Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

u

 


Date : 20130514

Dossier: IMM-9167-12

Référence : 2013 CF 506

Montréal (Québec), le 14 mai 2013

En présence de monsieur le juge Shore

 

ENTRE :

 

CARLOS ALBERTO PEREZ PEREZ

MARIA OBDULIA SANTES LOPEZ

PAMELA PEREZ SANTES

CARLOS ARNOLDO PEREZ SANTES

MELISSA PEREZ SANTES

 

 

 

Applicants

 

and

 

 

THE MINISTER OF CITIZENSHIP

AND IMMIGRATION

 

 

 

Respondent

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I. Introduction

[1]               Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de la décision du 13 août 2012, par laquelle la Section de la protection des réfugiés [SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a jugé qu’ils n’avaient ni qualité de réfugiés au sens de la Convention ni celle de personnes à protéger au sens, respectivement, de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.

 

II. Faits

[2]               Le demandeur principal, monsieur Carlos Alberto Perez Perez, son épouse, madame Maria Obdulia Santes Lopez, et leurs trois enfants mineurs, Pamela Perez Santes, Carlos Arnoldo Perez Santes et Melissa Perez Santes, sont des citoyens des états unis du Mexique qui sont arrivés au Canada le 5 avril 2009, et y ont présenté une demande d’asile peu de temps après. Leur demande était alors fondée sur la crainte du demandeur d’être persécuté par son ex-employeur, monsieur Jorge Alberto Fernandez Solis, qui, aux dires du demandeur principal, était impliqué dans « des activités illicites, comme des opérations bancaires reliées au narcotrafic et des actes criminels » qu’il menait au nom de son entreprise.

 

[3]               Le demandeur principal allègue qu’il possédait un petit magasin d’appareils téléphoniques en copropriété avec son beau-frère, monsieur Domingo Cesar Santes Lopez.

 

[4]               En 2007, le demandeur principal aurait commencé à faire affaire avec monsieur Jorge Fernandez. Le 17 août 2007, ils auraient constitué une entreprise de services publics fédérale, dénommée Metro Transportes Terrestres SA de CV, dont le demandeur principal possédait 10% des actions.

 

[5]               À partir du 1er octobre 2008, le demandeur principal aurait aussi travaillé pour une entreprise de gestion d’immeubles, dénommée Global Corporativo de Comercio Exterior S.C. Cette entreprise faisait partie du groupe Ferso, dont monsieur Jorge Alberto Fernandez Solis était l’unique propriétaire. Le demandeur principal y était chargé de l’exécution de tâches administratives et de certaines opérations bancaires de la compagnie, de même que la gestion de la clientèle.

 

[6]               Les problèmes du demandeur principal auraient commencé dès le début d’octobre 2008. Un jour, un dénommé, monsieur Salvatore Ponce, l’un des propriétaires d’immeubles dont l’employeur du demandeur principal assurait la gestion, aurait avisé le demandeur principal qu’en visitant son immeuble il avait découvert du sang sur les murs de sa propriété, ainsi que des plaques d’immatriculation, des cartes d’électeurs et une main humaine coupée. Lors de cette rencontre, il aurait également été question de l’état des comptes en souffrance du client.

 

[7]               Quelques jours plus tard, monsieur Jorge Alberto Fernandez Solis aurait eu vent de cette rencontre. Croyant que le demandeur principal avait maintenant des informations sur des activités illicites de sa compagnie, il aurait commencé à menacer ce dernier en lui mentionnant qu’en travaillant pour sa compagnie, il s’était rendu complice de toutes ses activités illicites. À partir de ce jour-là, l’épouse du demandeur principal aurait également reçu des appels anonymes de menaces de mort et d’enlèvement.

 

[8]               Le demandeur principal allègue que, par crainte pour sa sécurité et celle de sa famille, il a continué à travailler pour monsieur Jorge Alberto Fernandez Solis. Aussi, par peur que ce dernier ait des contacts avec des policiers, il n’a pas tenté de porter plainte à la police.

