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Date : 20130429

Dossier : IMM-8259-12

Référence : 2013 CF 428

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 29 avril 2013

En présence de madame la juge Gleason

 

ENTRE :

 

 

GRANT PETER KIMBALL

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Le demandeur est un citoyen des États-Unis âgé de 68 ans qui a travaillé pendant un certain nombre d’années au Canada comme ingénieur logiciel. Après avoir perdu son emploi en 2010 à la suite d’une réorganisation de société, il a entrepris une longue recherche d’emploi. Le 20 juin 2012, il a présenté une demande de visa de résident permanent au Canada dans le cadre du Programme des travailleurs qualifiés (fédéral). Cette demande a été rejetée par un agent d’immigration travaillant au consulat général du Canada, section de l’immigration, à New York. L’agent (avec l’approbation requise d’un autre agent) a décidé que, même si le demandeur  avait obtenu plus que le nombre minimal de points requis (il avait obtenu 74 points sur 100 alors que seulement 67 points sont exigés), il procèderait à une substitution d’appréciation en application du paragraphe 76(3) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le Règlement]. L’agent a souligné à cet égard que le demandeur n’avait pas réussi à se trouver un emploi au cours des 22 mois où il a cherché un emploi et il a conclu que, compte tenu de ce fait, et compte tenu du profil du demandeur, le demandeur ne réussirait vraisemblablement pas son établissement économique au Canada. La demande de résidence permanente présentée par le demandeur a donc été rejetée.

 

[2]               Dans la présente demande de contrôle judiciaire, le demandeur sollicite l’annulation de la décision de rejet, car il prétend qu’elle est déraisonnable et que ses droits à l’équité procédurale ont été violés.

 

[3]               En ce qui concerne l’équité procédurale, le demandeur prétend que l’agent qui l’a passé en entrevue était tenu de lui faire part de ses préoccupations, avant la tenue de l’entrevue afin de lui permettre de préparer sa réponse, et que l’omission de ce faire équivalait à un déni d’équité procédurale. Le demandeur prétend également qu’il a explicitement demandé qu’on lui donne la possibilité de fournir des renseignements supplémentaires durant l’entrevue, mais qu’on ne lui en a pas donné l’occasion, ce qui, selon lui, violait également ses droits à l’équité procédurale. En ce qui concerne le caractère raisonnable de la décision rendue, le demandeur prétend que les agents ont commis une erreur dans leur substitution d’appréciation en ne tenant pas compte d’éléments de preuve pertinents et en n’effectuant pas l’examen en conformité avec les exigences du Règlement.

 

[4]               Pour les motifs qui suivent, j’ai décidé qu’aucun de ces arguments n’est fondé et que, par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

Les dispositions législatives pertinentes

[5]               Avant d’examiner les arguments du demandeur, il est utile de reproduire les dispositions en vertu desquelles la décision en litige a été prise afin de situer en contexte les arguments du demandeur. Les dispositions pertinentes figurent au paragraphe 12(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], et à l’article 76 du Règlement.

 

[6]               Le paragraphe 12(2) de la LIPR prévoit ce qui suit :

La sélection des étrangers de la catégorie « immigration économique » se fait en fonction de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada.

A foreign national may be selected as a member of the economic class on the basis of their ability to become economically established in Canada.

 

 

[7]               Les parties pertinentes de l’article 76 du Règlement sont ainsi libellées :

Critères de sélection

 

 (1) Les critères ci-après indiquent que le travailleur qualifié peut réussir son établissement économique au Canada à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) :

 

 

 

 

a) le travailleur qualifié accumule le nombre minimum de points visé au paragraphe (2), au titre des facteurs suivants :

 

 

 

(i) les études, aux termes de l’article 78,

 

(ii) la compétence dans les langues officielles du Canada, aux termes de l’article 79,

 

 

(iii) l’expérience, aux termes de l’article 80,

 

(iv) l’âge, aux termes de l’article 81,

 

(v) l’exercice d’un emploi réservé, aux termes de l’article 82,

 

(vi) la capacité d’adaptation, aux termes de l’article 83;

 

b) le travailleur qualifié :

 

(i) soit dispose de fonds transférables — non grevés de dettes ou d’autres obligations financières — d’un montant égal à la moitié du revenu vital minimum qui lui permettrait de subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille,

 

 

 

(ii) soit s’est vu attribuer le nombre de points prévu au paragraphe 82(2) pour un emploi réservé au Canada au sens du paragraphe 82(1).

