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Date : 20130531

Dossier : T‑1042‑12

Référence : 2013 CF 588

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 31 mai 2013

En présence de monsieur le juge Manson

 

ENTRE :

 

HOWARD BILLER

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

Le procureur général du Canada

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision prise par le Centre d’arrivage de la Direction générale des appels sur l’instruction du ministre du Revenu national [le ministre] de ne pas exercer son pouvoir discrétionnaire pour accorder à M. Biller [le demandeur] un allègement aux termes de l’article 281.1 de la Loi sur la taxe d’accise, LRC 1985, c E‑15 [la LTA]. Le demandeur sollicite l’annulation des pénalités et intérêts imposés par l’Agence du revenu du Canada [l’ARC] pour les périodes d’imposition se terminant les 31 décembre 2004, 31 décembre 2005, 31 décembre 2006 et 31 décembre 2007 [les périodes]. Le demandeur se représente lui‑même.

 

I.          Contexte

[2]               Le demandeur a distribué des produits de santé pour Immunotec, une société de commercialisation à paliers multiples, basée au Québec, pendant plus de dix (10) ans.

 

[3]               Le demandeur n’a pas produit de déclarations de revenu pour les biens et services pendant les périodes en cause. C’est pourquoi le ministre a imposé au demandeur des intérêts et des pénalités de production tardive pour son défaut de produire ses déclarations d’impôt dans les délais prévus, comme l’exige la LTA.

 

[4]               Le 15 janvier 2009, le demandeur, invoquant des circonstances extraordinaires justifiant un allègement, a invité le ministre à renoncer aux intérêts et pénalités pour production tardive qui ont été imposés pour les périodes en cause.

 

[5]               Le 4 mars 2010, le ministre a rendu une décision par laquelle il refusait d’exercer son pouvoir discrétionnaire visant à renoncer aux pénalités et intérêts que devait le demandeur aux termes de l’article 281.1 de la LTA.

 

II.        Les questions en litige

[6]               La Commission a‑t‑elle commis une erreur en refusant au demandeur un allégement pour les pénalités et les intérêts?

 

III.       La norme de contrôle

[7]               La norme de contrôle applicable est celle de la raisonnabilité (Agence du revenu du Canada c Telfer, 2009 CAF 23, au paragraphe 24; voir également Holmes c Canada (Procureur général), 2010 CF 809).

 

[8]               La Cour ne doit intervenir pour infirmer une décision que si celle‑ci ne fait pas partie « des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47). Le caractère raisonnable d’une décision tient à sa justification ainsi qu’à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel.

 

IV.       Analyse

[9]               Le juge Michel Beaudry a exposé dans Knecht c Canada (Procureur général), 2009 CF 940, un résumé utile du cadre législatif des dispositions d’allègement pour les contribuables :

11    Les dispositions d’allègement pour les contribuables prévues à la Loi de l’impôt sur le revenu, 1985, ch. 1 (5e suppl.) [paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu et article 281.1 de la LTA] donnent à l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) le pouvoir discrétionnaire d’annuler, en tout ou en partie, les pénalités et les intérêts correctement établis ou d’y renoncer. Ce pouvoir discrétionnaire est généralement exercé lorsque le contribuable a contrevenu à la Loi en raison de circonstances qui échappent à son contrôle, de difficultés financières ou d’actes de l’ARC. De plus, avant de décider s’il y a lieu d’annuler les pénalités et les intérêts, l’Agence examine la situation du contribuable afin de savoir si cette personne a porté un soin raisonnable à la gestion de ses affaires.

 

12     Quand un contribuable demande que les intérêts ou les pénalités, ou les intérêts et les pénalités, soient annulés ou que le ministre y renonce conformément à l’article 281.1 de la Loi (demande d’équité), le processus de décision débute lorsqu’un agent d’équité de l’ARC étudie la demande de premier niveau présentée par ce contribuable. L’agent d’équité prépare un rapport et fait une recommandation relativement à la demande de premier niveau présentée. Lorsque le montant en jeu est supérieur à 5 000 $, la demande de premier niveau est révisée par un comité constitué de trois chefs d’équipe (comité de premier niveau). Si le contribuable demande que sa demande de premier niveau soit révisée (ce qui en fait une demande de deuxième niveau), un agent de l’ARC qui n’a joué aucun rôle dans la demande de premier niveau prépare un rapport qui sera examiné par un comité formé du directeur adjoint de la Division du recouvrement des recettes et du service à la clientèle, du directeur adjoint de la Division de l’audit et du directeur du Bureau des services fiscaux de l’Intérieur Sud (Comité de second niveau). Le comité de second niveau examine tous les documents et prend une décision.