 

[9]               Le demandeur principal allègue que, vers la fin du mois de novembre 2008, un homme, que le demandeur principal a plus tard identifié comme monsieur Juan Carlos Carranza, un homme proche de monsieur Jorge Alberto Fernandez Solis, s’est rendu chez le demandeur principal pour lui demander un quota de protection de 10 000 pesos mexicains. Le demandeur principal allègue qu’il a acquiescé à ces demandes, en payant un total de 5 000 pesos aux mois de novembre et décembre 2008 et janvier, février et mars 2009.

 

[10]           Plus tard, en décembre 2008, le magasin d’appareils téléphoniques que le demandeur principal détenait en copropriété avec son beau-frère a été cambriolé par des hommes inconnus avec des armes à feu. De plus, monsieur Jorge Alberto Fernandez Solis aurait enlevé la camionnette du demandeur principal et aurait obligé ce dernier, sous menace de mort, à transférer toutes ses actions de la compagnie Metro Transportes Terrestres SA de CV à un dénommé monsieur Carlos Alfonso Pantoja, un membre de la famille de monsieur Jorge Alberto Fernandez Solis.

 

[11]           Après ces incidents, le demandeur principal a décidé de quitter définitivement le Mexique. Dès janvier 2009, le demandeur principal a obtenu des passeports pour ses enfants et toute la famille et est allé vivre chez son frère à Ciudad Isla, avant de prendre un vol à destination du Canada en début d’avril 2009.

 

[12]           La demande d’asile des demandeurs a été entendue devant la SPR le 13 juin 2012.

 

[13]           Le 19 mai 2012, le beau-frère du demandeur principal a été assassiné dans le village de La Vibora nord, dans l’État de Veracruz. Selon le certificat de décès au dossier, la cause de la mort fut « la blessure par projectile d’arme à feu qui a pénétré le thorax en produisant la perforation des organes et une hémorragie ». Ce fait a été soulevé à l’audition devant la SPR. Le demandeur principal a allégué qu’avant sa mort, son beau-frère lui avait dit que des individus inconnus étaient venus à son magasin et lui avaient posé des questions par rapport aux demandeurs.

 

[14]           Suite à l’audition, alors que la cause était en délibérée, le demandeur principal a soumis l’original de l’acte de décès, accompagné d’une attestation des faits du Bureau du procureur général de justice de l’État de Veracruz et un rapport d’examen interne provenant de la Direction des services d’expertises du gouvernement de l’État de Veracruz, attestant du meurtre de son beau-frère.

 

[15]           La demande d’asile des demandeurs a été rejetée le 13 août 2012.

 

III. Décision faisant l’objet du présent contrôle judiciaire

[16]           Les motifs du refus sont essentiellement basés sur le manque de crédibilité du demandeur principal, ainsi que l’absence de crainte subjective de persécution chez les demandeurs et leur défaut de chercher la protection de leur État avant de chercher la protection internationale.

 

Crédibilité, manque de preuve corroborante et absence de crainte objective

[17]           La SPR a mentionné que le demandeur principal et son épouse se sont contredits au sujet de leur agent persécuteur. À l’audience, ils ont tous deux déclaré craindre les Zetas qui seraient, selon eux, responsables des menaces à leur égard, alors que dans leur récit initial les demandeurs ne faisaient aucune référence à cette organisation criminelle. Interrogé à savoir pourquoi le demandeur principal avait seulement identifié son ex-employeur, monsieur Jorge Alberto Fernandez Solis, comme étant la personne qu’il craignait, il a mentionné qu’à son arrivée au Canada, il avait toujours peur des Zetas et il était persuadé que monsieur Jorge Alberto Fernandez Solis était lié aux Zetas et avait l’intention de l’impliquer dans le même réseau criminel; une explication que la SPR n’a pas acceptée.

