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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20130604

Dossier : IMM-7844-12

Référence : 2013 CF 598

Ottawa (Ontario), ce 4e jour de juin 2013

En présence de l’honorable juge Roy

ENTRE :

Ertugrul SAVAS

Funda SAVAS

Ata Cem SAVAS

 

Demandeurs

 

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

Défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]          Il s’agit ici d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC (2001), ch 27, (la Loi) d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (le tribunal) statuant que les demandeurs ne sont ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger selon les articles 96 et 97 de la Loi.

[2]          Le tribunal a convenu que les demandeurs ont subi au cours des années des actes de discrimination et de harcèlement. Il a cependant conclu que, cumulativement, ces actes de persécution et de harcèlement ne sauraient constituer de la persécution.

 

[3]          Ainsi, le tribunal, après l’examen de la preuve, a conclu que les demandeurs n’avaient pas démontré la crainte subjective requise pour pouvoir se prévaloir de la Loi. À cet effet, la preuve était que les incidents avaient eu lieu sur une longue période de temps, durant laquelle les demandeurs avaient considéré leurs options. En effet, une tentative d’obtenir un visa de visiteur au Canada a été refusé en 2006; le demandeur principal s’est enquis en 2007 en Angleterre de la possibilité de faire une demande de statut de réfugié pour abandonner le projet quand avisé par un avocat que les chances de succès étaient minimes. Il a continué à occuper son emploi en Turquie et ce n’est qu’à la fin de 2009, quelque 14 mois après le dernier incident impliquant le demandeur qu’il obtenait un visa de visiteur pour les États-Unis, où il s’est retrouvé, à New York, le 11 décembre 2009. Il semble bien que sa destination réelle était le Canada puisqu’il traversait la frontière le 19 décembre 2009, mais ne demandait le statut de réfugié que deux jours plus tard. Son épouse et son fils sont arrivés au Canada seulement le 6 septembre 2011, et ont aussi demandé le statut de réfugié, mais dès le jour de leur arrivée à la frontière canadienne.

 

[4]          Le tribunal, après examen de la documentation disponible au 29 juin 2011, était aussi d’avis qu’il était moins que probable que des citoyens turcs de la confession religieuse des demandeurs soient l’objet de persécution si retournés en Turquie, concluant ainsi qu’il n’y avait pas de fondement objectif à leur crainte.

[5]          Le tribunal a finalement convenu que les demandeurs ne seraient pas à risque de torture ou de traitements cruels et inusités.

 

[6]          Il convient de rappeler à nouveau que discrimination et harcèlement ne sont pas persécution.

 

[7]          Le juge Michel Beaudry de cette Cour a bien résumé l’état du droit dans Yurteri c Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 478, au paragraphe 34 :

[34]     Les cours ont défini la persécution comme étant l’infliction répétée d’actes de cruauté ou l’infliction systématique d’un châtiment au cours d’une période de temps déterminée. Le harcèlement et la discrimination ne suffisent pas en soi (Rajudeen c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1984), 55 NR 129 (C.A.F.), Olearczyk c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1989), 8 Imm. L.R. (2d) 18 (C.A.F.), Murugiah c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 63 FTR 230, et Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689).

 

 

 

[8]          En l’espèce, le tribunal a conclu que la discrimination et le harcèlement en soi n’atteignaient pas le niveau de sérieux requis.

 

[9]          La norme de contrôle judiciaire en ces matières sera celle de la décision raisonnable. Il s’agit de questions mixtes de fait et de droit. Les demandeurs trouvent appui sur Gur c Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2012 CF 992, pour argumenter que la norme de la décision correcte doit trouver application lorsque le tribunal ne considère pas le cumul des effets d’incidents de discrimination.

 

[10]      Je conviens que de négliger de considérer le cumul pourrait être une question de droit appelant la norme de la décision correcte. Par ailleurs, l’application du cumul sera une question mixte de fait et de droit révisable sur la base de la décision raisonnable. Dit autrement, la question de peser la preuve pour décider s’il y a cumul suffisant pour conclure à persécution sera une question mixte. Or, en l’espèce, le tribunal a à deux reprises conclu que le cumul des incidents ne constitue pas de la persécution. De fait, les demandeurs se plaignent que la « théorie du cumul » n’a pas été appliquée adéquatement. Ce n’est pas que la théorie du cumul a été ignorée. C’est plutôt que les demandeurs ne sont pas satisfaits du résultat.

 

[11]      Il s’ensuit que la décision du tribunal doit être révisée au regard de la norme de la raisonnabilité. La déférence pour la décision rendue a-t-elle été renversée par les demandeurs? Je ne le crois pas. Comme il est dit dans Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47, « (I)l est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables ». Tel est le cas en l’espèce.

 

[12]      Il était raisonnable pour le tribunal de conclure que le comportement des demandeurs ne démontrait pas une crainte subjective. C’était une conclusion à laquelle le tribunal pouvait rationnellement arriver. La preuve objective ne favorisait pas plus les demandeurs, si tant est que le tribunal avait convenu à une crainte subjective. La conclusion sur la crainte subjective et celle sur un fondement objectif à cette crainte étaient raisonnables parce que fondées sur la preuve devant le tribunal.

[13]      Les faits devant le tribunal étaient tels que même en accumulant les incidents de discrimination, et même de harcèlement, n’avaient pas la facture de la cruauté et de l’infliction systématique de châtiments. Il était raisonnable de conclure à l’absence de persécution.

 

[14]      En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.

 

 


 

JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié rendue le 11 juillet 2012 est rejetée.

 

 

« Yvan Roy »

Juge

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-7844-12

 

INTITULÉ :                                      Ertugrul SAVAS, Funda SAVAS, Ata Cem SAVAS c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 9 avril 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            Le juge Roy

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 4 juin 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Rachel Benaroch                          POUR LES DEMANDEURS

 

Me Pavol Janura                                 POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Rachel Benaroch                                                         POUR LES DEMANDEURS

Montréal (Québec)

 

William F. Pentney                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 

 

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