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Date : 20130503

Dossier : IMM-6269-12

Référence : 2013 CF 465

[traduction FRANÇAISE certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 3 mai 2013

En présence de monsieur le juge Scott

 

 

ENTRE :

 

CHENGZE ZHOU

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Introduction

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée par M. Chengze Zhou (le demandeur) à l’égard d’une décision rendue par l’agente d’immigration Jaylene Hamilton (l’agente) le 23 mai 2012, dans laquelle l’agente, en vertu de l’alinéa 179b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le RIPR], a rejeté la demande de visa de résident temporaire du demandeur (la demande) au motif qu’elle n’était pas convaincue qu’il quitterait le Canada à la fin de son séjour autorisé.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

II.        Faits

 

[3]               Le demandeur est un ressortissant de 56 ans de la République populaire de Chine (RPC). Le 17 mai 2012 ou vers cette date, le demandeur a fait une demande de visa de résident permanent dans le but avoué d’explorer des possibilités de faire des affaires au Canada.

 

[4]               Le 23 mai 2012 ou vers cette date, l’agente a examiné la demande et les documents justificatifs présentés par le demandeur. L’agente a inscrit les motifs de son refus dans le Système mondial de gestion des cas (SMGC) et a établi que le demandeur n’était pas un visiteur authentique qui quitterait le Canada à la fin de son séjour autorisé.

 

[5]               Les motifs donnés par l’agente pour refuser la demande du demandeur, tel qu’inscrits dans le SMGC, sont les suivants :

[traduction]

Le demandeur demande l’entrée au Canada aux fins de visite exploratoire. Le demandeur a peu voyagé auparavant. Il a présenté des éléments de preuve limités à l’appui de sa capacité d’investir au Canada (essentiellement sous la forme de documents photocopiés invérifiables et d’imprimés d’ordinateur de mauvaise qualité). Le demandeur a produit peu d’éléments de preuve de son établissement personnel en RPC. Les documents bancaires font état essentiellement de dépôts uniques élevés récents qui semblent démesurés par rapport au revenu déclaré, les éléments de preuve relatifs à l’historique des fonds sont des imprimés d’ordinateur de mauvaise qualité sans caractéristiques de sécurité vérifiables. Les autres documents à l’appui de l’établissement sont essentiellement sous la forme de photocopies sans caractéristiques de sécurité vérifiables. Je ne suis pas convaincue que le demandeur est un visiteur authentique au Canada qui quittera le pays à la fin de son séjour autorisé.

 

[6]               L’agente a informé le demandeur du rejet de sa demande par lettre datée du 23 mai 2012.

 

III.       Dispositions législatives

 

[7]               Les paragraphes 11(1), 20(1) et 22(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 2, et l’article 179 du RIPR prévoient :

Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

 

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

 

11. (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visas et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

 

20. (1) L’étranger non visé à l’article 19 qui cherche à entrer au Canada ou à y séjourner est tenu de prouver :

 

 

[…]

 

b) pour devenir un résident temporaire, qu’il détient les visas ou autres documents requis par règlement et aura quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

20. (1) Every foreign national, other than a foreign national referred to in section 19, who seeks to enter or remain in Canada must establish,

 

. . .

 

(b) to become a temporary resident, that they hold the visa or other document required under the regulations and will leave Canada by the end of the period authorized for their stay.

 

22. (1) Devient résident temporaire l’étranger dont l’agent constate qu’il a demandé ce statut, s’est déchargé des obligations prévues à l’alinéa 20(1)b) et n’est pas interdit de territoire.

22. (1) A foreign national becomes a temporary resident if an officer is satisfied that the foreign national has applied for that status, has met the obligations set out in paragraph 20(1)(b) and is not inadmissible.

 

Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227

 

Immigration and Refugee Protection Regulations, SOR/2002-227

179. L’agent délivre un visa de résident temporaire à l’étranger si, à l’issue d’un contrôle, les éléments suivants sont établis :

 

 

a) l’étranger en a fait, conformément au présent règlement, la demande au titre de la catégorie des visiteurs, des travailleurs ou des étudiants;

 

b) il quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée qui lui est applicable au titre de la section 2;

 

c) il est titulaire d’un passeport ou autre document qui lui permet d’entrer dans le pays qui l’a délivré ou dans un autre pays;

 

 

d) il se conforme aux exigences applicables à cette catégorie;

 

e) il n’est pas interdit de territoire;

 

f) s’il est tenu de se soumettre à une visite médicale en application du paragraphe 16(2) de la Loi, il satisfait aux exigences prévues aux paragraphes 30(2) et (3).