 

[18]           La SPR a noté que le récit du demandeur principal était confus. La SPR a notamment trouvé invraisemblable que celui-ci n’aurait rien fait après avoir appris la présence des traces de sang et d’une main humaine coupée dans l’un des immeubles gérés par sa compagnie. La SPR a trouvé invraisemblable que face à une telle situation, le demandeur principal se soit simplement occupé des comptes en souffrance du client sans faire rien de plus et sans en aviser son patron ou la police. La SPR a aussi noté que les demandeurs étaient hésitants et incapables d’expliquer de façon précise pourquoi le demandeur principal était sollicité et menacé par téléphone et ce qu’on lui demandait précisément de faire.

 

[19]           Plus fondamentalement, la SPR a mentionné qu’aucune preuve documentaire corroborante n’avait été déposée pour établir un lien quelconque entre le demandeur principal et monsieur Jorge Alberto Fernandez Solis en ce qui concerne leurs relations d’affaires, ni pour démontrer que le demandeur principal était copropriétaire de l’entreprise de vente d’appareils téléphoniques de son beau-frère. À l’audience, le demandeur principal a mentionné que, lors de son départ du Mexique, il a remis l’entreprise à son beau-frère, mais qu’il n’avait aucune preuve pour démontrer qu’ils étaient tous les deux copropriétaires de l’entreprise puisqu’il faisait entièrement confiance à son beau-frère. Le demandeur principal a mentionné qu’il ne lui est pas passé par l’esprit d’obtenir la preuve exigée par la SPR. La SPR a noté qu’il appartient aux demandeurs d’asile d’apporter la preuve de leurs allégations à l’aide des documents auxquels ils auraient pu raisonnablement avoir accès et que ceci n’a pas été fait dans le cas des demandeurs.

 

[20]           La SPR a conclu que les demandeurs n’ont pas été capables de démontrer avec crédibilité le bien-fondé de leur crainte de persécution tant objective que subjective. 

 

Absence de crainte subjective

[21]           La SPR a aussi mentionné que le demandeur principal a eu un comportement contraire à celui d’une personne qui craint réellement pour sa vie et sa sécurité, en continuant à travailler de pair avec son agent persécuteur jusqu’en janvier 2009, et en prenant trois mois avant de prendre un vol pour le Canada alors que, selon son témoignage devant la SPR, il avait décidé de quitter le Mexique dès décembre 2008. Le demandeur principal a expliqué qu’il a délibérément agi ainsi, car il ne voulait pas donner l’impression de fuir son pays et préférait laisser croire qu’il partait en vacances avec sa famille. La SPR a trouvé cette explication non crédible et en a tiré une inférence négative quant à la crainte subjective du demandeur principal.

 

Protection de l’État

[22]           La SPR a noté que le demandeur principal ne peut fonder son défaut de chercher la protection auprès des autorités mexicaines, sur le simple fait qu’il y a, selon lui, de l’impunité et de la corruption au sein des organismes étatiques et des forces de police. Ainsi, la principale réserve qu’avait la SPR était que, ne s’étant jamais adressé aux autorités de son pays pour demander leur aide et protection et n’ayant fait aucune démarche formelle pour dénoncer la persécution qu’il subissait, le demandeur principal n’avait pas renversé au moyen d’une preuve « claire et convaincante » la présomption selon laquelle le Mexique, comme tout autre État qui n’est pas en état d’effondrement complet de l’appareil étatique, est en mesure de protéger ses citoyens.

 

[23]           Par conséquent, la SPR a décidé que les demandeurs n’ont pas démontré qu’il y aurait une possibilité sérieuse qu’ils soient victimes de persécution pour l’un des motifs de la Convention, ni qu’il y aurait, selon la prépondérance des probabilités, des menaces à leur vie ou un risque de traitements ou peines cruelles et inusitées advenant leur retour dans leur pays.

