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Date: 20130510

Dossier : IMM-7642-12

Référence : 2013 CF492

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 10 mai 2013

En présence de madame la juge Mactavish

 

 

ENTRE :

 

ABANI ISACHAR RODRIQUEZ LLANES

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Abani Isachar Rodriguez Llanes (le demandeur) a demandé l’asile au Canada au motif de sa crainte alléguée du gang Los Zetas au Mexique. Il affirme s’être attiré les foudres de ce gang en raison de sa relation amoureuse avec la petite amie de « El Milo », un membre du gang.

 

[2]               Le demandeur fait valoir que la Commission a commis une erreur en concluant que sa demande d’asile n’avait aucun lien avec l’un des motifs prévus par la Convention. Il affirme que la Commission a commis d’autres erreurs en identifiant mal les agents de persécution qu’il craignait et en concluant de manière déraisonnable qu’il disposait une possibilité de refuge intérieur (PRI) dans plusieurs villes du Mexique.

 

[3]               Pour les motifs qui suivent, je suis convaincue que la Commission a bien compris qui étaient les agents de persécution allégués en l’espèce et que sa conclusion concernant l’existence d’une PRI était raisonnable. Ces conclusions permettent de trancher l’affaire; il s’ensuit qu’il n’est pas nécessaire de traiter de la question du lien.

 

L’identité des agents de persécution

[4]               Le demandeur prétend que la Commission a, à tort, mis l’accent sur le fait que l’agent de persécution était El Milo, alors qu’il craignait le gang Los Zetas. La Commission a de plus commis une erreur en se concentrant sur la motivation de El Milo à le trouver, plutôt que sur celle du gang lui‑même. Selon le demandeur, la Commission, en mettant l’accent sur les motivations de El Milo, n’a pas tenu compte de la possibilité que les membres de Los Zetas pouvaient avoir leurs propres raisons de vouloir lui faire du tort, soit, le désir de préserver l’honneur et l’intégrité du gang.

 

[5]               Cependant, il ressort clairement des motifs de la Commission qu’elle n’a pas mal identifié l’agent de persécution et qu’elle a effectivement tenu compte du danger que pouvait représenter Los Zetas pour le demandeur, en plus de celui que pouvait présenter El Milo. La décision de la Commission renferme un certain nombre de renvois à la crainte alléguée du demandeur autant à l’égard d’El Milo que de Los Zetas. Plus particulièrement, au paragraphe 14 de la décision, la Commission a traité expressément de la motivation du gang à trouver le demandeur, en plus d’examiner celle d’El Milo lui‑même.

 

La raisonnabilité de la conclusion quant à l’existence d’une PRI

[6]               Le demandeur conteste aussi la conclusion de la Commission selon laquelle il n’avait pas établi qu’El Milo avait des liens avec la police mexicaine, en faisant valoir que la question que la Commission devait trancher était celle de savoir si le gang Los Zetas avait de tels liens. Le demandeur souligne que la Commission elle‑même a reconnu que le gang Los Zetas est violent et qu’il « sévit dans de nombreuses régions », et que la documentation sur le pays confirme cet état de fait. Par conséquent, le demandeur affirme que la conclusion de la Commission selon laquelle il pouvait vivre en sécurité dans d’autres régions du Mexique était déraisonnable.

 

[7]               Selon mon interprétation, les motifs de la Commission ne remettent pas en cause la portée du gang Los Zetas au Mexique, ni sa capacité à retrouver des gens lorsqu’elle le veut. La question qui préoccupait la Commission était celle de savoir si le gang lui‑même avait un intérêt à utiliser ses ressources et ses liens dans le but de poursuivre le demandeur, ou si c’était uniquement El Milo et son entourage immédiat qui était à sa recherche.

 

[8]               Le demandeur, pour chercher à démontrer que le gang Los Zetas le cherchait et qu’il serait capable de le trouver n’importe où au Mexique, s’est fondé sur l’avis d’un professeur d’histoire de l’Université de Winnipeg. Le professeur a entre autres énoncé qu’un affront fait à un membre du gang Los Zetas pouvait être considéré comme un affront à l’honneur du gang au complet, ce qui inciterait l’ensemble du gang à vouloir se venger contre l’auteur de l’affront.

 

[9]               La Commission a choisi de ne pas accorder beaucoup de poids à cet avis, puisque les faits liés à l’expérience vécue par le demandeur au Mexique, sur lesquels l’avis était fondé, et la mesure dans laquelle il avait été poursuivi par des membres du gang n’avaient pas été établis par la preuve. Il s’agissait d’une conclusion que la Commission pouvait raisonnablement tirer, compte tenu du dossier dont elle disposait.

 

[10]           De plus, il était entièrement raisonnable pour la Commission de considérer que le fait que personne n’avait jamais communiqué avec l’épouse ou les enfants du demandeur dans sa ville natale en vue de le retracer constituait une preuve du fait que, hormis El Milo et son entourage immédiat, personne ne s’intéressait au demandeur. Cette conclusion reposait sur la thèse logique portant que, si le gang avait véritablement cherché le demandeur, un des premiers endroits où il se serait adressé aurait été auprès de sa famille. Par contraste, les théories mises de l’avant par le demandeur afin d’expliquer pourquoi le gang aurait pu choisir de ne pas communiquer avec son épouse étaient de nature conjecturale et n’étaient pas étayées par la preuve.

 

[11]           Au bout du compte, la Commission n’était tout simplement pas convaincue que, hormis El Milo et son entourage immédiat, personne ne s’intéressait au demandeur ou aurait eu un motif pour le retracer n’importe où au Mexique. Dans les circonstances, il était raisonnablement loisible à la Commission de conclure que le demandeur disposait d’une PRI ailleurs au Mexique.

 

[12]           En dernier lieu, je ne suis pas convaincue que la décision Zhuravlvev c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 4 CF 3, [2000] ACF no 507, soit utile au demandeur. Contrairement à la situation dans laquelle se trouvait la Cour dans Zhuravlvev, rien ne laisse croire que la capacité du demandeur à se déplacer au Mexique était limitée de quelque manière que ce soit.

 

La certification d’une question

[13]           L’avocat du demandeur propose la question suivante à des fins de certification :

[traduction]

Dans le contexte d’une demande d’asile présentée en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, lorsque le demandeur d’asile cherche à établir l’existence d’une crainte fondée de persécution en raison de son appartenance à un groupe social, le fait qu’il ait commis l’adultère peut‑il, à lui seul ou combiné à d’autres facteurs, devenir un motif d’appartenance à un groupe social?

 

 

[14]           Je souscris à la prétention du défendeur selon laquelle il ne s’agit pas d’une question qu’il convient de certifier. Étant donné mes conclusions concernant l’existence d’une PRI pour le demandeur au Mexique, la réponse à la question ne permettrait pas de trancher la présente affaire. Je refuse donc de la certifier.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE QUE :

 

1.         La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée

 

 

 

« Anne L. Mactavish »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-7642-12

 

INTITULÉ :                                      ABANI ISACHAR RODRIQUEZ LLANES

                                                            c

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 7 mai 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 10 mai 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Matas

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Alexander Menticoglou

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

DAVID MATAS

Avocat

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LE DEMANDEUR

WILLIAM F. PENTNEY

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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