 

 

                     […]

 

*  

Substitution de l’appréciation de l’agent à la grille

 

(3) Si le nombre de points obtenu par un travailleur qualifié — que celui-ci obtienne ou non le nombre minimum de points visé au paragraphe (2) — n’est pas un indicateur suffisant de l’aptitude de ce travailleur qualifié à réussir son établissement économique au Canada, l’agent peut substituer son appréciation aux critères prévus à l’alinéa (1)a).

 

 

 

 

 

Confirmation

 

(4) Toute décision de l’agent au titre du paragraphe (3) doit être confirmée par un autre agent.

Selection criteria

 

 (1) For the purpose of determining whether a skilled worker, as a member of the federal skilled worker class, will be able to become economically established in Canada, they must be assessed on the basis of the following criteria:

 

(a) the skilled worker must be awarded not less than the minimum number of required points referred to in subsection (2) on the basis of the following factors, namely,

 

(i) education, in accordance with section 78,

 

(ii) proficiency in the official languages of Canada, in accordance with section 79,

 

(iii) experience, in accordance with section 80,

 

(iv) age, in accordance with section 81,

 

(v) arranged employment, in accordance with section 82, and

 

(vi) adaptability, in accordance with section 83; and

 

(b) the skilled worker must

 

(i) have in the form of transferable and available funds, unencumbered by debts or other obligations, an amount equal to half the minimum necessary income applicable in respect of the group of persons consisting of the skilled worker and their family members, or

 

 

(ii) be awarded the number of points referred to in subsection 82(2) for arranged employment in Canada within the meaning of subsection 82(1).

 

                     […]

 

 

Circumstances for officer's substituted evaluation

 

(3) Whether or not the skilled worker has been awarded the minimum number of required points referred to in subsection (2), an officer may substitute for the criteria set out in paragraph (1)(a) their evaluation of the likelihood of the ability of the skilled worker to become economically established in Canada if the number of points awarded is not a sufficient indicator of whether the skilled worker may become economically established in Canada.

 

Concurrence

 

(4) An evaluation made under subsection (3) requires the concurrence of a second officer.

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[8]               La première question qui doit être tranchée est celle qui consiste à savoir quelle norme de contrôle il convient d’appliquer à l’évaluation des erreurs alléguées par le demandeur. En ce qui concerne la première question, il n’y a pas lieu de faire preuve de retenue judiciaire à l’égard de la décision de l’agent quant à la question de savoir si celui-ci a violé les droits du demandeur à l’équité procédurale, car l’affaire doit être tranchée par la cour de révision (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43, [2009] 1 RCS 339 et Satheesan c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2013 CF 346, au paragraphe 35). Par contre, la norme de contrôle de la raisonnabilité s’applique à la question de savoir si les agents ont commis une erreur dans l’évaluation qu’ils ont faite en conformité avec l’article 76 du Règlement (Philbean c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 487, au paragraphe 7 [Philbean], et Uddin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1005, au paragraphe 30 [Uddin]). La norme de la raisonnabilité est une norme qui commande la retenue et qui exige que la cour de révision ne peut pas substituer ses opinions à ceux du décideur administratif si les motifs offerts sont transparents, intelligibles et justifiés et que la décision appartient aux issues possibles acceptables au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, et Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 [Newfoundland Nurses], aux paragraphes 11-13).

 

Y a-t-il eu déni d’équité procédurale?

[9]               En ce qui concerne l’examen de la question de la prétendue violation de l’équité procédurale, l’équité procédurale est fondée sur le principe que les personnes qui participent à un processus d’adjudication devraient avoir la possibilité de présenter équitablement leurs arguments. Pour ce faire, il faut généralement que les parties aient la possibilité de répondre aux questions auxquelles elles n’auraient pas pu raisonnablement s’attendre à ce qu’elles soient soulevées et qui ont une incidence sur les décisions touchant leurs intérêts. La détermination de la manière selon laquelle cette occasion doit être donnée dépend du contexte et variera d’un tribunal à l’autre et d’un cas à l’autre (Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, au paragraphe 21).

