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Date: 20130430

Dossier: IMM-5029-12

Référence : 2013 CF 450

Ottawa (Ontario), le 30 avril 2013

En présence de monsieur le juge de Montigny

 

ENTRE :

 

KHADY KANGHE DIENG

SARAH EZULDA AM JOURSON

KAGNE AMINATA BA

 

 

 

demanderesses

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

    MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR], d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (le Tribunal) rendue le 25 avril 2012, par laquelle le Tribunal a refusé de reconnaître à Khady Kanghe Dieng, Kagne Aminata Ba et Sarah Ezulda Amélie Maria Marly Jourson (les demanderesses) la qualité de réfugiées au sens de l’article 96 de la LIPR et de personnes à protéger au sens de l’article 97 de la LIPR.

 

I.          Les faits

[2]               Kagné Aminiata Ba, âgée de 56 ans, est citoyenne sénégalaise. Elle est la mère des deux autres demanderesses.

 

[3]               Khady Kanghe Dieng, âgée de 30 ans, est citoyenne sénégalaise. Elle est la demanderesse principale.

 

[4]               Sarah Ezulda Amélie Maria Marly Jourson, âgée de 19 ans, est citoyenne française. Elle est la demi-sœur de Mme Dieng.

 

[5]               Les trois demanderesses demeuraient en France avant de venir au Canada. Elles ont quitté la France le 27 septembre 2008 et sont arrivées au Canada le 29 septembre 2008.

 

[6]               Mmes Dieng et Jourson ont demandé l’asile le 21 avril 2009. La demande de Mme Dieng vise le Sénégal et la France, tandis que la demande de Mme Jourson vise la France uniquement.

 

[7]               Mme Ba a quitté le Canada en octobre 2008. Elle est revenue au Canada le 4 février 2012 et a demandé l’asile le jour même. La demande de Mme Ba visait le Sénégal seulement, mais suite à l’audience le Tribunal a considéré que sa demande visait aussi la France.

[8]               La demande de Mme Ba a été jointe à celles de ses filles lors d’une audience tenue devant le Tribunal le 7 février 2012.

 

[9]               Les motifs de la demande d’asile sont les mêmes pour les trois demanderesses. Elles allèguent craindre la persécution au Sénégal et en France en raison de leurs opinions politiques et de leur appartenance à un groupe social. Elles allèguent également qu’elles seraient exposées à des risques à leur vie ou à des traitements ou peines cruels si elles devaient retourner en France ou au Sénégal.

 

[10]           Les demanderesses ont raconté avoir été persécutées par d’anciens haut placés du gouvernement Wade au Sénégal qui peuvent les poursuivre en France et les tuer, les agresser ou les enlever.

 

[11]           Mme Ba a raconté lors de l’audience que ces gens leur en veulent parce que des membres de sa famille ont occupé des postes d’autorité au sein du gouvernement sénégalais qui était au pouvoir avant le gouvernement Wade, et qu’elle connaît des choses compromettantes au sujet du gouvernement Wade (qui n’est plus au pouvoir depuis le 2 avril 2012).

 

[12]           Mme Ba a expliqué que le lendemain d’une rencontre entre elle et le président Wade au Canada en 2008, sa mère a été assassinée dans un hôpital en France. Mme Ba soupçonne un ancien ministre du gouvernement Wade d’être responsable du meurtre. Mme Ba a aussi expliqué que des membres du gouvernement Wade ont envoyé des assassins pour la tuer alors qu’elle logeait avec sa fille dans un hôtel de Dakar en mars 2008 et que son appartement en France a été incendié par ses persécuteurs le 6 décembre 2010.

 

[13]           Les demanderesses ont également déclaré craindre être excisées ou mariées de force au Sénégal, et qu’elles n’étaient pas à l’abri de ces dangers, même en France. Les demanderesses ont expliqué qu’une amie sénégalaise qui s’était exprimée publiquement contre l’excision a été assassinée à Paris en févier 2008.