 

IV. Points en litige

[24]           Au regard de leurs brèves représentations écrites, les demandeurs ont soulevé deux questions à l’encontre de la décision de la SPR :

a)      La SPR a-t-elle erré en ne tenant pas compte d’un élément fondamental de la demande d’asile, soit le meurtre du beau-frère du demandeur principal qui était son associé d’affaires?

b)      La SPR a-t-elle erré en exigeant du demandeur principal des preuves documentaires pour corroborer ses allégations à l’effet i) qu’il était à l’emploi de la compagnie Global Corporativo de Comercio Exterior S.C. et ii) qu’il était copropriétaire, avec son beau-frère, de l’entreprise de vente d’appareils téléphoniques?

 

[25]           Le défendeur soumet que le défaut des demandeurs de contester la raisonnabilité d’une conclusion déterminante de la SPR, celle de la disponibilité de la protection de l’État mexicain pour les demandeurs, suffit pour rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Le défendeur ajoute les questions suivantes :

c)      Était-il raisonnable pour la SPR de conclure que la protection de l’État était disponible aux demandeurs?

d)     La demande de contrôle judiciaire devrait-elle être rejetée sur cette base du défaut des demandeurs de contester une conclusion déterminante?

 

Questions pertinentes à l’égard de la Cour

[26]           La Cour, pour sa part, est préoccupée par deux questions à évaluer, et, également, l’analyse concernant la disponibilité de la protection de l’État à l’égard des demandeurs :

1) La SPR a-t-elle erré dans son évaluation du fondement objectif de la crainte du demandeur principal?

2) La conclusion de la SPR relative à la présomption de disponibilité de la protection d’État est-elle raisonnable et déterminante dans les circonstances?

 

V. Norme de contrôle

[27]           Il est de jurisprudence constante que la norme de contrôle applicable à une conclusion touchant la protection de l’État, de même que les conclusions touchant la crédibilité, est celle de la décision raisonnable (Carrillo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94 au para 36; Aguebor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 732 (QL/Lexis) (CAF) au para 4; Tamas c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1361 aux para 20-22).

 

[28]           En appliquant la norme de la décision raisonnable, la Cour s’attachera « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l'appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190 au para 47). Autrement dit, la Cour n’interviendra que si la décision était déraisonnable, c’est-à-dire si elle n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

VI. Analyse

1) La SPR a-t-elle erré dans son évaluation du fondement objectif de la crainte du demandeur principal?

 

[29]           Il existe un lien étroit entre les deux questions soulevées par les demandeurs dans la présente instance, soit le fondement objectif de leur crainte. Il est vrai que la SPR n’a pas tenu compte du meurtre du beau-frère du demandeur principal (trois ans suite à leur propre problème) dans l’analyse du bien-fondé de la crainte des demandeurs, ni a-t-elle pris la peine de mentionner ce fait dans ses motifs. Toutefois, compte tenu de laps de trois ans, la Cour n’est pas persuadée que son intervention est requise en l’espèce et ce, notamment, pour deux autres raisons importantes.

 

[30]           Premièrement, il était loisible à la SPR d’exiger du demandeur une preuve documentaire corroborant ses liens et son implication dans la compagnie Global Corporativo de Comercio Exterior S.C. de même que dans l’entreprise de vente d’appareils téléphoniques dont son beau-frère et lui-même étaient prétendument propriétaires.

 

[31]           L’article 11 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012-256 prévoit spécifiquement que « [l]e demandeur d’asile transmet des documents acceptables qui permettent d’établir son identité et les autres éléments de sa demande d’asile. S’il ne peut le faire, il en donne la raison et indique quelles mesures il a prises pour se procurer de tels documents » [La Cour souligne].

