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Date : 20130419

Dossier : IMM‑6978‑12

Référence : 2013 CF 390

[traduction française certifiée, non révisée]

Toronto (Ontario), le 19 avril 2013

En présence de monsieur le juge Campbell

 

ENTRE :

 

LESLIE ANNETTE HOLDER

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

défendeurs

 

 

 

 

 

           MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE MODIFIÉS

 

[1]               La présente demande vise une décision de mai 2012 dans laquelle la demande de résidence permanente de la demanderesse fondée sur des motifs d’ordre humanitaire a été rejetée. La demanderesse fait principalement valoir qu’elle aurait été victime de violence sexuelle et non sexuelle de la part de son oncle et de son frère, respectivement, à Saint‑Vincent. Elle a donc une forte crainte subjective d’y retourner.

 

[2]               En août 2009, concluant que la demanderesse pouvait se réclamer de la protection de l’État, la Section de la protection des réfugiés a rejeté sa demande d’asile fondée en partie sur la violence. En ce qui a trait à la décision faisant l’objet du présent contrôle, l’agent chargé de l’examen de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire a tenu compte de la décision de la SPR concernant la question de la violence. Les paragraphes clés de la décision de la SPR sur cette question sont les suivants :

[2]        La demandeure d’asile affirme que, le cousin de son père, John Warren (Warren), a commencé à l’agresser sexuellement et à la maltraiter quand elle avait dix ans. Elle affirme que, lorsqu’elle est devenue adolescente, elle a compris que ce qu’elle vivait était anormal et elle a commencé à résister à Warren. Elle dit qu’il a alors commencé à la menacer en lui disant que, si elle en parlait à sa mère ou à n’importe qui d’autre, il la tuerait. Elle raconte que, à une occasion, il l’a violée et l’a coupée au vagin avec un couteau. Elle dit que les mauvais traitements, y compris les viols, se sont poursuivis tout au long de sa vie d’adulte, jusqu’à ce qu’elle parte de Saint‑Vincent à l’âge de 41 ans, même si les agressions étaient moins fréquentes alors qu’elle vieillissait.

 

[3]        La demandeure d’asile dit n’être jamais allée voir la police parce que Warren avait menacé de la tuer si elle le faisait. Elle a ajouté que Warren avait des rapports d’amitié avec des membres de la force policière et qu’il les rencontrait régulièrement pour prendre un verre avec eux. Le fait qu’il avait des relations au sein de la police renforçait sa crainte selon laquelle il serait facilement mis en liberté sous caution s’il était arrêté pour l’avoir agressée sexuellement. Elle croit qu’alors il la tuerait.

 

[4]        La demandeure d’asile affirme avoir également été victime de violence de la part de son frère, Paul, chef d’un gang rasta. Elle soutient qu’il amenait à la maison familiale des amis de son gang qui avaient des armes et de la drogue. Elle affirme avoir été témoin d’activités criminelles, mais qu’elle ne pouvait rien y faire. Elle raconte que son frère la frappait, et que, une fois, il lui a lancé du lait chaud au visage.

 

[…]

 

[20]      Dans l’exposé circonstancié de son formulaire de renseignements personnels (FRP) corrigé pour la présente audience, la demandeure d’asile a indiqué que Warren avait l’habitude de fréquenter des policiers et de prendre un verre avec eux. Elle a affirmé qu’elle ne voulait pas non plus s’adresser à la police en raison des liens d’amitié de Warren avec la police. À la question de savoir la raison pour laquelle les liens d’amitié qu’entretient Warren avec la police n’étaient pas mentionnés dans son FRP précédent, la demandeure d’asile a répondu que son ancien avocat ne lui avait pas demandé avec qui Warren était associé. Je n’ajoute pas foi à cette explication. Si l’une des raisons pour lesquelles la demandeure d’asile ne s’est pas adressée à la police était liée au fait que Warren entretenait des liens d’amitié avec les policiers, elle aurait inscrit ce fait dans son FRP initial sans devoir être questionnée par un avocat au sujet des amis de Warren.