 

[10]           Dans le contexte des décisions comme celle dont il est question en l’espèce, la jurisprudence établit qu’un agent des visas n’a pas à faire part à l’avance de préoccupations imprévues (c’est-à-dire celles qui ne découlent pas directement de l’application du Règlement) avant une entrevue tant que celles-ci sont soulevées au cours de l’entrevue et que le demandeur a la possibilité d’y répondre. Lorsque le demandeur demande, avec raison, qu’on lui accorde du temps pour fournir des renseignements ou formuler des observations additionnelles après l’entrevue, on doit lui accorder cette possibilité (Haghighi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 4 CF 407, [2000] ACF no 854, au paragraphe 43 (CA); Khwaja c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 522, au paragraphe 17, et John c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 257, 26 Imm. LR (3d) 221 (1re inst.)). 

 

[11]           Il s’ensuit donc que la première prétention de violation de l’équité procédurale, voulant que l’agent qui a procédé à l’entrevue ait commis une erreur en ne faisant pas part à l’avance de ses préoccupations au demandeur, est sans fondement. La jurisprudence reconnaît que ces préoccupations peuvent être soulevées pour la première fois au cours de l’entrevue elle-même. Par conséquent, il était tout à fait légitime que l’agent fasse part de ses préoccupations, et qu’il ait la possibilité de substituer son appréciation, pour la première fois,  lors de l’entrevue accordée au demandeur.

 

[12]           La deuxième prétention de violation de l’équité procédurale a trait au fait que le demandeur aurait demandé en vain qu’on lui donne la possibilité de présenter des éléments de preuve additionnels après l’entrevue. L’appréciation de cette prétention requiert un examen de la preuve concernant ce qui s’est passé durant et après l’entrevue.

 

[13]           Le demandeur et l’agent qui l’a interrogé ont déposé des affidavits comportant des témoignages différents quant à ce qui s’est passé au cours de l’entrevue. Ni l’un ni l’autre n’a été contre-interrogé.

 

[14]           L’agent déclare que, le demandeur, après avoir été informé de ses préoccupations quant à la difficulté qu’il aurait à devenir autonome sur le plan financier, a fourni une preuve concernant une entrevue d’emploi qu’il avait récemment obtenue, a parlé de sa recherche d’emploi et du fait que de nombreuses sociétés préfèrent embaucher des résidents permanents, et a mentionné qu’il pouvait présenter des preuves quant à d’autres annonces dans lesquelles les employeurs exigeaient que les candidats soient citoyens canadiens ou résidents permanents. L’agent, notamment, ne mentionne pas dans son affidavit que le demandeur a déclaré qu’il désirait déposer des éléments de preuve additionnels sur toute autre question ou que, s’il avait été au courant des préoccupations de l’agent, il aurait déposé des éléments de preuve additionnels concernant d’autres entrevues d’emploi et d’autres échanges avec des recruteurs.

 

[15]           Le demandeur, par contre, fait une telle mention dans son affidavit. Il déclare ce qui suit au paragraphe 15 de son affidavit : [traduction] « J’ai dit à l’agent, au cours de l’entrevue, que si j’avais su qu’il avait des doutes quant aux démarches que je faisais afin de trouver un emploi et que ceux-ci avaient servi de fondement au rejet de ma demande, j’aurais présenté des preuves quant aux nombreux emplois sur lesquels j’ai postulé depuis mon licenciement et des preuves quant aux entrevues que j’ai passées et des démarches que j’ai faites auprès de recruteurs ».

 

[16]           Je n’ai pas à décider laquelle de ces deux versions des événements je préfère parce que, même si j’accepte la version du demandeur, il n’y a pas eu, selon moi, violation de l’équité procédurale dans les circonstances de l’espèce. À cet égard, le demandeur a bel et bien soumis, après l’entrevue, à l’agent qui a procédé à l’entrevue, un élément de preuve que l’agent et son supérieur ont tous les deux examinés avant de décider qu’une substitution d’appréciation serait faite en application du paragraphe 76(3) du Règlement.

