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Date : 20130412

Dossier: T-2088-11

Référence : 2013 CF 366

Ottawa (Ontario), le 12 avril 2013

En présence de monsieur le juge Boivin 

 

ENTRE :

 

FRANCO DE CAROLIS

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7, d’une décision du Tribunal de révision (le tribunal) en date du 25 novembre 2011 rejetant l’appel du demandeur concernant une demande de pension partielle de la Sécurité de la vieillesse et de supplément de revenu garanti. Le tribunal a rejeté l’appel de M. De Carolis étant d’avis que ce dernier n’a jamais établi sa résidence au Canada.

 

 

Contexte factuel

[2]               Monsieur Franco De Carolis (le demandeur) est né le 7 septembre 1937 en Italie. Le demandeur est venu au Canada pour la première fois le 29 novembre 1976 avec un visa valide jusqu’au 29 décembre 1976. Il est ensuite retourné à Rome, pour revenir au Canada à deux (2) autres reprises en 1977. Le demandeur est revenu au Canada le 8 mars 1978 avec un visa valide jusqu’en mars 1979 (Dossier du défendeur, Vol 1, pp 75 et 80-81). L’entrée officielle du demandeur au Canada est en date du 17 mai 1979. À ce moment, il a indiqué sur sa fiche d’immigration que son épouse, Mme Olga Mannucci, et leurs trois (3) enfants allaient le suivre au Canada (Dossier du défendeur, pp 62 et 71). Toutefois, l’épouse du demandeur, leurs trois (3) enfants et sept (7) petits-enfants habitent toujours en Italie. Le demandeur a obtenu sa citoyenneté canadienne le 27 mars 1984 (Dossier du demandeur, p 53).

 

[3]               Le demandeur aurait habité avec Mme Michèle Breton de 1986 à 1999 à trois (3) différentes adresses au Québec : 1646, rue Bergerac à Vimont, Laval (1986-1993); 2747, rue Benjamin Sulte à Montréal (1993-1995); et 103 – 2215, boulevard des Laurentides à Laval (1995-1999) (Dossier du demandeur, Affidavit du demandeur, p 29). Le demandeur aurait ensuite habité à Montréal de 1999 à 2003 (Dossier du demandeur, Affidavit de Michèle Breton, p 85), puis avec Mme Jacqueline Diamant de 2003 à 2007, à la ville de Québec.

 

[4]               Le demandeur a utilisé l’adresse 1410 rue Stanley, à Montréal, à plusieurs reprises (Dossier du défendeur, Vol 1, pp 43, 60, 174). Cette adresse correspond à l’adresse de son entreprise, Decatour International Inc, une agence de voyage. Le demandeur est identifié comme étant administrateur, président et actionnaire majoritaire de Decatour.

[5]               En ce qui concerne les intérêts commerciaux du demandeur, il est actionnaire minoritaire de la Società Scambi Internazionali, l’entité juridique qui opère sous le nom commercial de Neo Tours à Rome. L’épouse du demandeur, Mme Mannucci, en serait l’administratrice unique (Dossier du défendeur, Vol 1, pp 35-37 ; Dossier du demandeur, Affidavit du demandeur, p 30). L’épouse du demandeur est aussi gestionnaire de l’hôtel Iris Carillon à Fiuggi, en Italie, dont la Società Costruzioni Italia est propriétaire. Mme Mannucci est nommée à titre de directrice générale de la Società Costruzioni Italia (Dossier du défendeur, Vol 1, pp 101-06).

 

[6]               Le demandeur a fait des contributions obligatoires à l’Instituto Nazionale Providenza Sociale (l’institut national de sécurité sociale) en Italie jusqu’au 1er janvier 1979, et a par la suite continué d’en faire sur une base volontaire en 1996, 1997, 1999 et 2000 (Dossier du demandeur, Affidavit du demandeur, p 30 ; Dossier du défendeur, Vol 1, pp 23-24).