 

[32]           Il est, par ailleurs, de jurisprudence constante que la SPR peut tirer une conclusion défavorable quant à la crédibilité des demandeurs lorsque leur récit est invraisemblable et qu’ils ne présentent aucune preuve pour corroborer leurs allégations. Le juge Simon Noël a rappelé ce principe dans Encinas c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 61, où il écrivait:

[21]      J’ajoute qu’il est évident à la lecture des notes sténographiques de l’audience que les demandeurs n’ont pas assumé leur fardeau de preuve pour amener la SPR à conclure positivement à l’égard de leur demande. En effet, à plusieurs reprises, la SPR les a informé que certains faits auraient dû être mis en preuve (le lien d’emploi en 2003 par exemple...). En conséquence, la SPR, n’ayant pas entre les mains la preuve qu’elle aurait voulu obtenir, a conclu que la version des faits de la demande n’était pas crédible. La SPR pouvait certainement conclure ainsi (Voir Muthiyansa et Ministre de la citoyenneté et de l'immigration, 2001 CFPI 17, [2001] A.C.F. No. 162, au paragraphe 13).

 

[33]           Or, le demandeur principal n’a apporté aucun élément de preuve corroborant son allégation qu’il était partenaire d’affaires avec son beau-frère, ni même la preuve de l’existence de l’entreprise dont il prétend avoir été le copropriétaire. Dans ces circonstances, puisqu’il n’existait aucun fondement probant à cet élément de la demande d’asile, la preuve de l’assassinat du beau-frère du demandeur principal n’était qu’accessoire, de sorte que le défaut de la SPR d’en traiter dans ses motifs ne rend pas l’ensemble de son raisonnement déraisonnable. En d’autres termes, ce n’est que si la SPR était satisfaite du lien d’affaire allégué entre le demandeur principal et son beau-frère que la preuve du décès de ce dernier aurait eu un impacte sur l’issue de la demande.

 

[34]           Deuxièmement, à la lumière de la transcription de l’audience, il s’avère que la SPR a longuement interrogé les demandeurs par rapport à l’incident. Malgré que plusieurs des questions de la SPR ont clairement ciblé la relation d’affaires du demandeur principal avec son beau-frère; elle n’a pas été convaincue par les réponses. Par conséquence, la Cour n’est pas satisfaite que la SPR a, en effet, ignoré un élément essentiel de la demande dont elle a été saisie, ou qu’elle n’aurait autrement erré dans son évaluation du fondement objectif de la crainte des demandeurs.

 

[35]           Les demandeurs n’ont pas jugé opportun de contester toutes les conclusions de non-crédibilité et d’invraisemblance de la SPR. La Cour tient à préciser que la SPR semble avoir fait preuve d’un certain degré d’excès de zèle à l’audience; c’est donc pour cette raison que la Cour s’oblige à porter attention à l’égard des échanges entre l’interprète et le décideur de première instance au moment d’un certain manque de confort de l’interprète qui aurait eu besoin d’une pause. (La Cour souligne que l’audience se déroulait, néanmoins, avec des faiblesses marquantes à l’égard du témoignage du demandeur principal et sa preuve à l’appui ou plutôt un manque de preuve à l’appui du demandeur principal; ce qui n’a pas aidé à sa cause. Compte tenu des propos soulevés par la Cour dans ce paragraphe, la Cour a étudié le procès-verbal dans son entier d’une façon très approfondie pour s’assurer que l’ensemble de l’audience n’aurait pas été affecté par une faille de la SPR qui aurait mis l’équité de l’audience en doute (Mobil Oil Canada Ltd. v Canada-Newfoundland Offshore Petroleum Board, [1994] 1 SCR 202))

 

[36]           Il est parfaitement loisible pour la SPR de vérifier et de se prononcer sur l’exactitude des déclarations. Néanmoins, la jurisprudence de la Cour fédérale indique que l’obligation de la SPR est de s’assurer lors de l’audition qu’en vérifiant des contradictions réelles ou apparentes du récit du demandeur que la SPR se freine d’une façon appropriée pour un décideur de première instance en formulant des critiques, des blâmes, des commentaires désobligeants à l’égard du demandeur et de faire attention de ne pas s’exprimer par une agressivité ou une impatience qui pourrait empêcher le demandeur de témoigner librement, d’autant plus que c’est l’occasion à laquelle le demandeur d’asile devrait avoir toute possibilité d’être entendu à l’intérieur d’une atmosphère propice à l’écoute active (Kabongo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1106, 397 FTR 191 au para 38; également, Jaouadi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1347, 257 FTR 161; Guermache c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 870, 257 FTR 272; Hernandez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 179 au para 44-45).