179. An officer shall issue a temporary resident visa to a foreign national if, following an examination, it is established that the foreign national

 

(a) has applied in accordance with these Regulations for a temporary resident visa as a member of the visitor, worker or student class;

 

(b) will leave Canada by the end of the period authorized for their stay under Division 2;

 

 

(c) holds a passport or other document that they may use to enter the country that issued it or another country;

 

 

 

(d) meets the requirements applicable to that class;

 

 

(e) is not inadmissible; and

 

 

(f) meets the requirements of subsections 30(2) and (3), if they must submit to a medical examination under paragraph 16(2)(b) of the Act.

 

IV.       Questions en litige et norme de contrôle

 

A.        Questions en litige

 

1.         L’agente a‑t‑elle commis une erreur en rejetant la demande du demandeur?

2.         L’agente a‑t‑elle manqué à l’obligation d’équité procédurale en ne faisant pas connaître au demandeur ses doutes concernant sa demande?

 

B.        Norme de contrôle

 

[8]               La norme de contrôle applicable au refus d’un agent des visas de délivrer un visa de résident temporaire parce qu’il ne croit pas que le demandeur quittera le Canada à la fin de son séjour autorisé est celle de la décision raisonnable (voir Doret c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 447, au paragraphe 19). Les agents des visas ont une spécialisation reconnue dans l’appréciation des demandes de visas de résident temporaire, et la Cour doit donc faire preuve de retenue face à leurs décisions dans les contrôles judiciaires (voir Ngalamulume c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1268, au paragraphe 16).

 

[9]               La question de savoir si l’agente aurait dû informer le demandeur de ses doutes concernant le caractère suffisant ou la crédibilité des documents qu’il a fournis soulève des questions de justice naturelle et d’équité procédurale. Quand de telles questions se posent, aucune retenue n’est nécessaire, et la Cour doit vérifier si les conditions applicables à l’équité procédurale ont été respectées (voir Lawal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 861, au paragraphe 15; SCFP c Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, au paragraphe 100, [2003] 1 RCS 539; Jin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1129, au paragraphe 13). Cela dit, le niveau d’équité procédurale dont doit faire preuve l’agente en l’espèce était faible (voir Cha c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 126, au paragraphe 23, [2007] 1 RCF 409; Zhang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1381, au paragraphe 37).

V.        Observations des parties

 

A.        Observations du demandeur

 

[10]           Le demandeur soutient que l’agente a commis une erreur susceptible de contrôle en ne tenant pas compte de tous les éléments de preuve dont elle disposait et ne motivant pas suffisamment sa décision de ne pas délivrer le visa. Il soutient que le fait que l’agente avait explicité ses motifs concernant le refus de délivrer un visa dans un affidavit montre que ceux-ci étaient insuffisants (voir, par exemple, Ogunfowora c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 471, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Wong, 2009 CF 1085).

 

[11]           De plus, le demandeur soutient que la décision de l’agente est déraisonnable à la lumière de la nature et de la quantité de documents qu’il a produits avec sa demande de visa. Les documents en question comprenaient : des copies notariées de ses permis d’exploitation pour Ziyun Real Estate Developments Co., Ltd. (Ziyun) et Huayang Capital Investments Co., Ltd. (Huayang); les articles d’association pour ces deux entreprises et le bilan de Ziyun, qui indique notamment que la part de la valeur nette du demandeur dans Ziyun s’élève à au moins 7,31 M $CAN; un sondage affiché sur le site Web du gouvernement de la province du Liaoning selon lequel Ziyun est la deuxième entreprise de promotion immobilière à Anshan; et une copie notariée du certificat de propriété du demandeur.

 

[12]           Le demandeur soutient que la conclusion de l’agente voulant que les dépôts uniques dans son compte bancaire soient démesurés par rapport à son revenu déclaré ne tient pas compte du fait que le salaire déclaré du demandeur ne reflète pas son niveau d’actif à titre de propriétaire d’une entreprise à haute valeur nette. De plus, la conclusion de l’agente voulant que le demandeur ait peu voyagé était injuste, étant donné que son passeport a été délivré en janvier 2010 et qu’il est allé en Corée et au Japon en août 2011 et a visité six pays dans le cadre d’un voyage en Europe (avec arrêts en Italie et à Genève) en janvier 2012.

