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Date : 20130429

Dossier: T-1972-12

Référence : 2013 CF 439

Ottawa (Ontario), le 29 avril 2013

En présence de monsieur le juge Boivin 

 

ENTRE :

 

VILLE DE GATINEAU

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

COMMISSION DE LA

CAPITALE NATIONALE

 

 

 

défenderesse

 

 

et

 

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

 

défendeur

 

 

         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7, d’une décision de la Commission de la capitale nationale de fermer un tronçon de la rue Gamelin, à Gatineau (Québec). La Ville de Gatineau (la « demanderesse » ou la « Ville ») est une ville régie par la Loi sur les cités et villes, LRQ, c C-19 et la Loi sur les compétences municipales, LRQ, c C-47.1. La Commission de la capitale nationale (la « défenderesse » ou la « CCN »), quant à elle, est une société d’état du gouvernement du Canada constituée et régie par la Loi sur la capitale nationale, LRC 1985, c N-4 [LCN].

 

[2]               La Ville a initialement déposé une requête en injonction provisoire et interlocutoire le 26 octobre 2012. À la suite de conférences de gestion tenues avec les procureurs des parties et des directives émises par cette Cour en date du 30 octobre 2012, du 31 octobre 2012, du 16 novembre 2012, et du 26 novembre 2012 ainsi qu’une ordonnance en date du 27 novembre 2012, les parties se sont entendues pour conserver le statu quo et ainsi procéder directement au contrôle judiciaire les 3 et 4 avril 2013 afin d’examiner la question au fond.

 

Contexte factuel

[3]               Dans le présent dossier, le contexte factuel revêt une importance de premier plan.

 

[4]               Le point de départ peut être situé en 1972, au moment où le gouvernement du Québec et la CCN ont conclu une entente générale sur l’amélioration du réseau routier dans le secteur québécois de la région de la capitale nationale (Dossier de la demanderesse, Vol II, Pièce 9.1.1 de l’affidavit de Robert Weemaes, pp 437-42). Cette entente, amendée en 1978, prévoyait une participation financière de la CCN aux travaux de construction ainsi que le prolongement vers l’ouest, à travers le Parc de la Gatineau, du boulevard Saint-Raymond jusqu’à la rue Pink, ainsi que du boulevard McConnell-Laramée (maintenant le boulevard des Allumettières) jusqu’à la route 148. Les terrains nécessaires à ces travaux devaient être cédés au gouvernement du Québec par la CCN. Dans les années suivant cette entente, la CCN et l’ancienne Ville de Hull ont convenu d’échanger de nombreuses autres propriétés dans la poursuite de leurs objectifs respectifs.

[5]               La Ville est propriétaire d’un immeuble constitué du lot 31, Rang 4, circonscription foncière de Hull, aujourd’hui faisant partie du lot 1 814 190, au Cadastre du Québec, circonscription foncière de Hull. Le tronçon de la rue Gamelin qui fait l’objet des procédures en l’espèce est situé entre la promenade de la Gatineau et la rue des Fées, fait environ 600 mètres et est compris dans ledit immeuble (Dossier de la demanderesse, Vol I, pièce P-1 de l’affidavit de Robert Weemaes, pp 51-54; Dossier des défendeurs, Vol I, Pièce B de l’affidavit de Lucie Bureau, p 26). La rue Gamelin traversait jadis le Parc de la Gatineau d’ouest en est. Elle fait maintenant le lien entre la promenade de la Gatineau et la promenade du Lac des Fées, et se poursuit vers l’est jusqu’au boulevard Saint-Joseph. Elle est située au nord du boulevard des Allumettières (Dossier des défendeurs, Vol I, Pièce B de l’affidavit de Lucie Bureau, p 26).

 

[6]               Une résolution de l’ancienne ville de Hull en date du 4 décembre 1973 prévoyait la fermeture de la rue Gamelin et sa cession à la CCN une fois les prolongements des boulevards Saint-Raymond et McConnell-Laramée (maintenant le boulevard des Allumettières) complétés (Dossier des défendeurs, Vol I, Pièces C et D de l’affidavit de Lucie Bureau, pp 28 et 30-32). De nombreuses autres résolutions de l’ancienne ville de Hull ont prévu ce qui suit :

a.          résolution 76-484 du 4 novembre 1976 : la Ville approuve la fermeture de la rue Gamelin, entre le chemin de la Montagne et la rue Centre (maintenant rue des Fées) et la cession de l’emprise de cette partie de la rue Gamelin à la CCN (Dossier des défendeurs, Vol I, Pièce D de l’affidavit de Lucie Bureau, p 31) ;

 

b.         résolution 78-11 de janvier 1978 : la Ville approuve l’acquisition et la cession de certains terrains entre la Ville et la CCN, ainsi que le projet de la CCN d’aménager une partie de la rue Gamelin aux fins du Parc de la Gatineau (Dossier des défendeurs, Vol I, Pièce E de l’affidavit de Lucie Bureau, pp 34-36) ;

 

c.          avis de règlement 79-256 : la Ville décrète la fermeture d’une partie de la rue Gamelin en vue d’un échange de contrats emphytéotiques avec la CCN (Dossier des défendeurs, Vol I, Pièce F de l’affidavit de Lucie Bureau, p 38);

 

d.         résolution 79-318 : la Ville approuve l’ajout de la partie de la rue Gamelin entre le côté ouest de la rue Centre (maintenant rue des Fées) et le chemin de la Montagne pour un échange par contrat d’emphytéose avec la CCN ; la Ville autorise son greffier à prendre les démarches nécessaires pour fermer ce tronçon de la rue (Dossier des défendeurs, Vol I, Pièce G de l’affidavit de Lucie Bureau, p 40) ;

 

e.          règlement numéro 1540 du 21 août 1979 : la Ville ferme la rue Gamelin et la transfère au domaine privé pour qu’elle puisse être cédée par emphytéose à la CCN (Dossier des défendeurs, Vol III, Pièce MMM de l’affidavit complémentaire de Jean-François Trépanier, p 626) ;

 

f.          résolution 79-407 du 21 août 1979 : la Ville approuve le règlement 1540 concernant la fermeture des rues cédées à la CCN par le contrat d’emphytéose (Dossier des défendeurs, Vol I, Pièce I de l’affidavit de Lucie Bureau, p 45).

 

[7]               L’ancienne ville de Hull et la CCN ont ensuite signé deux (2) contrats d’emphytéose le 21 septembre 1983, d’une durée de quatre-vingt-dix-neuf (99) ans à compter du 1er avril 1979 et se terminant le 31 mars 2078. Le premier contrat (le « contrat d’emphytéose ») comprend les propriétés cédées par la Ville à la CCN, et inclut le tronçon de la rue Gamelin en litige à la clause 1.2.21 (Dossier de la demanderesse, Vol I, Pièce P-2 de l’affidavit de Robert Weemaes, pp 56-101), tandis que le second contrat comprend les propriétés cédées par la CCN à la Ville (Dossier des défendeurs, Vol I, Pièce J de l’affidavit de Lucie Bureau, pp 47-75 ; les échanges de terrains sont représentés au moyen d’une carte, Dossier des défendeurs, Vol III, Pièce III de l’affidavit de Lucie Bureau, p 579).

 

[8]               La clause 1.4 du contrat d’emphytéose prévoit que le « PRENEUR », soit la CCN, « a sur les immeubles et les améliorations y apportées tous les droits d’un propriétaire, sans préjudice aux droits du BAILLEUR », soit la Ville (Dossier de la demanderesse, Vol I, Pièce P-2 de l’affidavit de Robert Weemaes, p 59). La clause 4.4 du contrat d’emphytéose stipule les améliorations prévues au tronçon de la rue Gamelin en litige :

4.4       Sur le terrain ci-dessus désigné à l’article 1.2.21, le PRENEUR s’engage et s’oblige à y apporter des améliorations qui permettront l’intégration de ladite parcelle de terrain comme partie du Parc de la Gatineau. En conséquence, le PRENEUR devra y faire des aménagements paysagers qui s’harmoniseront avec les terrains avoisinants.

 

(Dossier de la demanderesse, Vol I, Pièce P-2 de l’affidavit de Robert Weemaes, p 61)

 

[9]               La clause 4.5 du contrat d’emphytéose exigeait que la CCN apporte et complète ces améliorations dans un délai raisonnable, mais avant le 31 mars 1999, et se lit comme suit :

4.5       Le PRENEUR doit apporter et compléter les améliorations susdites dans un délai raisonnable, mais avant le trente-et-un mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf (1999.03.31), le tout conformément à toute loi ou ordonnance, à tout règlement de zonage ou ordre en vigueur sous l’autorité d’un organisme public ou autorité gouvernementale ayant juridiction.

 

(Dossier de la demanderesse, Vol I, Pièce P-2 de l’affidavit de Robert Weemaes, p 61).

 

[10]           Vers la fin des années 1980, les quatre (4) voies de circulation du boulevard Saint-Raymond jusqu’au chemin Pink ont été complétées, permettant à la Ville d’étendre son développement vers l’ouest. Conséquemment, en 1989, la CCN a fermé à la circulation automobile un premier tronçon de la rue Gamelin situé entre l’ancien chemin de la Montagne et la promenade de la Gatineau (tronçon à l’ouest du tronçon litigieux en l’espèce, illustré en vert au Dossier des défendeurs, Vol I, Pièce B de l’affidavit de Lucie Bureau, p 26).

 

[11]           En 1996, la Ville a demandé à la CCN le droit d’utiliser ce premier tronçon fermé comme voie d’urgence pour les véhicules de sa caserne de pompiers du secteur résidentiel du Plateau (Dossier des défendeurs, Vol I, affidavit de Lucie Bureau, p 5, para 29). La CCN a accepté et une entente à cet effet fut signée le 18 février 1997 (Dossier des défendeurs, Vol I, Pièce M de l’affidavit de Lucie Bureau, pp 81-106). Il était convenu que le nouveau boulevard McConnell-Laramée (maintenant le boulevard des Allumettières) devait être considéré comme voie alternative acceptable lors du renouvellement de l’entente (Dossier des défendeurs, Vol I, Pièce M de l’affidavit de Lucie Bureau, p 81, clause 2).

