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Date : 20130524

Dossier : IMM-10366-12

Référence : 2013 FC 511

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

ENTRE :

 

B223

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS PUBLICS DE L’ORDONNANCE

(Motifs confidentiels de l’ordonnance rendus le 16 mai 2013)

 

[1]               B223 est un jeune Tamil du Sri Lanka qui est arrivé au Canada à bord du MV Sun Sea pour réclamer l’asile ou le statut de personne à protéger. La Cour est saisie du contrôle judiciaire du rejet de sa demande.   

 

[2]               B223 était encore un mineur lorsqu’il est arrivé au Canada. Ce fait ne me semble pas pertinent étant donné que le membre de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et de la protection des réfugiés du Canada qui a statué sur l’affaire a convenablement appliqué les Directives no 3 du président – Les enfants qui revendiquent le statut de réfugié : Questions relatives à la preuve et à la procédure. Par ailleurs, B223 a été traité comme une personne vulnérable au titre des Directives no 8.

 

[3]               Je ne suis pas plus convaincu que le commissaire a fait fausse route en attribuant le fardeau de la preuve.  Le conseil a cité des fragments de la décision hors contexte. Pour pouvoir invoquer l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, il faut établir une possibilité sérieuse de persécution, et pour pouvoir invoquer l’article 97, il faut prouver qu’on risque personnellement d’être exposé à la torture ou pire. Voilà ce en quoi consiste le fardeau de la preuve. Toutefois, le fardeau de prouver les faits qui peuvent motiver une demande au titre de l’article 96 ou de l’article 97 est toujours fondé sur le critère de la prépondérance des probabilités, comme l’a déclaré la Cour d’appel dans l’arrêt  Li c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 1, [2005] 3 RCF 239, [2005] ACF no 1 (QL). Le commissaire n’a pas fait erreur.

 

[4]               Comme beaucoup de ceux qui se sont embarqués sur le Sun Sea, B223 vivait dans le Nord du Sri Lanka et a assisté à de nombreuses atrocités durant la guerre civile. Dans la foulée de la victoire du gouvernement actuel en 2009, il a été déplacé avec sa famille et a vécu un certain temps dans des camps avant d’être autorisé à partir. [Expurgé]

 

[5]               Il craint d’être persécuté ou torturé s’il retourne au Sri Lanka. Il croit qu’il sera perçu comme un sympathisant des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (TLET). Il craint aussi le groupe paramilitaire tamoul qui a soutenu le gouvernement central, le Parti démocratique populaire de l’Eelam (EPDP).

 

[6]               Dans sa décision très longue et réfléchie, le commissaire a rejeté la demande. Il n’a pas trouvé crédible la date à laquelle le demandeur a allégué avoir été interrogé par le département des enquêtes criminelles du service de police du Sri Lanka pendant qu’il vivait dans le camp d’internement. Dans son Formulaire de renseignements personnels, [expurgé], le demandeur a dit que l’interrogatoire s’était produit à l’époque [expurgé]. Toutefois, il a plus tard déclaré que c’était plutôt [expurgé], autrement dit peu avant [expurgé]. Ce changement de position a été perçu, ce qui est compréhensible, comme une tentative de renforcer l’allégation selon laquelle il était considéré comme une personne d’intérêt par les autorités lorsqu’il a enfin quitté le Sri Lanka.

 

[7]               Le commissaire a conclu que les observations du ministre voulant que les circonstances aient changé au Sri Lanka étaient non déterminantes et de peu d’utilité en l’espèce. De même, il a affirmé que « la décision à caractère persuasif » désignée comme telle par la Commission de l’immigration et de la protection des réfugiés du Canada n’était pas suffisamment pertinente. Il a déclaré que son devoir consistait à déterminer, du mieux de ses compétences et à la lumière de la preuve, s’il existait une possibilité sérieuse que, compte tenu de sa situation personnelle et des conditions actuelles au Sri Lanka, le demandeur soit persécuté à son retour au Sri Lanka, aux termes de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, ou s’il risquait d’être soumis à la torture, ou pire, selon l’article 97 de la Loi.