 

[13]           Qui plus est, le demandeur soutient qu’il a reçu des invitations [traduction] d’« agents crédibles » en Colombie‑Britannique qui avaient eux-mêmes effectué un contrôle diligent concernant sa capacité d’investir au Canada et que [traduction] « sur ce seul aspect, l’agente des visas aurait dû donner au demandeur la possibilité de donner suite à son observation selon laquelle la visite avait pour but l’exploration de possibilités de faire des affaires » (mémoire du demandeur, au paragraphe 34).

 

[14]           Enfin, le demandeur soutient que l’agente a manqué à l’équité procédurale en ne lui faisant pas part de ses doutes au sujet de sa demande de visa. La conclusion de l’agente reposait sur une conclusion défavorable relative à la crédibilité en ce qui concerne la preuve qu’il avait produite et, dans de tels cas, les agents doivent donner au demandeur la possibilité de dissiper leurs doutes (voir Hassani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1283, au paragraphe 24 [Hassani]). De plus, l’agente a renvoyé à des éléments de preuve extrinsèques et inconnus lorsqu’elle a signalé que les documents fournis par le demandeur ne comportaient pas les caractéristiques de sécurité qui figurent souvent sur les documents originaux en Chine (p. ex. numéros de série, marquages visibles à l’UV, filigranes, etc.). Elle devait par conséquent informer le demandeur de ces doutes (voir Nadarasa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1112, au paragraphe 26 [Nadarasa]).

 

B.        Observations du défendeur

 

[15]           Le défendeur soutient que la décision de l’agente était raisonnable et que l’allégation voulant que l’agente n’avait pas suffisamment motivé sa décision n’est pas fondée. Il affirme que les notes du SMGC sont intelligibles et expliquent suffisamment pourquoi le visa a été refusé au demandeur. L’agente a clairement indiqué que les éléments de preuve documentaire produits étaient inadéquats parce qu’ils étaient essentiellement sous la forme [traduction] « de documents photocopiés invérifiables et d’imprimés d’ordinateur de mauvaise qualité ». Au sujet de l’affirmation du demandeur concernant l’affidavit de l’agente, le défendeur soutient que le document s’en tient strictement au contenu des notes du SMGC ou du dossier certifié. L’affidavit souligne simplement que, selon la liste de contrôle des documents qui est accessible au public, les demandeurs doivent produire les originaux d’états bancaires, et apporte de brèves précisions sur ce que l’agente entendait par des [traduction] « caractéristiques de sécurité vérifiables ».

 

[16]           Au sujet de l’affirmation du demandeur voulant que l’agente n’a pas analysé tous les éléments de preuve produits, le défendeur soutient que les agents des visas sont présumés avoir examiné toute la preuve dont ils disposent et que rien n’indique que l’agente ne l’a pas fait en l’espèce.

 

[17]           En ce qui concerne l’affirmation du demandeur voulant que l’agente devait lui faire part de ses doutes au sujet des éléments de preuve qu’il avait produits, le défendeur cite la décision de la Cour dans Liu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1025, au paragraphe 16 [Liu] :

Lorsque la personne qui demande un visa d’immigrant omet de fournir une preuve adéquate, suffisante ou crédible, l’agent des visas n'est nullement tenu de lui demander une preuve supplémentaire susceptible d’invalider les conclusions de l’agent concernant le caractère insuffisant, inadéquat ou peu crédible de la preuve du demandeur. […]

 

[18]           Enfin, le défendeur soutient que les notes du SMGC ne renvoient qu’aux documents fournis par le demandeur et que le demandeur a rempli et signé la liste de contrôle des documents énonçant la nécessité de fournir les originaux. L’affirmation du demandeur selon laquelle l’agente s’est fondée sur des éléments de preuve extrinsèques pour tirer ses conclusions est par conséquent non fondée.

 

VI.       Analyse

 

1.         L’agente a‑t‑elle commis une erreur en rejetant la demande du demandeur?

 

[19]           Le demandeur allègue que l’agente a commis une erreur susceptible de contrôle en ne tenant pas compte de tous les éléments de preuve dont elle disposait et en ne motivant pas suffisamment son refus de délivrer le visa. Le défendeur maintient que l’agente a tenu compte de tous les éléments de preuve et a fourni des motifs clairs et intelligibles concernant le refus de délivrer le visa.