 

[12]           En mai 2005, la CCN a adopté le Plan directeur du Parc de la Gatineau (le « plan     directeur ») prévoyant l’achèvement du boulevard McConnell-Laramée (maintenant le boulevard des Allumettières) et la rationalisation du réseau routier existant dans le Parc (Dossier de la demanderesse, Vol I, Pièce P-3 de l’affidavit de Robert Weemaes, pp 102-222). L’objectif énoncé dans le plan directeur concernant la rue Gamelin est de compléter l’initiative qui a mené à la fermeture du premier tronçon, situé entre l’ancien chemin de la Montagne et la promenade de la Gatineau  (Dossier de la demanderesse, Vol I, Pièce P-3 de l’affidavit de Robert Weemaes, p 168). L’article 6.2.6 du plan directeur portant sur le tronçon de la rue Gamelin se lit comme suit :

6.2.6    Réseau Routier

 

[…]

 

Politiques

 

[…]

 

2. Rationaliser le réseau routier existant dans le Parc, dont :

 

[…]

 

  le tronçon de la rue Gamelin, entre les promenades de la Gatineau et du Lac-des-Fées, tout en maintenant cette voie ouverte pour la sécurité publique. Ce tronçon pourrait être fermé après l’ouverture du boulevard McConnell-Laramée et la réalisation d’[une] étude spécifique, en collaboration avec la Ville de Gatineau, sur l’effet de la fermeture sur la circulation régionale. Ceci complèterait l’initiative qui a amené la fermeture du premier tronçon de cette rue, entre l’ancien chemin de la Montagne et la promenade de la Gatineau ;

 

[…]

 

[13]           Le boulevard des Allumettières (anciennement McConnell-Laramée) fut finalement ouvert le 3 décembre 2007. Il comprend quatre (4) voies et traverse le Parc de la Gatineau d’est en ouest au sud de la rue Gamelin.

 

[14]           En avril 2008, la CCN a consenti à la prolongation de l’entente sur la voie d’urgence de la rue Gamelin mais a réitéré son intention de fermer le deuxième tronçon de la rue Gamelin, situé à l’ouest de la rue des Fées (Dossier des défendeurs, Vol I, Pièce U de l’affidavit de Lucie Bureau,   pp 145-46).

 

[15]           Par lettre datée du 16 novembre 2009 (Dossier des défendeurs, Vol I, Pièce X de l’affidavit de Marie Lemay, pp 171-72), le Service de sécurité incendie de la Ville indiquait que « la fermeture de la voie d’urgence boulevard Gamelin ne met pas en jeu l’atteinte des objectifs du schéma de couverture de risques en incendie déposé par la Ville de Gatineau auprès du ministère de la Sécurité publique » (Dossier des défendeurs, Vol I, Pièce X de l’affidavit de Marie Lemay, p 172). La Ville a demandé de maintenir la voie d’urgence Gamelin ouverte, ce que la CCN a alors refusé (Dossier des défendeurs, Vol I, Pièces U.1 et U.2 de l’affidavit de Lucie Bureau, pp 148-49 et 151). Le tronçon ouest de la rue Gamelin, qui n’est pas en litige dans le présent contrôle judiciaire, est donc fermé aux véhicules du Service des incendies de la Ville depuis l’automne 2010.

 

[16]           Le 30 août 2011, la Ville a adopté la résolution CM-2011-751 autorisant la fermeture du tronçon de la rue Gamelin entre la promenade de la Gatineau et la rue des Fées, soit le tronçon en litige. La résolution mandatait également la Direction générale de la Ville d’informer les usagers du Parc et les automobilistes de la fermeture prochaine du tronçon, ainsi que de déposer une demande à la CCN visant à maintenir et à aménager une piste multifonctionnelle (piétons/cyclistes) afin de conserver un lien avec le quartier du Plateau (Dossier de la demanderesse, Vol I, Pièce P-5 de l’affidavit de Robert Weemaes, pp 230-32). La Ville a fait parvenir cette résolution à la CCN le 31 août 2011. La CCN a par la suite demandé à la Ville de l’aviser du calendrier que cette dernière souhaitait suivre pour la fermeture (Dossier des défendeurs, Vol II, Pièce MM de l’affidavit de Jean-François Trépanier, p 246).

 

[17]           La Ville a continué d’assurer la gestion, l’entretien et la réparation de la rue Gamelin nonobstant cette résolution, et comme elle l’a toujours fait malgré le contrat d’emphytéose de 1983 (Dossier de la demanderesse, Vol III, Interrogatoire de Lucie Bureau, p 783 ; Vol II, Affidavit complémentaire de Robert Weemaes, p 431, paragraphe 5).

 

[18]           Au cours de l’hiver 2011-2012, les plans d’aménagement du tronçon en litige de la rue Gamelin ont été discutés publiquement lors de séances de consultation menées par la CCN auxquelles la Ville a participé (Dossier de la demanderesse, Vol III, Interrogatoire de Marie Lemay, pp 808-09).

[19]           En février 2012, le premier dirigeant de l’Agence de la santé et des services sociaux de l’Outaouais, Dr. Guy Morissette, faisait part à la CCN de son inquiétude en lien avec l’accès aux soins d’urgence pour une partie de la population de la Ville de Gatineau advenant la fermeture du tronçon en litige de la rue Gamelin (Dossier des défendeurs, Vol I, Pièce BB de l’affidavit de Marie Lemay, pp 210-12). Le directeur régional du Ministère des transports, M. Jacques Henry, énonçait également certaines préoccupations quant aux impacts qu’aurait la fermeture de la rue Gamelin sur la circulation automobile (Dossier des défendeurs, Vol I, Pièce CC de l’affidavit de Marie Lemay,   p 214). La CCN et la Ville ont donc convenu d’effectuer deux (2) études : une sur les services ambulanciers, qui serait prise en charge par la CCN et effectuée par l’Agence de la santé et des services sociaux de l’Outaouais (l’Agence), et une autre sur la circulation automobile, dont la Ville se chargerait, et qui serait préparée par la firme Genivar (Dossier des défendeurs, Vol I, Pièces GG et HH de l’affidavit de Marie Lemay, pp 222-26 ; Dossier de la demanderesse, Vol II, Pièce P-11.5 de l’affidavit de Robert Weemaes, pp 384-85). L’échéancier pour l’étude sur la circulation automobile a été communiqué à la CCN et prévoyait un rapport préliminaire en date du 17 septembre 2012, et le dépôt du rapport final le 15 octobre 2012 (Dossier de la demanderesse, Vol II, Pièce P-20 de l’affidavit de Robert Weemaes, pp 426-29).

 

[20]           En avril 2012, la CCN a initié le processus d’approbation fédérale d’utilisation du sol tel qu’exigé par l’article 12 de la LCN et a préparé les plans et devis pour les travaux (Dossier des défendeurs, Vol III, affidavit d’Edith Lavallée, pp 370-71, paras 10-18).

 

[21]           En juillet 2012, l’Agence a déposé le rapport intitulé « Projet de fermeture du tronçon Gamelin – secteur Hull : Impacts sur le réseau de la santé et des services sociaux » à l’intention de Mme Marie Lemay, Première dirigeante de la CCN (Dossier de la demanderesse, Vol I, Pièce P-6 de l’affidavit de Robert Weemaes, pp 234-53). Le rapport conclut que la fermeture du tronçon en litige de la rue Gamelin aurait peu d’impact sur l’ensemble des secteurs autres que le Parc de la Gatineau, dans lequel l’évacuation de la clientèle se ferait plus difficilement (Dossier de la demanderesse, Vol I, Pièce P-6 de l’affidavit de Robert Weemaes, p 244).

 

[22]           Le 17 septembre 2012, la Ville a transmis à la CCN le rapport préliminaire sur la circulation automobile, préparé par la firme Genivar (Dossier des défendeurs, Vol II, Pièce PP de l’affidavit de Jean-François Trépanier, pp 251-324). La Ville a alors indiqué que le rapport final serait prêt dans la semaine du 15 octobre 2012 et demandait à la CCN de fournir des commentaires au plus tard le 28 septembre 2012, ce que fit la CCN (Dossier des défendeurs, Vol II, Pièces PP et UU de l’affidavit de Jean-François Trépanier, pp 252 et 346-48).

 

[23]           Du 14 au 19 septembre 2012, une séance à huis clos par vote électronique fut tenue au cours de laquelle dix (10) membres du conseil d’administration ont approuvé l’approbation fédérale d’utilisation du sol pour la naturalisation et la défragmentation de la rue Gamelin entre la promenade Gatineau et la rue des Fées (Dossier de la demanderesse, Vol III, Pièces P-17 et P-18 de l’affidavit de Robert Weemaes, pp 586-87 et 589-620). Il y a en fait une soumission en date du 14 septembre 2012 eu égard à ladite approbation et l’aval du conseil d’administration de la CCN qui a été donné le 19 septembre 2012.

 

[24]           Le 2 octobre 2012, une rencontre a eu lieu entre les représentants de la Ville, de la CCN et du Ministère du Transport (Dossier de la demanderesse, Vol II, pièce P-6.1, pp 421-22). Lors de cette rencontre, il aurait été convenu qu’il fallait ajouter au rapport final sur la circulation automobile que les mesures d’atténuation devraient être complétées au plus tard au moment de la fermeture de la rue Gamelin. La version finale du rapport de Genivar fut envoyée aux parties le 15 octobre 2012 (Dossier de la demanderesse, Vol II, pièce P-6.2 de l’affidavit de Renée Roberge,       p 424 ; Vol II, Pièce A de l’affidavit d’André Leduc, p 408).

 

[25]           L’étude d’impact sur la circulation fait état de certains problèmes lors des heures de pointe dans l’éventualité de la fermeture du tronçon en litige de la rue Gamelin et des mesures d’atténuation (Dossier de la demanderesse, Vol II, Pièce A de l’affidavit d’André Leduc, p 408, section 2.5 de l’étude d’impact).

 

[26]           Toujours, le 15 octobre 2012, un avis sur le site internet de la CCN indiquait que cette dernière avait fixé la date de fermeture du tronçon de la rue Gamelin au 29 octobre 2012. Suite à cet avis, des panneaux lumineux annonçant la fermeture avaient également été installés sur les lieux (Dossier de la demanderesse, Vol II, Pièce P-8 de l’affidavit de Robert Weemaes, p 340).

 

[27]           Le 25 octobre 2012, la Ville a fait parvenir une mise en demeure à la CCN, l’enjoignant et la sommant de ne pas procéder à la fermeture du tronçon de la rue Gamelin (Dossier de la demanderesse, Vol II, Pièce P-9 de l’affidavit de Robert Weemaes, pp 343-46). Le 26 octobre 2012, la CCN fit parvenir une lettre à la Ville, affirmant qu’elle n’entendait pas se conformer à ses demandes, mais que la fermeture du tronçon de la rue Gamelin pourrait être différée d’une année dans le seul but de permettre à la Ville de mettre en place des mesures d’atténuation. La CCN indiquait être prête à étudier toute proposition raisonnable en ce sens (Dossier de la demanderesse, Vol II, Pièce P-9.1 de l’affidavit de Robert Weemaes, p 348). Selon la Ville, l’offre de la CCN de retarder la fermeture d’une année pour lui permettre de réaliser les mesures d’atténuation présentait un délai impossible, impliquant des travaux majeurs à l’intersection des boulevards Saint-Raymond et Cité-des-Jeunes. Selon la Ville, ces travaux impliqueraient plusieurs intervenants sur lesquels la Ville n’a aucun contrôle (Dossier de la demanderesse, Vol II, Pièce P-9.1.1 de l’affidavit de Robert Weemaes, pp 437-46).