 

[7]               Un passeport canadien fut issu au nom du demandeur en mai 2002 en provenance du bureau de Rome (Dossier du défendeur, Vol 1, p 74).

 

[8]               En mai 2003, le demandeur a fait une demande de prestation de la sécurité de la vieillesse qui a été accordée. Il a reçu des prestations jusqu’en décembre 2008 (Dossier du demandeur, Affidavit du demandeur, p 28 ; Dossier du défendeur, Vol 1, pp 60-63). Sur cette demande, le demandeur a indiqué l’adresse de son commerce à Montréal, Decatour, à titre d’adresse postale, et aucune adresse du domicile (Dossier du défendeur, Vol 1, p 60).

 

[9]               Une enquête sur la résidence du demandeur a été demandée en juin 2007 (Dossier du défendeur, Vol 1, p 85). L’enquêteur a rendu visite aux bureaux de Decatour le 11 décembre 2007, où on lui a dit que le demandeur était en Italie (Dossier du défendeur, p 94). Lors d’un appel à l’enquêteur le 12 décembre 2007, le demandeur, qui téléphonait de l’Italie, a indiqué qu’il n’avait pas l’intention de quitter son épouse, qu’il est propriétaire d’un hôtel en Italie avec quatre (4) autres membres de sa famille, qu’il a une maison en Italie, et affirme ne pas recevoir de pension en Italie. Le demandeur aurait indiqué être propriétaire d’un condo loué à des tiers à Pierrefonds, Québec (Dossier du défendeur, Vol 1, p 95).

 

[10]           Lors d’un appel téléphonique entre Mme Breton et l’enquêteur le 11 janvier 2008, Mme Breton aurait affirmé que le demandeur est un très bon ami, mais qu’il n’a jamais habité avec elle : il était propriétaire et elle était locataire jusqu’à ce que le demandeur lui vende le condo situé sur le boulevard des Laurentides en 2003 (Dossier du défendeur, pp 95 et 114).

 

[11]           Lors d’une entrevue en mai 2008, le demandeur a déclaré ne pas avoir d’autres passeports que son passeport canadien. Il a présenté un permis de conduire du Québec émis en 1995 et expiré depuis août 2001, qui portait une adresse sur la rue Benjamin-Sulte à Montréal – une adresse qui aurait été celle de Mme Breton. Le demandeur a déclaré qu’il habitait présentement sur le Chemin du Parc, à Mandeville, Québec. Il a déclaré n’avoir que des vêtements dans sa résidence canadienne, ne pas posséder de meubles et voyager beaucoup. Il a indiqué ne pas pouvoir recevoir de pension en Italie puisqu’il n’est plus dans les registres italiens. Le demandeur a également indiqué qu’il n’a conservé aucune ancienne facture (Dossier du défendeur, Vol 1, p 109).

 

[12]           Suite à l’entrevue, le demandeur a fourni une liste d’adresses où il aurait habité, sans toutefois indiquer les dates auxquelles il aurait habité à ces endroits : i) rue Berlioz, Île-des-Sœurs, Montréal ; ii) deux (2) adresses différentes au boulevard de l’Île-des-Sœurs, Montréal ; iii) rue Sherbrooke Ouest, Montréal ; iv) rue St-Marc, Montréal ; v) boulevard des Laurentides, Laval ; vi) avenue Mariecourt, Québec ; vii) rue Benjamin [Sulte], Montréal ; viii) actuelle : chemin du Parc, Mandeville (Dossier du défendeur, Vol 1, p 162).