 

[17]           Cet élément de preuve additionnel consistait en une lettre, datée du 31 mai 2012, dans laquelle le demandeur formulait des arguments quant à savoir pourquoi une substitution d’appréciation devrait être faite. Toutefois, dans sa lettre, le demandeur ne faisait mention d’aucun élément de preuve additionnel quant à sa recherche d’emploi, quant à des entrevues ou quant à des démarches qu’il aurait effectuées auprès de recruteurs. Même si, comme le prétend le demandeur, les arguments qu’il a formulés peuvent être pertinents en ce qui concerne la substitution d’évaluation, le fait est qu’il a eu la possibilité de soumettre l’élément de preuve en question aux agents et ne l’a pas fait. Il ne peut donc pas prétendre que ses droits à l’équité procédurale ont été bafoués. Il a eu la possibilité de dissiper les doutes concernant la possibilité qu’il devienne économiquement autonome s’il obtenait le statut de résident permanent au Canada.

 

[18]           Par conséquent, le premier motif de contrôle avancé par le demandeur n’a aucun fondement.

 

Les agents ont-ils fait abstraction d'éléments de preuve pertinents?

[19]           Le demandeur prétend, en second lieu, que les agents n’ont pas tenu compte d’éléments de preuve pertinents, à savoir la preuve de l’entrevue d’emploi qu’il était censé passer avec Abbot, l’annonce d’emploi affichée par Honeywell et son profil sur LinkedIn. Il prétend que ces éléments de preuve n’ont pas été pris en compte par les agents, car ils n’étaient pas expressément mentionnés dans la lettre l’informant du rejet de sa demande et qu’ils sont tous pertinents quant à la décision.

 

[20]           Cet argument est dénué de fondement pour deux raisons. Premièrement, l’agent qui a procédé à l’entrevue a fait mention de ces éléments de preuve dans les notes du système de traitement informatisé des dossiers d'immigration [STIDI] (qui font partie des motifs de la décision). Par conséquent, compte tenu des faits, les éléments de preuve en question ont été pris en compte. Deuxièmement, peut-être plus important encore, il est tout simplement inutile qu’un tribunal fasse expressément mention de chaque élément de preuve dans ses motifs. Comme l’a déclaré la juge Abella de la Cour suprême du Canada au paragraphe 16 de l’arrêt Newfoundland Nurses :

Il se peut que les motifs ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire, mais cela ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat au terme de l’analyse du caractère raisonnable de la décision. Le décideur n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit‑il, qui a mené à sa conclusion finale [...] En d’autres termes, les motifs répondent aux critères établis dans Dunsmuir s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables.

 

[21]           Dans le même ordre d’idées, plus récemment, la Cour suprême a conclu ce qui suit au paragraphe 3 de l’arrêt Construction Labour Relations c Driver Iron Inc, 2012 CSC 65 :

La Commission n’était pas tenue de traiter expressément de toutes les interprétations possibles de ces dispositions. Notre Cour a insisté sur le fait qu’un tribunal administratif n’a pas l’obligation d’examiner et de commenter dans ses motifs chaque argument soulevé par les parties. La question que doit trancher le tribunal judiciaire siégeant en révision demeure celle de savoir si la décision attaquée, considérée dans son ensemble, à la lumière du dossier, est raisonnable.

 

[Références omises]

 

(voir également Andrade c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1490). Par conséquent, contrairement à ce que prétend le demandeur, la décision n’est pas jugée déraisonnable parce qu’on a omis d’examiner adéquatement des parties de la preuve.

 

L’agent a-t-il mal exercé le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 76(3) du Règlement?