 

II.        La décision contestée

[14]           La demande d’asile des demanderesses a été refusée par le Tribunal le 25 avril 2012. Le Tribunal a d’abord déterminé que Mme Jourson est citoyenne française, que Mmes Dieng et Ba ont le statut de résidentes permanentes en France et que, par conséquent, aucune des demanderesses ne peut demander l’asile à l’égard du Sénégal en raison de l’exclusion prévue à la section 1E de la Convention relative au statut des réfugiés [Convention] et l’article 98 de la LIPR.

 

[15]           Le Tribunal a aussi conclu que les demanderesses n’avaient aucune crainte subjective de persécution en raison du fait qu’elles n’ont pas demandé le statut de réfugié dans un délai raisonnable après avoir fui la France.

 

[16]           Finalement, le Tribunal a déterminé que les demanderesses n’avaient pas renversé la présomption de protection de l’État à l’égard de la France, en notant qu’elles n’avaient pas suffisamment cherché à se prévaloir de la protection de l’État.

 

III.       Questions en litige

[17]           Deux questions se posent dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire :

a)      Le Tribunal a-t-il commis une erreur susceptible de contrôle en appliquant la section 1E de la Convention aux demandes d’asile de Mmes Dieng et Ba?

b)      Le Tribunal a-t-il commis une erreur susceptible de contrôle en rejetant la demande d’asile de chacune des trois demanderesses, parce qu’elles n’ont pas démontré que la France ne pouvait les protéger?

 

IV.       Analyse

[18]           Deux normes s’appliquent relativement à l’exclusion en vertu de la section 1E de la Convention. La norme de la décision correcte est utilisée pour déterminer si le bon critère juridique a été appliqué et la norme de la décision raisonnable est utilisée pour vérifier si le tribunal a bien appliqué les principes juridiques aux faits en litige (Ramadan c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2010 CF 1093 aux para 13-14 (disponible sur CanLII). Voir aussi Zeng c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CAF 118 au para 11, [2011] 4 RCF 3 et Lu c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 311 au para 20 (disponible sur CanLII).

 

[19]           La section 1E de la Convention stipule :

Cette Convention ne sera pas applicable à une personne considérée par les autorités compétentes du pays dans lequel cette personne a établi sa résidence comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays.

This Convention shall not apply to a person who is recognized by the competent authorities of the country in which he has taken residence as having the rights and obligations which are attached to the possession of the nationality of that country.

 

 

[20]           Quant à l’article 98 de la LIPR, il prévoit ce qui suit :

La personne visée aux sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger.

A person referred to in section E or F of Article 1 of the Refugee Convention is not a Convention refugee or a person in need of protection.

 

 

[21]           La jurisprudence a élaboré un cadre d’analyse pour déterminer si une personne remplit les critères de la section 1E de la Convention. D’abord, le ministre doit établir, prima facie, que le demandeur peut revenir dans le pays tiers et bénéficier des mêmes droits que ses ressortissants. Si cette étape est remplie avec succès, le fardeau est alors renversé et le demandeur doit démontrer qu’il ne peut effectivement bénéficier des droits que lui confère sa résidence. Les droits dont le demandeur doit bénéficier pour que la première étape soit franchie incluent le droit de retourner dans son pays de résidence, le droit d’y travailler, le droit d’y étudier et le droit d’y utiliser les services sociaux sans restriction. Pour que la le Tribunal puisse valablement conclure que le demandeur jouit d’un statut dans le pays tiers conférant les droits équivalents à ceux de ses citoyens, il faut que ce demandeur jouisse de ce statut au moment où il dépose sa demande d’asile au Canada et le jour où elle est tranchée. Si c’est le cas, l’exclusion de la section 1E de la Convention s’applique. Voir Ramadan, précité, aux para 18-20; Zeng, précité, aux para 13-16; Lu, précité, au para 24.

 

[22]           En l’occurrence, le Tribunal a correctement formulé les principes juridiques applicables aux paragraphes 10 à 13 de ses motifs, et son application de ces principes aux faits était certainement raisonnable.

