Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 


Date : 20130417

Dossier : IMM-3402-12

Référence : 2013 CF 384

[traduction FRANÇAISE certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 17 avril 2013

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

 

THIVYAGANTHAN THIYAGARAJAH

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

défendeurs

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Aperçu

 

[1]               M. Thivyaganthan Thiyagarajah (le demandeur) est arrivé au Canada en 2010 en provenance du Sri Lanka, et il a présenté une demande d’asile fondée sur sa crainte de persécution par les agents suivants : les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (les TLET), la Division des enquêtes criminelles (la DEC), l’Armée du Sri Lanka (l’ASL), le Groupe Karouna, et le Parti démocratique populaire de l’Eelam (le PDPE). En particulier, le demandeur allègue que l’ASL l’a arrêté et détenu en raison de ses liens imputés avec les TLET. Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté sa demande au motif que son témoignage était incohérent et invraisemblable.

 

[2]               En 2011, M. Thiyagarajah a déposé une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR). Dans sa demande, il a présenté des éléments de preuve qui selon lui étaient nouveaux – un affidavit, et des lettres de sa sœur, de son oncle, d’un ami, d’un juge de la paix et d’un avocat spécialisé en droit de la personne. L’agent chargé de l’ERAR (l’agent) a conclu que l’affidavit et la lettre de la sœur de M. Thiyagarajah équivalaient à de nouveaux éléments de preuve. L’agent a rejeté les autres documents au motif que M. Thiyagarajah aurait pu les présenter dans sa demande d’asile.

 

[3]               Dans le rejet la demande d’ERAR de M. Thiyagarajah, l’agent a conclu que la lettre de la sœur n’établissait pas que le demandeur était une cible des autorités du Sri Lanka. De plus, la lettre de l’avocat spécialisé en droit de la personne ne corroborait pas la version des faits du demandeur. En outre, la preuve documentaire n’établissait pas que la situation au Sri Lanka s’était détériorée depuis l’échec de la demande d’asile de M. Thiyagarajah. Par conséquent, l’agent a conclu qu’il n’y avait pas plus qu’une simple possibilité que M. Thiyagarajah soit exposé à la persécution ou à un risque élevé de torture, de traitements cruels et inusités ou de mort en cas de retour au Sri Lanka.

 

[4]               M. Thiyagarajah allègue que l’agent a commis trois erreurs. Premièrement, l’agent a tiré des conclusions défavorables quant à la crédibilité sans tenir d’audience orale. Deuxièmement, l’agent a appliqué le mauvais critère juridique. Troisièmement, l’agent n’a pas tenu compte de nouveaux éléments de preuve pertinents, et il a donc rendu une décision déraisonnable.

 

[5]               Je suis d’accord que la décision de l’agent était déraisonnable, et j’accueillerai la présente demande de contrôle judiciaire sur ce seul fondement. Il n’est donc pas nécessaire d’examiner les deux autres questions que M. Thiyagarajah a soulevées.

 

II.        Appréciation de la preuve par l’agent

 

[6]               L’agent a accepté de prendre en compte la lettre de la sœur de M. Thiyagarajah comme une nouvelle preuve. Dans cette lettre, la sœur du demandeur déclarait que le PDPE et la DEC s’étaient rendus chez elle pour lui poser des questions sur les activités de M. Thiyagarajah au Canada, en particulier sur sa participation aux activités de soutien aux TLET. Ils lui ont dit que M. Thiyagarajah aurait des problèmes s’il retournait au Sri Lanka. L’agent a conclu que cet élément de preuve n’établissait pas que M. Thiyagarajah était pris pour cible, vu qu’il n’avait participé à aucune activité de soutien aux TLET au Canada.

 

[7]               Bien qu’il ait rejeté la lettre de l’avocat spécialisé en droit de la personne parce qu’il ne s’agissait pas d’une nouvelle preuve, l’agent s’est néanmoins servi de cette lettre pour jeter le discrédit sur la version des faits présentée par M. Thiyagarajah. Dans cette lettre, l’avocat déclarait que M. Thiyagarajah avait été remis en liberté après l’intervention du chef du village. Toutefois, M. Thiyagarajah avait antérieurement déclaré qu’il avait été remis en liberté après que son oncle eut payé un pot-de-vin, ou que sa mère eut convaincu des fonctionnaires de le libérer.

 

III.       L’agent a-t-il rendu une décision déraisonnable?

 

[8]               Selon moi, la façon dont l’agent a apprécié les éléments de preuve décrits ci‑dessus a entraîné une décision déraisonnable.

 

[9]               Premièrement, parce que M. Thiyagarajah n’avait pas participé à des activités de soutien aux TLET au Canada, l’agent a rejeté l’élément de preuve selon lequel des fonctionnaires du Sri Lanka s’intéressaient à lui. Toutefois, cet élément de preuve établissait en réalité que des fonctionnaires pouvaient avoir perçu M. Thiyagarajah comme un partisan des TLET, peu importe qu’ils aient eu ou non des motifs légitimes de le faire. La persécution fondée sur des opinions politiques imputées est un motif valable pour une demande d’asile. L’agent n’a simplement pas pris en compte cette possibilité.

 

[10]           Deuxièmement, il était déraisonnable que l’agent rejette la preuve contenue dans la lettre de l’avocat et qui étayait la demande de M. Thiyagarajah tandis que, dans le même temps, il se servait des extraits de cette lettre contredisant la version des faits du demandeur pour jeter le discrédit sur la preuve produite par ce dernier. L’avocat a confirmé l’affirmation de M. Thiyagarajah selon laquelle il avait été arrêté par les forces sri lankaises comme suite à l’explosion d’une bombe à côté de sa maison. Vu les circonstances, l’agent était obligé d’expliquer pourquoi la preuve de l’avocat relative à la remise en liberté de M. Thiyagarajah pouvait être acceptée alors que celle dans laquelle il corroborait l’arrestation et la détention de M. Thiyagarajah ne pouvait pas l’être.

 

IV.       Conclusion

 

[11]           Selon moi, la façon dont l’agent a apprécié la preuve a entraîné une décision déraisonnable. Je dois donc accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner qu’un autre agent réexamine la demande d’ERAR de M. Thiyagarajah. Les parties n’ont ni l’une ni l’autre proposé de question de portée générale à certifier et aucune question n’est énoncée.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen.

2.                  Aucune question de portée générale n’est énoncée.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

Dossier :                                              IMM-3402-12

 

INTITUTÉ :                                            THIVYAGANTHAN THIYAGARAJAH

                                                                  c

                                                                  MCI et MSPPC

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                    Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                   Le 23 janvier 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                  Le juge O’Reilly

 

DATE DES MOTIFS                             Le 17 avril 2013

ET DU JUGEMENT :

 

 

COMPARUTIONS :

 

Micheal Crane

 

POUR LE DEMANDEUR

Julie Waldman

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Micheal Crane

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.