 

[8]               Le commissaire a également examiné la question de savoir si B223 pouvait être considéré comme un réfugié « sur place ». Dans d’autres cas semblables, certains décideurs ont accordé l’asile selon ce critère, et d’autres pas, comme en l’espèce. De fait, la Cour a déjà annulé des décisions portant qu’il faut être membre du groupe social des hommes tamouls du Nord du Sri Lanka qui se sont enfuis au Canada à bord d’un navire de passage clandestin pour être considéré comme un réfugié sur place, en raison de leur caractère soit déraisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c B380, 2012 CF 1334, [2012] ACF no 1657 (QL)) soit incorrect (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c B472, 2013 CF 151, [2013] ACF no 192 (QL) et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c B323, 2013 CF 190, [2013] ACF no 193 (QL)).

 

[9]               Le commissaire a également traité raisonnablement de la crainte que le demandeur a allégué éprouver à l’égard de l’EPDP, et d’un groupe connu sous le nom de « Grease Devils ».

 

[10]           Étant donné que la norme de preuve applicable en l’espèce est celle de la décision raisonnable et compte tenu de l’analyse éclairée du commissaire, je ne suis pas disposé à annuler la décision, laquelle est conforme à la norme énoncée dans Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, [2008] ACS no 9 (QL), au paragraphe 47, à savoir que la décision tient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». De nombreux autres documents versés au dossier appuient les conclusions qu’il a tirées (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708, [2011] ACS no 62 (QL)). Le commissaire exprime d’ailleurs très clairement son opinion dans cet extrait :

Après avoir pris en considération tous les éléments de preuve en l’espèce, y compris la situation personnelle du demandeur d’asile (au sujet de laquelle j’ai conclu qu’il est connu des autorités sri‑lankaises relativement à ses liens avec les TLET) et son âge pour ce qui est de toute attente possible de la part des autorités sri‑lankaises quant à ses connaissances au sujet du navire, j’estime que le demandeur d’asile n’a pas établi au moyen d’éléments de preuve crédibles et dignes de foi qu’il existe une possibilité sérieuse qu’il soit persécuté ou, vraisemblablement, torturé ou maltraité à son retour au Sri Lanka, ou encore que toute période de détention qu’il pourrait devoir subir pendant que les autorités l’interrogent risque de s’étendre au‑delà du temps qu’il faut pour suivre la procédure consistant à récupérer et à examiner ses dossiers.

 

Au moment d’examiner les observations de même que la preuve qui m’ont été présentées et dont j’ai parlé précédemment, j’en suis venu à la conclusion que je dois privilégier l’évaluation du HCR selon laquelle il ne faut pas présumer que les personnes d’origine ethnique tamoule originaires du Nord ont besoin, pour ce seul motif, d’une protection. Le HCR a conclu qu’il n’était désormais plus nécessaire de prévoir des mécanismes de protection collectifs pour ces personnes, et je partage cet avis. En ce qui concerne l’exposition des personnes ayant des liens avec les TLET, j’en ai longuement parlé, puisque cela se rapporte au demandeur d’asile, et j’estime que ces liens ne donneraient pas lieu à une possibilité sérieuse que le demandeur d’asile soit persécuté ou encore à la probabilité qu’il soit exposé à un risque ou à un danger dont il est fait mention à l’article 97 s’il retournait au Sri Lanka.

 

[11]            Les parties et la Cour conviennent qu’il n’y aucune question grave de portée générale à certifier.

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

Ottawa (Ontario)

Le 24 mai 2013

 

 

Traduction certifiée conforme

Marie-Michèle Chidiac, trad. a



COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-10366-12

 

INTITULÉ :                                      B223 c MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                     VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                     LE 29 AVRIL 2013

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                     LE JUGE HARRINGTON

 

MOTIFS CONFIDENTIELS

DE L’ORDONNANCE :                                         LE 16 MAI 2013

 

MOTIFS PUBLICS DE L’ORDONNANCE :      LE 24 MAI 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Warren Puddicombe

POUR LE DEMANDEUR

 

Banafsheh Sokhansanj

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Elgin, Cannon & Associates

Avocats en immigration, droit d’asile et citoyenneté

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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