 

[28]           Le 26 octobre 2012, le premier dirigeant de la CCN, M. Jean-François Trépanier, a transmis une lettre à la Ville indiquant que le tronçon en litige de la rue Gamelin serait fermé à la circulation automobile comme prévu le 29 octobre 2012, mais que la CCN continuerait de permettre la circulation pour les services ambulanciers sur ledit tronçon. La CCN indiquait également qu’elle retarderait les travaux jusqu’au printemps prochain (Dossier de la demanderesse, Vol II, Pièce P-9.2 de l’affidavit de Robert Weemaes, p 350).

 

[29]           La même journée (26 octobre 2012), la Ville a adopté la résolution CM-2012-930 abrogeant la résolution du mois d’août 2011 (CM-2011-751) et décrétant l’ouverture de la rue Gamelin à la circulation automobile (Dossier de la demanderesse, Vol II, Pièce P-10 de l’affidavit de Robert Weemaes, pp 352-53). Lors de la séance spéciale du 26 octobre 2012, la Ville a aussi déposé un avis de présentation aux fins d’adopter un règlement assurant le maintien à l’accès de la rue Gamelin (AP-2012-929, Dossier de la demanderesse, Vol II, Pièce P-11 de l’affidavit de Robert Weemaes, pp 355-56). La Ville a fait parvenir à la CCN une copie de la résolution CM-2012-930 (Dossier de la demanderesse, Vol II, Pièce P-11.1 de l’affidavit de Robert Weemaes, p 358-61). La même journée, la Ville a institué une demande d’injonction provisoire et interlocutoire devant cette Cour pour empêcher l’exécution des travaux qui devaient commencer le 29 octobre 2012.

 

[30]           Quatre (4) jours plus tard, soit le 30 octobre 2012, la Ville a adopté le règlement numéro 723-2012 qui maintient le tronçon de la rue Gamelin ouvert comme rue publique (Dossier de la demanderesse, Vol II, Pièce P-11.4 de l’affidavit de Robert Weemaes, pp 381-82).

 

[31]           Enfin, lors d’une séance à huis clos par téléconférence en date du 19 décembre 2012, neuf (9) membres du conseil d’administration de la CCN ont adopté les conditions contenues dans la lettre d’approbation signée par Jean-François Trépanier le 20 septembre 2012. Les membres du conseil d’administration ont également confirmé rétroactivement qu’ils acceptaient de tenir la réunion spéciale du 14 au 19 septembre 2012 à huis clos et de voter par courrier électronique (Dossier des défendeurs, Vol III, Pièce LLL de l’affidavit de Jean-François Trépanier, pp 620-23). Le projet verbal de cette réunion fut approuvé par le conseil d’administration le 23 janvier 2013 (Dossier complémentaire de la demanderesse, Affidavit complémentaire de Robert Weemaes, Pièce P-22, pp 4-7).

 

Décision contestée

[32]           La CCN a décidé lors d’une séance à huis clos par vote électronique du 19 septembre 2012, d’approuver l’approbation fédérale d’utilisation du sol pour la naturalisation et la défragmentation de la rue Gamelin entre la promenade de la Gatineau et la rue des Fées (Dossier de la demanderesse, Vol III, Pièces P-17 et P-18 de l’affidavit de Robert Weemaes, pp 586-87 et 592-620).

 

[33]           Préalablement à cette date, le projet proposé fut résumé au moyen d’une soumission pour décision datée du 14 septembre 2012, document qui fut envoyé aux membres du conseil d’administration de la CCN avant qu’ils ne votent (Dossier des défendeurs, Vol II, Pièce NN de l’affidavit de Jean-François Trépanier, p 248). Une approbation fédérale d’utilisation du sol pour la naturalisation et la défragmentation de la rue Gamelin plus détaillée, datée du 19 septembre 2012 et signée par M. Jean-François Trépanier le 20 septembre 2012 (Dossier des défendeurs, Vol II, Pièce RR de l’affidavit de Jean-François Trépanier, pp 329-40), fut incorporée à la décision de la CCN lors d’une réunion du 19 décembre 2012 (Dossier des défendeurs, Vol III, Pièce LLL de l’affidavit de Jean-François Trépanier, pp 620-23; Dossier complémentaire de la demanderesse, Pièce P-22 de l’affidavit de Robert Weemaes, pp 4-7).

 

Questions en litige

[34]           La présente affaire soulève deux (2) questions :

a.       La décision de la CCN de procéder à la fermeture, la naturalisation et la défragmentation du tronçon en litige de la rue Gamelin est-elle raisonnable ?

b.      La CCN a-t-elle violé une obligation d’équité procédurale envers la Ville ?

 

Dispositions législatives

[35]           Le libellé des dispositions législatives pertinentes en l’espèce est présenté en annexe aux présents motifs du jugement et jugement.

 

 

 

Norme de contrôle

[36]           La première question en litige traite de la prise de décision de la CCN de procéder à la fermeture, la naturalisation et la défragmentation du tronçon en litige de la rue Gamelin. Cette décision doit être prise conformément aux exigences de la LCN en matière d’approbation de projets, telles que stipulées aux articles 11 et 12 de la LCN.

 

[37]           Bien que la Ville estime qu’il s’agisse d’une question de compétence, et qu’à la suite de l’arrêt Bonin c Canada (Procureur général), 2010 CF 1308, [2012] 3 RCF 744 [Bonin], la norme de contrôle de la décision correcte doive s’appliquer, la Cour est plutôt d’avis qu’il s’agit d’une décision qui mérite la déférence et qui doit être révisée en fonction de la norme de la décision raisonnable. En effet, comme l’enseigne la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61 au para 39, [2011] 3 RCS 654 [Alberta Teachers], « [l]es véritables questions de compétence ont une portée étroite et se présentent rarement. Il convient de présumer que la norme de contrôle à laquelle est assujettie la décision d’un [office fédéral] qui interprète sa loi constitutive ou qui l’applique est celle de la décision raisonnable ». Il faut souligner que l’arrêt Bonin, précité, a été rendu avant l’arrêt Alberta Teachers de la Cour suprême du Canada. De plus, la question en litige dans l’arrêt Bonin, précité, était différente de celle en l’espèce : la Cour dans Bonin devait interpréter la LCN pour décider si le directeur administratif de la CCN avait le pouvoir légal d’approuver un projet de démolition, sans que la CCN elle-même ait donné son accord au projet.

 

[38]           La préparation des plans d’aménagement de la région de la capitale nationale et l’interprétation des articles 11 et 12 de la LCN en matière d’approbation de projets font partie de l’expertise de la CCN. Il ne s’agit pas de question de droit pur mais plutôt d’évaluer si les facteurs énoncés à la LCN ont été adéquatement considérés. La Cour est donc d’avis que la norme de la décision raisonnable doit s’appliquer à la décision de la CCN de procéder à la fermeture du tronçon en litige de la rue Gamelin. La décision d’approuver l’approbation fédérale d’utilisation du sol, la question de savoir si les éléments pertinents ont été considérés par les membres du conseil d’administration de la CCN et celle de savoir si la prise de décision était conforme aux exigences de la LCN, sont des éléments de la décision de la CCN qui doivent être révisés en fonction de la norme de la décision raisonnable. La Cour limitera donc son analyse « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 au para 47, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir]).

 

[39]           Les parties plaident que la question de savoir si la CCN avait une obligation d’équité procédurale envers la Ville en prenant la décision de fermer la rue Gamelin doit être tranchée en fonction de la norme de la décision correcte (citant Dunsmuir, précité au para 128). La Cour est d’accord, car, en ce qui concerne les questions d’équité procédurale, elle n’a pas à faire déférence à l’organisme fédéral (McBride v Canada (Minister of National Defence), 2012 FCA 181 au para 32, 431 NR 383) : soit la CCN avait une obligation d’équité procédurale envers la Ville, soit elle n’en avait aucune. De même, si cette obligation existait, soit la CCN l’a remplie, soit elle y a manqué.

 

Arguments des parties

[40]           La Ville s’oppose à la fermeture du tronçon en litige de la rue Gamelin et elle est d’avis que le contrat d’emphytéose ne permet pas à la CCN de procéder à sa fermeture. Elle prétend également que la décision de la CCN de procéder à la fermeture est invalide puisqu’elle est contraire au règlement numéro 723-2012 décrétant l’ouverture du tronçon en litige de la rue Gamelin, adopté par la Ville le 30 octobre 2012, ce qui contreviendrait à certaines clauses du contrat d’emphytéose. De plus, la Ville soumet que la décision de la CCN n’a pas été prise en conformité avec les exigences de la LCN en matière d’approbation de projets. Enfin, la Ville allègue que la CCN aurait manqué à son obligation de coordonner avec elle la fermeture du tronçon de la rue Gamelin, ainsi qu’à son obligation d’équité procédurale en refusant de l’entendre au moment de procéder à la décision de la fermeture et en procédant à la décision à huis clos par vote électronique, ne respectant pas son Règlement administratif no 1.

 

[41]           Quant à elle, la CCN est d’avis que le contrat d’emphytéose non seulement lui permet, mais l’oblige à fermer le tronçon en litige de la rue Gamelin. La CCN soumet également que la prise de décision à cet égard était conforme aux exigences de la LCN, et que compte tenu du contexte contractuel dans lequel la relation entre les parties se situe, elle n’avait aucune obligation d’équité procédurale à l’égard de la Ville. Qui plus est, elle plaide qu’elle a collaboré avec la Ville depuis le début de leur relation contractuelle.

 

Le cadre juridique

[42]           La Cour rappelle que la question qui se trouve au cœur du présent contrôle judiciaire est celle de la raisonnabilité de la décision de la CCN de procéder à la fermeture, la naturalisation et la défragmentation du tronçon en litige de la rue Gamelin. Toutefois, avant d’examiner cette décision, il est nécessaire que la Cour se penche sur le cadre juridique en toile de fond dans la présente affaire, soit le contrat d’emphytéose signé par les parties en 1983 et certaines dispositions du Code civil du Québec.

 

[43]           D’emblée, il importe de noter que l’emphytéose est le démembrement le plus important du droit de propriété en droit civil québécois. L’emphytéose est décrite à l’article 1195 du Code civil du Québec de la façon suivante :

1195. L’emphytéose est le droit qui permet à une personne, pendant un certain temps, d’utiliser pleinement un immeuble appartenant à autrui et d’en tirer tous ses avantages, à la condition de ne pas en compromettre l’existence et à charge d’y faire des constructions, ouvrages ou plantations qui augmentent sa valeur d’une façon durable.

 

L’emphytéose s’établit par contrat ou par testament.

 

(La Cour souligne.)

