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Date : 20130524

Dossier: T-179-11

Référence : 2013 CF 547

Ottawa (Ontario), le 24 mai 2013

En présence de monsieur le juge de Montigny

 

ENTRE :

 

MICHEL BEAUDRY

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La présente demande de contrôle judiciaire porte sur une décision de l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) relativement à l’impôt qu’aurait omis de verser Michel Beaudry (le demandeur) sur ses revenus des années 2004 et 2005. Le demandeur cherche à obtenir une déclaration que : 1) les impôts, déductions et retenues, tels que cotisés par le ministre sur les revenus imposables pour 2004 et 2005 ont déjà été payés par voie de retenue à la source; 2) l’employeur est responsable du paiement des impôts, déductions et retenues, tels que cotisés par le ministre relativement aux revenus imposables pour 2004 et 2005; et 3) le demandeur a déjà payé les impôts, déductions et retenues pour les années 2004 et 2005 réclamés par le ministre.

[2]               Après avoir soigneusement examiné la preuve au dossier, ainsi que les représentations écrites et orales des parties, j’en suis arrivé à la conclusion que cette demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Voici mes motifs.

 

I.          Faits

[3]               Le demandeur allègue avoir été embauché à titre de consultant à la clientèle par la compagnie Compu-Finder Inc (Compu-Finder) par le biais de la compagnie Solutions C.I.M.E. dont il était le président et l’unique actionnaire. Après quelques mois de travail à titre de travailleur autonome, soit d’octobre 2002 à mars 2003, il serait devenu un employé à temps plein au poste de conseiller sénior.

 

[4]               Le 31 mars 2003, le demandeur aurait définitivement fermé son entreprise Solutions C.I.M.E., ce qui démontrerait qu’il était bel et bien à l’emploi de Compu-Finder à compter du 1er avril 2003. Dès lors, Compu-Finder lui versait son salaire directement à son nom. Le 1er août 2003, le demandeur a été nommé au poste de vice-président développement et projets spéciaux, poste qu’il a occupé jusqu’au 29 octobre 2005.

 

[5]               Le demandeur  a produit par voie électronique sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2004 le ou vers le 23 février 2005. Aucun relevé T4 n’accompagnait la déclaration, car le dépôt électronique des déclarations de revenus ne le requiert pas. Il a par ailleurs produit sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2005, accompagnée d’un relevé T4, le ou vers le 30 avril 2006.

[6]               Au mois de février 2005, le demandeur dit avoir reçu en mains propres son relevé T4 pour l’année 2004 de Mme Sylvie Pagé, représentante de Compu-Finder. Il dit aussi avoir reçu par la poste en février 2006 son relevé T4 pour l’année 2005. Ces relevés indiquaient des revenus d’emploi respectifs aux montants de 98 250,00 $ et 91 858,30 $, ainsi que des retenues à la source au titre de l’impôt fédéral de 22 784,35 $ et 17 453,32 $.

 

[7]               Selon le défendeur, les relevés T4 émis et envoyés par un employeur à l’ARC sont enregistrés dans le système informatique de l’ARC tant à l’égard de chaque contribuable sous son numéro d’assurance sociale (NAS) que sous le numéro d’entreprise (NE) de l’émetteur des relevés. Or, les relevés T4 fournis par le demandeur pour les années d’imposition 2003 et 2004 n’auraient pas été enregistrés au système de l’ARC, ni sous le NAS du demandeur ni sous le NE de Compu‑Finder. Pour l’année 2005, le relevé T4 émis et envoyé par Compu-Finder et enregistré au système de l’ARC ne contenait pas les mêmes renseignements que ceux contenus au relevé T4 produit par le demandeur dans sa déclaration de revenus, et faisait état de revenus d’emploi de 27 552,00 $ (plutôt que de 91 858,30 $) ainsi que de retenues à la source au titre d’impôt sur le revenu de 2 882,48 $ (plutôt que de 17 453,32 $).

 

[8]               Le 19 octobre 2005, la Section de l’observation de l’ARC a demandé verbalement au demandeur de lui fournir toute pièce justificative des retenues de 22 784,35$ qu’aurait effectuées Compu-Finder en 2004. Devant l’absence de preuve fournie par le demandeur, l’ARC a établi le montant des retenues à 0 $ pour l’année d’imposition 2004.

