Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 


Date : 20130521

Dossier : IMM-6995-12

Référence : 2013 CF 522

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 21 mai 2013

En présence de madame la juge Simpson

 

ENTRE :

 

MATHIYALAGAN THIRUCHELVAM

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Mathiyalagan Thiruchelvam (le demandeur) sollicite, en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), le contrôle judiciaire de la décision du 6 juin 2012 dans laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu qu’il n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger (la décision).

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la demande sera rejetée.

 

[3]               Le demandeur est un Tamoul âgé de 37 ans, originaire de Jaffna au Sri Lanka. Il a quitté le Sri Lanka le 20 septembre 2010 parce qu’il craignait d’être persécuté par les forces armées sri‑lankaises et des groupes paramilitaires.

 

[4]               Le demandeur a décidé de quitter le Sri Lanka lorsqu’un groupe de paramilitaires a exigé qu’il lui verse 300 000 roupies. Quand il a dit au groupe qu’il était incapable de le faire, il s’est fait dire de demander à sa sœur au Canada de lui fournir l’argent. On lui a donné deux semaines pour payer. Le demandeur affirme qu’il savait que sa vie serait en danger s’il ne payait pas, de sorte qu’il a communiqué avec un agent et a fui le pays le 20 septembre 2010. Il est arrivé au Canada en janvier 2011.

 

[5]               Les notes prises au point d’entrée (notes prises au PDE) datées du 18 janvier 2011 indiquent que la seule arrestation ou détention antérieure remonte à 2007, lorsqu’il a été arrêté à l’occasion d’une rafle générale et détenu pendant une journée (l’arrestation de 2007). Bien que le demandeur ait par la suite déposé un Formulaire de renseignements personnels (le premier FRP) et un FRP modifié, ni l’un ni l’autre de ces documents ne fait état de l’arrestation de 2007.

 

[6]               Le premier FRP du demandeur est daté du 14 février 2011. Comme il a été mentionné précédemment, il ne fait pas état de l’arrestation de 2007, mais fournit de nouveaux renseignements quant au fait que le demandeur aurait été détenu par l’armée à un poste de contrôle (la détention à un poste de contrôle). Cet incident n’est pas mentionné dans les notes prises au PDE.

 

[7]               Dix mois plus tard, le demandeur a déposé un FRP modifié daté du 20 décembre 2011 dans lequel il fournit une liste détaillée d’événements dont il n’avait pas fait état précédemment, dont une agression, trois détentions, de la torture et deux meurtres. En voici les détails :

Octobre 2005 :            Aux funérailles de son directeur d’école assassiné, le demandeur a été agressé par des membres d’un groupe paramilitaire.

Décembre 2005 :         Le demandeur a été témoin de l’explosion d’un tracteur de l’armée. Les militaires d’un camp situé à proximité sont arrivés en courant et ont commencé à tirer dans tous les sens. Le demandeur a été capturé et a dû demeurer à genoux sur le bord de la route pendant plus de trois heures. Ses parents ont finalement réussi à obtenir sa mise en liberté.

5 mai 2006 :                Des membres de l’armée et des forces paramilitaires sont entrés de force dans le domicile du demandeur et l’ont saccagé. Le demandeur a été emmené dans un camp réputé pour être un « camp de torture ». Il a alors été dévêtu, agressé et torturé. On l’a enfermé dans une pièce obscure avec d’autres personnes et privé d’eau et de nourriture (la détention avec torture). Après huit jours, son père a versé 75 000 roupies pour obtenir sa mise en liberté. Le demandeur a reçu l’ordre de ne pas s’associer aux TLET et s’est fait dire qu’il ne serait pas relâché s’il était arrêté de nouveau.

Juillet 2006 :                Le demandeur a vu des hommes à moto tirer sur son cousin et sur un autre jeune homme.

Février 2007 :              L’armée a trouvé des bras humains enfouis à l’école de formation des enseignants située dans le quartier du demandeur. Le demandeur et d’autres personnes ont été arrêtés, et emmenés sur le terrain de l’école, où le demandeur a dû s’agenouiller les mains derrière le dos. Il a été contraint de regarder le soleil pendant toute une journée. Le pasteur d’une église a négocié pour obtenir leur mise en liberté.