 

[44]           L’emphytéose nécessite quatre (4) éléments constitutifs : i) l’existence d’un immeuble; ii) l’obligation d’y faire des constructions, ouvrages ou plantations; iii) un terme d’une durée entre dix (10) ans et cent (100) ans; et iv) la cession de tous les droits attachés à la qualité de propriétaire (art 1195, 1197 et 1200 CcQ). En l’espèce, la validité du contrat d’emphytéose n’est pas contestée. En effet, les quatre (4) éléments constitutifs à sa formation sont présents. L’immeuble en question est le terrain où est sis le tronçon en litige de la rue Gamelin, et ce dernier est prévu expressément à la clause 1.2.21 du contrat d’emphytéose. La CCN a l’obligation d’y apporter des améliorations en vertu de la clause 4.4. L’emphytéose a été consentie pour un terme de quatre-vingt-dix-neuf (99) ans, tel que prévu à la clause 2.1. Finalement, il est également prévu à la clause 1.4 du contrat d’emphytéose que la CCN a sur les immeubles et les améliorations y apportées tous les droits d’un propriétaire, sans préjudice aux droits de la Ville.

 

[45]           L’emphytéote, de par la définition même de l’emphytéose, a donc une obligation de faire des constructions, ouvrages ou plantations à l’immeuble (art 1195 CcQ). Il s’agit de la particularité de toute entente emphytéotique. Le contrat d’emphytéose doit fixer les modalités des constructions ou ouvrages à effectuer sur l’immeuble. Ces travaux doivent en augmenter la valeur et avoir un caractère permanent : des améliorations d’entretien et des réparations ne suffisent pas. De plus, une simple permission de construire serait également insuffisante – il doit s’agir d’une obligation. Cette obligation est essentiellement le prix à payer pour l’acquisition du terrain (Pierre-Claude Lafond, Précis de droit des biens, 2e éd, Montréal, Thémis, 2007 § 2182-85 [Lafond] ; art 1195 CcQ). À titre d’exemple, de tels travaux peuvent être, entre autres, des « travaux d’aménagement paysager d’envergure » ou des « travaux importants de préparation du sol » (Lafond, § 2183).

 

[46]           En l’espèce, le contrat d’emphytéose prévoit à la clause 4.4, en lien avec le tronçon en litige de la rue Gamelin, que la CCN « s’engage et s’oblige à y apporter des améliorations qui permettront l’intégration de ladite parcelle de terrain comme partie du Parc de la Gatineau. En conséquence,    [la CCN] devra y faire des aménagements paysagers qui s’harmoniseront avec les terrains avoisinants. » (Dossier de la demanderesse, Vol I, Pièce P-2 de l’affidavit de Robert Weemaes,       p 61).

 

[47]           En tant qu’emphytéote, la CCN est titulaire des droits rattachés à la qualité de propriétaire. Ces droits sont toutefois temporaires et ne peuvent compromettre l’existence de l’immeuble. De même, les droits de l’emphytéote, la CCN, sont sous réserve des limites contenues dans l’acte constitutif, soit le contrat d’emphytéose de 1983. L’article 1200 du Code civil du Québec permet effectivement d’inclure des clauses à l’acte constitutif qui limitent l’exercice des droits des parties :

1200. L’emphytéote a, à l’égard de l’immeuble, tous les droits attachés à la qualité de propriétaire, sous réserve des limitations du présent chapitre et de l’acte constitutif d’emphytéose.

 

L’acte constitutif peut limiter l’exercice des droits des parties, notamment pour accorder au propriétaire des droits ou des garanties qui protègent la valeur de l’immeuble, assurent sa conservation, son rendement ou son utilité ou pour autrement préserver les droits du propriétaire ou de l’emphytéote, ou régler l’exécution des obligations prévues dans l’acte constitutif.

(La Cour souligne.)

 

[48]           Tel que noté précédemment, la clause 1.4 du contrat d’emphytéose stipule que la CCN         « a sur les immeubles et les améliorations y apportées tous les droits d’un propriétaire, sans préjudice aux droits [de la Ville] » (Dossier de la demanderesse, Vol I, Pièce P-2 de l’affidavit de Robert Weemaes, p 59). D’autres limites sont également énoncées aux clauses 4.5 et 9.5 du contrat d’emphytéose, prévoyant la conformité des améliorations faites par la CCN avec tout règlement aux règlements en vigueur d’un organisme public ou d’une autorité gouvernementale ayant juridiction.

 

[49]           Finalement, l’emphytéote doit remettre l’immeuble à la fin de l’emphytéose, avec les constructions, ouvrages ou plantations qu’il y a apportés (art 1210 CcQ).

 

Analyse

Caractère raisonnable de la décision de la CCN

[50]           Au soutien de la présente contestation, la Ville remet en cause la soumission du 14 septembre 2012 eu égard à l’approbation fédérale d’utilisation du sol pour la naturalisation et la défragmentation de la rue Gamelin entre la promenade de la Gatineau et la rue des Fées ainsi que la décision du 19 septembre 2012 qui a approuvé ladite soumission du 14 septembre 2012.

 

[51]           La décision en cause de la CCN doit être étudiée à la lumière de la LCN. Le paragraphe 12(2) de la LCN exige que la CCN tienne compte de certains facteurs lors de l’approbation de projets :

Approbation des projets

 

12. (2) Dans l’examen des projets, la Commission tient compte des éléments suivants :

 

 

 

a) l’emplacement, la situation, la conception, les plans et l’utilisation envisagée, en cas de construction, de modification ou d’agrandissement d’un bâtiment ou autre ouvrage;

 

 

b) en cas de démolition, les modalités de celle-ci, ainsi que l’emplacement, la situation, la conception et l’utilisation du bâtiment et autre ouvrage;

 

 

c) l’emplacement, la situation et l’utilisation actuelle et envisagée, en cas de changement d’affectation de terrains publics.

Approval of proposals

 

12. (2) In determining whether to approve a proposal submitted under subsection (1), the Commission shall consider the following:

 

(a) in the case of a proposal to erect, alter or extend a building or other work, the site, location, design and plans thereof and the use to be made of the building or other work as erected, altered or extended;

 

(b) in the case of a proposal to demolish a building or other work, the site, location, design and use made of the building or other work and the plans for the demolition; and

 

(c) in the case of a proposal to change the use of public lands, the site, location, existing use and proposed use of the lands.

 

[52]           Le projet envisagé en l’espèce implique les éléments mentionnés aux trois (3) alinéas reproduits ci-haut, soit 12(2)a), b) et c). La CCN devait en tenir compte en décidant d’approuver ou non le projet visant la naturalisation et la défragmentation du tronçon de la rue Gamelin. La CCN devait donc considérer les modalités de la défragmentation du tronçon de la rue, ainsi que l’emplacement, la situation, la conception et l’utilisation actuelle et envisagée du tronçon de la rue Gamelin en litige.

 

[53]           Dans les faits, la soumission datée du 14 septembre 2012 a été approuvée par les membres du conseil d’administration par vote électronique le 19 septembre 2012 et elle est devenue la décision de la CCN. Cette soumission, que les membres ont consultée avant de voter, indique qu’il est question de la rue Gamelin et fait référence à la construction du boulevard Saint-Raymond et du boulevard des Allumettières ainsi qu’à l’entente de 1983 qui avait pour but la naturalisation d’une partie de la rue Gamelin afin de l’intégrer au Parc de la Gatineau. La soumission du 14 septembre 2012 mentionne les objectifs du projet, dont l’amélioration de la connectivité des habitats, la réduction des pressions anthropiques sur le milieu naturel, la défragmentation du parc pour créer un habitat de 170 hectares pour la petite faune, la diminution du sel de déglaçage et le maintien d’un accès récréatif au corridor. La soumission explique aussi que le projet consiste en la naturalisation du corridor, la fermeture de la rue Gamelin à la circulation automobile, l’aménagement d’un sentier récréatif, l’enlèvement de l’asphalte et des accotements en gravier, ainsi que l’installation de panneaux d’interprétation et de signalisation pour les usagers du sentier. La soumission renvoie également au Plan de la capitale du Canada (1999) et au Plan directeur du Parc de la Gatineau (2005).

 

[54]           La Cour est donc satisfaite que les éléments énoncés au paragraphe 12(2) de la LCN ont été considérés par le conseil d’administration au moment de voter le 19 septembre 2012 pour approuver l’approbation fédérale d’utilisation du sol pour la naturalisation et la défragmentation de la rue Gamelin entre la promenade Gatineau et la rue des Fées. De l’avis de la Cour et telle que décrite ci-dessus, la soumission du 14 septembre 2012 est satisfaisante puisqu’elle permet de comprendre la décision des membres du conseil d’administration de la CCN et à cette Cour d’en apprécier le bien-fondé (Lake c Canada (Ministre de la Justice), 2008 CSC 23 au para 46, [2008] 1 RCS 761 ; Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, para 16-18, [2011] 3 RCS 708 [Newfoundland Nurses]).

 

[55]           Au surplus, le document en date du 19 septembre 2012 – signé par M. Jean-François Trépanier le 20 septembre 2012 – intitulé « Approbation fédérale d’utilisation du sol pour la naturalisation et la défragmentation de la rue Gamelin entre la Promenade Gatineau et la rue des Fées, Gatineau, Québec » décrit également les objectifs du projet et les détails de la mise en œuvre de ce dernier, en plus d’offrir une analyse indiquant les faits pris en considération par la CCN dans son examen du projet. Parmi ces faits, on mentionne la conformité du projet au Plan de la Capitale nationale de 1999 et au Plan directeur du Parc de la Gatineau de 2005, ainsi que le fait qu’une consultation publique pour le plan de déplacements durables du parc de la Gatineau se soit tenue en janvier 2012 et que des discussions aient eu lieu avec la Ville pour les opérations et l’entretien. Lors d’un vote pris le 19 décembre 2012, les membres du conseil d’administration ont confirmé les modalités et conditions contenues dans ce document signé par M. Jean-François Trépanier le 20 septembre 2012 (résolution no 3), en plus de confirmer la façon dont s’est tenu le vote du 19 septembre 2012 (résolution no 2).

 

[56]           Or, la question au cœur de l’argumentaire de la Ville est à savoir si la décision du 19 décembre 2012, qualifiée de rétroactive par cette dernière, modifie la décision du 19 septembre 2012. À cet égard, la Cour est d’avis que la décision du 19 décembre 2012 ne change en rien la décision du 19 septembre 2012. Tout au plus, le document en date du 19 septembre 2012 – signé par M. Jean-François Trépanier le 20 septembre 2012 – doit-il être considéré comme une « pièce jointe » à la soumission du 14 septembre 2012, et non un document de correction qui revêt un caractère impératif et essentiel comme l’a avancé la Ville. La Cour est satisfaite que ce document ne modifie aucunement la décision prise par les membres du conseil d’administration et ne correspond pas à un réexamen de la décision du 19 septembre 2012 car il ne contient pas d’information laissant croire que les membres auraient pris une décision sans connaissance de cause. En ce sens, la décision du 19 décembre 2012 ne peut être assimilée à un exercice de délégation illégale comme le prétend la Ville.

 

[57]           Pour ce qui est de l’affaire Bonin, précitée, invoquée par la Ville, elle ne lui est d’aucun secours. En effet, la question principale qui se posait dans l’affaire Bonin était de savoir si le directeur administratif pouvait prendre une décision sans que la Commission elle-même – ou le cas échéant, son comité directeur – n’ait examiné et donné son aval à un tel projet. Toutefois, en l’espèce, il est clair que les décisions du 19 septembre 2012 et du 19 décembre 2012 ont été rendues par le conseil d’administration. 