 

[21]      Aucun élément de preuve convaincant ne laisse croire que la demandeure d’asile a continué à craindre son frère Paul ou les amis de ce dernier en raison de leurs activités au sein de leur gang rasta. Aucun élément de preuve convaincant ne montre que Paul a continué de maltraiter la demandeure d’asile avant le départ de celle‑ci de Saint‑Vincent.

 

(Dossier du tribunal, aux pages 337 et 338 et aux pages 343 et 344)

 

[3]               Dans sa décision, la SPR n’a tiré aucune conclusion défavorable quant à la crédibilité en ce qui concerne la preuve de la violence qu’a subie la demanderesse. Or, s’il est vrai que le témoignage de la demanderesse concernant la violence a été admis, sa demande d’asile a été rejetée parce que la SPR a conclu qu’elle n’avait pas réfuté la présomption d’existence de la protection de l’État à Saint‑Vincent.

 

[4]               Cependant, comme le passage suivant tiré de la décision faisant l’objet du présent contrôle l’indique, l’agent chargé de l’examen de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire a tiré une conclusion différente en ce qui a trait à la preuve de la violence présentée par la demanderesse :

[traduction]

Compte tenu de la possibilité pour Mme Holder d’obtenir de la protection, je conclus que les raisons qu’elle a invoquées pour ne pas avoir signalé les agressions physiques et sexuelles qui se sont déroulées pendant plus de trois décennies sont déraisonnables. Elle n’a fourni aucune preuve objective pour montrer que son oncle, son frère et des amis de celui‑ci sont les auteurs des agressions. En conséquence, je conclus qu’elle n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve à l’appui des difficultés qu’elle dit avoir subies aux mains de son oncle, de son frère et des amis de ce dernier. Je conclus que ses observations concernant ses craintes selon lesquelles ils la maltraiteront de nouveau s’ils découvrent qu’elle est lesbienne sont de nature conjecturale. Elle n’a fourni aucun élément de preuve étayant la raison pour laquelle, après une absence de plus de huit ans de Saint‑Vincent, ils chercheraient à lui faire du mal.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

(Décision, à la page 6)

 

[5]               Les conclusions citées soulèvent deux points : soit l’agent chargé d’examiner la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire a mal compris la décision de la SPR telle que résumée au paragraphe 3 des présents motifs, soit une conclusion défavorable quant à la crédibilité a été tirée à l’encontre des intérêts de la demanderesse sans qu’une analyse appropriée ne soit fournie. D’une façon ou d’une autre, la conclusion a eu pour effet de supprimer à tort des motifs d’ordre humanitaire la crainte subjective de la demanderesse à l’égard de la violence. À mon avis, le résultat entraîne une erreur grave susceptible de contrôle qui rend déraisonnable la décision de l’agent chargé de l’examen de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.


ordonnance

 

La cour ordonne :

La décision faisant l’objet du présent contrôle est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent chargé de l’examen de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire pour nouvelle décision, avec la directive que la nouvelle décision soit prise en tenant compte des faits tels qu’ils existeront à la date de la nouvelle décision.

 

Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

« Douglas R. Campbell »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 


cour fédérale

 

Avocats inscrits au dossier

 

 

Dossier :                                                    IMM‑6978‑12

 

Intitulé :                                                  LESLIE ANNETTE HOLDER c
le ministre de la citoyenneté et de l’immigration et le ministre de la sécurité publique et de la protection civile

 

 

 

Lieu de l’audience :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 16 avril 2013

 

Motifs de l’ordonnance

et ordonnance modifiés :            le juge CAMPBELL

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 19 avril 2013

 

 

 

Comparutions :

 

Douglas Lehrer

 

Pour la demanderesse

 

Teresa Ramnarine

 

Pour lEs défendeurs

 

 

Avocats inscrits au dossier :

 

Vandervennen Lehrer

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour lEs défendeurs

 

 

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