y ont pas droit. Toutefois, aucune disposition du présent paragraphe ne peut être interprétée comme imposant à l’un ou l’autre État contractant l’obligation de prendre des dispositions administratives de nature différente de celles utilisées pour la perception de ses propres impôts ou contraires à l’ordre public dans cet État.

 

5. Les autorités compétentes des États contractants peuvent communiquer directement entre elles en vue de parvenir à un accord comme il est indiqué aux paragraphes précédents.

 

6. Lorsque, conformément à une procédure amiable aux termes du présent article, les autorités compétentes ont tenté, sans succès, d’en arriver à un accord complet dans une affaire, cette affaire est résolue par arbitrage de la manière indiquée au paragraphe 7, et sous réserve des exigences de ce paragraphe, et aux règles ou aux procédures convenues entre les États contractants par échanges de notes diplomatiques si

 

 

a) Des déclarations de revenus ont été produites dans au moins un État contractant à l’égard des années d’imposition en cause;

 

b) L’affaire est, selon le cas :

 

(i) une affaire qui

 

(A) concerne l’application d’au moins un article qui est soumis à l’arbitrage conformément à des notes échangées entre les autorités compétentes, et

 

(B) n’est pas, comme le déterminent les autorités compétentes avant la date à laquelle des procédures d’arbitrage auraient autrement débuté, une affaire qui ne peut être déterminée par arbitrage,

 

(ii) une affaire particulière qui peut être déterminée par arbitrage selon les autorités compétentes;

 

c) Toutes les personnes concernées s’entendent selon les dispositions de l’alinéa d) du paragraphe 7.

 

7. Aux fins du paragraphe 6 et du présent paragraphe, les règles et les définitions suivantes s’appliquent :

 

a) L’expression « personne concernée » désigne la personne qui présente une affaire à une autorité compétente aux fins d’examen aux termes du présent article et toutes les autres personnes, le cas échéant, dont l’impôt à payer à l’un ou l’autre des États contractants peut être directement touché par un accord amiable découlant de cet examen;

 

b) La « date de début » d’une affaire est la date la plus rapprochée à laquelle les renseignements requis pour lancer un examen approfondi en vue d’un accord amiable ont été reçus par les autorités compétentes des deux États contractants;

 

c) Les procédures d’arbitrage dans une affaire commencent à la plus éloignée des dates suivantes :

 

(i) la date qui suit de deux ans la date de début de cette affaire, sauf si les autorités compétentes des deux États contractants se sont déjà entendues sur une autre date;

 

(ii) la date la plus rapprochée à laquelle l’entente exigée à l’alinéa d) a été reçue par les autorités compétentes des deux États contractants;

 

d) Les personnes concernées, ainsi que leurs mandataires ou représentants autorisés, doivent s’entendre avant le début des procédures d’arbitrage pour ne divulguer à personne les renseignements reçus dans le cadre des procédures d’arbitrage de l’un ou l’autre des États contractants ou de la commission d’arbitrage, sauf la détermination de cette commission;

 

e) Sauf si une personne concernée n’accepte pas la détermination d’une commission d’arbitrage, la détermination constitue une résolution par accord amiable aux termes du présent article et elle lie les deux États contractants à l’égard de cette affaire;

 

f) Aux fins d’une procédure d’arbitrage menée aux termes du paragraphe 6 et du présent paragraphe, les membres de la commission d’arbitrage et les membres de leur personnel sont considérés comme des « personnes ou des autorités » à qui des renseignements peuvent être divulgués aux termes de l’article XXVII (Échange de renseignements) de la présente Convention.

ARTICLE III

 

General Definitions

 

1. For the purposes of this Convention, unless the context otherwise requires: […]

 

 

(g) the term "competent authority" means:

 

(i) in the case of Canada, the Minister of National Revenue or his authorized representative; and

 

(ii) in the case of the United States, the Secretary of the Treasury or his delegate;

 

 

[…]

 

ARTICLE IX

 

Related Persons

 

1. Where a person in a Contracting State and a person in the other Contracting State are related and where the arrangements between them differ from those which would be made between unrelated persons, each State may adjust the amount of the income, loss or tax payable to reflect the income, deductions, credits or allowances which would, but for those arrangements, have been taken into account in computing such income, loss or tax.

 

2. For the purposes of this Article, a person shall be deemed to be related to another person if either person participates directly or indirectly in the management or control of the other, or if any third person or persons participate directly or indirectly in the management or control of both.

 

3. Where an adjustment is made or to be made by a Contracting State in accordance with paragraph 1, the other Contracting State shall (notwithstanding any time or procedural limitations in the domestic law of that other State) make a corresponding adjustment to the income, loss or tax of the related person in that other State if:

 

(a) it agrees with the first-mentioned adjustment; and

 

(b) within six years from the end of the taxable year to which the first-mentioned adjustment relates, the competent authority of the other State has been notified of the first-mentioned adjustment. The competent authorities, however, may agree to consider cases where the corresponding adjustment would not otherwise be barred by any time or procedural limitations in the other State, even if the notification is not made within the six-year period.

 

4. In the event that the notification referred to in paragraph 3 is not given within the time period referred to therein, and the competent authorities have not agreed to otherwise consider the case in accordance with paragraph 3(b), the competent authority of the Contracting State which has made or is to make the first-mentioned adjustment may provide relief from double imposition where appropriate.

 

5. The provisions of paragraphs 3 and 4 shall not apply in the case of fraud, willful default or neglect or gross negligence.

