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Date : 20130530

Dossier : IMM-6773-12

Référence : 2013 CF 582

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 30 mai 2013

En présence de monsieur le juge Rennie

 

 

ENTRE :

 

GYORGYNE SALAMON

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

  MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire déposée par la demanderesse en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LC 1985, c F-7, afin d’obtenir l’annulation de la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que la demanderesse n’a pas la qualité de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger.

 

[2]               Suivant la norme de la décision raisonnable, la demande de contrôle judiciaire est accueillie.

 

[3]               La Commission a commis une erreur en concluant qu’il existait une protection de l’État adéquate en Hongrie en raison des « efforts sérieux » de ce pays pour mettre fin à la persécution des Roms. La question du caractère adéquat de la protection offerte par l’État n’a pas vraiment été abordée et, dans la mesure où elle l’a été, la conclusion voulant qu’elle soit adéquate n’est pas étayée par la preuve.

 

[4]               La demanderesse est Rom et citoyenne de la Hongrie. La Commission a reconnu que la demanderesse avait été victime de discrimination et de violence à cause de son origine ethnique hongroise. La demanderesse a été violée par quatre hommes qu’elle croit être membres de la Garde hongroise, un groupe paramilitaire. Elle a été agressée après un accident de voiture, mais la police n’a rien fait. Des gens sont entrés par effraction dans sa maison et y ont fait des graffitis menaçants et racistes. Chaque incident a été signalé à la police, soit par la demanderesse, soit par sa mère. La Commission a reconnu l’ensemble de ces faits.

 

[5]               Il est présumé que les États sont disposés et aptes à protéger leurs citoyens. Cette présomption ne peut être réfutée que par des éléments de preuve clairs et convaincants. Les demandeurs doivent épuiser tous les recours raisonnables dont ils disposent avant de demander l’asile.

 

[6]               La demanderesse a signalé l’agression sexuelle à la police. La Commission a accepté son témoignage selon lequel la police n’avait recueilli aucun élément de preuve – par exemple, ses vêtements déchirés – et ne l’avait pas conduit à l’hôpital. Toutefois, la Commission a conclu que [traduction] « le simple fait que la police n’ait pas recueilli d’autres éléments de preuve ne suffit pas pour établir que la police n’a pas fait enquête ».

 

[7]               Cette conclusion est déraisonnable. Il est possible que la police ait fait enquête sans que la demanderesse le sache, mais il s’agit là d’une pure conjecture qui n’est pas étayée par le dossier. De plus, toute enquête sur une agression sexuelle qui exclurait la victime serait déficiente, et le défaut de suivre les règles élémentaires d’enquête en ne recueillant et en ne conservant pas les éléments de preuve témoigne d’une incompétence, d’une réticence ou d’une indifférence de l’État quant à la protection d’une minorité.

 

[8]               En outre, la Commission a conclu que même si la police avait fait preuve de discrimination à l’égard de la demanderesse, cette dernière avait d’autres recours, notamment la Commission indépendante des plaintes contre la police (la CIPP). La CIPP est un organisme indépendant composé d’experts juridiques nommés pour des mandats de six ans. L’examen de la preuve relative à cet organisme ne permet pas de conclue que les mécanismes de réparation son adéquat. En fait, la preuve était la conclusion contraire. Par exemple, sur les 157 cas où la CIPP a conclu à une violation des droits fondamentaux de la personne, le chef de la police nationale a accepté une conclusion et accepté partiellement 27 autres conclusions.

 

[9]               La Commission s’est aussi fondée sur l’existence des quatre ombudsmans de Hongrie auxquels on peut transmettre des plaintes de harcèlement et de discrimination. Ces ombudsmans ne peuvent pas rendre de décisions exécutoires, mais seulement favoriser l’atteinte d’un consensus et militer en faveur de changement de politiques. Bien qu’ils jouent un rôle utile, les ombudsmans, à l’instar de la CIPP ou du Comité Helsinki de Hongrie, n’ont ni le rôle ni le pouvoir de fournir une protection.

 

[10]           La Commission a estimé qu’il était raisonnable de s’attendre à ce que la demanderesse demande l’aide d’autres organisations, organismes communautaires et activistes. Lorsqu’il est question d’agression sexuelle ou d’autres crimes graves comportant de la violence physique, la protection de l’État doit être évaluée en fonction de la réponse policière, et non de celle d’organismes secondaires comme les commissions d’examen des plaintes ou les organismes qui aident les victimes à surmonter les conséquences du crime. Il ne faut pas confondre ces deux volets. De plus, l’existence d’un mécanisme d’examen ne signifie pas à elle seule que la protection de l’État est adéquate. Il s’agit d’un indice d’une protection de l’État, sans plus. Par ailleurs, il n’y a aucun lien direct entre les recours relatifs aux incidents passés où la police n’est pas intervenue et l’existence d’une protection pour l’avenir.

 

[11]           Pour ce qui est des trois incidents de vandalisme, la Commission a conclu que la police avait rédigé des rapports et que la mère de la demanderesse ne pouvait fournir aucun renseignement qui aurait permis d’identifier les coupables. Même si l’on présumait que la police n’a pas fait preuve d’inconduite ou de négligence, le fait qu’elle ait été incapable de prévenir de nouveaux incidents n’a pas été pris en compte par la Commission dans son analyse du caractère adéquat de la protection de l’État.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie. Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6773-12

 

INTITULÉ :                                      GYORGYNE SALAMON c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 15 mai 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET

JUGEMENT :                                   LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 30 mai 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Daniel M Fine

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Norah Dorcine

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Daniel M Fine

Avocat
Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney,

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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