 

[22]           Enfin, le demandeur prétend que les agents ont fondé l’exercice du pouvoir discrétionnaire qui leur est conféré par le paragraphe 76(3) du Règlement sur une interprétation erronée de l’article 76. Cet article exige que le pouvoir de procéder à une substitution d’appréciation soit fondé sur les facteurs énumérés à l’alinéa 76(1)a) du Règlement. Le demandeur prétend que plutôt que de se concentrer sur les facteurs requis, les agents se sont plutôt attachés, à tort, exclusivement sur le fait que le demandeur n’avait obtenu aucun emploi, ce qui n’est pas exigé par l’article 76 du Règlement. Le demandeur souligne à cet égard qu’il existe une catégorie tout à fait distincte qui permet aux personnes qui ont un emploi réservé au Canada d’obtenir le statut de résident permanent (article 82 du Règlement).

 

[23]           La décision rendue par le juge Mandamin dans Roohi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1408, prévoit que, dans le cadre de l’exercice du pouvoir discrétionnaire que leur confère le paragraphe 76(3) du Règlement, les agents des visas doivent tenir compte des facteurs énumérés à l’alinéa 76(1)a) du Règlement en déterminant si un demandeur a des chances de devenir économiquement autonome. Un critère un peu plus large est énoncé dans Philbean et Uddin, où les juges Tremblay-Lamer et O’Keefe ont souligné que, dans le cadre de l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire, les agents des visas se demandent si, malgré les points accordés en vertu de l’alinéa 76(1)a) du Règlement, le demandeur a des chances de réussir son établissement économique au Canada. 

 

[24]           Peu importe comment le critère est formulé, j’estime que les agents en cause en l’espèce n’ont pas commis l’erreur de prendre en compte des facteurs non pertinents. Contrairement à ce que prétend le demandeur, ce n’est pas le fait que le demandeur n’avait aucun emploi qui préoccupait les agents. Ils étaient plutôt préoccupés par le fait que la longue recherche d’emploi n’avait pas porté fruit. Comme le défendeur le souligne à juste titre, la longue durée de la recherche mène logiquement à la conclusion que le demandeur ne trouvera probablement jamais de travail ou a peu de chance de devenir économiquement autonome.

 

[25]           Une conclusion semblable a été tirée dans Philbean, où une substitution d’appréciation fondée sur le fait que le demandeur n’avait fait aucune recherche d’emploi a été jugée raisonnable. La juge Tremblay-Lamer a écrit ce qui suit aux paragraphes 19 et 20 :

L’agente était non seulement préoccupée quant à la capacité de la demanderesse de trouver un emploi au Canda, mais aussi quant à sa volonté à cet égard. Ces préoccupations n’étaient pas juste fondées sur l’âge de la demanderesse. L’agente a plutôt tenu compte de l’âge de la demanderesse en combinaison avec d’autres circonstances, y compris : que la demanderesse avait effectivement déjà pris sa retraite au R.-U.; qu’elle n’avait pas entrepris de démarches concrètes visant à obtenir la certification ou trouver un futur emploi au pays, en dépit du fait qu’elle avait vécu au Canada pendant deux ans, et que l’époux de la demanderesse s’était fait offrir du travail au Canada, mais qu’un [traduction] « AMT pour son domaine de travail non spécialisé n’[avait] pas été délivré pour un deuxième séjour ».

 

Au bout du compte, le rôle de la Cour n’est pas de substituer son opinion à celle de l’agente d’immigration. Je ne peux conclure que la décision de l’agente d’immigration de substituer une appréciation négative, en vertu du paragraphe 76(3) du Règlement, aux critères prévus manquait de justification, de transparence ou d’intelligibilité, ou qu’elle n’appartenait pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

 

[26]           Selon moi, un raisonnement identique trouve application en l’espèce et, par conséquent, le dernier argument avancé par le demandeur est dénué de fondement.

 

[27]           La présente demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

 

[28]           Aucune question n’a été proposée à la certification au titre de l’article 74 de la LIPR et la présente décision n’en soulève aucune, car elle est liée aux faits de la présente affaire.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  aucune question de portée générale n’est certifiée;

3.                  aucuns dépens ne sont adjugés.

 

« Mary J.L. Gleason »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-8259-12

 

INTITULÉ :                                      GRANT PETER KIMBALL c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :             Le 23 avril 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :           LA JUGE GLEASON

ET JUGEMENT

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 29 avril 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Andres Pelenur

 

POUR LE DEMANDEUR

Ian Hicks

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Borders Law Firm

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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