 

[9]               Puis, le 10 mai 2006, l’ARC a réclamé du demandeur ses talons de chèques de paie pour l’année 2005. Ce dernier a uniquement soumis ceux couvrant la période du 31 mai au 23 juillet 2005.  Le 31 mai 2006, l’ARC a informé le demandeur qu’elle jugeait ces renseignements insuffisants, et qu’elle maintenait le redressement imposé pour l’année d’imposition 2004.

 

[10]           Curieusement, il appert de l’affidavit soumis par Mme Chantal Guertin, vérificatrice des comptes en fiducie à l’ARC, que le demandeur aurait indiqué verbalement à la Division des recouvrements le 13 décembre 2006 que Compu-Finder ne lui avait pas remis de relevé T4 pour les trois années au cours desquelles il a travaillé pour elle.

 

[11]           Mme Guertin a été chargée de vérifier les revenus tirés de la relation d’affaires que le demandeur entretenait avec Compu-Finder et, le cas échéant, du montant des retenues à la source faites sur les montants versés au demandeur pour ses services. Elle s’est d’abord entretenue avec le demandeur le 22 mars 2007, qui a réitéré avoir été embauché comme directeur du développement à compter du 31 mars 2003 jusqu’au 31 juillet 2003, puis à titre de vice-président au développement du 1er août 2003 au 29 octobre 2005. Au soutien de sa prétention à l’effet qu’il avait été embauché comme employé, le demandeur a affirmé avoir définitivement fermé la société Solutions C.I.M.E. le 31 mars 2003. Or, le contrat de services en cause a été conclu entre Compu-Finder et Solutions C.I.M.E. (représentée par le demandeur) le 18 septembre 2003. Compu-Finder a également reconnu que le demandeur a été vice-président de la société, mais seulement à compter de juin 2005; auparavant, il n’aurait agi qu’à titre de consultant.

 

[12]           Le 30 mai 2007, Mme Guertin s’est rendue au bureau de la comptable de Compu-Finder pour vérifier les registres de paie et la documentation comptable de l’entreprise. Elle s’est également entretenue avec Mme Pagé, la représentante de Compu-Finder. Cette dernière a affirmé que le demandeur avait été embauché comme consultant de 2002 à 2005 et facturait les services qu’il rendait via sa société Solutions C.I.M.E.; il ne serait devenu employé de Compu-Finder qu’en juin 2005, au moment où on lui aurait confié le poste de vice-président. Mme Pagé a également indiqué que les relevés T4 soumis par le demandeur n’avaient pas été préparés par Compu-Finder. Enfin, elle a mentionné qu’à compter du 28 novembre 2003, le demandeur était payé directement par chèque même si les services continuaient d’être facturés par Solutions C.I.M.E.; cet arrangement aurait été requis par le demandeur étant donné les problèmes que Solutions C.I.M.E. éprouvait avec son institution financière.

 

[13]           Mme Guertin affirme également avoir comparé les trois relevés T4 soumis par le demandeur avec ceux d’autres employés, et constaté que les relevés T4 soumis par le demandeur n’ont pas la même forme que les relevés T4 habituellement émis par Compu-Finder, et qu’ils portent tous un  numéro d’entreprise différent, et dont aucun ne correspond à celui de Compu-Finder.

 

[14]           Sur la base de ces renseignements, l’ARC a informé le demandeur le 2 août 2007 qu’elle considérait qu’il avait occupé un emploi assurable au sens de l’alinéa 5(1)a) de la Loi sur l’assurance-emploi, LC 1996, c 23 chez Compu-Finder en 2004 et 2005. Cette décision a été confirmée par l’ARC le 27 février 2008, suite à l’appel de la décision initiale logée par Compu‑Finder.

[15]           Puisque Compu-Finder avait considéré le demandeur comme un travailleur autonome de 2002 à juin 2005 et n’avait donc pas fait de retenues à la source sur les paiements qu’elle effectuait pour ses services, Mme Guertin a établi des relevés T4 finaux sur la base des renseignements recueillis pendant sa vérification des livres et registres de Compu-Finder en 2007. Elle a déterminé que les revenus d’emploi du demandeur pour les années 2004 et 2005 étaient respectivement de 71 838,83 $ et de 72 510,86 $, et que les retenues à la source au titre de l’impôt sur le revenu avaient été de 0 $ (pour 2004) et de 2 882,48 $ (pour 2005). L’ARC a informé le demandeur de ces modifications apportées à ses relevés T4 dans une lettre du 26 novembre 2008.