 

[8]               Le 12 décembre 2011, le père du demandeur a signé un affidavit à l’appui de la demande d’asile de son fils (l’affidavit du père). Cependant, bien que dans son FRP modifié, le demandeur affirme que son père a payé pour obtenir sa mise en liberté lors de sa détention avec torture et a obtenu sa mise en liberté en 2005, ni l’un ni l’autre des ces événements n’est mentionné dans l’affidavit du père (les omissions du père).

 

[9]               Le demandeur a expliqué de plusieurs façons pourquoi il avait tant tardé à communiquer les nouveaux événements. Le fait de communiquer ces nouveaux événements plus tôt leur aurait, craignait‑il, causé du tort à sa famille et à lui (les craintes). Il a ajouté qu’il avait communiqué les nouveaux événements parce qu’un interprète lui avait assuré qu’il n’avait rien à craindre (l’assurance donnée par l’interprète). Finalement, il a déposé un rapport psychiatrique établi par le Dr Richard S. Stall en date du 16 janvier 2012 (le rapport) pour expliquer le retard.

 

[10]           Le rapport faisait suite à une seule rencontre avec le demandeur. Il faisait état des nouveaux événements et des motifs donnés par le demandeur pour expliquer leur communication tardive. Le rapport concluait qu’au Sri Lanka, et au début de son séjour au Canada, le demandeur présentait des symptômes graves du trouble de stress post‑traumatique (le TSPT). Cependant, au moment de la rencontre, ces symptômes avaient diminué; ils étaient alors de niveau léger. Dr Stall a également conclu que le demandeur était crédible.

 

[11]           Le rapport concluait qu’il était [traduction] « probable » qu’au moment de l’entrevue au PDE et de l’établissement du premier FRP, le demandeur n’était pas en mesure de fournir les [traduction] « détails » de ses expériences traumatisantes du passé en raison de son TSPT. Il est significatif que le rapport n’indique pas que le TSPT empêchait le demandeur de se rappeler et de décrire les nouveaux événements. Il explique uniquement que certains détails ont pu être omis. Autrement dit, le rapport n’explique pas le fait que le demandeur a attendu d’établir son FRP modifié pour faire état des nouveaux renseignements.

 

Décision

[12]           La Commission a rejeté les explications fournies par le demandeur quant au fait qu’il n’avait pas communiqué en temps utile les nouveaux événements. Elle a affirmé que ses craintes n’étaient pas justifiées parce que les notes prises au PDE et son premier FRP montraient qu’il avait déjà décrit l’arrestation de 2007 et la détention au poste de contrôle. La Commission a également conclu que l’assurance donnée par l’interprète ne justifiait pas la communication des nouveaux événements parce que le même interprète avait aidé à la préparation du premier FRP.

 

[13]           Puisque ces explications n’étaient pas satisfaisantes, la Commission a conclu que le FRP modifié du demandeur n’était pas crédible et s’est appuyée, pour tirer cette conclusion, sur les omissions du père.

 

[14]           Il est significatif que la Commission ait tiré ces conclusions sans se demander si le demandeur souffrait ou non du TSPT.

 

[15]           La Commission a finalement écarté le rapport parce qu’il s’appuyait sur les nouveaux événements qu’elle avait jugés non crédibles pour les motifs exposés ci‑dessus.

 

[16]           À mon avis, il était loisible à la Commission de tirer ces conclusions et sa conclusion défavorable quant à la crédibilité était raisonnable.

 

[17]           Je suis également convaincue que le libellé du paragraphe 65 de la décision fait état d’une conclusion de fait quant au profil du demandeur et n’indique pas que la Commission s’est méprise au sujet du critère qu’il convient d’appliquer pour trancher une demande fondée sur l’article 96 de la Loi. Le critère est correctement énoncé au paragraphe 71 de la décision.

 

[18]           Il n’y a aucune question à certifier en vertu de l’alinéa 74d) de la Loi.

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la demande soit rejetée, après avoir examiné les documents déposés et entendu les observations des avocats des deux parties à Toronto, le 1er mai 2012.

 

« Sandra J. Simpson »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

J. Boulanger


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6995-12

 

INTITULÉ :                                      MATHIYALAGAN THIRUCHELVAM

                                                            c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 1er mai 2013

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      La juge Simpson

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 21 mai 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Michael Crane

 

POUR LE DEMANDEUR

Sally Thomas

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Michael T. Crane, cabinet d’avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.