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Date : 20130418

Dossier : IMM-7137-12

Référence : 2013 CF 400

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 18 avril 2013

En présence de monsieur le juge Campbell

 

ENTRE :

 

FENGCUN GUO

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La demanderesse, citoyenne de la Chine, demande l’asile au Canada à titre de chrétienne, parce qu’elle craint subjectivement et objectivement d’être exposée, si elle était renvoyée en Chine, à plus qu’une simple possibilité de persécution au sens de l’article 96 de la LIPR, ou parce qu’il est probable qu’elle soit exposée à un risque au sens de l’article 97. La présente demande porte sur le rejet de sa demande d’asile, rejet qui serait fondé, selon elle, sur des conclusions de fait très contestables au regard de sa crédibilité.

 

[2]               Dans la décision faisant l’objet du contrôle, les éléments de preuve que la demanderesse a présentés pour établir qu’elle est chrétienne sont rejetés sur la base de conclusions tirées quant à deux éléments inextricablement liés : la validité des pièces d’identité de la demanderesse, et la crédibilité des éléments de preuve selon lesquels la demanderesse est une veuve travaillant dans une usine. À mon avis, si une conclusion erronée a été tirée sur un de ces éléments, la décision est entachée d’une erreur susceptible de contrôle. Pour les motifs exposés ci‑dessous, la décision est mal fondée en ce qui concerne le premier élément.

 

[3]               Les pièces d’identité de la demanderesse sont les suivantes : passeport, carte d’identité de résident, hukou, certificat de mariage, certificat de décès de l’époux et carte d’emploi. En ce qui concerne les trois premiers principaux moyens d’identification, la SPR a déterminé que le passeport et la carte d’identité de résident étaient authentiques, mais elle a tiré la conclusion suivante à propos du hukou :

La demandeure d’asile a présenté un hukou à l’appui de la composition de sa famille et de son identité. Le tribunal a constaté qu’un examen judiciaire du hukou n’avait révélé aucun problème apparent. Cependant, à la lumière des réserves émises à l’égard du témoignage de la demandeure d’asile et de la provenance du hukou, le tribunal est d’avis qu’il ne peut accorder de valeur au hukou en tant que document présenté à l’appui de l’identité de la demandeure d’asile. Il estime en outre que, même s’il y a des timbres sur le hukou, ce dernier ne contient aucune caractéristique de sécurité. Le tribunal a constaté que la preuve documentaire démontre que les documents frauduleux, y compris les hukous, peuvent être obtenus partout en Chine. Les autorités chinoises délivrent également des documents authentiques aux personnes qui obtiennent de tels documents de façon frauduleuse. La demandeure d’asile a déclaré que son hukou lui avait été envoyé séparément à la fin d’août. Or, elle n’a présenté aucun élément de preuve à cet égard, par exemple une enveloppe, pour confirmer quand et comment le hukou lui avait été envoyé au Canada. Qui plus est, le tribunal a constaté que la demandeure d’asile avait présenté un certificat de mariage falsifié. Comme il a été mentionné précédemment, la présentation d’un document faux ou comportant des irrégularités peut avoir une incidence sur les autres documents présentés ainsi que sur la crédibilité générale d’un demandeur d’asile. Compte tenu des arguments exposés ci‑dessus, le tribunal conclut qu’il ne peut accorder une grande valeur au hukou présenté à l’appui de l’identité de la demandeure d’asile.

 

(Décision, au paragraphe 12.)

 

[4]               À mon avis, le paragraphe reproduit ci‑dessus contient quatre importantes erreurs susceptibles de contrôle. Premièrement, l’authenticité du hukou, et, en réalité, de toutes les pièces d’identité fait l’objet de soupçons fondés sur une considération extrinsèque, à savoir la possibilité de fraude liée aux documents obtenus en Chine. Rien dans la preuve ne laisse croire que cette possibilité s’applique en l’espèce et, par conséquent, j’estime que des soupçons dominants ont été injustement introduits dans l’audition de la demande d’asile de la demanderesse.

 

[5]               Deuxièmement, la SPR semble introduire des connaissances spécialisées non admissibles sur ce que devrait montrer un authentique hukou.

 

[6]               Troisièmement, après analyse judiciaire du certificat de mariage, l’examinateur n’a pas conclu que le document avait été falsifié; il a conclu qu’en raison d’un [traduction] « mauvais alignement [...] la photographie a peut-être été falsifiée » (dossier du tribunal, p. 511). Cette déclaration d’expert n’établit pas un fait selon la prépondérance des probabilités. Par conséquent, la SPR a commis une erreur en concluant que le certificat de mariage était « frauduleux » (décision, aux paragraphes 17 et 23).

 

[7]               Quatrièmement, à mon avis, la conclusion selon laquelle des pièces d’identité jugées fausses ou irrégulières peuvent miner la crédibilité globale d’un demandeur d’asile commande la prudence. À la lumière des erreurs décrites ci‑dessus, la SPR n’a certainement pas agi avec prudence lorsqu’elle a inéquitablement conclu que la demanderesse n’est pas chrétienne :

Pour les motifs susmentionnés, le tribunal estime que la demandeure d’asile n’était pas recherchée en Chine. En outre, il est d’avis qu’elle n’était pas un témoin crédible étant donné qu’elle a eu recours à des pièces d’identité frauduleuses pour établir le bien‑fondé de sa demande d’asile et qu’elle a présenté un certificat de mariage frauduleux. Par conséquent, le tribunal ne peut accorder de valeur aux allégations de la demandeure d’asile selon lesquelles elle était une chrétienne pratiquante en Chine.

 

[8]               Je conclus donc que la décision de la SPR est déraisonnable.

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la décision faisant l’objet du contrôle soit annulée et que l’affaire soit renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu’une nouvelle décision soit rendue.

 

            Il n’y a pas de question à certifier.

 

« Douglas R. Campbell »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Johanne Brassard, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-7137-12

 

INTITULÉ :                                      FENGCUN GUO C LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 18 avril 2013

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE : LE JUGE CAMPBELL

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 18 avril 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Hart A. Kaminker

 

                              POUR LA DEMANDERESSE

 

Ildikó Erdei

                              POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Hart A. Kaminker

Toronto (Ontario)

 

                              POUR LA DEMANDERESSE

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

                              POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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