 

[20]           La Cour est d’accord avec le défendeur pour les motifs suivants. Premièrement, l’agente est présumée avoir examiné tous les éléments de preuve (Florea c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 598 (QL) (CAF)) et n’est pas tenue de renvoyer à chaque document produit (Hassan c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 147 NR 317, [1992] ACF no 946 (QL) (CAF)). Après avoir lu les notes du SMGC de l’agente, la Cour conclut que celle‑ci a clairement pris en considération tous les éléments de preuve fournis par le demandeur. L’agente a reconnu que le demandeur avait reçu des invitations conformément à la liste de contrôle applicables aux affaires personnelles ou professionnelles (assister à une conférence, visites exploratoires, questions juridiques) (Checklist for Personal or Professional Affairs (Attending an Academic Conference, Exploratory Visits, Legal Matters)) (la liste de contrôle) (voir les notes 6 et 7 du SMGC). L’agente a également évalué les documents se rapportant aux voyages antérieurs du demandeur, à son revenu, à ses actifs financiers et à son établissement personnel dans la RPC, et a indiqué que les documents ne l’avaient pas convaincue qu’il pourrait investir au Canada et qu’il rentrerait en RPC, ce faisant justifiant son refus.

 

[21]           Comme le défendeur l’a soutenu à bon droit, l’obligation d’un agent de motiver sa décision dans l’évaluation d’une demande de visa de résident temporaire est minime (voir Singh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 621, au paragraphe 9). Les motifs d’un tribunal administratif sont suffisants s’ils « permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables » (Newfoundland and Labrador Nurses' Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16, [2011] 3 RCS 708). En l’espèce, les motifs indiquent clairement que l’agente a rejeté la demande essentiellement parce que le demandeur n’avait pas fourni les documents voulus.

 

[22]           L’argument le plus important du demandeur veut que la conclusion de l’agente soit déraisonnable à la lumière de la nature et de la quantité de documents qu’il a produits avec sa demande de visa. Les documents en question comprenaient : des copies notariées de ses permis d’exploitation pour Ziyun et Huayang; les articles d’association pour les deux entreprises précitées et le bilan de Ziyun, qui indique notamment que la participation du demandeur dans Ziyun s’élève à au moins 7,31 M $CAN; un sondage affiché sur le site Web du gouvernement de la province du Liaoning selon lequel Ziyun est la deuxième entreprise de promotion immobilière à Anshan; et une copie notariée du certificat de propriété du demandeur.

 

[23]           Pendant l’audience, l’avocat du demandeur a affirmé que l’agente n’avait pas pris en considération tous les documents présentés parce que, avec la lettre de rejet, le demandeur n’a reçu qu’une partie de tous les documents qu’il avait fournis. La Cour a examiné le dossier certifié du tribunal et doit rejeter cet argument parce qu’il ressort clairement des notes du SMGC que tous les documents ont été examinés. Il est également clair que l’agente a examiné la demande comme si elle se rapportait à une visite exploratoire même si le demandeur l’a initialement présentée comme se rapportant à des débouchés commerciaux.

 

[24]           Le demandeur affirme que la conclusion de l’agente selon laquelle les dépôts uniques dans son compte bancaire sont démesurés par rapport à son revenu déclaré ne tient pas compte du fait que le salaire déclaré du demandeur ne reflète pas son niveau d’actif à titre de propriétaire d’une entreprise à haute valeur réelle. De plus, la conclusion de l’agente voulant que le demandeur ait peu voyagé est injuste étant donné que son passeport a été délivré en janvier 2010 et qu’il est allé en Corée et au Japon en août 2011 et a visité six pays dans le cadre d’un voyage en Europe (avec arrêts en Italie et à Genève) en janvier 2012.

 

[25]           Enfin, le demandeur soutient qu’il a reçu des invitations [traduction] « d’agents crédibles » en Colombie‑Britannique qui avaient eux-mêmes effectué un contrôle diligent concernant sa capacité d’investir au Canada et que [traduction] « sur ce seul aspect, l’agente des visas aurait dû donner au demandeur la possibilité de donner suite à son observation selon laquelle la visite avait pour but l’exploration de possibilités de faire des affaires » (mémoire du demandeur, au paragraphe 34).