 

[23]           Dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP), Mme Dieng indique qu’elle a résidé en France de septembre 1988 jusqu’en septembre 2008 et que son statut d’immigration dans ce pays de 1999 jusqu’à son départ pour le Canada en 2008 était celui de résidente permanente. Pendant l’audition devant le Tribunal elle a confirmé qu’elle était toujours résidente permanente en France et qu’elle pouvait y retourner. De plus, il appert des documents déposés au Tribunal que Mme Dieng détient un titre de séjour à titre de résidente en France, valide du 23 mars 2005 jusqu’au 22 mars 2015. Elle a aussi affirmé lors de son témoignage avoir le droit d’étudier, de travailler et de bénéficier des services sociaux en France. Dans ces circonstances, il n’était donc pas déraisonnable pour le Tribunal de conclure que Mme Dieng avait, prima facie, le droit de retourner vivre en France et d’y bénéficier des mêmes droits que ses ressortissants. Mme Dieng n’ayant présenté aucune preuve contraire, le Tribunal pouvait raisonnablement conclure qu’au moment où elle a présenté sa demande d’asile au Canada et jusqu’à la fin de l’audience, Mme Dieng était encore reconnue par la France comme une résidente permanente de ce pays, et qu’elle est par conséquent visée par la section 1E de la Convention.

 

[24]           Quant à Mme Ba, elle a déclaré lors d’une entrevue au point d’entrée le 4 février 2012 avoir obtenu la citoyenneté française suite à son mariage avec un citoyen français, mais ne pas en avoir la preuve. Le Tribunal disposait également d’une lettre de la République française en date du 20 avril 2011 indiquant que Mme Ba avait acquis la nationalité française le 26 novembre 2011 et lui demandant de restituer son titre de séjour. Dans son FRP et devant le Tribunal, Mme Ba a déclaré être une résidente permanente de la France, contredisant du même coup la lettre précitée de la République française et sa propre déclaration au point d’entrée. Compte tenu de cette preuve, il n’était donc pas déraisonnable pour le Tribunal de conclure que Mme Ba était à tout le moins résidente permanente de la France et qu’elle avait, prima facie, le droit d’y retourner et de se prévaloir des droits équivalents à ceux des citoyens français. Comme Mme Ba n’a présenté aucune preuve établissant que son titre de séjour en France était expiré et qu’elle ne pouvait bénéficier des droits que lui confère son titre de séjour en France, il était raisonnable pour le Tribunal de conclure qu’elle jouissait toujours, au moment où elle a présenté sa demande d’asile au Canada et jusqu’à la fin de l’audience, au moins du statut de résidente permanente et qu’elle était donc également visée par la section 1E de la Convention.

 

[25]           S’agissant enfin de Mme Jourson, il ne fait aucun doute qu’elle a acquis la nationalité française par sa naissance en France. Elle est d’ailleurs titulaire d’un passeport français valide jusqu’en juillet 2013, et elle a admis devant le Tribunal être citoyenne française. Le bien-fondé de sa demande devait donc être évalué, pour elle aussi, à l’égard de la France.

 

[26]           Par conséquent, il n’était pas déraisonnable pour le Tribunal de rejeter la demande d’asile de toutes les demanderesses à l’égard du Sénégal. Les demanderesses ont cependant fait valoir que Mmes Dieng et Ba n’avaient pas été formellement exclues en application de la section 1E de la Convention. Il est vrai que le Tribunal n’a pas mentionné cette exclusion dans sa conclusion générale ni dans son avis de décision. Outre le fait que cela n’était pas nécessaire au terme du paragraphe 107(1) de la LIPR, lequel prévoit uniquement la nécessité pour le Tribunal de préciser si elle accepte ou rejette la demande, le renvoi de cette demande à un autre membre du Tribunal serait tout à fait superflu et irait à l’encontre de la meilleure utilisation des ressources puisque l’application de la section 1E de la Convention ne saurait faire de doute compte tenu de la preuve au dossier.