 

2) La conclusion de la SPR relative à la présomption de disponibilité de la protection d’État est-elle raisonnable et déterminante dans les circonstances?

 

[37]           Il n’est pas contesté qu’il incombe aux demandeurs de réfuter la présomption de la protection de l’État au moyen « d’éléments de preuve clairs et convaincants », et qu’en l’absence d’un effondrement complet de l’appareil étatique, il y a lieu de présumer que l’État est capable de protéger ses ressortissants (Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689 au para 50). Or, en l’espèce, rien ne contredit la conclusion de la SPR à l’effet que le demandeur principal n’a entrepris aucune démarche pour se faire protéger par des autorités mexicaines, policières ou autres, et qu’il n’a donc pas réussi à réfuter ladite présomption.

 

[38]           Tel que mentionné plus haut, le demandeur principal ne conteste pas cette conclusion devant la Cour. Dans Cienfuegos c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1262 aux paragraphes 25-26, cette Cour a décidé qu’une conclusion déterminante de non-crédibilité qui demeure incontestée doit être tenue pour avérée et constitue à elle seule un motif suffisant, justifiant le rejet de la demande de contrôle judiciaire. Il en est de même en l’espèce en ce qui concerne la conclusion de fait de la SPR à l’effet que le demandeur principal n’a nullement cherché à se prévaloir de la protection de son État.

 

[39]           Le demandeur principal a témoigné devant la SPR que ce fût par peur qu’il n’ait contacté la police à aucun moment durant les mois d’octobre à décembre 2008, et surtout parce qu’il était convaincu que la police ne lui viendrait pas en aide. La jurisprudence est claire et constante sur cette question. Pour reprendre les mots du juge Michael Phelan dans Martinez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1050 :

[7]        Ce qui est décisif en l’espèce, c’est le fait que la demanderesse n’ait entrepris que deux tentatives pour solliciter de l’aide, dont l’une à un service de police qui n’avait aucune compétence locale pour traiter sa plainte. Elle a ensuite adopté l’opinion selon laquelle aucune autre aide ne viendrait. Cette perception purement subjective du caractère adéquat de la protection de l’État au Costa Rica ne constitue pas une preuve « directe, pertinente et convaincante » du caractère inadéquat de la protection de l’État.

 

[...]

 

[9]        La détermination du caractère adéquat de la protection de l’État ne peut se fonder sur la crainte subjective d’un demandeur. Peu importe l’intensité de la croyance de la demanderesse, celle-ci doit faire plus que ce qu’elle a fait, compte tenu de la preuve de la nature de la structure politique, judiciaire et administrative du Costa Rica. La conclusion de la SPR selon laquelle la demanderesse devait « faire plus » est, en soi, plus que raisonnable. [La Cour souligne].

 

 

VII. Conclusion

[40]           Pour toutes les raisons ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire des demandeurs est rejetée.

 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE le rejet de la demande de contrôle judiciaire des demandeurs avec aucune question d’importance générale à certifier.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-9167-12

 

INTITULÉ :                                      CARLOS ALBERTO PEREZ PEREZ

MARIA OBDULIA SANTES LOPEZ

PAMELA PEREZ SANTES

CARLOS ARNOLDO PEREZ SANTES

MELISSA PEREZ SANTES  and

THE MINISTER OF CITIZENSHIP AND IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             le 14 mai 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                     le 14 mai 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Serban Mihai Tismanariu

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Lyne Prince

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Serban Mihai Tismanariu

Avocat

Montréal (Québec)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.