 

[…]

 

ARTICLE XXVI

 

Mutual Agreement Procedure

 

1. Where a person considers that the actions of one or both of the Contracting States result or will result for him in taxation not in accordance with the provisions of this Convention, he may, irrespective of the remedies provided by the domestic law of those States, present his case in writing to the competent authority of the Contracting State of which he is a resident or, if he is a resident of neither Contracting State, of which he is a national.

 

 

2. The competent authority of the Contracting State to which the case has been presented shall endeavor, if the objection appears to it to be justified and if it is not itself able to arrive at a satisfactory solution, to resolve the case by mutual agreement with the competent authority of the other Contracting State, with a view to the avoidance of taxation which is not in accordance with the Convention. Except where the provisions of Article IX (Related Persons) apply, any agreement reached shall be implemented notwithstanding any time or other procedural limitations in the domestic law of the Contracting States, provided that the competent authority of the other Contracting State has received notification that such a case exists within six years from the end of the taxable year to which the case relates.

 

3. The competent authorities of the Contracting States shall endeavor to resolve by mutual agreement any difficulties or doubts arising as to the interpretation or application of the Convention. In particular, the competent authorities of the Contracting States may agree:

 

(a) to the same attribution of profits to a resident of a Contracting State and its permanent establishment situated in the other Contracting State;

 

(b) to the same allocation of income, deductions, credits or allowances between persons;

 

 

(c) to the same determination of the source, and the same characterization, of particular items of income;

 

(d) to a common meaning of any term used in the Convention;

 

(e) to the elimination of double imposition with respect to income distributed by an estate or trust;

 

(f) to the elimination of double imposition with respect to a partnership;

 

(g) to provide relief from double imposition resulting from the application of the estate tax imposed by the United States or the Canadian tax as a result of a distribution or disposition of property by a trust that is a qualified domestic trust within the meaning of section 2056A of the Internal Revenue Code, or is described in subsection 70(6) of the Income Tax Act or is treated as such under paragraph 5 of Article XXIX B (Taxes Imposed by Reason of Death), in cases where no relief is otherwise available; or

 

(h) to increases in any dollar amounts referred to in the Convention to reflect monetary or economic developments.

 

They may also consult together for the elimination of double imposition in cases not provided for in the Convention.

 

 

 

 

 

 

4. Each of the Contracting States will endeavor to collect on behalf of the other Contracting State such amounts as may be necessary to ensure that relief granted by the Convention from taxation imposed by that other State does not enure to the benefit of persons not entitled thereto. However, nothing in this paragraph shall be construed as imposing on either of the Contracting States the obligation to carry out administrative measures of a different nature from those used in the collection of its own tax or which would be contrary to its public policy (ordre public).

 

5. The competent authorities of the Contracting States may communicate with each other directly for the purpose of reaching an agreement in the sense of the preceding paragraphs.

 

6. Where, pursuant to a mutual agreement procedure under this Article, the competent authorities have endeavored but are unable to reach a complete agreement in a case, the case shall be  resolved through arbitration conducted in the manner prescribed by, and subject to, the requirements of paragraph 7 and any rules or procedures agreed upon by the Contracting States by notes to be exchanged through diplomatic channels, if:

 

 

(a) Tax returns have been filed with at least one of the Contracting States with respect to the taxable years at issue in the case;

 

(b) The case:

 

(i) Is a case that:

 

(A) Involves the application of one or more Articles that the competent authorities have agreed in an exchange of notes shall be the subject of arbitration; and

 

(B) Is not a particular case that the competent authorities agree, before the date on which arbitration proceedings would otherwise have begun, is not suitable for determination by arbitration; or

 

 

(ii) Is a particular case that the competent authorities agree is suitable for determination by arbitration; and

 

(c) All concerned persons agree according to the provisions of subparagraph 7(d).

 

7. For the purposes of paragraph 6 and this paragraph, the following rules and definitions shall apply:

 

(a) The term “concerned person” means the presenter of a case to a competent authority for consideration under this Article and all other persons, if any, whose tax liability to either Contracting State may be directly affected by a mutual agreement arising from that consideration;

 

(b) The “commencement date” for a case is the earliest date on which the information necessary to undertake substantive consideration for a mutual agreement has been received by both competent authorities;

 

(c) Arbitration proceedings in a case shall begin on the later of:

 

(i) Two years after the commencement date of that case, unless both competent authorities have previously agreed to a different date, and

 

(ii) The earliest date upon which the agreement required by subparagraph (d) has been received by both competent authorities;

 

(d) The concerned person(s), and their authorized representatives or agents, must agree prior to the beginning of arbitration proceedings not to disclose to any other person any information received during the course of the arbitration proceeding from either Contracting State or the arbitration board, other than the determination of such board;

 

(e) Unless a concerned person does not accept the determination of an arbitration board, the determination shall constitute a resolution by mutual agreement under this Article and shall be binding on both Contracting States with respect to that case; and

 

(f) For purposes of an arbitration proceeding under paragraph 6 and this paragraph, the members of the arbitration board and their staffs shall be considered “persons or authorities” to whom information may be disclosed under Article XXVII (Exchange of Information) of this Convention.

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-788-11

 

INSTITULÉ :                                    TELETECH CANADA, INC. c.

                                                            MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 20 mars 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :           LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 29 mai 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Salvador M. Borraccia

Mark Tonkovich

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Naomi Goldstein

Jasmeen Mann

POUR LE DEMANDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

BAKER & McKENZIE s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

WILLIAM F. PENTNEY

Sous‑procureur général du Canada

POUR LE DEMANDEUR

 

 

 

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