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Date : 20130417

Dossier : IMM-4944-12

Référence : 2013 CF 392

[traduction FRANÇAISE certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 17 avril 2013

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

 

ANGELIN SAGAYA SUGIRTHA FERNANDO

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Aperçu

 

[1]               Mme Angelin Sagaya Sugirtha Fernando (la demanderesse) est une citoyenne du Sri Lanka et elle travaille au Canada de façon intermittente depuis 2009. En 2011, elle a demandé l’asile alléguant une crainte de persécution politique au Sri Lanka. Sa demande était fondée sur le fait que depuis 1993, elle a été détenue à trois occasions par les autorités sri lankaises parce qu’elle était soupçonnée être une partisane des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (les TLET). À l’une des occasions, un fonctionnaire a tenté de l’agresser sexuellement.

 

[2]               Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté la demande de Mme Fernando, concluant que son témoignage n’était pas crédible, que sa crainte n’était liée à aucun motif reconnu pour une demande d’asile et qu’elle était exposée à un risque généralisé de préjudice si elle retournait au Sri Lanka.

 

[3]               Mme Fernando allègue que l’appréciation de la crédibilité faite par la Commission était déraisonnable, que la Commission a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que sa crainte d’extorsion n’était pas un motif reconnu pour une demande d’asile, et que la conclusion de la Commission relative au risque généralisé était déraisonnable. Elle me demande d’annuler la décision de la Commission et d’ordonner qu’un autre tribunal réexamine sa demande.

 

[4]               Ne voyant aucune raison d’annuler la décision de la Commission, je dois donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Selon moi, la Commission a exprimé des motifs valables pour lesquels elle doutait de la version des faits donnée par Mme Fernando, la Commission a raisonnablement conclu que la demande de la demanderesse n’était pas liée à un motif reconnu pour une demande d’asile, et la Commission a raisonnablement conclu que la demanderesse était exposée à un risque généralisé, et non pas à un risque personnel, de préjudice au Sri Lanka.

 

[5]               Il y a trois questions en litige :

 

1.           L’appréciation de la crédibilité faite par la Commission était‑elle déraisonnable?

 

            2.         La Commission a‑t‑elle commis une erreur en concluant que la demande de Mme Fernando n’était pas fondée sur un motif reconnu de demande d’asile?

 

            3.         La conclusion de la Commission selon laquelle Mme Fernando était exposée à un risque généralisé était‑elle déraisonnable?

 

II.        Décision de la Commission

[6]               La Commission n’a pas cru que Mme Fernando était soupçonnée être une partisane des TLET. Si cela avait été vrai, les fonctionnaires ne l’auraient pas remise en liberté simplement après paiement d’un pot‑de‑vin. En outre, il n’y avait pas d’éléments de preuve selon lesquels elle avait été traitée différemment d’autres Tamouls aux points de contrôle ou à l’aéroport. Enfin, le fait que Mme Fernando avait visité le Canada en 2009, et qu’elle n’avait demandé l’asile ni à ce moment‑là ni immédiatement après son retour au Canada en 2010, indiquait qu’elle n’avait pas de crainte subjective de persécution au Sri Lanka.

 

[7]               La Commission a aussi relevé que le fait qu’un agent de police avait tenté une fois de toucher Mme Fernando de façon intime relevait d’ [traduction] « opportunisme » et n’était pas révélateur d’une persécution.

 

[8]               La Commission a conclu que Mme Fernando n’avait pas été détenue pour des raisons politiques, mais dans un but d’extorsion de pots‑de‑vin à elle et à sa famille. Il s’agissait simplement d’actes criminels commis par des fonctionnaires corrompus, et non pas de persécution. Par conséquent, la définition de réfugié ne s’applique pas à la demande de Mme Fernando (article 96, Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR] – voir l’annexe pour les dispositions citées). De façon semblable, le risque d’extorsion était généralisé, et non pas personnel à Mme Fernando, en ce sens que toutes les personnes qui ont des moyens sont exposées à un risque d’extorsion ou d’enlèvement au Sri Lanka (sous‑alinéa 97(1)b)(ii) de la LIPR).

 

III.       Première question – L’appréciation de la crédibilité faite par la Commission était‑elle déraisonnable?

 

[9]               L’appréciation de la crédibilité faite par la Commission n’était pas déraisonnable. La Commission a donné plusieurs motifs pour lesquels elle doutait que Mme Fernando était soupçonnée être une partisane des TLET – elle a été remise en liberté après de courtes périodes de détention, elle n’avait pas eu de problèmes importants aux points de contrôle ou à l’aéroport, elle est retournée au Sri Lanka pour des vacances, et elle a tardé à présenter une demande d’asile quand elle est revenue au Canada.

 

[10]           Selon moi, les éléments de preuve fournissent un fondement valable à l’appréciation de la crédibilité faite par la Commission. Par conséquent, la conclusion de la Commission n’était pas déraisonnable.

 

IV.       Deuxième question – La Commission a‑t‑elle commis une erreur en concluant que la demande de Mme Fernando n’était pas fondée sur un motif reconnu de demande d’asile?

 

[11]           Les éléments de preuve présentés établissent clairement que la crainte principale de Mme Fernando était une crainte d’extorsion. Selon son témoignage, elle craignait que les fonctionnaires tentent de lui extorquer de l’argent si elle quittait le Canada pour retourner au Sri Lanka.

 

[12]           Selon moi, la Commission a conclu de façon raisonnable que l’extorsion n’était pas un motif reconnu de demande d’asile. La façon dont Mme Fernando a été traitée n’était pas liée à son origine ethnique ou à ses opinions politiques, mais plutôt à sa capacité de satisfaire aux demandes de fonctionnaires corrompus visant l’obtention de pots-de‑vin. Par conséquent, sa demande ne relevait pas de l’article 96 de la LIPR.

 

V.        Troisième question – La conclusion de la Commission selon laquelle Mme Fernando était exposée à un risque généralisé était‑elle déraisonnable?

 

[13]           Pour des motifs similaires, la Commission a conclu de façon raisonnable que Mme Fernando était exposée à un risque généralisé au Sri Lanka. Il semble qu’elle a été la victime d’une conduite criminelle de la part de fonctionnaires, et non pas qu’elle était prise pour cible en raison de quelque caractéristique personnelle que ce soit. Par conséquent, sa demande était exclue en application du sous‑alinéa 97(1)b)(ii) de la LIPR.

 

VI.       Conclusion

[14]           La Commission avait des motifs valables de douter de la crédibilité de Mme Fernando. De plus, la Commission a raisonnablement conclu que la demande de Mme Fernando n’entrait pas dans le champ d’application de l’article 96, et que cette demande était exclue en application du sous‑alinéa 97(1)b)(ii) de la LIPR. Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune des parties n’a proposé la certification d’une question de portée générale et aucune n’est énoncée.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.         Aucune question de portée générale n’est énoncée.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale

 


Annexe

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001 c 27

 

Définition de « réfugié »

  96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

Personne à protéger

  97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérentes à celles-ci ou occasionnées par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

 

Convention refugee

  96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

Person in need of protection

  97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                              IMM-4944-12

 

INTITULÉ :                                            ANGELIN SAGAYA SUGIRTHA FERNANDO

                                                                  c

                                                                  MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                    Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                   Le 20 février 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                  Le juge O’Reilly

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                           Le 17 avril 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

John O. Grant

POUR LA DEMANDERESSE

 

Alison Engel-Yan

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John O. Grant

Avocat

Mississauga (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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