 

[13]           Le Rapport de l’agent d’enquête fut signé le 19 septembre 2008 (Dossier du défendeur,    Vol 1, pp 150-53). Le rapport relate notamment les faits suivants :

-          le demandeur est incapable de fournir les dates pendant lesquelles il a habité aux adresses indiquées, ni produire de preuve documentaire de sa résidence ;

-          l’adresse indiquée sur la demande de pension est l’édifice commercial où est situé Decatour, dans lequel il n’y a pas d’espace résidentiel ;

-          le passeport canadien du demandeur, émis à Rome en 2002, est couvert de nombreuses estampilles de partout dans le monde, mais aucune du Canada ;

-          l’épouse du demandeur est propriétaire de Neo Tours, entreprise située à Rome, et qu’il en est le président ;

-          le demandeur n’a pas de résidence à son nom au Canada, mais que son épouse a une maison en Italie où le demandeur habite lorsqu’il s’y rend ;

-          le demandeur n’a pas établi son lieu de résidence au Canada vu ses liens importants à l’étranger (sa famille et un intérêt commercial) et que le demandeur ne semble pas avoir coupé les liens avec son pays d’origine, et fait uniquement présence au  Canada ; 

-          le demandeur n’utilise aucun service public au Canada et note que le demandeur a fait des contributions à la Régie des Rentes du Québec de 1978 à 1985 inclusivement, puis de 1993 à 1997, et que sa dernière contribution était en 2000 et il a fait des déclarations d’impôt de 1979 à 1987, de 1994 à 2000, et de 2002 à 2007 .

 

[14]           Suite à cette enquête, une lettre du 1er décembre 2008 a été envoyée au demandeur indiquant que l’enquête a révélé que sa résidence principale est en Italie et qu’il avait reçu un trop payé de plus de 44 000 $ (Dossier du défendeur, Vol 1, pp 43-44). Son dossier a ensuite été transféré aux Opérations internationales en décembre 2008. Une lettre du 12 janvier 2009 indique que le demandeur n’a pas droit à une pension de la Sécurité de la vieillesse en vertu de l’Accord sur la sécurité sociale entre le Canada et l’Italie (Dossier du défendeur, Vol 1, pp 45-46).

 

[15]           Le demandeur a demandé un réexamen de cette décision le 30 janvier 2009. Cette demande fut refusée par lettre datée du 22 février 2010 (Dossier du demandeur, pp 33-35). Le demandeur porta cette décision en appel le 19 mai 2010 (Dossier du demandeur, pp 37-41). Le tribunal a rejeté l’appel du demandeur le 25 novembre 2011. Cette décision fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

 

Décision contestée

[16]           L’audience devant le tribunal a eu lieu le 14 septembre 2011. Le demandeur a témoigné, ainsi que trois (3) autres témoins : Mme Michelle Breton, Mme Jacqueline Diamant et M. Paolo Fogagnolo. Le tribunal a rejeté l’appel du demandeur.

 

[17]           Devant le tribunal, le demandeur a maintenu qu’il avait fait preuve de sa résidence au Canada depuis 1976. Il a expliqué qu’il partait du Canada pour des séjours liés au commerce, et pour visiter sa femme et ses enfants qui habitent toujours en Italie. Il a indiqué que l’information au dossier était fausse parce qu’il tentait de cacher une relation au Canada avec Mme Breton alors qu’il était encore marié. Le dossier comportait des adresses de bureaux commerciaux ainsi que les adresses de Mme Breton, qui avait nié habiter avec le demandeur. Mme Breton a témoigné devant le tribunal que le demandeur a habité avec elle de 1986 à 1999. Mme Breton aurait indiqué à l’enquêteur au téléphone que le demandeur n’avait pas cohabité avec elle parce qu’elle ne voulait pas partager ses affaires privées avec des inconnus (Dossier du défendeur, Vol 1, p 54 ; Dossier du demandeur, Affidavit de Michèle Breton, p 86).

 

[18]           Le tribunal a noté que le demandeur ne s’est jamais séparé de sa femme, qu’ils continuaient à opérer l’Hôtel Iris Carillon en Italie, que son médecin était principalement en Italie, et qu’il avait un intérêt dans une agence de voyage, Neo Tours, à Rome, dont il est nommé comme président et gérant.