 

[58]           Le procureur de la Ville a aussi habilement soulevé devant cette Cour que la résolution numéro 3 au procès verbal du 19 décembre 2012 qui confirme « les modalités et conditions contenues dans la lettre d’approbation signée par Jean-François Trépanier, premier dirigeant, le 20 septembre 2012 » est invalide et illégale car elle est contraire à l’article 12.2(2) de la LCN, en ce qu’elle entérine des conditions d’exécution sans analyse additionnelle des membres du conseil d’administration :

Approbation sous conditions

 

 

12.2 (2) Toute approbation donnée au titre des articles 12, 12.1 ou du présent article peut être assujettie aux conditions que la Commission ou le gouverneur en conseil, selon le cas, estime utiles.

Terms and conditions of approval

 

12.2 (2) Any approval given under section 12, 12.1 or this section may be subject to such terms and conditions as are considered desirable by the Commission or the Governor in Council, as the case may be.

 

[59]           En fait, bien que le document en cause ait été signé par M. Trépanier, il est clair que le document a été entériné par la CCN elle-même lors du vote du 19 décembre 2012, conformément au paragraphe 12.2(2) de la LCN. Il n’y a donc pas de délégation illégale en contravention à cette disposition comme le prétend la Ville.

 

[60]           La Ville soumet également que la décision du 19 septembre 2012 est déraisonnable et doit être invalidée, car les études sur la circulation routière et les services ambulanciers n’étaient pas devant le conseil d’administration de la CCN lorsque ce dernier a pris sa décision. Les études en question ont été menées conjointement par la CCN et la Ville, la CCN ayant pris la responsabilité de l’étude portant sur les services ambulanciers avec l’Agence de la santé et des services sociaux de l’Outaouais (l’Agence), alors que la Ville s’est chargée de celle sur la circulation routière avec la firme Genivar. 

 

[61]           La Cour note que l’étude portant sur les services ambulanciers menée par l’Agence confirme que la fermeture du tronçon de la rue Gamelin qui fait partie du présent litige n’aura pas d’impact significatif sur le temps de réponse des services ambulanciers pour les secteurs résidentiels de la Ville (Dossier de la demanderesse, Vol I, pp 244-45 ; Dossier des défendeurs, Vol I, pp 222, 234, 236). Quant au rapport de la firme Genivar sur la circulation routière – dont les résultats étaient connus au mois de septembre 2012 – on y fait état d’un impact plus ou moins significatif. En effet, le rapport indique que certaines conditions de circulation demeureront inchangées alors qu’il y aura une amélioration des conditions de circulation relativement à certains déplacements. Le rapport indique aussi une augmentation du temps requis pour d’autres déplacements (de l’ordre de trente (30) secondes à deux (2) minutes) et des mesures d’atténuation sont proposées en conséquence. Le rapport Genivar vient également confirmer que le temps d’intervention des services d’urgence demeure conforme aux exigences de la Loi sur la sécurité incendie, LRQ, c S-3.4, et des orientations du Ministère de la Sécurité publique (Dossier des défendeurs, Vol II, pp 288-89, 293, 300-01, 322; Dossier de la demanderesse, Vol I, p 245).

 

[62]           D’autre part, la preuve ne démontre pas que l’objet des deux (2) études était d’évaluer la possibilité de la fermeture du tronçon de la rue Gamelin ou sa remise en cause. Au contraire, il semble plutôt que leur objet était d’identifier de façon plus spécifique les effets de la fermeture et les mesures d’atténuation que devait mettre en place la Ville afin d’assurer le bon fonctionnement de son réseau routier (Affidavit de Mme Marie Lemay, Dossier des défendeurs, Vol I, p 159 ; Plan Directeur du Parc de la Gatineau (2005), Dossier de la demanderesse, Vol I, p 168).

 

[63]           À la lumière de ce qui précède, la Cour est d’avis que l’argument de la Ville eu égard à ces études est mal fondé. La Ville n’a pas convaincu cette Cour que les deux (2) études en cause – sur les services ambulanciers et la circulation routière – devaient être présentées au conseil d’administration. Au surplus, même en considérant que les études auraient dû être présentées au conseil d’administration, la Cour est d’avis qu’en l’espèce, leur contenu n’aurait pas, de toute manière, eu d’impact sur la décision du conseil du 19 septembre 2012 (Newfoundland Nurses, précité).

 

[64]           De plus, il est pour le moins difficile pour cette Cour, en prenant en compte le contexte historique de la présente affaire, de conclure que la CCN a agi « en catimini » comme l’a prétendu la Ville lors de l’audience alors que le contrat emphytéotique a été signé en 1983 et qu’il prévoit expressément que les améliorations prévues, notamment celles en lien avec la rue Gamelin, devaient se faire avant le 31 mars 1999. La CCN a accepté de repousser les obligations auxquelles elle s’est engagée dans ce contrat afin d’accommoder la Ville et lui permettre de mettre en place des mesures d’atténuation, notamment en ce qui concerne son réseau routier, et ce, en fonction de son développement. La CCN n’a pas pour autant renoncé aux termes du contrat emphytéotique et aux obligations qui en découlent. 

 

[65]           Plus particulièrement, en ce qui a trait à la rue Gamelin, les parties ont convenu d’attendre la construction de huit (8) nouvelles voies avant de la fermer afin notamment de parfaire les liens routiers est-ouest. Quatre (4) nouvelles voies ont été aménagées sur le boulevard Saint-Raymond en 1989. La construction du boulevard des Allumettières a ajouté quatre (4) voies supplémentaires, pour un total de huit (8) voies. Une fois les conditions consenties par les parties réunies avec la fin des travaux du boulevard des Allumettières en 2007, la Ville a réitéré – de sa propre initiative – par résolution en 2011 que la fermeture du tronçon de la rue Gamelin devait aller de l’avant, faisant ainsi écho à son règlement adopté en 1979 et au contrat d’emphytéose de 1983. La résolution CM-2011-751, en date du 30 août 2011, se lit comme suit :

CONSIDÉRANT QUE le 21 septembre 1983 intervenait une série d’entente entre la Commission de la capitale nationale et la Ville de Hull, permettant l’aménagement de part et d’autre de voies de circulation, parcs et espaces verts et certains équipements communautaires ;

 

CONSIDÉRANT QUE ces ententes prévoyaient, entre autres, que la portion de la rue Gamelin en référence, soit entre la promenade de la Gatineau et la rue des Fées, serait éventuellement fermée à la circulation et intégrée au parc de la Gatineau, avec des aménagements paysagers s’harmonisant au terrain avoisinant ;

[…]

 

CONSIDÉRANT QUE le boulevard Saint-Raymond a été aménagé selon la planification prévue et le boulevard des Allumettières a été construit et complété à quatre voies ;

 

CONSIDÉRANT QUE l’augmentation constante du nombre de voitures empruntant ce tronçon a des répercussions sur la qualité de vie des riverains, notamment au niveau du bruit, de la sécurité et de la pollution ;

[…]

 

CONSIDÉRANT QUE les résidants du secteur de la rue des Fées ont exprimé à plusieurs reprises, et plus récemment par pétition, une demande à l’effet de procéder effectivement à la fermeture du tronçon de la rue Gamelin, entre la promenade de la Gatineau et la rue des Fées, tout en conservant un lien cyclable avec le secteur du Plateau :

 

IL EST PROPOSÉ […]

 

ET RÉSOLU QUE […] ce conseil :

 

         décrète et autorise la fermeture d’un tronçon de la rue Gamelin, entre la promenade de la Gatineau et la rue des Fées ;

 

         mandate la Direction générale d’informer les usagers du Parc et les automobilistes empruntant ce tronçon de sa fermeture prochaine ;

 

         mandate la Direction générale à déposer une demande à la Commission de la capitale nationale visant à maintenir et à aménager, en lieu et place de la rue présentement existante, une piste multifonctionnelle (piétons/cyclistes) afin de conserver un lien avec le quartier du Plateau.

 

(Dossier de la demanderesse, Vol 1, Pièce P-5 de l’affidavit de Robert Weemaes, p 231)

 

(La Cour souligne.)

 

[66]           En octobre 2012, la Ville fait volte-face et adopte le règlement 723-2012 décrétant ouvert le tronçon en litige de la rue Gamelin. Selon la Ville, la décision de la CCN serait limitée par le contrat d’emphytéose et son règlement nouvellement adopté. Se repliant sur les clauses 4.5 et 9.5 du contrat d’emphytéose, la Ville insiste que la CCN ne pouvait décider de fermer le tronçon en litige de la rue Gamelin en présence de ce règlement municipal. La clause 4.5 du contrat énonce ce qui suit :

4.5       Le PRENEUR doit apporter et compléter les améliorations susdites dans un délai raisonnable, mais avant le trente-et-un mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf (1999.03.31), le tout conformément à toute loi ou ordonnance, à tout règlement de zonage ou ordre en vigueur sous l’autorité d’un organisme public ou autorité gouvernementale ayant juridiction.

 

(Dossier de la demanderesse, Vol I, Pièce P-2 de l’affidavit de Robert Weemaes, p 61)

 

(La Cour souligne.)

 

De plus, la clause 9.5 du contrat d’emphytéose stipule que la CCN

doit faire en sorte que l’usage et l’occupation des améliorations soient en tout temps conformes à toute loi ou ordonnance, à tout règlement, zonage ou autre ordre en vigueur de temps à autre sous l’autorité d’un organisme public ou autorité gouvernementale ayant juridiction, en rapport avec la condition, l’entretien, l’utilisation ou l’occupation des améliorations.

 

(Dossier de la demanderesse, Vol I, Pièce P-2 de l’affidavit de Robert Weemaes, p 65)

 

(La Cour souligne.)

 

[67]           Or, ni le contrat d’emphytéose dans son ensemble, ni les clauses 4.5 et 9.5 en particulier auxquelles réfère la Ville ne permettent à cette Cour d’adhérer à l’argument de la Ville. La Cour remarque que les clauses 4.5 et 9.5 indiquent que la CCN doit faire en sorte que les améliorations qu’elle apportera à l’immeuble faisant l’objet de l’emphytéose, en l’occurrence le tronçon de la rue Gamelin, soient conformes aux règlements municipaux de la Ville. L’argument de la Ville sous-entend qu’elle aurait le droit d’opérer une modification unilatérale au contrat d’emphytéose en adoptant un règlement municipal à cette fin. Cet argument est rejeté.

 

[68]           Ayant bénéficié de reports accordés par la CCN, la Ville ne peut à ce stade-ci tenter de se soustraire à ses obligations contractuelles envers la CCN ou faire obstacle aux obligations de celle-ci découlant du contrat emphytéotique. En vertu de l’article 1434 du Code civil du Québec, toute partie est liée par l’engagement contractuel qu’elle a librement conclu et ce principe s’applique aux administrations publiques en vertu de l’article 1376 du Code civil du Québec.