 

b) Le Tribunal a-t-il commis une erreur susceptible de contrôle en rejetant la demande d’asile de chacune des trois demanderesses, parce qu’elles n’ont pas démontré que la France ne pouvait les protéger?

 

[27]           Il est bien établi que toute personne ayant une crainte réelle d’être persécutée devrait s’empresser de demander l’asile au Canada dès son arrivée au pays. Le retard dans la présentation d’une demande d’asile est un facteur dont le Tribunal peut tenir compte pour évaluer la crédibilité d’un demandeur quant au bien-fondé de sa revendication : Aslam c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 189 aux para 25-28, 146 ACWS (3d) 316; Singh c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 743 au para 50, 149 ACWS (3d) 479. Le retard à revendiquer le statut de réfugié révèle souvent une absence de crainte subjective de persécution ou de crainte fondée de persécution, car une personne ayant une crainte raisonnable demandera généralement l’asile à la première occasion : Mejia et al. c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 851 au para 14 (disponible sur CanLII); Semextant c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 29 aux para 1 et 22 (disponible sur CanLII).

 

[28]           Mmes Dieng et Jourson ont attendu presque sept mois après leur arrivée au Canada avant de demander l’asile, et ont expliqué leur comportement en disant qu’elles ne connaissaient rien à cette question et qu’elles se sentaient en sécurité avec leur visa de touriste valable pour six mois. Je conclus, comme l’a fait le Tribunal, que cette explication n’est pas satisfaisante. Mmes Dieng et Jourson savaient que leur séjour était autorisé pour une durée limitée et il est raisonnable de conclure qu’elles auraient tenté de régulariser leur statut le plus tôt possible si elles craignaient vraiment pour leur vie ou leur intégrité physique. Quant à Mme Ba, elle a demandé l’asile plus de trois ans après être venue au Canada en septembre 2008 avec ses deux filles. Son explication à l’effet que son avocat lui aurait conseillé d’attendre d’avoir des documents qu’elles devaient obtenir en se rendant en Gambie à la frontière du Sénégal apparaît difficilement crédible. Compte tenu de ces circonstances, le Tribunal pouvait raisonnablement conclure que le défaut des demanderesses d’avoir demandé l’asile au moment de leur arrivée au Canada ou peu de temps après affecte leur crédibilité quant à leur crainte subjective d’être persécutées, si elles devaient retourner vivre en France, que ce soit à titre de résidentes permanentes ou de citoyennes françaises.

 

[29]           D’autre part, la crainte des demanderesses devait également être fondée objectivement. À ce chapitre, la première étape de l’analyse consiste à évaluer si les demanderesses pouvaient être protégées de la persécution alléguée par la France. Comme l’a rappelé le juge Major dans l’arrêt Chan c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] 3 RCS 593 au para 120 (disponible sur CanLII): « Tant l’existence d’une crainte subjective que le fondement objectif de cette crainte doivent être établis selon la prépondérance des probabilités ».

 

[30]           Pour réfuter la présomption de la protection de l’État, il faut qu’une preuve pertinente, digne de foi et convaincante de l’insuffisance ou de l’inexistence de cette protection soit faite, la norme de preuve applicable étant celle de la prépondérance des probabilités : Carrillo c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94 au para 30, [2008] 4 RCF 636; Guevara c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 195 aux para 16-18 (disponible sur CanLII). Lorsqu’un État a le contrôle effectif de son territoire, qu’il possède des autorités militaires et civiles et une force policière, et qu’il fait des efforts sérieux pour protéger ses citoyens, le seul fait que ces efforts ne soient pas toujours couronnés de succès ne suffit pas à réfuter la présomption de l’existence de la protection de l’État : Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c Villafranca (1992), 99 DLR (4th) 334 au para 7, 37 ACWS (3d) 1259 (CA); Onodi c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1191 au para 16 (disponible sur CanLII); Molnar c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1475 au para 23 (disponible sur CanLII).