 

[19]           Le tribunal a noté le témoignage de Mme Diamant qui indique que le demandeur a habité avec elle entre 2003 et 2007 à la ville de Québec, qu’il apportait un sac avec lui et n’avait ni meubles ni biens chez elle. Le tribunal a également noté le témoignage du demandeur lui-même, qui a indiqué que ses commerces étaient au Canada, qu’il y résidait et avait un compte de banque depuis au moins vingt (20) ans.

 

[20]           Le tribunal s’est dit d’avis que compte tenu de la preuve au dossier, le demandeur était arrivé au Canada en 1976, mais n’était pas résident du Canada depuis cette date. Selon le tribunal, le demandeur est présent plutôt que résident au Canada. 

 

Question en litige

[21]           La présente demande de contrôle judiciaire soulève la question à savoir si la décision du tribunal de rejeter l’appel du demandeur, en concluant qu’il n’a pas établi sa résidence au Canada et qu’il doit rembourser le trop perçu, est raisonnable. 

 

Dispositions législatives

[22]           Le paragraphe 3(2) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, LRC 1985, c O-9, prévoit les exigences à rencontrer pour avoir droit à la pension partielle :

PARTIE I

 

PENSIONS

 

Ayants droit

 

[…]

 

Pension partielle

 

3. (2) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi et de ses règlements, une pension partielle est payable aux personnes qui ne peuvent bénéficier de la pleine pension et qui, à la fois :

 

 

a) ont au moins soixante-cinq ans;

 

b) ont, après l’âge de dix-huit ans, résidé en tout au Canada pendant au moins dix ans mais moins de quarante ans avant la date d’agrément de leur demande et, si la période totale de résidence est inférieure à vingt ans, résidaient au Canada le jour précédant la date d’agrément de leur demande.

 

[…]

PART I

 

MONTHLY PENSION

 

Pension Payable

 

 

Payment of partial pension

 

3. (2) Subject to this Act and the regulations, a partial monthly pension may be paid for any month in a payment quarter to every person who is not eligible for a full monthly pension under subsection (1) and

 

(a) has attained sixty-five years of age; and

 

(b) has resided in Canada after attaining eighteen years of age and prior to the day on which that person’s application is approved for an aggregate period of at least ten years but less than forty years and, where that aggregate period is less than twenty years, was resident in Canada on the day preceding the day on which that person’s application is approved.

 

 

[23]           Le paragraphe 21(1) du Règlement sur la sécurité de la vieillesse, CRC, c 1246, définit la notion de résidence par opposition à celle de présence :

Résidence

 

[…]

 

21. (1) Aux fins de la Loi et du présent règlement,

 

a) une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du Canada; et

 

b) une personne est présente au Canada lorsqu’elle se trouve physiquement dans une région du Canada.

 

[…]

Residence

 

 

21. (1) For the purposes of the Act and these Regulations,

 

(a) a person resides in Canada if he makes his home and ordinarily lives in any part of Canada; and

 

(b) a person is present in Canada when he is physically present in any part of Canada.

 

 

[24]           Finalement, l’article 23 du Règlement sur la sécurité de la vieillesse, précité, prévoit que le ministre peut faire enquête avant ou après l’agrément d’une demande :

Autres renseignements et enquêtes avant ou après l’agrément de la demande ou l’octroi de la dispense

 

 

 

23. (1) Le ministre peut, avant ou après l’agrément d’une demande ou après l’octroi d’une dispense, exiger que le demandeur, la personne qui a fait la demande en son nom, le prestataire ou la personne qui touche la pension pour le compte de ce dernier, selon le cas, permette l’accès à des renseignements ou des éléments de preuve additionnels concernant l’admissibilité du demandeur ou du prestataire à une prestation.

 

 

(2) Le ministre peut, en tout temps, faire enquête sur l’admissibilité d’une personne à une prestation, y compris sur la capacité du prestataire pour ce qui est de l’administration de ses propres affaires.