 

[69]           Qui plus est, cet argument de la Ville est contredit par la preuve. En effet, un représentant de la Ville reconnaît sans ambages que les parties sont liées par les obligations juridiques qu’elles ont contractées en signant le contrat emphytéotique. Il indique dans un courriel en date du 24 octobre 2012 que malgré la volonté de la Ville de conserver le tronçon de la rue Gamelin ouvert à la circulation automobile, des négociations devront être entreprises avec la CCN « pour modifier le bail emphytéotique » (La Cour souligne) (Dossier des défendeurs, Vol II, p 356).

 

[70]           Finalement, la Cour note qu’en ce qui concerne l’autre tronçon de la rue Gamelin qui a été fermé en 2010, la Ville a vu le besoin de demander la permission à la CCN afin de continuer de l’utiliser comme voie d’urgence et a signé une entente à cet effet. Lorsque la CCN a décidé de mettre fin au renouvellement de l’entente en 2010, la Ville a averti ses services d’urgence que le tronçon ne pouvait plus être utilisé, sans aucune autre formalité (Dossier des défendeurs, Vol I,        p 151). La Ville n’a pas prétendu, lors de l’audience devant cette Cour, que les droits de la CCN sur le présent tronçon en litige sont différents de l’autre tronçon de la rue Gamelin qui a fait l’objet de la fermeture en 2010, et rien ne permet à cette Cour d’en conclure autrement.

 

[71]           La Cour rappelle également que la Ville a modifié le statut des rues visées par le contrat d’emphytéose, dont le tronçon en litige de la rue Gamelin, en adoptant le Règlement no 1540 en date du 21 août 1979. Ce règlement ferme les rues visées à la circulation automobile et les transfère au domaine privé de la Ville, leur donnant le statut de voies privées et faisant en sorte qu’elles ont pu être cédées par la Ville à la CCN dans le cadre d’une entente globale impliquant des échanges de propriétés entre les parties.

 

[72]           De façon incongrue, la résolution CM-2012-930 en date du 26 octobre 2012 et le règlement 723-2012 en date du 30 octobre 2012 de la Ville font référence au tronçon en litige de la rue Gamelin comme étant une voie publique, alors que le règlement no 1540 en date du 21 août 1979 avait précédemment transféré clairement et sans équivoque ce tronçon de rue au domaine privé, le soustrayant de la compétence de la Ville (Loi sur les compétences municipales, LRQ, c C-47.1, art 66). À ce jour, les autres rues visées par l’emphytéose de 1983 ont été réaménagées comme espace de parc par la CCN et le Règlement no 1540 en date du 21 août 1979 est toujours en vigueur. Bref, le règlement 723-2012 et la résolution CM-2012-930 contredisent le règlement 1540 sans toutefois l’abroger ni le modifier.

 

[73]           La preuve au dossier démontre que pendant tout ce temps, soit depuis 1979, la CCN a maintenu son intention de donner suite au contrat emphytéotique et de fermer la rue Gamelin. Compte tenu des faits et de la trame historique, on ne peut certes reprocher à la CCN un manque d’attitude conciliante et un manque de coordination face aux préoccupations de la Ville (Dossier de la demanderesse, Vol I, p 103 ; Dossier des défendeurs, Vol II, Pièce MM de l’affidavit de Jean-François Trépanier, p 246 et Pièce PP de l’affidavit de Jean-François Trépanier, p 252). La preuve, lorsque lue dans son ensemble, démontre que la CCN n’a pas agi en vase clos et qu’elle a tenu des consultations avec le public et les intervenants du milieu (Interrogatoire de Marie Lemay, Dossier de la demanderesse, Vol III, pp 807-08).

 

Équité procédurale

[74]           En ce qui concerne la question de l’équité procédurale, la Ville a fait grand cas de la procédure entourant le vote du 19 septembre 2012 du conseil d’administration de la CCN approuvant l’approbation fédérale d’utilisation du sol pour la naturalisation et la défragmentation de la rue Gamelin, ainsi que de la réunion du 19 décembre 2012 approuvant, de manière rétroactive, la façon dont s’est tenue la réunion du 19 septembre 2012.

 

[75]           Plus particulièrement, la Ville reproche à la CCN d’avoir procédé à huis clos par vote électronique, ce qui serait contraire au Règlement administratif no 1 de la CCN. Le Règlement administratif no 1 prévoit à son article 4.3.2 que les réunions devront être publiques sauf dans certains cas, soit lorsque la réunion risque de traiter de renseignements protégés contre la divulgation en vertu d’une loi, ou de renseignements de nature commerciale. Ni l’une ni l’autre de ces réserves ne s’applique en l’espèce.

 

[76]           Il est important de noter toutefois que l’article 4.10 du Règlement administratif no 1 permet de suspendre l’application de tout règlement relatif à la convocation ou l’organisation d’une réunion. La Ville prétend que la CCN ne pouvait s’appuyer sur l’article 4.10 de façon rétroactive comme elle l’a fait dans sa décision du 19 décembre 2012. Or, il n’en demeure pas moins que, dans les circonstances particulières de la présente affaire, il ne s’agit pas d’un vice de forme duquel résultent des dommages importants ou un déni de justice (Loi sur les Cours fédérales, précitée au para 18.1(5)). En regard de tout ce qui précède, la Ville n’a pas convaincu la Cour que la CCN aurait violé une obligation d’équité procédurale et l’intervention de la Cour n’est donc pas justifiée.

 

Conclusion

[77]           Pour tous ces motifs, la Cour arrive à la conclusion que la décision de la CCN de fermer à la circulation automobile le tronçon de la rue Gamelin en litige et de l’incorporer au Parc de la Gatineau est raisonnable en ce qu’elle appartient aux issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir et Newfoundland Nurses, précités). L’intervention de cette Cour n’est pas justifiée.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Avec dépens. 

 

 

« Richard Boivin »

Juge


Annexe

 

Loi sur la capitale nationale, LRC 1985, c N-4 :

 

 

MISSION ET POUVOIRS

 

Mission de la Commission

 

10. (1) La Commission a pour mission :

 

 

a) d’établir des plans d’aménagement, de conservation et d’embellissement de la région de la capitale nationale et de concourir à la réalisation de ces trois buts, afin de doter le siège du gouvernement du Canada d’un cachet et d’un caractère dignes de son importance nationale;

 

b) d’organiser, de parrainer ou de promouvoir, dans la région de la capitale nationale, des activités et des manifestations publiques enrichissantes pour le Canada sur les plans culturel et social, en tenant compte du caractère fédéral du pays, de l’égalité du statut des langues officielles du Canada ainsi que du patrimoine des Canadiens.

 

Pouvoirs

 

(2) Pour l’application de la présente loi, la Commission peut :

 

a) acquérir, détenir, gérer ou mettre en valeur des biens;

 

b) prendre, à l’égard de biens, toute mesure compatible avec les conditions et restrictions qu’elle juge utiles, et notamment les vendre, les concéder, les transférer, les louer ou encore les mettre à la disposition de qui que ce soit;

 

c) construire, entretenir et exploiter des parcs, places, voies publiques, promenades, ponts, bâtiments et tous autres ouvrages;

 

d) entretenir et améliorer ses propres biens ou, à la demande du titulaire ou autre responsable d’un ministère, d’autres biens placés sous l’autorité de ce ministère et gérés par lui;

 

e) collaborer ou participer à des projets conjoints avec les municipalités locales ou d’autres autorités, ou leur accorder des subventions, en vue de l’embellissement, de l’aménagement ou de l’entretien des propriétés;

 

f) aménager, entretenir et exploiter – ou accorder des concessions pour exploiter – sur toute propriété de la Commission, des lieux d’intérêt ou d’usage public, notamment des lieux de divertissement, de loisir et de rafraîchissement;

 

g) administrer, préserver et entretenir tout lieu ou musée historique;

 

h) mener des enquêtes et recherches sur la planification de la région de la capitale nationale;

 

h.1) sous réserve de toute autre loi fédérale, coordonner les orientations et les programmes du gouvernement du Canada en ce qui concerne l’organisation, le parrainage ou la promotion, par les ministères, d’activités et de manifestations publiques liées à la région de la capitale nationale;

 

i) d’une façon générale, accomplir et autoriser les actions pouvant contribuer, directement ou indirectement, à la réalisation de sa mission.

 

 

 

AMÉNAGEMENT

 

Coordination de l’aménagement

 

11. La Commission coordonne, conformément aux plans généraux établis en application de la présente loi, l’aménagement des terrains publics dans la région de la capitale nationale.

 

Présentation des projets

 

12. (1) Doivent être soumis à la Commission, pour approbation préalable, les projets visant :

 

a) des travaux, par un ministère, de construction, de modification, d’agrandissement ou de démolition d’un bâtiment ou autre ouvrage sur des terrains de la région de la capitale nationale;

 

b) des travaux, par une personne, de construction, de modification, d’agrandissement ou de démolition d’un bâtiment ou autre ouvrage sur des terrains publics de la région de la capitale nationale;

 

c) le changement, par un ministère ou une personne, de l’affectation de terrains publics dans la région de la capitale nationale.

 

 

 

 

 

Approbation des projets

 

(2) Dans l’examen des projets, la Commission tient compte des éléments suivants :

 

 

a) l’emplacement, la situation, la conception, les plans et l’utilisation envisagée, en cas de construction, de modification ou d’agrandissement d’un bâtiment ou autre ouvrage;

 

b) en cas de démolition, les modalités de celle-ci, ainsi que l’emplacement, la situation, la conception et l’utilisation du bâtiment et autre ouvrage;

 

 

c) l’emplacement, la situation et l’utilisation actuelle et envisagée, en cas de changement d’affectation de terrains publics.

 

Interdiction

 

(3) Il est interdit de procéder à la réalisation des projets visés au paragraphe (1) sans avoir préalablement obtenu l’approbation de la Commission.

 

 

 

Modifications intérieures

 

(4) Dans le cas d’un bâtiment ou autre ouvrage, le présent article ne s’applique aux modifications intérieures que si elles sont liées à un changement d’affectation.

 

 

Projet de vente

 

12.1 (1) Tout projet de vente, par un ministère, de terrains publics dans la région de la capitale nationale doit être soumis à la Commission, pour approbation préalable.

 

Interdiction

 

(2) Il est interdit de vendre un terrain public de la région de la capitale nationale sans l’approbation de la Commission.

 

Pouvoir d’approbation du gouverneur en conseil

12.2 (1) Le gouverneur en conseil peut donner son approbation à tout projet refusé par la Commission dans le cadre des articles 12 et 12.1. Le cas échéant, l’approbation est réputée avoir été donnée par la Commission.

 

 

 

Approbation sous conditions

 

(2) Toute approbation donnée au titre des articles 12, 12.1 ou du présent article peut être assujettie aux conditions que la Commission ou le gouverneur en conseil, selon le cas, estime utiles.