 

[16]           Le 19 mars 2009, l’ARC a émis de nouvelles cotisations pour les années 2004 et 2005, réclamant respectivement au demandeur des montants de 45 504,56 $ et de 40 197,04 $. Suite aux avis d’opposition déposés par le demandeur, les cotisations pour les années 2004 et 2005 ont été confirmées par l’ARC. Le demandeur a été informé de cette décision le 30 octobre 2009 par M. Réjean Michaud, chef d’équipe à la Division des appels de la région du Québec.

 

[17]           Quelques jours avant la date prévue pour l’audition au mérite de la présente affaire, le demandeur a présenté une requête visant à obtenir l’autorisation de déposer deux affidavits supplémentaires. Ces deux affidavits avaient déjà été soumis à l’ARC le 15 octobre 2009, mais ne faisaient pas partie du dossier de la défenderesse devant cette Cour. Lors de l’audition, j’ai permis le dépôt de ces affidavits, et j’ai ajourné l’instance de façon à permettre au défendeur de contre‑interroger les deux déposants et de déposer un affidavit supplémentaire.

 

[18]           Dans son affidavit, M. Daniel Plourde écrit ce qui suit :

Je confirme par cet affidavit que j’étais présent, au mois de février 2005, lors de la remise des T-4 de la compagnie 3510395 Canada Inc. (Compu-Finder).

 

Mme Sylvie Pagé m’a remis mon T-4 et a donné le T-4 pour l’année 2004 à M. Michel R. Beaudry en main propre. Je confirme que j’ai assisté à cette scène et que M. Michel R. Beaudry a bien reçu son T-4 de Mme Sylvie Pagé.

 

 

[19]           L’affidavit de Mme Lucie Lafrenière, conjointe du demandeur, se lit par ailleurs comme suit :

J’atteste par cet affidavit que j’ai reçu par poste Canada, provenant de Compu-Finder (3510395 Canada Inc.), le T-4 de M. Michel R. Beaudry pour l’année 2005, au mois de février 2006.

 

Les sommes inscrites sur ce T-4 étaient :

 

- Salaire brut :                                      91 858,30

- Impôt fédéral :                                  17 453,32

- Assurance emploie [sic] :                        761,00

- Régime des rentes du Québec :           1 861,20

- Case 42 :                                              4 852,65

 

 

[20]           Dans son affidavit soumis en réponse aux deux affidavits précédents, M. Joël Dumoulin, agent des appels à l’ARC chargé de traiter les oppositions signifiées par le demandeur à l’encontre des avis de nouvelle cotisation pour les années 2004 et 2005, a expliqué pourquoi ces affidavits n’avaient pas été jugés crédibles. S’agissant tout d’abord de l’affidavit de M. Plourde, M. Dumoulin a fait ressortir que ce dernier n’avait pu recevoir un formulaire T4 pour l’année 2004 en même temps que le demandeur, puisqu’il n’était pas à l’emploi de Compu-Finder en 2004. La liste des T4 émis par Compu-Finder et remise à l’ARC pour les années 2004 et 2005 témoigne d’ailleurs du fait que M. Plourde n’a pas reçu de T4 de Compu-Finder pour 2004. M. Plourde a d’ailleurs admis son erreur en contre-interrogatoire.

 

[21]           Qui plus est, les deux affidavits contredisent le demandeur lui-même, qui a déclaré dans son avis d’opposition pour l’année d’imposition 2004 avoir reçu les formulaires T4 pour 2003, 2004 et 2005 de la part de M. Alain Guyot, vice-président de Compu-Finder et non de Mme Pagé. Il a d’ailleurs repris cette affirmation dans une lettre adressée au Directeur Vérification au bureau de l’ARC en date du 4 avril 2009, et son avocat a fait de même dans une lettre adressée à Brigitte Bergeron de l’ARC le 24 février 2009.

 

II.        Question en litige

[22]           La seule question en litige dans le présent dossier consiste à déterminer si des retenues d’impôt ont bel et bien été effectuées par Compu-Finder sur les montants qu’elle lui a versés pour les années d’imposition 2004 et 2005, et si oui, si ces retenues correspondent aux sommes déclarées par le demandeur ou à celles que l’ARC a déterminées.

