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Dossier : 20130418

Dossier : IMM‑7116‑12

Référence : 2013 CF 398

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Calgary (Alberta), le 18 avril 2012

En présence de madame la juge Gleason

 

ENTRE :

 

 

 

 

WAEL MASAOUD KHALIFA DAWOUD

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

 MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle un agent principal d’immigration [agent d’ERAR ou agent] du Bureau de réduction de l’arriéré de Citoyenneté et Immigration Canada de Niagara Falls (Ontario) a rejeté le 19 avril 2012 la demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR) du demandeur.

 

[2]               Le demandeur est un citoyen de Libye d’origine amazigh (berbère) qui alléguait craindre d’être persécuté en Libye sous le régime de l’ancien dirigeant du pays, le colonel Mouammar Kadhafi. L’agent d’ERAR a rejeté la demande du demandeur compte tenu du soulèvement qui a eu lieu en Libye en 2011 lors du Printemps arabe et du fait que le colonel Kadhafi a été tué et que son régime n’est plus au pouvoir. L’agent à estimé qu’étant donné [traduction] « la grande visibilité de la Libye et l’intérêt que la situation a suscité dans les médias », il était raisonnable de penser que le demandeur était au courant des changements qui s’étaient produits dans ce pays. Comme le demandeur n’a pas étayé sa crainte des risques auxquels il disait s’exposer sous le nouveau régime, l’agent a rejeté sa demande d’ERAR.

 

[3]               En l’espèce, le demandeur soutient qu’il avait le droit [traduction] « d’être informé de ce que l’agent d’ERAR s’apprêtait à tirer une telle conclusion au vu de la tournure récente des événements » en Libye après la chute du régime Kadhafi, et que le défaut de l’agent de lui faire part des documents sur lesquels ils se fondait contrevenait à l’obligation d’équité procédurale à son endroit.

 

[4]               Une allégation de manquement à l’obligation d’équité procédurale doit être examinée par la Cour; les conclusions de l’agent n’appellent aucune retenue (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 43; Vasanthakumar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 74, au paragraphe 6 [Vasanthakumar]).

 

[5]               Selon moi, pour déterminer s’il y a eu manquement à l’équité procédurale, il faut d’abord et avant tout savoir si le demandeur a été « privé d’une véritable occasion de présenter pleinement et équitablement [ses] arguments concernant le risque » (Al Mansuri c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 22, au paragraphe 52). En alléguant qu’il l’a été, le demandeur se fonde sur l’affirmation suivante de la Cour d’appel fédérale dans Mancia c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 3 CF 461, 147 FTR 307, et selon laquelle :

[…] l’équité exige que l’agent chargé de la révision des revendications refusées divulgue les documents invoqués provenant de sources publiques relativement aux conditions générales en vigueur dans un pays, s’ils sont devenus accessibles et s’il est devenu possible de les consulter après le dépôt des observations du demandeur, à condition qu’ils soient inédits et importants et qu’ils fassent état de changements survenus dans la situation du pays qui risquent d’avoir une incidence sur sa décision.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[6]               Par conséquent, je dois décider si les documents auxquels l’agent s’est fié doivent être considérés comme « inédits et importants et [s’ils font état] de changements survenus dans la situation du pays qui risquent d’avoir une incidence sur sa décision ». Il ne fait aucun doute que la chute du régime Kadhafi a été un événement marquant qui a eu une incidence directe sur la décision de l’agent d’ERAR. La seule question en litige consiste à déterminer si les renseignements à cet égard peuvent être considérés comme « inédits » en avril 2012, époque où la décision a été prononcée.

 

[7]               Il importe ici de brosser un tableau de la situation pour comprendre la prétention du demandeur. Le demandeur a présenté des documents relatifs à sa demande d’ERAR le 13 juin 2011 et a décrit le risque auquel il était exposé comme associé au régime Kadhafi. Il a fait observer que les Libyens d’origine amazigh étaient au premier rang de la révolte contre le régime, et a mis ainsi le soulèvement au cœur de ses observations. Le colonel Kadhafi a été abattu le 20 octobre 2011. La décision a été rendue presque exactement six mois plus tard, le 19 avril 2011. Il ne fait aucun doute que la conclusion de l’agent selon laquelle le demandeur était sûrement au courant de la chute du régime était raisonnable, vu le contexte dans lequel vivait le demandeur, le fait que des membres de sa famille vivaient en Lybie ainsi que la vaste couverture médiatique du renversement du régime.

 

[8]               Dans sa décision, l’agent s’est fié aux documents contestés pour marquer deux points seulement : premièrement, pour souligner la date du renversement du régime, et deuxièmement, pour souligner que les Imazighen avaient été particulièrement ciblés par le régime de Kadhafi. Le second point n’était pas nouveau et avait été soulevé par le demandeur dans ses observations dans le cadre de l’ERAR. De plus, comme nous l’avons mentionné, le demandeur ne peut prétendre qu’il a été pris au dépourvu par le fait que l’agent a pris en considération le renversement du régime puisque la demande d’ERAR était essentiellement fondée sur le risque posé par ce régime.

 

[9]               À mon avis, nous sommes en présence d’un cas comparable à l’affaire Vasanthakumar, où la juge Mactavish a conclu que les décisions qui ont été citées à l’appui de ce qu’il est convenu d’appeler « l’exception Mancia » (précitée) pouvaient être considérées comme distinctes étant donné qu’elles ont été prises à une époque de bouleversements et de changements intenses au Sri Lanka (entre la fin de 2008 et le début de 2009) et que les événements en question n’étaient plus « nouveaux » lorsque la demande d’ERAR (dans l’affaire Vasanthakumar) a été tranchée presque deux années plus tard.

 

[10]           En l’espèce, bien que la période entre le moment où se sont produits les événements et celui où la décision a été prise soit certainement plus courte, l’événement significatif était plus déterminant en ce sens que le dirigeant qui était à l’origine de la crainte présumée du demandeur (le colonel Kadhafi), a été tué six mois avant que la décision n’ait été rendue dans le cadre de l’ERAR. Étant donné qu’il incombait au demandeur d’établir que sa vie aurait été en danger s’il rentrait dans son pays, et compte tenu de la notoriété de la chute du régime Kadhafi et du fait que le demandeur était représenté par un avocat, je ne puis conclure que le demandeur « a été privé d’une véritable occasion de présenter pleinement et équitablement [ses] arguments concernant le risque » en l’instance. Je conclus par conséquent qu’il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale.

 

[11]           Pour les motifs exposés ci‑dessus, la présente demande est rejetée. Aucune question n’a été soumise aux fins de la certification et il n’est pas approprié d’en certifier une étant donné le contexte factuel de ma décision.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE QUE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question n’est certifiée en vertu de l’article 74 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c. 27.

3.                  Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

« Mary J.L. Gleason »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Marie‑Michèle Chidiac, trad. a.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑7116‑12

 

 

INTITULÉ :                                                  WAEL MASAOUD KHALIFA DAWOUD c
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 17 avril 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LA JUGE GLEASON

 

DATE :                                                          Le 18 avril 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ram Sankaran

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Camille Audain

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Stewart Sharma Harsanyi,

Avocat

Calgary (Alb.)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney,

Sous‑procureur général du Canada

Calgary (Alb.)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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