Further Information and Investigation Before or After the Approval of an Application or Before or After the Requirement of an Application Is Waived

 

23. (1) The Minister, at any time before or after approval of an application or after the requirement for an application is waived, may require the applicant, the person who applied on the applicant’s behalf, the beneficiary or the person who receives payment on the applicant’s behalf, as the case may be, to make available or allow to be made available further information or evidence regarding the eligibility of the applicant or the beneficiary for a benefit.

 

(2) The Minister may at any time make an investigation into the eligibility of a person to receive a benefit including the capacity of a beneficiary to manage his own affairs.

 

Norme de contrôle

[25]           La norme de contrôle à appliquer aux questions mixtes de droit et de faits qui ont été évaluées par le tribunal de révision – c’est-à-dire, la détermination de la résidence du demandeur – est celle de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir]; Singer c Canada (Procureur général), 2010 CF 607 au para 18, 370 FTR 121 [Singer]; De Bustamante c Canada (Procureur général), 2008 CF 1111 au para 34, [2008] ACF no 1389 (QL) [De Bustamante]; Canada (Ministre du développement des ressources humaines) c Chhabu, 2005 CF 1277 aux para 23-24, 280 FTR 296 [Chhabu]). La Cour limitera donc son examen « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. » (Dunsmuir, précité, au para 47).

 

Analyse

[26]           A titre préliminaire, le défendeur a indiqué que cette Cour ne devrait pas tenir compte d’une procuration qui est jointe à l’affidavit du demandeur puisqu’il s’agit de nouvelle preuve. Comme cette preuve n’était pas devant le tribunal et qu’il s’agit d’un contrôle judiciaire, elle ne devrait pas être considérée (Swain c Canada (Procureur général), 2003 CAF 434 au para 2, [2003] ACF no 1719 (QL)). En effet, la Cour constate que cette procuration, permettant à l’avocat du demandeur de vendre son condo à Pierrefonds, n’était pas devant le tribunal (Dossier du demandeur, pp 69-72). La Cour ne tiendra pas compte de ce document.

 

[27]           Le demandeur soutient qu’il a fourni les éléments de preuve requis démontrant qu’il est résident canadien et que le tribunal a manifestement erré dans sa décision. Également, selon le demandeur, le fardeau de preuve est renversé et il appartient au défendeur de démontrer qu’il n’est pas résident.

 

[28]           Pour sa part, le défendeur rappelle qu’afin de rencontrer l’exigence de résidence, il faut que la personne ait établi sa demeure et vive ordinairement au Canada (Règlement sur la sécurité de la vieillesse, alinéa 21(1)a)). Le défendeur indique que dans De Bustamante, précité au para 37, la Cour a indiqué que la résidence est une question de faits qui exige un examen de toute la situation de l’individu.

[29]           En ce qui a trait au contenu des témoignages de mesdames Breton et Diamant, le tribunal indique qu’il doute du témoignage du demandeur quant aux endroits où il aurait habité au cours des périodes pendant lesquelles il n’était pas en relation avec Mme Breton. La Cour est d’avis que le tribunal n’écarte pas les témoignages de mesdames Breton et Diamant mais conclut plutôt qu’il n’est pas d’accord que le demandeur était résident du Canada. Comme l’indique le défendeur, la preuve d’une relation n’est pas nécessairement la preuve de résidence, qui doit être distinguée de la présence physique au Canada au sens de la Loi sur la sécurité de la vieillesse et son règlement.

 

[30]           La Cour note l’argument du demandeur selon lequel le tribunal a omis de traiter du témoignage de M. Fogagnolo dans sa décision. Selon l’affidavit de ce dernier, il a témoigné devant le tribunal qu’il connaît le demandeur et a été personnellement au courant que le demandeur a résidé dans la région de Montréal et Laval de 1976 jusqu’en 2003, pour ensuite déménager à la ville de Québec avec Mme Diamant jusqu’en 2007 (Dossier du demandeur, p 90).