 

III.       Analyse

[23]           Il convient tout d’abord de préciser que cette Cour a juridiction sur le présent litige dans la mesure où le contribuable ne cherche pas à faire modifier ou même annuler une cotisation (ce qui relève de la juridiction exclusive de la Cour canadienne de l’impôt aux termes du paragraphe 169(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e supp)), mais vise plutôt à démontrer qu’il a déjà versé les sommes dont il est redevable. La jurisprudence est claire à l’effet que la Cour fédérale est compétente en semblable matière :

Or, en l'occurrence, la demanderesse ne recherche pas l'annulation ou la modification des cotisations en litige. Elle prétend plutôt que les impôts tels que cotisés par le Ministre ont déjà été payés par voie de retenue à la source (voir l'article 227 (9.4) qui rend inter alia l'employeur responsable des impôts dûs par un employé jusqu'à concurrence des montants retenus à même le salaire et non remis). Dans ces circonstances, c'est à bon droit que la première juge s'est déclarée sans juridiction et c'est donc à tort qu'elle s'est penchée sur le fond du litige.

 

Le problème soulevé par la demanderesse en est un de recouvrement. À cet égard, l’article 222 confère compétence à la Cour fédérale en ces termes :

 

Tous les impôts, intérêts, pénalités, frais et autres montants payables en vertu de la présente loi sont des dettes envers Sa Majesté et recouvrables comme telles devant la Cour fédérale […]

 

***

All taxes, interest, penalties, costs and other amounts payable under this Act are debts due to Her Majesty and recoverable as such in the Federal Court …

 

Dans la mesure où la demanderesse prétend avoir déjà payé les impôts qu'on lui réclame, elle pourra faire valoir ses droits devant la Cour fédérale lorsque le Ministre tentera de recouvrer les sommes qu'il considère exigibles. […]

 

Neuhaus c Canada, 2002 CAF 391 aux para 4-6, [2003] 2 CTC 177.

 

Voir aussi, au même effet : Boucher c Canada, 2004 CAF 47, [2004] 2 CTC 174; Welford c Canada, 2009 CCI 464, [2009] ACI no 365.

 

 

[24]           Après avoir soigneusement examiné la preuve au dossier et tenu compte des représentations faites par les avocats représentant les deux parties, j’en suis arrivé à la conclusion qu’il existe suffisamment d’éléments factuels permettant à cette Cour de conclure, en appliquant la norme de la balance des probabilités, qu’il n’y a eu aucune retenue à la source effectuée pour le compte du demandeur en 2004 et pour une portion de 2005 (jusqu’au mois de juin) et qu’aucun redressement ne devrait donc lui être accordé pour ces deux années.

 

[25]           Je note tout d’abord que le demandeur semble avoir modifié sa version des faits. Au tout début du processus de vérification pour l'année 2005, soit le 13 décembre 2006, il a déclaré n’avoir jamais reçu de relevés T4 de Compu-Finder (Dossier du défendeur, Affidavit de Chantal Guertin, pièce « 6 »). Or, il a par la suite soutenu avoir reçu de tels relevés pour les années 2004 et 2005 émis par Compu-Finder et les avoir soumis à l’ARC.

 

[26]           D’autre part, les relevés T4 soumis par le demandeur diffèrent de ceux habituellement émis par la compagnie. Dans un premier temps, les relevés soumis par le demandeur comportent des numéros d’entreprise différents et qui ne correspondent pas à celui de Compu-Finder. De plus, les relevés T4 du demandeur diffèrent à leur face même, dans leur format, des relevés T4 des autres employés de l’entreprise.

 

[27]           Il faut également tenir compte du fait que Compu-Finder a initialement retenu les services de la société Solutions C.I.M.E. appartenant au demandeur à l’issue d’un contrat signé entre ces deux sociétés. À ce titre, il était normal que Compu-Finder n’ait pas effectué les retenues à la source prévues à l’article 153 de la Loi de l’impôt sur le revenu. Compu-Finder n’a jamais considéré le demandeur comme étant l’un de ses employés pendant l’année d’imposition 2004 et les six premiers mois de l’année 2005, ce qui l’aurait obligée à procéder à des retenues d’impôt à la source. Le fait que des chèques aient été émis à partir de novembre 2003 au demandeur personnellement plutôt qu’à Solutions C.I.M.E. n’était pas une reconnaissance par Compu-Finder que celui-ci était considéré comme un salarié. D’ailleurs, aux dires de Compu-Finder, c’est le demandeur qui a lui‑même demandé à ce que les chèques soient dorénavant émis à son nom personnel plutôt qu’au nom de sa société. Il est d’ailleurs curieux que le contrat de services ait été conclu avec Solutions C.I.M.E. en septembre 2003, alors que cette société avait fait l’objet d’une radiation d’office plus de quatre mois plus tôt, soit le 2 mai 2003.