 

13     Pour décider s’il y a lieu d’accorder un allègement au contribuable qui a fait une demande d’équité, le ministre tient entre autres généralement compte des facteurs suivants :

a)   les antécédents du contribuable en matière de respect de ses obligations relatives à la TPS;

b)   le fait que le contribuable a ou n’a pas, en toute connaissance de cause, laissé subsister un solde en souffrance sur lequel se sont accumulés des intérêts;

c)   le fait que le contribuable a ou n’a pas agi avec diligence raisonnable et qu’il a ou n’a pas géré ses affaires de manière négligente ou insouciante dans le cadre du régime d’autocotisation;

d)   le fait que le contribuable a ou n’a pas agi rapidement pour remédier à tout retard ou défaut dont il est responsable;

e)   le fait que le contribuable connaît ou non de graves difficultés qui réduisent sa capacité de payer le montant de la cotisation. 

 

            (voir le paragraphe 22 de la Circulaire d’information IC07‑1, Dispositions d’allègement pour les contribuables)

 

 

[10]           La décision qu’a rendue le juge Simon Noël dans Quastel c Agence du revenu du Canada, 2011 CF 143, est également éclairante :

21  Comme la Cour suprême l’a expliqué dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12 (CanLII), 2009 CSC 12, au paragraphe 46 : « De façon plus générale, il ressort clairement de l’alinéa 18.1(4)d) que le législateur voulait qu’une conclusion de fait tirée par un organisme administratif appelle un degré élevé de déférence. Ce qui est tout à fait compatible avec l’arrêt Dunsmuir. Cette disposition législative précise la norme de contrôle de la raisonnabilité applicable aux questions de fait dans les affaires régies par la Loi sur les Cours fédérales. » Ainsi, comme c’est la façon dont le pouvoir discrétionnaire a été exercé qui est contestée, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, ainsi que la jurisprudence pertinente le confirme (Agence du revenu du Canada c. Telfer, 2009 CAF 23; Spence c. Agence du revenu du Canada, 2010 CF 52; Northview Apartments Ltd. c. Canada (Procureur général), 2009 CF 74; Cayer c. Agence du revenu du Canada, 2009 CF 1195 (CanLII), 2009 CF 1195).

 

22. Les demandeurs n’étaient pas représentés devant la Cour et les observations qui précèdent au sujet de la norme de contrôle peuvent par conséquent leur sembler techniques. Il y a une différence entre un contrôle judiciaire et un appel, surtout lorsque la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable. La Cour doit se demander si la décision contestée appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit, ce qui indique que l’auteur de la décision administrative dispose effectivement d’une certaine marge de manœuvre (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 (CanLII), 2008 CSC 9, au paragraphe 47). Les pouvoirs dont dispose la Cour ne vont pas jusqu’à lui permettre de procéder à une nouvelle appréciation de la preuve ou à remplacer la décision de l’ARC par la sienne. À l’étape du contrôle judiciaire, les issues sont limitées : ou bien l’affaire est renvoyée à l’auteur de la décision pour qu’il statue à nouveau sur l’affaire ou bien la décision est considérée comme « raisonnable » ou « correcte », selon la norme de contrôle applicable.

 

 

[11]           Le ministre a publié des directives contenant une liste non limitative des facteurs à prendre en compte pour exercer sa discrétion de renoncer aux pénalités et aux intérêts, notamment : (1) circonstances exceptionnelles, (2) actions de l’ARC et (3) incapacité de payer ou difficultés financières.

 

[12]           Avant d’examiner ces éléments, il est important d’observer qu’un demandeur est tenu de produire sa déclaration dans les délais prévus et que les erreurs attribuables à des tiers ne sont pas considérées comme des circonstances exceptionnelles (Babin c Canada (Agence des douanes et du revenu du Canada), 2005 CF 972, aux paragraphes 19 et 20; Quastel c Canada (Agence du revenu), 2011 CF 143; Boonstra c Canada (Procureur général), 2006 CF 1196, aux paragraphes 17 et 22).

 

[13]           Je suis certes sensible à l’erreur qu’a commise M. Biller au sujet de son obligation de verser la TPS pour les services qu’il rendait à Immunotec, dont dépendaient les commissions qui lui étaient versées, mais il lui appartenait néanmoins d’effectuer les remises prévues et d’obtenir les conseils nécessaires de son comptable ou d’une autre personne pour veiller à respecter les obligations relatives au versement de la TPS. Il est possible que le comptable de M. Biller et même Immunotec ne lui aient pas donné des conseils appropriés ou adéquats, mais ces éléments sont distincts des considérations dont peut tenir compte l’ARC. L’ARC a examiné les faits pertinents et a agi de façon raisonnable. La présente demande est par conséquent rejetée.

 

[14]           Les faits de l’espèce ne justifient toutefois pas de condamner le demandeur aux dépens. Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.         Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

« Michael D. Manson »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑1042‑12

 

INTITULÉ :                                                  BILLER c. PGC

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 29 mai 2013

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                  LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 31 mai 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Howard Biller

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Amit Ummat

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Howard Biller

Collingwood (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada 

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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