 

[31]           Toutefois, il est bien établi par la jurisprudence qu’un tribunal n’est pas tenu de discuter de chaque élément de preuve devant lui (Kombargi c Canada (Ministre de Développement social), 2006 CF 1511 au para 12, 306 FTR 202). Bien qu’il eût été sans doute préférable que le tribunal mentionne le témoignage de M. Fogagnolo, il appert de son affidavit qu’il n’a que réitéré, de façon générale, les témoignages de mesdames Breton et Diamant. La Cour est donc d’avis que compte tenu de l’ensemble de la preuve au dossier, la Cour ne peut conclure que cette omission est fatale (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 aux para 11-17, [2011] 3 RCS 708 [Newfoundland and Labrador Nurses]). De plus, le tribunal est présumé avoir pris en compte et soupesé toute la preuve devant lui à moins de preuve du contraire (Florea c Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (CAF), [1993] ACF no 598 (QL)).

 

[32]           La jurisprudence a établi une liste non-exhaustive de facteurs à considérer pour établir la résidence, notamment dans les décisions Ding, précité, et De Bustamante, précité au paragraphe 38. Les facteurs identifiés sont les biens mobiliers, les liens sociaux et fiscaux au Canada, les liens avec un autre pays, la régularité et la durée du séjour au Canada, ainsi que la fréquence et la durée des absences du Canada, le mode de vie et l’établissement. La Cour ne peut que constater que le demandeur n’a soumis qu’une preuve très parcellaire au tribunal pour démontrer qu’il résidait véritablement au Canada pendant une période de dix (10) ans. Le demandeur n’a fourni aucun bail, aucune facture de services publics, aucun relevé de transactions bancaires, ni preuve quelconque qu’il ait eu une résidence à son nom au Canada. Contrairement à ce que soutient le demandeur, la Cour rappelle que le fardeau de la preuve devant le tribunal incombe au demandeur (Saraffian c Canada (ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences) 2012 CF 1532 au para 20, [2012] ACF no 1620 (QL) [Saraffian]).

 

[33]           La preuve au dossier indique que le demandeur a complété des déclarations d’impôt au Canada, a été propriétaire de biens immobiliers, a mené des activités commerciales, et a fait des contributions à la Régie des rentes du Québec. Toutefois, la preuve fait également état de départs longs et fréquents tel que démontrés par les estampilles de son passeport, de liens familiaux en Italie, de ses intérêts commerciaux en Italie, et de son mode de vie avoué selon lequel il voyage beaucoup et n’a pas de meubles, mais seulement des vêtements, dans sa résidence au Canada (Dossier du défendeur, Vol 1, p 109).

[34]           Il est de jurisprudence constante qu’il appartient au tribunal, et non à cette Cour, de soupeser les éléments de preuve qui lui sont présentés. En présence des éléments de preuve du dossier en l’espèce, la Cour est d’opinion qu’il était loisible au tribunal de conclure que le demandeur n’a pas établi sa résidence au Canada. Il s’agit d’une issue possible au regard des faits et de l’exigence de la Loi sur la sécurité de la vieillesse et de son règlement. En fait, le demandeur demande essentiellement à cette Cour d’apprécier la preuve d’une manière qui lui soit plus favorable, ce que cette Cour ne peut faire dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

 

[35]           Pour tous ces motifs, l’intervention de la Cour n’est pas justifiée.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Sans dépens.

 

 

« Richard Boivin »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-2088-11

 

INTITULÉ :                                      Franco De Carolis

                                                            c Procureur général du Canada

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 26 mars 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :           LE JUGE BOIVIN

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 12 avril 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Denis Maiorino

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Me Vanessa Luna

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Cerundolo & Maiorino

Montréal (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

 

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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