 

[…]

 

BIENS

 

Restrictions sur les transactions

 

15. (1) La Commission ne peut, sans l’accord du gouverneur en conseil :

 

 

a) acquérir aucun bien immeuble pour une valeur supérieure à vingt-cinq mille dollars;

 

 

b) signer un bail d’une durée supérieure à cinq ans ou accorder une servitude pour une période de plus de quarante-neuf ans.

 

 

Idem

 

(2) La Commission ne peut aliéner un bien immeuble pour une valeur supérieure à dix mille dollars qu’en conformité avec le paragraphe 99(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques.

 

 

 

Règlements sur les contrats

 

(3) Par dérogation au paragraphe 41(2) de la Loi sur la gestion des finances publiques, le gouverneur en conseil peut prendre des règlements au titre du paragraphe 41(1) de cette loi relativement à la Commission.

OBJECTS, PURPOSES AND POWERS

 

Objects and purposes of Commission

 

10. (1) The objects and purposes of the Commission are to

 

(a) prepare plans for and assist in the development, conservation and improvement of the National Capital Region in order that the nature and character of the seat of the Government of Canada may be in accordance with its national significance; and

 

(b) organize, sponsor or promote such public activities and events in the National Capital Region as will enrich the cultural and social fabric of Canada, taking into account the federal character of Canada, the equality of status of the official languages of Canada and the heritage of the people of Canada.

 

 

Powers

 

(2) The Commission may, for the purposes of this Act,

 

(a) acquire, hold, administer or develop property;

 

(b) sell, grant, convey, lease or otherwise dispose of or make available to any person any property, subject to such conditions and limitations as it considers necessary or desirable;

 

 

(c) construct, maintain and operate parks, squares, highways, parkways, bridges, buildings and any other works;

 

(d) maintain and improve any property of the Commission, or any other property under the control and management of a department, at the request of the authority or Minister in charge thereof;

 

(e) cooperate or engage in joint projects with, or make grants to, local municipalities or other authorities for the improvement, development or maintenance of property;

 

 

 

(f) construct, maintain and operate, or grant concessions for the operation of, places of entertainment, amusement, recreation, refreshment, or other places of public interest or accommodation on any property of the Commission;

 

(g) administer, preserve and maintain any historic place or historic museum;

 

(h) conduct investigations and researches in connection with the planning of the National Capital Region;

 

(h.1) subject to any other Act of Parliament, coordinate the policies and programs of the Government of Canada respecting the organization, sponsorship or promotion by departments of public activities and events related to the National Capital Region; and

 

 

(i) generally, do and authorize such things as are incidental or conducive to the attainment of the objects and purposes of the Commission and the exercise of its powers.

 

 

DEVELOPMENT

 

Coordination of development

 

11. The Commission shall, in accordance with general plans prepared under this Act, coordinate the development of public lands in the National Capital Region.

 

 

Development proposals

 

12. (1) Where

 

 

 

(a) any department proposes to erect, alter, extend or demolish a building or other work on any lands in the National Capital Region,

 

 

(b) any person proposes to erect, alter, extend or demolish a building or other work on public lands in the National Capital Region, or

 

 

(c) any department or person proposes to change the use of public lands in the National Capital Region,

 

the department or person shall, prior to the commencement of the project, submit a proposal therefor to the Commission for approval.

 

Approval of proposals

 

(2) In determining whether to approve a proposal submitted under subsection (1), the Commission shall consider the following:

 

(a) in the case of a proposal to erect, alter or extend a building or other work, the site, location, design and plans thereof and the use to be made of the building or other work as erected, altered or extended;

 

(b) in the case of a proposal to demolish a building or other work, the site, location, design and use made of the building or other work and the plans for the demolition; and

 

(c) in the case of a proposal to change the use of public lands, the site, location, existing use and proposed use of the lands.

 

Prohibition

 

(3) No department or person shall commence any project in relation to which a proposal is required to be submitted to the Commission under subsection (1) unless a proposal has been so submitted and has been approved by the Commission.

 

Interior alterations

 

(4) This section does not apply to any alteration of the interior of a building or other work unless the alteration is made to accommodate a change in the use of the building or work.

 

Proposals for sale of public lands

 

12.1 (1) Proposals by any department for the sale of public lands in the National Capital Region shall be submitted to the Commission for approval prior to the sale.

 

Prohibition

 

(2) No public lands in the National Capital Region shall be sold without the approval of the Commission.

 

Governor in Council may approve

 

12.2 (1) Where the Commission does not give its approval to a proposal made under section 12 or 12.1, the Governor in Council may give such approval and any such approval given by the Governor in Council shall, for the purposes of that section, be deemed to have been given by the Commission.

 

Terms and conditions of approval

 

(2) Any approval given under section 12, 12.1 or this section may be subject to such terms and conditions as are considered desirable by the Commission or the Governor in Council, as the case may be.

 

 

PROPERTY

 

Restrictions on transactions

 

15. (1) Except with the approval of the Governor in Council, the Commission shall not

 

(a) acquire any real property for a consideration in excess of a value of twenty-five thousand dollars; or

 

(b) enter into a lease enduring for a period in excess of five years or grant an easement enduring for a period in excess of forty-nine years.

 

Idem

 

(2) The Commission shall not dispose of real property for a consideration in excess of ten thousand dollars, except in accordance with subsection 99(2) of the Financial Administration Act.

 

 

 

Contract regulations

 

(3) Notwithstanding subsection 41(2) of the Financial Administration Act, the Governor in Council may make regulations under subsection 41(1) of that Act that apply in respect of the Commission.

 

 

 

 

Règlement administratif no 1, Conseil d’administration, Commission de la capitale nationale :

 

 

4 – Réunions du conseil d’administration

 

4.1. En vertu de la Loi d’interprétation, le quorum de toute réunion du conseil d’administration doit correspondre à la moitié du nombre de commissaires en fonction au moment donné, plus un.

 

4.2. À chaque réunion du conseil d’administration, toutes les décisions doivent être prises à la majorité des voies exprimées au sujet de la décision, en sachant que le président a la capacité de voter mais qu’il n’a pas de voix prépondérante en cas d’égalité.

 

4.3. Les réunions du conseil  d’administration :

 

4.3.1. devront avoir lieu dans la région de la capitale nationale, sauf disposition contraire en vertu d’une loi applicable ou sur décision du conseil compatible avec une telle loi ; et

 

4.3.2. devront être publiques sauf si le conseil traite de renseignements possiblement protégés contre la divulgation en vertu d’une loi applicable ou pouvant être de nature commerciale.

 

[…]

 

4.7. Les réunions spéciales du conseil d’administration :

 

4.7.1. devront être convoquées et avoir lieu dans un délai de quinze (15) jours ouvrables après réception de la demande écrite du président ou de cinq commissaires invoquant la nécessité de traiter des sujets urgents ou importants avant la prochaine réunion régulière du conseil d’administration, sous réserve que l’ordre du jour et tous les documents de la réunion soient diffusés par le secrétaire de la Commission le plus rapidement possible, soit au moins trois (3) jours avant la réunion;

 

4.7.2. devront se limiter à l’examen des questions urgentes et importantes pour lesquelles elles ont été convoquées.

 

[…]

 

 

4.10. À toute réunion ou réunion spéciale du conseil, les commissaires peuvent, par vote à la majorité simple, choisir de suspendre l’application de tout règlement relatif à la convocation ou l’organisation d’une telle réunion ; tout comme ils peuvent abréger le délai de préavis pour la convocation d’une telle réunion ou pour l’envoi de la totalité ou d’une partie de l’ordre du jour, du matériel, des documents et des présentations liés à une telle réunion.

4 – Meetings of the Board of Directors

 

4.1. Pursuant to the Interpretation Act, the quorum for any meeting of the Board of Directors shall be fifty percent of the number of members in office at the relevant time plus one.

 

4.2. At all meetings of the Board of Directors, all decisions shall be made by a majority of the votes cast on the decision, with the Chairperson having the ability to vote but having no casting vote in the event of a tie.

 

4.3. Meetings of the Board of Directors:

 

 

4.3.1. shall be held in the National Capital Region unless otherwise specified by applicable legislation or by decision of the Board consistent with such legislation; and

 

4.3.2. shall be open to the public except when considering information that may be protected from disclosure under applicable legislation or may be of commercial nature.

 

 

4.7. Special meetings of the Board of Directors:

 

4.7.1. shall be convened and held within fifteen (15) business days of a written request of either the Chairperson or five Board members to consider urgent and important matters that cannot wait until the next regular meeting of the Board of Directors, provided that the agenda and all meeting documents will be distributed by the Commission Secretary in the most expedient means at least three (3) business days before the meeting; and

 

 

4.7.2. shall be limited to the consideration of the urgent and important matters for which they have been convened.

 

 

4.10. At any meeting or special meeting of the Board, the members of the Board may by simple majority vote elect to suspend any of the rules related to the calling or conduct of such meeting, including abridging the notice period for the calling of such meeting, or to the sending of all or any agenda, materials, documents and presentations related to such meeting.

 

 


Loi sur les compétences municipales, LRQ, c C-47.1:

 

 

TITRE I

CHAMP D’APPLICATION ET INTERPRÉTATION

 

[…]

 

2. Les dispositions de la présente loi accordent aux municipalités des pouvoirs leur permettant de répondre aux besoins municipaux, divers et évolutifs, dans l’intérêt de leur population. Elles ne doivent pas s’interpréter de façon littérale ou restrictive.

 

[…]

 

TITRE II

LES COMPÉTENCES D'UNE MUNICIPALITÉ LOCALE

 

CHAPITRE I

GÉNÉRALITÉS

 

4. En outre des compétences qui lui sont conférées par d'autres lois, toute municipalité locale a compétence dans les domaines suivants :

 

[…]

 

7 la sécurité ;

 

8 le transport.

 

Elle peut adopter toute mesure non réglementaire dans les domaines prévus au premier alinéa ainsi qu’en matière de services de garde à l'enfance. Néanmoins, une municipalité locale ne peut déléguer un pouvoir dans ces domaines que dans la mesure prévue par la loi.

 

[…]

 

CHAPITRE VIII

SÉCURITÉ

 

62. Une municipalité locale peut adopter des règlements en matière de sécurité.

 

La municipalité peut procéder à l’enlèvement d’un obstacle sur le domaine public aux frais de toute personne qui ne se conforme pas à un règlement de la municipalité à cet effet.

 

[…]

 

CHAPITRE IX

TRANSPORT

 

SECTION I

VOIRIE

 

66. La municipalité locale a compétence en matière de voirie sur les voies publiques dont la gestion ne relève pas du gouvernement du Québec ou de celui du Canada ni de l’un de leurs ministères ou organismes.

 

Elle peut toutefois conclure une entente avec le ministère ou l’organisme gestionnaire des voies publiques sur lesquelles elle n’a pas compétence afin de voir à l’entretien et à la réfection de telles voies publiques sur son territoire. Elle est autorisée à cette fin à conclure avec toute personne une entente portant sur le partage du coût ou de l’exécution des travaux visés.