 

[28]           En fait, il est permis de se demander si le demandeur n’a pas tenté de jouer sur deux tableaux. D’une part, le demandeur semble n’avoir jamais déclaré à Compu-Finder que Solutions C.I.M.E. n’existait plus au moment où il a signé un contrat de services et même après, puisqu’il a continué à émettre des factures jusqu’en 2005 avec l’en-tête de cette entreprise. D’autre part, le demandeur soumettait ses déclarations d’impôt en déclarant être l’employé de Compu-Finder, alors que cette dernière croyait faire affaire avec Solutions C.I.M.E. Cela serait d’ailleurs conforme à la déclaration faite par Mme Pagé, à l’effet que c’est à la demande du demandeur que Compu-Finder a commencé à lui remettre des chèques à son propre nom plutôt qu’au nom de Solutions C.I.M.E. et non parce que le demandeur agissait dorénavant en tant qu’employé. 

 

[29]           Je note également que, selon les dossiers de Compu-Finder, le demandeur ne figure au nombre des employés de la compagnie qu’à compter du 10 juin 2005, ce qui tend à corroborer la thèse du défendeur à l’effet qu’il était considéré comme travailleur autonome jusqu’à cette date et que Compu-Finder n’était pas tenu de retenir des sommes aux fins d’imposition.

 

[30]           Bref, j’estime que l’ARC pouvait raisonnablement écarter le montant des retenues allégué par le demandeur et ratifier les avis de cotisation émis suite aux vérifications auprès de Compu‑Finder. La preuve au dossier s’accorde mal avec la version des faits présentée par le demandeur, et les affidavits qu’il a déposés au soutien de ses prétentions ne sont pas fiables. Au surplus, il n’a pas jugé bon de contre-interroger les témoins du défendeur, et leurs affidavits doivent donc être tenus pour avérés. Enfin, le demandeur n’a pas répondu à la demande de l’ARC de fournir des renseignements additionnels afin de valider les renseignements se trouvant sur les relevés T4 qu’il a produits, et n’a soumis aucune preuve (sauf des talons de chèque de paie couvrant la période du 31 mai au 23 juillet 2005) permettant d’étayer de quelque manière que ce soit sa prétention à l’effet qu’il avait reçu le salaire sur lequel des retenues à la source auraient été effectuées.

 

[31]           Le demandeur a soutenu, de façon alternative, qu’il est de la responsabilité d’un employeur d’effectuer les retenues d’impôt à même le salaire des employés. À ce titre, le demandeur estime qu’il n’est pas tenu de verser les sommes exigibles au Receveur général; il s’agirait plutôt là de la responsabilité de Compu-Finder. Cet argument n’est pas conforme aux prescriptions de la Loi de l’impôt sur le revenu et de la jurisprudence quant à la responsabilité d’un employeur qui omet de faire les retenues d’impôt.

 

[32]           Comme l’affirme le défendeur, le paragraphe 227(8) de la Loi de l’impôt sur le revenu impose, sans plus, une pénalité à l’employeur pour l’omission de retenir l’impôt. Autrement dit, le défaut de l’employeur de retenir l’impôt ne libère pas l’employé, en l’espèce le demandeur, de l’obligation de verser l’impôt dû. Par conséquent, les autorités fiscales peuvent à bon droit se tourner vers l’employé qui a reçu un salaire brut pour lui réclamer l’intégralité de sa dette fiscale. À cet égard, la Cour d’appel fédérale a été on ne peut plus claire dans l’arrêt Coopers & Lybrand c R, [1981] 2 CF 169 au para 45 :

Si la personne versant les salaires n'opère pas les retenues, ce défaut n'a aucun effet sur la responsabilité de l'employé en matière d'impôt sur le revenu, dont le montant sera recouvré en entier par les autorités fiscales auprès de cet employé; la personne ayant versé les traitements ou salaires est seulement passible d'une pénalité égale à un pourcentage du montant qu'elle n'a pas retenu.

 

[33]           Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire doit donc être rejetée.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée, avec frais.

 

 

 

« Yves de Montigny »

Juge

 

 

 

                                             


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-179-11

 

INTITULÉ :                                      MICHEL BEAUDRY c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             27 février 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :           LE JUGE de MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :                     24 mai 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Alain Longval

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Emmanuel Jilwan

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Dunton Rainville Avocats

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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