 

[31]           Bien qu’il puisse exister un certain nombre de problèmes en France quant au respect des droits de la personne, l’on ne saurait sérieusement remettre en question la capacité des autorités de ce pays de protéger ses ressortissants et tous ceux et celles qui se trouvent sur son territoire. La preuve documentaire indique que les policiers et les gendarmes sont généralement considérés comme étant efficaces, que les juges sont indépendants et impartiaux et que toute personne victime de violation ou de négation de ses droits ou libertés peut s’adresser à un tribunal pour obtenir réparation. La preuve documentaire indique également que des efforts importants sont faits pour lutter contre la violence envers les femmes, que l’excision est interdite et que des mesures existent pour protéger les femmes contre le mariage forcé. Les femmes sont protégées par rapport au fait qu’on peut tenter de les marier contre leur gré. Il existe également plusieurs organisations non gouvernementales nationales et internationales spécialisées dans le domaine des droits de la personne qui sont actives en France, ainsi que des organisations financées par le gouvernement, qui peuvent aider des personnes ayant des difficultés à obtenir la protection de l’État. Le Tribunal a noté que si ces organisations n’ont pas pour fonction de mettre en œuvre la protection de l’État, elles peuvent guider les personnes dans leurs démarches auprès des autorités responsables de la mise en œuvre de la protection.

 

[32]           Une personne qui craint pour sa vie ou son intégrité a l’obligation de chercher à obtenir la protection des autorités de son pays, sauf s’il est objectivement raisonnable de ne pas le faire parce que cette protection n’aurait de toute façon pas pu être assurée : Soto c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1654 au para 7, 145 ACWS (3d) 136. Il ne faut jamais perdre de vue que le droit international relatif aux réfugiés a été établi afin de suppléer à la protection qu’un État doit fournir à ses ressortissants. Il ne devait s’appliquer que si la protection ne pouvait pas être fournie, et même alors, dans certains cas seulement: Canada (Procureur Général) c Ward, [1993] 2 RCS 689 (disponible sur canLII).

 

[33]           Or, le Tribunal a noté que les demanderesses avaient transmis des informations au commissariat de Colombes il y a déjà plusieurs années suite à du harcèlement par téléphone, mais n’avaient pas alerté la police du fait que leur vie était présumément en danger. Non seulement n’ont‑elles pas informé les autorités de l’assassinat de leur grand-mère, mais elles ne les ont pas non plus prévenues du fait que leurs vies étaient directement menacées par des personnes influentes au Sénégal qui pouvaient facilement entrer sur le territoire français en utilisant notamment des passeports diplomatiques. Les demanderesses n’ont par ailleurs pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’elles auraient mis leurs vies ou leur sécurité en danger si elles avaient fait des démarches pour informer les autorités françaises de leur situation par rapport aux personnes qu’elles allèguent craindre.

 

[34]           Dans ces circonstances, il n’était pas déraisonnable pour le Tribunal de conclure que les témoignages des demanderesses ne constituent pas une preuve pertinente, fiable et convaincante permettant de conclure que la présomption voulant que les autorités françaises soient en mesure de protéger leurs citoyens et leurs résidents permanents a été réfutée. Par conséquent, les demanderesses n’ont pas démontré que leur crainte d’être persécutée, à supposer même qu’elle soit crédible, était fondée objectivement. Le Tribunal n’a donc pas erré en refusant de leur accorder l’asile.

 

V.        Conclusion

[35]           Pour tous les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Je m’en voudrais, en terminant, de ne pas souligner l’excellence des représentations écrites et orales du procureur de la partie défenderesse, dont je me suis d’ailleurs largement inspiré dans la rédaction de ces motifs.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Yves de Montigny »

Juge

 

 

 

 

 

 

                     


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5029-12

 

INTITULÉ :                                      KHADY KANGHE DIENG ET AL. c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 15 janvier 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :           LE JUGE de MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 30 avril 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Luc R. Desmarais

 

POUR LES DEMANDERESSES

Me Normand Lemyre

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Luc R. Desmarais

Montréal (Québec)

 

POUR LES DEMANDERESSES

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)(

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

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