 

Dans la présente loi, une voie publique inclut toute route, chemin, rue, ruelle, place, pont, voie piétonnière ou cyclable, trottoir ou autre voie qui n’est pas du domaine privé ainsi que tout ouvrage ou installation, y compris un fossé, utile à leur aménagement, fonctionnement ou gestion.

TITLE I

SCOPE AND INTERPRETATION

 

 

 

2. Under this Act, municipalities are granted powers enabling them to respond to various changing municipal needs in the interest of their citizens. The provisions of the Act are not to be interpreted in a literal or restrictive manner.

 

 

TITLE II

POWERS OF A LOCAL MUNICIPALITY

 

CHAPTER I

GENERAL PROVISIONS

 

4. In addition to the areas of jurisdiction conferred on it by other Acts, a local municipality has jurisdiction in the following fields:

 

 

(7) safety; and

 

(8) transportation.

 

A local municipality may adopt non-regulatory measures in the fields listed in the first paragraph and as regards childcare. However, a local municipality may not delegate a power in those fields except to the extent provided by law.

 

 

 

CHAPTER VIII

SAFETY

 

62. A local municipality may adopt by-laws in matters of safety.

 

The municipality may remove an obstacle in the public domain at the expense of a person who fails to comply with a municipal by-law to that effect.

 

 

CHAPTER IX

TRANSPORTATION

 

DIVISION I

ROADS

 

66. A local municipality has jurisdiction over public roads that are not under the authority of the Government of Québec or the Government of Canada or one of their departments or bodies.

 

A local municipality may however enter into an agreement with the department or body managing the public roads over which it does not have jurisdiction to see to the maintenance and repair of those in its territory. The municipality is authorized for that purpose to enter into an agreement with any person on the sharing of the cost of the work or the work itself.

 

In this Act, a public road includes any highway, road, street, lane, square, bridge, footpath or bicycle path, sidewalk or other road that is not in the private domain, and all the works or installations, including a ditch, needed for its improvement, operation or management.

 

 

 

 

Loi sur la voirie, LRQ, c V-9:

 

 

CHAPITRE I

DISPOSITIONS PRÉLIMINAIRES

 

[…]

 

2. Le gouvernement détermine, par décret publié à la Gazette officielle du Québec, les routes dont le ministre est responsable de la gestion.

 

Toute autre route qui ne relève pas du gouvernement, d'un de ses ministères ou d'un de ses organismes est gérée conformément au chapitre I et à la section I du chapitre IX du titre II de la Loi sur les compétences municipales (chapitre C-47.1).

 

Le gouvernement peut, par décret publié à la Gazette officielle du Québec, reconnaître à certains ponts un caractère stratégique; la gestion de ces ponts relève alors du ministre.

CHAPTER I

PRELIMINARY PROVISIONS

 

 

2. The Government shall determine, by an order published in the Gazette officielle du Québec, the roads which shall be under the management of the Minister.

 

Any other road which is not under the responsibility of the Government or a government department or agency shall be managed in accordance with Chapter I and Division I of Chapter IX of Title II of the Municipal Powers Act (chapter C-47.1).

 

The Government may, by an order published in the Gazette officielle du Québec, recognize certain bridges as strategic; the management of such bridges is under the responsibility of the Minister.

 

 


Code civil du Québec, LRQ, c C-1991:

 

 

TITRE QUATRIÈME

DES DÉMEMBREMENTS DU DROIT DE PROPRIÉTÉ

 

DISPOSITION GÉNÉRALE

 

Art. 1119. L’usufruit, l’usage, la servitude et l’emphytéose sont des démembrements du droit de propriété et constituent des droits réels.

 

[…]

 

CHAPITRE QUATRIÈME

DE L’EMPHYTÉOSE

 

SECTION I

DE LA NATURE DE L’EMPHYTÉOSE

 

Art. 1195. L’emphytéose est le droit qui permet à une personne, pendant un certain temps, d'utiliser pleinement un immeuble appartenant à autrui et d'en tirer tous ses avantages, à la condition de ne pas en compromettre l'existence et à charge d’y faire des constructions, ouvrages ou plantations qui augmentent sa valeur d’une façon durable.

 

L’emphytéose s’établit par contrat ou par testament.

 

[…]

 

Art. 1197. L’emphytéose doit avoir une durée, stipulée dans l'acte constitutif, d’au moins 10 ans et d’au plus 100 ans. Si elle excède 100 ans, elle est réduite à cette durée.

 

[…]

 

SECTION II

DES DROITS ET OBLIGATIONS DE L’EMPHYTÉOTE ET DU PROPRIÉTAIRE

 

Art. 1200. L’emphytéote a, à l’égard de l’immeuble, tous les droits attachés à la qualité de propriétaire, sous réserve des limitations du présent chapitre et de l’acte constitutif d’emphytéose.

 

L’acte constitutif peut limiter l’exercice des droits des parties, notamment pour accorder au propriétaire des droits ou des garanties qui protègent la valeur de l’immeuble, assurent sa conservation, son rendement ou son utilité ou pour autrement préserver les droits du propriétaire ou de l’emphytéote, ou régler l’exécution des obligations prévues dans l’acte constitutif.

 

 

[…]

 

Art. 1203. L’emphytéote est tenu aux réparations, même majeures, qui se rapportent à l’immeuble ou aux constructions, ouvrages ou plantations qu’il a faits en exécution de son obligation.

 

Art. 1204. Si l’emphytéote commet des dégradations sur l’immeuble ou le laisse dépérir ou, de toute autre façon, met en danger les droits du propriétaire, il peut être déchu de son droit.

 

Le tribunal peut, suivant la gravité des circonstances, résilier l’emphytéose, avec indemnité payable immédiatement ou par versements au propriétaire, ou sans indemnité, ou encore obliger l’emphytéote à fournir d’autres sûretés ou lui imposer toutes autres obligations ou conditions.

 

 

Les créanciers de l’emphytéote peuvent intervenir à la demande pour la conservation de leurs droits; ils peuvent offrir la réparation des dégradations et des garanties pour l'avenir.

 

[…]

 

Art. 1206. Le propriétaire est tenu, à l’égard de l’emphytéote, aux mêmes obligations que le vendeur.

 

[…]

 

SECTION III

DE LA FIN DE L’EMPHYTÉOSE

 

Art. 1208. L’emphytéose prend fin:

 

1  Par l’arrivée du terme fixé dans l’acte constitutif;

 

2  Par la perte ou l’expropriation totale de l’immeuble;

 

3  Par la résiliation de l’acte constitutif;

 

4  Par la réunion des qualités de propriétaire et d’emphytéote dans une même personne;

 

5  Par le non-usage pendant 10 ans;

 

6  Par l’abandon.

 

 

Art. 1209. À la fin de l’emphytéose, le propriétaire reprend l’immeuble libre de tous droits et charges consentis par l’emphytéote, sauf si la fin de l’emphytéose résulte d'une résiliation amiable ou de la réunion des qualités de propriétaire et d'emphytéote dans une même personne.

 

 

 

Art. 1210. À la fin de l’emphytéose, l’emphytéote doit remettre l’immeuble en bon état avec les constructions, ouvrages ou plantations prévus à l’acte constitutif, à moins qu'ils n'aient péri par force majeure.

 

Ce qu’il a ajouté à l’immeuble sans y être tenu est traité comme les impenses faites par un possesseur de bonne foi.

 

[…]

TITLE FOUR

DISMEMBERMENTS OF THE RIGHT OF OWNERSHIP

 

GENERAL PROVISION

 

Art. 1119. Usufruct, use, servitude and emphyteusis are dismemberments of the right of ownership and are real rights.

 

 

 

CHAPTER IV

EMPHYTEUSIS

 

DIVISION I

NATURE OF EMPHYTEUSIS

 

Art. 1195. Emphyteusis is the right which, for a certain time, grants a person the full benefit and enjoyment of an immovable owned by another provided he does not endanger its existence and undertakes to make constructions, works or plantations thereon that durably increase its value.

 

 

 

Emphyteusis is established by contract or by will.

 

 

Art. 1197. The term of the emphyteusis shall be stipulated in the constituting act and be not less than 10 nor more than 100 years. If it is longer, it is reduced to 100 years.

 

DIVISION II

RIGHTS AND OBLIGATIONS OF THE EMPHYTEUTIC LESSEE AND OF THE OWNER

 

Art. 1200. The emphyteutic lessee has all the rights in the immovable that are attached to the quality of owner, subject to the restrictions contained in this chapter and in the act constituting emphyteusis.

 

The constituting act may limit the exercise of the rights of the parties, particularly by granting rights or guarantees to the owner for protecting the value of the immovable, ensuring its conservation, yield or use or by otherwise preserving the rights of the owner or of the emphyteutic lessee or regulating the performance of the obligations established in the constituting act.

 

 

Art. 1203. The emphyteutic lessee is bound to make repairs, even major repairs, concerning the immovable or the constructions, works or plantations made in the performance of his obligation.

 

Art. 1204. An emphyteutic lessee who commits waste or fails to prevent the deterioration of the immovable or in any manner endangers the rights of the owner may be declared forfeited of his right.

 

The court, according to the gravity of the circumstances, may resiliate the emphyteusis with compensation payable immediately or by instalments to the owner, or without compensation, or it may require the emphyteutic lessee to furnish other security or impose any other obligations or conditions on him.

 

The creditors of the emphyteutic lessee may intervene in the proceedings to preserve their rights; they may offer to repair the waste and give security for the future.

 

 

Art. 1206. The owner has the same obligations towards the emphyteutic lessee as a vendor.

 

 

DIVISION III

TERMINATION OF EMPHYTEUSIS

 

Art. 1208. Emphyteusis is terminated

 

(1) by the expiry of the term stipulated in the constituting act;

 

(2) by the total loss or expropriation of the immovable;

 

(3) by the resiliation of the constituting act;

 

(4) by the union of the qualities of owner and emphyteutic lessee in the same person;

 

(5) by non-user for 10 years;

 

(6) by abandonment.

 

Art. 1209. Upon termination of the emphyteusis, the owner resumes the immovable free of all the rights and charges granted by the emphyteutic lessee, unless the termination of the emphyteusis results from resiliation by agreement or from the union of the qualities of owner and emphyteutic lessee in the same person.

 

Art. 1210. Upon termination of the emphyteusis, the emphyteutic lessee shall return the immovable in a good state of repair with the constructions, works or plantations stipulated in the constituting act, unless they have perished by superior force.

Any additions made to the immovable by the emphyteutic lessee which he is under no obligation to make are treated as disbursements made by a possessor in good faith.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1972-12

 

INTITULÉ :                                      Ville de Gatineau c

                                                            Commission de la capitale nationale

                                                            et Procureur général du Canada

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Les 3 et 4 avril 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :           LE JUGE BOIVIN

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 29 avril 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Marc Tremblay

Me Martin Leblanc

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Me Diane Pelletier

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Deveau, Bourgeois, Gagné, Hébert et Associés, s.e.n.c.r.l.

Gatineau (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

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