 

[26]           Bien que la Cour reconnaisse que l’évaluation par l’agente des voyages antérieurs du demandeur est injuste, la principale justification de l’agente du rejet de la demande était le caractère inadéquat des documents présentés à l’appui de la demande. Selon la liste de contrôle, le demandeur devait fournir [traduction] « des documents bancaires originaux faisant état d’antécédents

financiers sur plusieurs mois » et des éléments de preuve relatifs à des actifs en Chine comme [traduction] « un certificat de propriété original ». L’agente a conclu que les documents fournis par le demandeur étaient inadéquats parce qu’ils étaient [traduction] « essentiellement sous la forme de documents photocopiés invérifiables et d’imprimés d’ordinateur de mauvaise qualité ». Étant donné le défaut du demandeur de remplir la condition énoncée sur la liste de contrôle selon laquelle il devait fournir des documents originaux attestant de sa capacité d’investir au Canada, la Cour conclut que la décision de l’agente de refuser de délivrer un visa de résident temporaire appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190).

 

2.         L’agente a‑t‑elle manqué à l’obligation d’équité procédurale en ne faisant pas connaître au demandeur ses doutes concernant sa demande?

 

[27]           L’agente était‑elle tenue de faire savoir au demandeur que les documents qu’il avait fournis étaient insuffisants?

 

[28]           La jurisprudence de la Cour est claire et établit que l’agent n’est pas tenu de faire connaître au demandeur ses doutes concernant une demande à cause de l’insuffisance des éléments de preuve fournis. Il « incombe au demandeur de fournir tous les documents d’appui pertinents et de présenter suffisamment d’éléments de preuve crédibles au soutien de sa demande » (Pacheco Silva c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 733, au paragraphe 20; voir aussi Lam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 152 FTR 316 (CF 1re inst.); Liu, au paragraphe 16). De plus, l’agent n’est pas tenu de signaler au demandeur ses réserves lorsqu’elles « découlent directement des exigences de la loi ou d’un règlement connexe » (Hassani, au paragraphe 24). En l’espèce, les réserves de l’agente concernant les fonds et les actifs du demandeur découlaient directement des exigences du RIPR (voir les alinéas 179b) et d)).

 

[29]           S’il est vrai que « lorsque l’agent des visas a des doutes sur la crédibilité, l’exactitude ou l’authenticité de renseignements fournis par le demandeur au soutien de sa demande » (Hassani, au paragraphe 24), il a obligation de le signaler au demandeur, l’agente en l’espèce ne doutait pas tant de la crédibilité des documents que de leur défaut de respecter la condition énoncée sur la liste de contrôle consistant à fournir des éléments de preuve satisfaisants. Si le demandeur avait produit les états bancaires originaux et que l’agente doutait de leur authenticité, celle-ci aurait alors dû, par souci d’équité, faire connaître ses réserves au demandeur.

 

[30]           Enfin, le demandeur allègue que l’agente a introduit une condition extrinsèque et inconnue lorsqu’elle a mentionné les caractéristiques de sécurité qui figurent souvent sur les documents originaux en Chine (p. ex. numéros de série, marquages visibles à l’UV, filigranes, etc.). Le demandeur soutient que, en de tels cas, l’agent doit donner au demandeur la possibilité de dissiper ses doutes ou de produire des documents portant de telles caractéristiques (voir Nadarasa, au paragraphe 26). La Cour n’est pas d’accord. L’agente a mentionné les caractéristiques de sécurité simplement pour expliquer pourquoi les originaux étaient nécessaires.

 

[31]           En somme, la demande sera rejetée parce que la Cour estime que l’agente a dûment pris en considération les éléments de preuve présentés par le demandeur et a suffisamment motivé le rejet de la demande.

 

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE            que :

1.                  La demande est rejetée.

2.                  Il n’y a pas de question de portée générale à certifier.

 

 

« André F.J. Scott »

Juge

 

Traduction certifiée conforme
Line Niquet

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6269-12

 

INTITULÉ :                                      CHENGZE ZHOU

                                                            c

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 7 mars 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            Le juge Scott

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 3 mai 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Leonides F. Tungohan

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Mark E. W. East

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Learlaw TunGgohan & Company

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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